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Quelles sont les attentes des consommateurs
occidentaux des pratiques de gestion de la relation
client et de la valeur de l’offre des distributeurs ?
Antoine Tannous Chargé d’enseignement à la FGM
1. Introduction
Rares sont les ouvrages de marketing relationnel qui mettent l’accent sur la manière
dont les consommateurs peuvent eux-mêmes percevoir les offres, les actions
conduites par les entreprises (distributeurs) et les marques en matières de gestion de
la relation client. Pourtant, ces perceptions sont déterminantes. Si la prise en compte
de la perception du client est absente de la démarche de marketing relationnel de
l’entreprise, celle-ci prend des risques importants. En effet, elle peut obtenir des
résultats exactement inverses à ceux qu’elle recherche dans l’établissement de cette
relation avec ces clients. Ainsi, nous jugeons utile de répondre à la question
suivante : Quelles sont les attentes des consommateurs occidentaux des pratiques
de gestion de la relation client et de la valeur de l’offre des distributeurs ?
La recherche en question analyse près de soixante quinze articles de recherche et
livres, pour montrer sans ambiguïté, que cette approche comporte des risques,
surtout si elle n’est pas soutenue par une réelle connaissance des attitudes du client
vis-à-vis de la relation « business to customer » et vis-à-vis de la stratégie retenue
par l’entreprise. Ainsi, pour ces raisons nous avons jugé utile et incontournable de
procéder à une recherche théorique sur :
La réaction des consommateurs face aux pratiques de marketing relationnel.
L’exemple de la typologie des consommateurs occidentaux analystes de la
valeur.
Les attentes des consommateurs de la part des offreurs au niveau de la
valeur.
Le système des valeurs des consommateurs occidentaux.
Les attentes des consommateurs occidentaux.
Les conséquences des attentes des consommateurs occidentaux sur l’offre de
la distribution.
La recherche qui suit explique qu’il est important que les consommateurs ne se
trouvent pas face à des pratiques de marketing relationnel qu’ils percevraient comme
des pratiques « cosmétiques », mais plutôt des actions de fond.
2
2. Les attentes des consommateurs dépendent de leurs profils
face aux pratiques du marketing relationnel.
Boulaire
1
débouche sur trois grands types de clients en fonction de leur expérience
de réception d’une carte d’anniversaire d’une ou plusieurs entreprises. En premier
lieu, les clients « relationnels » affichent une attitude positive généralisée à l’égard de
la carte d’anniversaire envoyée par une entreprise pour souligner l’anniversaire de
ses clients. Pour eux, c’est une expérience positive de réception d’une telle carte
qu’ils relatent.
En deuxième lieu, les clients « transactionnels » affichent une attitude négative
généralisée à l’égard de la carte d’anniversaire envoyée par une entreprise. Leur
expérience de réception d’une telle carte va d’insignifiante à négative.
Quant à la troisième catégorie, que Boulaire appelle les clients « relationnels
conditionnels », ils affichent une attitude non généralisée à l’égard de la carte
d’anniversaire envoyée par une entreprise. Leur attitude est dépendante de la nature
de la relation qu’ils entretiennent avec l’entreprise concernée. Ils relatent donc parfois
une expérience positive de ception d’une telle carte et, à d’autres moments, une
expérience négative. Selon l’entreprise qui envoie la carte, le discours des
« relationnels conditionnels » sera proche de celui des clients relationnels ou des
clients transactionnels.
Le comportement des clients « transactionnels » d’une part, et des clients
« relationnels conditionnels » d’autre part, indique qu’un lien de proximi n’est pas
toujours souhaité par le client. Ainsi, avant dopter pour une forme spécifique d’action
marketing comme l’envoi d’une carte d’anniversaire, il est préférable de s’assurer de
ce que le client ciblé apprécie ou non. Force est de constater qu’ils sont loin de tout
apprécier des pratiques qui s’apparentent selon eux à du « hard marketing » alors
qu’ils ne sont prêts à accepter que des méthodes de type « soft marketing ». En fait,
ces clients qui effectuent une nette séparation entre la sphère privée et la sphère
marchande, considèrent généralement que le comportement de l’entreprise qui leur
adresse une carte d’anniversaire est déplacé, voire malhonnête. Les consommateurs
vont parfois même chercher à distinguer l’authentique du faux-semblant. Boulaire va
d’ailleurs encore plus loin en indiquant que:
« Il émerge de leur discours un appel à plus d’honnêteté, de transparence, de
respect et de considération du client par les compagnies. Au-delà du cadre
spécifique de l’envoi d’une carte d’anniversaire, les résultats de notre étude
soulignent l’importance pour les compagnies de se soucier de savoir si elles ne font
pas un usage abusif et contraire à l’éthique de l’information qu’elles détiennent
comme la date d’anniversaire de leurs clients ».
Finalement, on peut en conclure que les consommateurs ne sont pas du tout naïfs à
l’égard des pratiques marketing puisqu’ils les regardent parfois en connaissance de
cause, mais avec suspicion. On peut alors, avec certains auteurs comme Gundlach
1
Boulaire (2003) Marketing relationnel : la carte d’anniversaire revisitée, recherche et applications en
marketing, volume 18, n°1 de la page 43 à la page 63.
3
et Murphy
2
, se demander si les entreprises qui décident de recourir à des approches
marketing de type relationnel ne devraient pas ipso facto adopter des règles de
conduite non seulement irréprochables mais, encore, avoir des pratiques marketing
fortement imprégnées de préoccupations éthiques.
De toute évidence, initier un marketing relationnel en entrant dans l’intimité du client
est très risqué pour l’entreprise puisqu’elle n’est pas du tout certaine d’atteindre ses
objectifs. Si les consommateurs continuent de vivre au quotidien de nombreuses
frustrations dans leurs diverses interactions avec les entreprises, et ceci malgré le
recours par ces dernières au marketing relationnel comme l’indiquent Founier
3
et
Alii
4
, il est alors important que ces mêmes consommateurs ne se trouvent pas face à
des pratiques de marketing relationnel qu’ils percevraient comme des pratiques
« cosmétiques » plutôt que des actions de fond. En effet, leur réaction n’en serait que
d’autant plus négative par rapport à de telles pratiques.
De ces faits, nous déduisons important de vérifier l’hypothèse suivante : Déterminer
ce que les entreprises (par secteur d’activité et par pays) devraient intégrer comme
paramètres de satisfaction attendus par les consommateurs cibles, c'est-à-dire
identifier la typologie de ces consommateurs s’ils sont plutôt, relationnels,
hédonistes, recherchant les bonnes affaires, la rapidité des transactions ou autre…
3. L’exemple de la typologie des consommateurs occidentaux
analystes de la valeur et revendiquant tout pour rien.
Depuis le milieu des années 1960, on relèvera avec Rochefort
5
et Hetzel
6
que le
comportement des consommateurs s’est modifié, diversifié, voire complexifié. Pour
Hetzel, ces modifications dans les comportements des consommateurs occidentaux
seraient d’ailleurs une des principales causes des « problèmes contemporains du
management, notamment en matière de gestion de l’innovation ».
Cherchant de plus en plus à signaler sa singularité (Agamben 1990), le
consommateur occidental semble s’individualiser aux deux sens du terme (Dauzat,
Dubois, Mitterand 1971) : en manifestant des comportements plus particuliers que
collectifs (Fabris 1990)
7
et en se comportant en être indivisible, revendiquant, dans
un total éclectisme, des comportements à la fois raisonnés et affectifs, voire ludiques
2
Gundlach, Murphy (1993) Ethical and legal foundations of relational marketing exchanges, Journal of
marketing, volume 57, octobre, from page 35 to 46.
3
Fournier, Dobscha, Mick (1998) Preventing the premature death of relationship marketing, Harvard
business review, janvier février from page 42 to 51.
4
Alii et Mathwick (1999) Experiential value : Conceptualization, Measurement and Application in the catalog
and Internet shopping environment, Journal of Retailing, from page 39 to 56.
5
Rochefort R, (1995) ‘’La société des consommateurs’’. Editions Odile Jacob, Paris.
6
Hetzel P, (1996) ‘’Les entreprises face aux nouvelles formes de consommation’’. Revue Française de
Gestion. N° 110. FNEGE. page 70 (septembre octobre).
7
Fabris G, (1990) ‘’Consumer Studies : New Perspective’’. Marketing and Research Today. From page 67 to
73. June.
4
(Hetzel 1996, Mermet 1997, Pras 1999)
8
. C’est cette sophistication des critères
d’achat que révèle Filser
9
en signalant que les courants actuels de la recherche en
marketing mettent en évidence l’importance de la transformation du statut de
l’acheteur : le consommateur (consumer) étant de plus en plus traité comme un
« magasineur » (shopper).
La conséquence de ce phénomène semble être le déplacement de l’objet d’analyse
du marketing de la consommation vers l’acte d’achat en magasin, révélant en cela
des comportements de la part des consommateurs d’un opportunisme inédit. Le
consommateur occidental chercherait donc à exprimer sa singularité de plus en plus
vindicative (Agamben 1990), voire anti-institutionnelle (Dubet 2002, Renaut 2004)
10
,
y compris à l’égard des distributeurs (Badot et Cova 2003)
11
en pratiquant une sorte
d’analyse de la valeur de l’offre et en réclamant de la part des offreurs le « tout pour
rien ».
3.1. Les consommateurs pratiquent une sorte d’analyse de la valeur de
l’offre.
Pour Leclerc
12
, « les consommateurs s’aperçoivent que les industriels accélèrent
artificiellement le degré d’obsolescence des appareils électroménagers, des voitures,
des appareils photos et même des vêtements ». Selon lui, les consommateurs
occidentaux ressentent, face à ce phénomène, un sentiment de gaspillage, de fausse
innovation, de « gadgétisation » qui se manifeste par la « contestation d’une politique
industrielle qui secrète des besoins factices et nère des surcoûts écologiques et
collectifs désastreux autant qu’inutiles ». Le consommateur tendrait à revenir « à
l’essentiel », aux valeurs classiques et aux produits basiques en délaissant ceux
« dont les valeurs marchandes excèdent les valeurs d’usage, ceux dont les
arguments publicitaires, les emballages cautionnent des prix élevés sans réelle
valeur ajoutée (Leclerc 1994)
13
». D’autant que, comme l’énonce Loisel
14
, « le choc
de la désinflation n’est évidement pas pour rien dans cette transformation du
consommateur depuis quinze ans. Pas seulement parce qu’elle rogne ses revenus et
les rend plus incertains mais aussi, parce qu’elle lui ouvre les yeux. Quand tous les
prix montaient, il était difficile de distinguer ceux qui grimpaient plus vite que les
autres. Désormais, avec des étiquettes qui changent moins rapidement, et qui parfois
même affichent des baisses, l’acheteur remarque davantage les variations ».
8
Pras B, (1999) ‘’Introduction’’, in Pras, B, ‘’Faire de la recherche en marketing ?’’, Coll. FNEGE, Vuibert,
Paris. De la page 1 à la page 12.
9
Filser M, (2000) ‘’Les théories du canal de distribution : le dualisme des paradigmes’’. In Fabbe-Costes N,
Colin J et Paché G. Faire de la recherche en logistique et distribution ?. Collection FNEGE, Vuibert, Paris. De la
page 55 à la page 89.
10
Dubet F, (2002) ‘’Le déclin des institutions’’. Collection l’épreuve des faits, Paris. Editions du seuil.
Renaut A, (2004) ‘’La fin de l’autorité’’. Edition Flammarion, Paris.
11
Badot O et Cova B, (2003) ‘’Néo-marketing, 10 ans après : pour une théorie critique de la consommation et
du marketing réenchantés’’. Revue Française du Marketing. De la page 79 à la page 94. Novembre.
12
Leclerc ME, (1994) ‘’La fronde des caddies’’. Editions Plon, Paris. de la page 25 à la page 26.
13
Leclerc ME, (1994) ‘’La fronde des caddies’’. Editions Plon, Paris. page 26.
14
Loisel, (1993) ‘’Le délit d’inflation’’. Collection Optiques Economie, Hatier, Paris. page 59.
5
Le consommateur de demain, en s’aidant de toutes les sources d’information
possibles dont Internet, mais pas seulement (Badot et Navarre 2002)
15
, mènerait
donc de véritables « analyses de la valeur » de ses besoins et des produits offerts
sur le marché par analogie à l’analyse de la valeur pratiquée par les entreprises au
sens de Delafollie
16
, en tant que « méthode de conception de produit qui permet
d’élaborer ou de rechercher un produit ou un service conforme à ce que le client en
attend (qualité optimale) tout en réduisant au strict nécessaire les ressources
employées (coût minimal) ».
Certains analystes vont même jusqu’à placer le problème de la détermination de la
valeur des biens au centre de l’histoire de la pensée économique, en signalant que
« La notion de la valeur apparaît de façon récurrente dans les discours économiques
et gestionnaires, sans exclure ceux des philosophes et des sociologues, pour ce qui
est de l’individu et de ses valeurs (Brechet et Desreumaux, 1998)
17
».
3.2. Les attentes des consommateurs de la part des offreurs au niveau de
la valeur.
Le consommateur libéré « qui a pris conscience de son pouvoir sur les marques
aussi bien que sur les enseignes » comme le signale Mermet : « faire valoir ses
appréciations et ses critères de valeur au travers de son comportement d’achat ».
Comme le résumaient Léotard et Scemana
18
, « Ils veulent tout, Elisabeth et Alain :
payer leur jus d’orange 3,85 F et se faire livrer gratuitement, partir pour les Antilles au
prix d’un week-end en Normandie, s’habiller chez Tati mais avoir l’air de sortir d’un
défilé de Christian Dior ». Ainsi, dans la lignée de la typologie de la valeur de
Holbrook
19
, peut-on constater la revendication du consommateur de « tout pour
rien
20
», c'est-à-dire :
Des prix de plus en plus bas, au demeurant accompagnés de nombreuses
compensations (« produits-girafes » avec X % de produit offert, petits cadeaux
pour les enfants, coupons, etc.) et de plus en plus de services additionnels, si
possible gratuits (allant du remplissage du coffre de la voiture à la garde des
15
Badot O et Navarre C, (2002) ‘’L’achat de véhicules automobiles sur Internet : un exemple d’articulation
multi-canaux expérientielle’’. 7ème Journée de recherche en marketing de Bourgogne, organisée par le CREGO et
l’IAE de Dijon, Dijon (13 novembre).
16
Delafollie, (1991) ‘’Analyse de la valeur’’. Collection Hachette Technique. Hachette, Paris. page 5.
17
Brechet JP et Desreumaux A, (1998) ‘’Quand les disciplines du management d’interrogent sur la valeur’’.
Le monde des initiatives du 29 avril.
18
Léotard et Scemana, (1996) ‘’Vivre mieux en dépensant moins’’. L’espress du 11 avril. page 64.
19
Holbrook MB, (1999) ‘’Introduction to consumer value’’. A framework for analysis and research.
Collection Routledge Interpretative Marketing Research, Routledge, London and NewYork. From page 1 to
page 28.
20
Badot O, (1996) ‘’ L’avenir du petit commerce français face à un consommateur à la recherche
obsessionnelle de la qualité, de la diversité, du prix bas et du lien social ?’’. Direction et Gestion. N°158. De la
page 25 à la page 30.
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