26 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403
La présentation indirecte remplace progressivement la
présentation directe. Elle peut être responsable des rejets
aigus mais semble surtout impliquée dans les mécanismes
immunologiques de rejet chronique.
3.2. Mécanismes de rejet d’allogreffe
La transplantation d’organe et la greffe de cellules sont
soumises à deux types de réactions de rejet : soit le rece-
veur développe des réactions immunitaires visant à éliminer
l’organe greffé considéré comme du non-soi, réactions
les plus fréquentes dans les transplantations d’organes
solides ; soit les cellules greffées vont agresser les cellules
et tissus du receveur, c’est la maladie du greffon contre
l’hôte (graft versus host disease, GVHD). La GVHD est peu
fréquente lors des transplantations d’organes solides, mais
est décrite et est très souvent fatale pour le patient [4, 44].
En revanche, c’est la principale complication dans les
greffes de cellules souches hématopoïétiques, à caractère
aigu ou chronique. Les mécanismes de ce rejet ne feront
pas l’objet de cette revue.
Trois types de rejets d’allogreffes sont décrits, classés par
leurs mécanismes et par leur chronologie d’apparition post-
transplantation : rejets de greffe hyper aigus (intervention
d’anticorps), aigus (réactions cellulaires) et chroniques
(mécanismes immunologiques et non-immunologiques).
3.2.1. Les rejets de greffe hyper aigus
Ils se manifestent après quelques minutes jusqu’à quel-
ques heures suivant le rétablissement de la continuité
vasculaire. Ils sont liés à une réponse immunitaire humo-
rale préexistante chez le receveur. Le rejet hyperaigu
est secondaire à la fixation sur l’endothélium vascu-
laire d’anticorps cytotoxiques préformés chez le rece-
veur contre les antigènes du donneur (ADCC, antibody
dependant cellular cytotoxicity, mécanisme de type II
selon la classication de Gell et Coombs). Ces anticorps,
ayant reconnu l’antigène, xent et activent le système du
complément, créant des lésions des cellules endothé-
liales du greffon, entraînant une réaction inammatoire,
l’extravasation de cellules et de plasma, l’agrégation et
l’activation plaquettaire conduisant à la thrombose des
micro vaisseaux et à l’arrêt de la circulation sanguine.
Le greffon se nécrose alors en quelques minutes, le plus
souvent en cours d’intervention, et il doit être « transplan-
tectomisé » immédiatement.
Les anticorps impliqués dans le rejet hyperaigu peuvent
être des anticorps naturels dirigés contre les antigènes
de groupe sanguin ABO, des anticorps dirigés contre des
antigènes d’histocompatibilité (Acs anti-HLA, en particulier
anti-classe I) ou des Ag de l’endothélium vasculaire [13].
Les rejets hyperaigus ne se rencontrent pratiquement plus
car, d’une part, la compatibilité ABO est une condition
essentielle à la transplantation, et d’autre part, la présence
d’anticorps anti-Ag du donneur préexistant dans le sérum
du receveur est recherchée par un cross match réalisé
avant l’intervention.
Initialement, les rejets hyperaigus étaient décrits en trans-
plantation rénale, mais tous les organes sont susceptibles
d’être rejetés ainsi. Néanmoins, dans des conditions très
particulières, les transplantations ABO-incompatibles peu-
vent être proposées avec un prétraitement des patients dans
des cas de transplantation avec donneurs vivants, de trans-
plantation hépatique ou chez des enfants [21, 40, 42].
3.2.2. Les rejets de greffe aigus
En l’absence d’immunosuppression, les rejets aigus se
manifestent après une à deux semaines en post-trans-
plantation car ils nécessitent une immunisation vis-à-vis
des antigènes du greffon. Dans les conditions normales
de traitements immunosuppresseurs, le rejet aigu survient
essentiellement dans un délai de 4 mois après la transplan-
tation, avec un pic de fréquence le 1er mois. Néanmoins,
il peut s’observer à tout moment en cas d’arrêt de ces
traitements [27]. Depuis le développement des immuno-
suppresseurs, la fréquence des épisodes de rejets aigus
a diminué en particulier en transplantation rénale et car-
diaque, et de façon moins importante en transplantation
pulmonaire [11].
Le mécanisme de rejet aigu met en jeu des réponses immu-
nitaires cellulaires et/ou humorales spéciques des alloanti-
gènes du donneur. Les antigènes majeurs déclenchant des
réactions allogéniques chez le receveur sont les antigè-
nes HLA. Des antigènes mineurs ont été décrits dans des
modèles murins ; chez l’homme, leur implication est plus
discutée [6, 15]. La mise en évidence des Acs anti-HLA de
classe I et II dans le sérum des patients est un argument
supplémentaire pour leur implication dans les rejets.
Les rejets aigus de mécanismes cellulaires impliquent des
lymphocytes T auxiliaires (CD3+CD4+) et cytotoxiques
(CD3+CD8+), des cytokines pro-inammatoires, respon-
sables de lésions tissulaires (apoptose cellulaire, brose)
et vasculaires (vasoconstriction) non réversibles.
Des mécanismes humoraux sont également décrits met-
tant en jeu des allo-anticorps spéciques des antigènes
du donneur dans les transplantations rénales, cardiaques,
hépatiques et pulmonaires mais ne sont pas rapportés dans
les transplantations de tissus composites (mains, face)
[2, 19, 20]. Les allo-anticorps agissent par des mécanismes
de cytotoxicité (ADCC), délétères pour les tissus greffés.
Ces rejets humoraux sont plus graves, de pronostic moins
bon et doivent être traités très agressivement pour éviter
la perte du greffon [10, 43].
Le diagnostic de rejet aigu est établi sur des signes clini-
ques et biologiques, dépendant de l’organe transplanté
et traduisant son dysfonctionnement. Mais ces signes
sont non spécifiques et le rejet doit être confirmé par
une biopsie du greffon pour une analyse histologique et
immunohistochimique, qui montre des inltrats lympho-
cytaires et des lésions tissulaires et vasculaires caracté-
ristiques. Les rejets humoraux sont mis en évidence par
la présence de dépôts de C4d, produit de dégradation
du complément, recherchés en immunouorescence sur
la biopsie [41, 36].
L’ensemble de ces éléments permet de classer les rejets en
grade de gravité selon des classications internationales,
comme la classication de Banff pour la transplantation
rénale, ou la classication de l’International society of
heart and lung transplantation (ISHLT) pour les transplan-
tations cardiaques.
Le diagnostic précoce de ces rejets est très important. Il
permet une prise en charge rapide du patient avec une
instauration immédiate de traitements immunosuppresseurs