La chirurgie rectale: conserver les fonctions sans compromettre la guérison.
Pr Louis de Cannière
Service de chirurgie générale et digestive.
Cliniques universitaires de Mont-Godinne, Université Catholique de Louvain. Yvoir
Introduction.
La chirurgie par la résection antérieure basse du rectum et l'amputation abdomino-
périnéale a été le principal traitement appliqué au cancer du rectum jusqu'aux années 70.
Malgré tous les efforts des chirurgiens, ce cancer avait mauvaise réputation car le taux de
survie à cinq ans oscillait entre 27% et 42% et le taux de récidive locale était aux alentours de
30% [1]. Les techniques conventionnelles occasionnaient un grand risque de lésions des
plexus autonomiques et par voie de conséquence des dysfonctions sexuelles et vésicales.
Techniques.
Suite à l'introduction de la technique d'exérèse complète du mésorectum (total
mesorectum excision, TME) décrite par Heald en 1982 [2], les taux de survie et de contrôle
local ont été améliorés: survie globale à cinq ans: 65% (pour les cas qui ont une résection
curative), cancer in situ: 100%, stade 1: 90%, stade 2: 85%, stade 3: 50%. Les stades 4 ont
une survie inférieure à 20 % à 2 ans. Les récidives locales surviennent dans 6% à 15% des
cas. Ces résultats sont atteints également par la technique laparoscopique [3] [4].
TME est une technique comportant l'exérèse systématique de tout le mésorectum par une
dissection précise entre le fascia viscéral et pariétal du pelvis, le fascia viscéral du méso étant
conservé intact. Le principe est de réaliser l'exérèse complète de l'enveloppe de ce méso qui
peut contenir des envahissements ganglionnaires ou des métastases de la tumeur qui sont la
source de récidives locales si elles sont laissées en place ou effractées lors de la dissection. On
obtient ainsi une marge de sécurité radiaire. Ce plan de dissection permet de respecter les
plexus autonomiques qui innervent la vessie et les nerfs érecteurs. Une bonne dissection
permet de faire "d'une pierre deux coups", ni trop ni trop peu.
Les marges de résection par rapport au pôle inférieur de la tumeur doivent être suffisantes
dans le même but. Pour les tumeurs du 1/3 supérieur du rectum situées à 12 cm de la marge
anale, on réalise une résection partielle du mésorectum en emportant au moins 5 cm de celui-
ci sous le plan de la tumeur. Pour les tumeurs des tiers moyens et inférieurs il faut réaliser une
résection complète de celui-ci. Une marge de deux cm par rapport au pôle inférieur de la
tumeur est nécessaire [5]. Une distance de un cm est parfois acceptée pour les tumeurs situées
à moins de cinq cm de la marge anale, pour des tumeurs pas trop importantes, d'histologie non
défavorables et qui ont bien répondu à la radiothérapie préopératoire, ce qui permet d'éviter
une amputation abdomino-périnéales. Le risque doit être mesuré entre la mutilation que
représentent une amputation et le risque de récidive locale.
La chirurgie d'exérèse rectale est réalisée avec conservation de l'appareil sphinctérien dans
la majorité des cas. Pour les tumeurs du 1/3 supérieur, une anastomose colorectale est le plus
souvent obtenue par agrafage termino-terminal. Une attitude conservatrice est justifiée pour
les tumeurs plus basses, jusqu'à cinq centimètre de la marge anale, par la morbidité physique
et psychologique causée par les colostomies définitives. Cependant la conservation
sphinctérienne après exérèse basse du rectum a sa propre morbidité: les désunions
anastomotiques, aux alentours de 15%, et les séquelles fonctionnelles. Le syndrome de
résection rectale apparaît chez environ 50% des patients et comprend une augmentation de la
fréquence des selles, une impériosité et à des degrés divers une incontinence anale. Les
principales causes physiologiques sont la perte du réservoir rectal, un traumatisme au niveau
du sphincter anal et des troubles de la sensibilité induits par la chirurgie (et la radiothérapie