Editorial
Quelques mois après la remise au
travail de l’EPP Contention, voici un numé-
ro dont le thème a été proposé par l’EPP
Bientraitance. Il devrait permettre de relan-
cer la réflexion sur la contention, sa gestion,
sa légitimité, ses risques et son bon sens.
La mise en application d’une
contention bouscule trois domaines
d’investigation et de questionnement dans
le cadre de la prise en soins. L’éthique,
dans un premier temps, qui doit s’interro-
ger sur la liberté d’aller et venir, puis la
bientraitance, cela se comprend aisément,
et enfin la multidisciplinarité, que la con-
tention doit interpeler à chaque fois
qu’elle s’avère nécessaire.
Tous ces questionnements sont
apparus ces dernières décennies. Avec
l’évolution de notre société, l’augmenta-
tion de l’âge moyen des français, la recru-
descence de l’incidence de la maladie
d’Alzheimer et démences assimilées, nous
nous confrontons à de nombreux para-
doxes, dont le principal qui nous concerne
dans ce numéro : comment concilier bien-
traitance, respect de la liberté, troubles du
comportement et mise en danger de soi ?
L’affrontement de ces deux pro-
blématiques, souvent antagonistes, est
permanent, quotidien dans les services
d’hébergement et de soins. Le fossé per-
siste entre la loi, la charte de la personne
hospitalisée par exemple et la nécessité
impérieuse de contenir l’agressivité ou la
prise de risque. C’est bien face à cet obs-
tacle de contradiction que se trouve le
soignant en permanence. Doit-on laisser
chuter Mme X. ou l’attacher à son fau-
teuil ? Doit-on risquer que M. Z. frappe
un résident ou vaut-il mieux le contenir
dans sa chambre ? Doit-on laisser Mme
Y. s’épuiser en déambulations nocturnes
ou lui permettre de dormir un peu en le-
vant les barrières du lit ?
Toutes ces questions trouvent
régulièrement leur réponse dans la con-
tention. Mais il semble que ce soit plus
par peur, par désarroi ou par habitude que
nous allions systématiquement chercher la
solution du côté de la contention. En effet,
non seulement la littérature nous apprend
que le risque de chute est plus important
chez les personnes contenues, mais en-
core de nombreuses expériences de terrain
démontrent que l’on peut se passer de la
contention sur un établissement entier,
dès lors qu’on adopte une politique certes
osée, mais qui porte finalement ses fruits
si tous les agents participent à leur niveau
à cette modification de la prise en soins.
L’Humanitude que nous connais-
sons bien sur cet établissement est une
partie de la réponse. Mais il y a bien
d’autres possibilités à étudier et à adopter.
Ce numéro des dossiers du psychologue
va tenter de vous faire réfléchir à cette
ouverture. Bonne lecture !
Richard Salicrú
La contention.
Tout savoir sur la contention
2
Vrai ou faux ? A vous de jouer !
Petite histoire de la contention en psychiatrie
3
La contention atteint-elle ses objectifs ?
4
Les dangers de la contention
4
La privation de liberté
5
La contrainte et les systèmes de défenses
5
Recommandations en cas de troubles du com-
portement (extrait d’un document HAS)
Solution du vrai ou faux.
6-7
Brèves du psychologue
8
Dans ce numéro :
Les dossiers du
psychologue
R É F L É C H I R , C O M P R E N D R E , A N A L Y S E R E T P R A T I Q U E R
N°10
Mai 2013
Page 2
Tout savoir sur la contention
LES D OS S I ERS DU P S Y C H O LOGU E
Définition de la contention :
« La contention physique dite passive est
l’utilisation de tous moyens, méthodes,
matériels ou vêtements qui empêchent ou
limitent les capacités de mobilisation
volontaire de tout ou une partie du corps,
dans le seul but d’obtenir de la sécurité
pour une personne qui présente un com-
portement estimé dangereux ou mal
adapté. » (définition HAS)
1/ Les différents types de contention.
Il existe trois types de contention :
chimique (psychotropes)
contraintes physiques
matériaux et attaches : sangles, gilets,
harnais, ceintures, draps, grenouil-
lères, sécuridraps, moufles, etc…
2/ Les raisons invoquées par les soi-
gnants pour la pose de contention.
La sécurité de la personne soignée
Les situations de crise, le risque de vio-
lence ou d’auto-mutilation, la désorienta-
tion des personnes, les chutes à répétition
sont un premier lot de raisons invoquées.
Mais il y a aussi des raisons médicales
pour pratiquer un examen quand la per-
sonne est agitée ou alcoolisée par
exemple.
Autre raison souvent invoquée : le défaut
de moyens de surveillance du personnel
soignant.
La sécurité de l’entourage
La sécurité de l’entourage est en jeu lors-
qu’il y a un risque infectieux bien sûr
mais aussi lorsque il y a des risques
d’agressions verbales ou physiques des
autres patients ou des proches.
La protection de l’environnement
Car les matériels et les locaux peuvent
être aussi dégradés par les actes violents
des personnes ayant des troubles du
comportement.
La sécurité du personnel et de l’institu-
tion
Dans le pire des cas l’attache peut être
employée comme mesure disciplinaire.
Elle peut aussi être employée pour pré-
server la sécurité judiciaire pour éviter
les plaintes des familles (plainte pour
maltraitance). Enfin elle peut répondre à
une demande de la famille.
3/ Répercussions sur la personne soi-
gnée
Les conséquences somatiques
La contention réduit rapidement l’auto-
nomie ainsi que la liberté de mouvement.
Il y a des risques importants de troubles
trophiques (escarres), des complications
locomotrices (contractures douloureuses,
rétractions…), des conséquences vascu-
laires (plaies, ischémie, œdèmes par
compression du point d’attache). On peut
aussi provoquer des fausses routes avec
leur complications pulmonaires, des
compressions nerveuses, des troubles du
sommeil, de l’anorexie ou de la constipa-
tion, enfin un épuisement.
Les conséquences traumatiques
Les risques de chutes sont majorés par la
contention, beaucoup d’études le mon-
trent. Mais le risque le plus grave est le
risque de strangulation par la contention.
Evidemment il y a aussi le risque
d’asphyxie en cas d’incendie.
Les conséquences psychologiques
La contention augmente les délires, la
confusion et la dépression. Elle provoque
de l’isolement et une détérioration plus
rapide des capacités de raisonnement.
Enfin, on observera une perte des repères
dans l’espace et dans le temps qui s’ins-
talle plus rapidement. L’agressivité se
trouve décuplée. La contention engendre
un sentiment de haine, de culpabilité et
d’humiliation. Enfin elle favorise la dé-
pendance psychologique envers le soi-
gnant avec l’installation progressive
d’une relation d’esclave à maître.
La contention chimique
La contention par des médicaments sou-
vent moins visibles et moins culpabili-
sante pour les soignants n’en a pas moins
des effets secondaires dont il faut tenir
compte (hypotension, délires, dépres-
sion, etc…)
4/ Répercussions sur l’entourage
Vécu positif
La contention rassure les familles et les
proches, elle donne l’impression que les
risques sont moindres, surtout les risques
de chutes. Enfin, elle apaise une certaine
culpabilité. Mais cela reste tout à fait
illusoire...
Vécu négatif
La contention peut aussi provoquer de la
peur pour la famille, un sentiment de
rejet et de mise à distance. Elle fragilise
les liens existants par une perte de con-
fiance vis-à-vis des soignants.
5/ Répercussions chez les soignants
La contention provoque de nombreux
conflits internes chez les soignants : in-
satisfaction, culpabilité, honte, diminu-
tion de l’estime de soi, etc.
Nous pouvons aussi observer une perte
du sens du soin et une modification de la
surveillance. La contention physique
renvoie au soignant une image de
« malade dangereux », la contention chi-
mique de « légume ». Elle donne aussi le
sentiment d’une fausse sécurité qui dimi-
nue la vigilance des soignants.
Enfin la contention peut provoquer des
conflits d’équipe s’il n’y a pas de discus-
sion entre les soignants et qu’un consen-
sus n’est pas établi.
6/ Bénéfices des moyens de contention
Il existe bien sûr quelques bénéfices pour
tout type de contention. Quelquefois, la
contention permet d’assurer simplement
les soins. La contention posturale aussi
permet la rééducation. Enfin, la protec-
tion des autres personnes justifie aussi
souvent la pose d’une contention.
7/ Les différentes études
Les études scientifiques menées autour
de la question de la contention ne dé-
montrent pas d’intérêt pour la conten-
tion. Ne pas mettre de contention ne fait
pas augmenter le risque de chute, car dès
que l’on enlève la contention, le risque
de chute est encore plus important. Il n’y
a pas de gain de temps pour les soignants
car non seulement une personne attachée
réclame plus l’attention de ses soignants,
mais encore elle relève d’une surveil-
lance plus active pour éviter les risques
liés à la contention elle-même. L’immo-
bilisation va entrainer à terme des soins
beaucoup plus lourds.
« La décision de contention se fonde plus
sur une impression de la présence d'un
risque que sur une évaluation précise de
ce risque. Cette perception est certaine-
ment confortée par le sentiment que l’ab-
sence de contention ferait courir un
risque médico-légal au soignant. Prouver
et convaincre que la réduction des con-
tentions ne s’accompagne pas d’une ma-
joration des chutes et des blessures est
donc fondamental pour changer les re-
présentations et les pratiques dans ce
domaine
»
8/ Le point de vue judiciaire
Toute famille peut porter plainte pour
dénoncer les conséquences délétères
d’une contention (chute, strangulation,
etc.). Il n’existe pas vraiment de cadre
légalisant la contention ou en marquant
les limites. S’il peut arriver que les soi-
gnants soient mis en cause, le juge repère
en général les conditions nérales de
sécurité, et le caractère prévisible ou non
de l’accident. Il est nécessaire alors
d’établir un rapport circonstancié de l’ac-
cident.
N°1 0 Page 3
Au Moyen-âge, le malade mental était le plus souvent
« soigné » à domicile, il était en général nécessaire d'attacher «
les fous furieux ». Ce recours semblait alors traduire l’atten-
tion des proches qui veillaient à protéger le fou de lui-même
tout en préservant la sécurité de chacun. Les
moyens de contention ne permettaient pas d'isoler
mais de maintenir le fou dans sa famille ou dans la
communauté. Plus tard, il s'agira d'enfermer les
errants, les déviants de toutes sortes, dont les fous.
Isolement et contention seront alors utilisés non
plus pour maintenir à domicile mais pour assigner
une place, pour emprisonner, pour exclure.
Au siècle des Lumières, un peu partout en Europe,
les fous sont enfermés, parfois nus, dans d'étroits
cachots, et nourris par des guichets au moyen de
récipients de cuivre attachés à des chaînes. On
utilise des camisoles de force et des chaînes fixées
au mur et au lit pour immobiliser les malades en
se fondant sur la théorie que plus la contention est doulou-
reuse, meilleurs sont les résultats obtenus. Le fou devient en-
suite un malade qu'il faut traiter par l'art de l'aliéniste. Si Pinel
libère les aliénés de leurs chaînes, il n'en supprime pas pour
cela l'isolement et la contention. Pinel, et surtout Esquirol,
vont, au contraire, faire de l'isolement un des concepts cen-
traux du traitement moral. La loi du 30 juin 1838 va institu-
tionnaliser l'isolement en créant l'asile.
En l’absence de traitement sédatif l'usage tradi-
tionnel de la contrainte physique, afin de main-
tenir l'ordre dans les hospices et des asiles,
constitue le modèle du travail de « surveillant »
en psychiatrie. Ce modèle sera renforcé par la
double mission de la psychiatrie française
(qui
associe soin et maintien de l'ordre social). Ni la
découverte des neuroleptiques, ni l'utilisation
des psychothérapies, ni la place du secteur psy-
chiatrique (qui renvoie à une philosophie de
soin rigoureusement inverse) ne permettront
d'abolir la contention et l'isolement à tel point
qu'il apparaît aujourd'hui impossible de se pas-
ser de ces techniques dans les situations de
grande violence.
(Extrait d’un document émanant de l’Institut de Formation des
Aides-Soignants (IFAS) Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière)
Petite histoire de la contention en psychiatrie
1/ On est obligé d’employer ces moyens de contention parce qu’on manque de personnel. Vrai
Faux
2/ Les chutes font partie des risques liés à la contention. Vrai
Faux
3/ En institution pour personnes âgées, 1 décès sur 1000 est dû à une contention. Vrai
Faux
4/ L’emploi de dispositifs de contention met les soignants et l’hôpital à l’abri des poursuites judiciaires. Vrai
Faux
5/ Les moyens de contention assurent la sécurité des résidents. Vrai
Faux
6/ En USLD le nombre de chutes graves augmente chez les patients attachés. Vrai
Faux
7/ Il n’existe rien pour remplacer les moyens de contention. Vrai
Faux
8/ Le mot contention vient du latin contentio = lutte. Vrai
Faux
9/ La contention n’est employée qu’en dernier ressort. Vrai
Faux
10/ Toute contention doit être évaluée toutes les 24h. Vrai
Faux
Vrai ou faux ? A vous de jouer ! (Réponses en page 7)
La littérature nous apprend que
c’est vraisemblablement la peur
des chutes qui est le premier
motif de la mise en place d’une
contention physique. Il s’agit
bien d’une pratique habituelle
dès lors que les soignants imagi-
nent que la réduction de la con-
tention pourrait mettre en danger
les résidents.
Or, TINETTI (1992) conteste l’ef-
ficacité de la contention en
terme de chutes et de blessures
consécutives. Dans une étude
prospective, sur un an, compor-
tant 397 sujets âgés en maison
de retraite, TINETTI a montré
qu’à âge égal et déficit égal, les
chutes étaient plus fréquentes
chez les sujets soumis à conten-
tion (17% versus 5%) et que les
chutes aux conséquences
graves ne sont pas plus fré-
quentes en l’absence de conten-
tion.
Un autre auteur, CAPUZUTI
(1996) indique que les conten-
tions, non seulement ne dimi-
nuent pas le risque de chutes
graves mais l’augmentent et sur-
tout chez les personnes con-
fuses.
Enfin, d’après une observation
de SCHLEENBAKER, on note
25% de chutes chez des pa-
tients ayant été contenus et seu-
lement 10.1% en l’absence de
contention.
Les troubles comportementaux
tels que l’agitation et la déambu-
lation correspondent aux autres
causes de contention les plus
souvent citées.
La revue de la littérature montre
que les deux facteurs prédictifs
de la mise sous contention phy-
sique sont : une altération cogni-
tive sévère et le risque de
chutes.
Page 4
La contention atteint-elle ses objectifs ?
LES D OS S I ERS DU P S Y C H O LOGU E
Les dangers de la contention
Augmentation du risque de chute
Le premier danger de la contention est de croire
que le fait d’attacher une personne va réduire le
risque de chute et libérer l’agent de la nécessité de
surveiller la personne attachée. Dans
la réalité c’est souvent le contraire qui
se passe. En effet, en particulier lors-
que la personne que l’on veut atta-
cher est agitée, non seulement on ne
diminue pas le risque de chute mais
au contraire, bien souvent, on l’ag-
grave.
De fait, tout simplement, si on attache
une personne et qu’elle s’agite, elle
peut tout de même tomber et, au
risque de sa chute, va se rajouter ce-
lui de la chute de l’objet auquel elle
est attachée. La chute de cet objet va
soit empêcher la personne de se pro-
téger dans sa chute, soit l’objet au-
quel elle est attachée peut tomber sur
elle, un fauteuil par exemple, aggra-
vant les conséquences de la chute
dans les deux cas. Ainsi, le fait d’atta-
cher ne dédouane pas de l’obligation
de surveiller la personne. En termes
d’éthique et de responsabilité, il ac-
croît même cette nécessité de surveillance ainsi
que la responsabilité de la personne qui en prend
l’initiative sans prescription médicale ou protocole
de service précis.
De la même manière, le fait de mettre des bar-
rières au lit d’un patient dément qui se relève fré-
quemment n’annule pas le risque de chute. Toute
personne travaillant en gériatrie a pu le constater
dans sa propre expérience.
Quand un dément veut vraiment se
lever, il cherchera soit à passer au
dessus des barrières, soit au bout du
lit, soit à se glisser entre les barrières.
Dans ces 3 cas, le danger est plus
important :
Dans le premier cas, si la personne
chute elle tombera de plus haut
(hauteur du lit + hauteur de la bar-
rière)
Dans les 2 autres cas, elle peut se
coincer un bras, une jambe, la tête et
le cou avec possibilité de fractures,
compressions, nécroses parfois irré-
versibles conduisant à des amputa-
tions, étouffement conduisant au dé-
cès. Ainsi, même la pose de barrières
doit toujours faire l’objet d’une ré-
flexion et n’est pas toujours néces-
saire, selon les résidants ou les pa-
tients. Il faut savoir expliquer aux fa-
milles que les risques encourus en cas de conten-
tion sont plus délétères que les risques propres liés
à la chute. Rappelons que les risques de chutes
sont trois fois plus fréquents sous contention.
N°1 0 Page 5
La privation de liberté
Un danger psychologique moins directement identifiable est le sentiment de privation de liberté et de
punition que fait naître la contention. La contention est vécue comme une contrainte et une injustice par
la personne contenue. Au lieu de la calmer, la contention va aggraver ses troubles du comportement,
son état d’anxiété et donc son agressivité même si l’intention initiale du soignant était qu’elle se calme.
Une dame démente me disait un jour, alors qu’elle avait des barrières avec protection de barrières,
pleines et blanches : « j’ai l’impression d’être déjà dans mon cercueil ».
A elle seule une telle réflexion doit nous faire réfléchir sur le bien fondé de la contention en institution ou
à l’hôpital. Si on attache et enferme systématiquement, on s’aperçoit qu’on est bien loin d’une dé-
marche gériatrique de projet de vie au travers du projet de soin… (d’après un témoignage anonyme sur
internet)
La contrainte et les systèmes de défenses
Ce qu’il est important de
savoir, c’est que du point de vue
psychologique, nous construisons
tout au long de notre vie des sys-
tèmes de défenses. Ces méca-
nismes nous permettent de nous
défendre contre toutes les agres-
sions externes, d’une part mais aus-
si contre les agressions internes,
celles qui viennent de notre incons-
cient et nous mènent, par exemple,
à l’autodestruction.
Nos pulsions sont nom-
breuses, elles sont sexuelles ou
agressives. Elles sont naturelles.
L’enfant, tout au long de l’éducation,
développe contre ces pulsions des
défenses en intégrant petit à petit
les interdits que prononcent ses
éducateurs. L’enfant, en grandis-
sant, arrive de mieux en mieux à
gérer ses pulsions agressives, à les
exprimer par d’autres biais que la
violence. Il apprendra par exemple à
ne plus donner un coup de poing sur
la cuisse de sa mère, mais plutôt à
lui parler, d’abord de façon autori-
taire puis après réprimande de fa-
çon plus respectueuse. Son intérêt
à être « gentil » et les bénéfices
qu’il en tirera, s’il le comprend,
vont lui permettre de construire
progressivement une capacité à
se contenir.
Nous nous contenons donc
à l’âge adulte. Evidemment en cas
d’urgence ou de grande peur, nous
sommes quelquefois bordés par
notre agressivité. Mais en général
nous nous contenons. Et puis il y a
de grandes différences entre les
individus. Certains se contiennent
mieux que d’autres. Certains ne se
contiennent pas vraiment bien, le
pire étant le psychopathe ou le per-
vers. Certains se contiennent beau-
coup trop, cela mène aux obses-
sions, TOC et autres troubles névro-
tiques.
Mais qu’advient-il lorsque
nous vieillissons, lorsque notre cer-
veau n’est plus capable des mêmes
prouesses parce qu’il fatigue ?
Qu’arrive-t-il enfin lorsque nous
sommes en proie à une telle détério-
ration psychique que plus rien ne
peut fonctionner comme avant ?
La réponse est très simple :
nous ne parvenons plus à nous con-
tenir. Et paradoxalement, nous ob-
servons que ceux qui se sont sou-
vent beaucoup trop contenus toute
leur vie durant, ne tiennent plus la
pression pulsionnelle en entrant
dans la confusion de la démence.
Exhibitions, agressivité, paroles tri-
viales, gestes infantiles ou sans li-
mite, actes insensés sont quotidiens
chez les personnes souffrant de dé-
mence. Lorsque les troubles du
comportements deviennent pertur-
bateurs, lorsque les personnes ne
se contiennent plus, alors nous réa-
gissons avec une logique tout à fait
humaine : nous compensons leur
incapacité à se contenir en leur of-
frant une contention de remplace-
ment. Chimique ou physique, la lo-
gique reste la même : je te contiens
parce que tu n’es plus capable de te
contenir seul.
Mais faut-il forcément en
passer par cette logique ? C’est
toute la question. Comment réinter-
roger cette logique ? Quelle alterna-
tive à une telle logique ?
Le problème est pourtant
simple mais difficile à observer.
Chaque trouble du comportement
doit avoir une raison. Car la mise en
mouvement d’un système de dé-
fense chez l’homme est toujours
justifiée par une agression contre
laquelle celui-ci lutte. Mais la diffi-
culté est que, dans la mence, le
sens se perd. C’est-à-dire que les
réactions peuvent être si dispropor-
tionnées par rapport à ce qui les a
provoquées que nous, soignants,
sommes perdus face à cela. Et c’est
la recherche du sens qui est com-
plexe. C’est donc parce que le sens
est difficile à comprendre que nous
proposons la seule solution que
nous croyons efficace, la contention.
C’est bien face à l’absence d’une
logique humaine que nous ne sa-
vons pas faire.
Quelquefois nous trouvons
le sens de la réaction défensive,
surtout si la personne garde encore
des capacités pour s’exprimer. Mais
lorsqu’il n’y a pas de sens direct ob-
servables, et qu’en plus la réaction
est démesurée, comme des coups
durant la toilette, nous ne pourrons
nous rendre compte qu’il ne s’agit
que d’une réaction peut-être à une
température mal adapté du gant par
exemple. C’est peut-être alors à la
disproportion de la réaction que
nous faisons face et que nous ré-
pondons par une solution dispropor-
tionnée.
Richard Salicrú
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