Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Études & Analyses Janvier 2011 – Page 5
AVANT-PROPOS DU PROFESSEUR OLIÉ,
MEMBRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE
Enoncer le pronostic d’une pathologie n’est jamais chose facile :
ce que l’on sait en terme de probabilités statistiques calculées sur
des groupes de malades s’applique mal à l’échelle individuelle.
Cette difculté que tout médecin connaît est encore plus évidente
s’agissant non plus de maladie mais de comportement délinquant.
La dénition de la délinquance est juridique : lorsqu’interrogés,
nous psychiatres devons veiller à ce qu’elle corresponde à un trouble
du comportement, qu’il soit égodystonique ou égosyntonique.
Face à la délinquance doit s’élaborer une clinique capable de
faciliter l’énoncé d’un pronostic et de permettre une stratégie
thérapeutique dont l’efcacité serait démontrée.
Tout comportement est déterminé par une multitude de facteurs,
individuels et contextuels. Les antécédents familiaux ou personnels,
la trajectoire de vie sont de possibles indicateurs d’une probabilité
d’émergence ou ré-émergence d’un comportement. Il est par
exemple établi que les sujets porteurs d’un trouble schizophrénique
ne commettent guère plus d’actes criminels que la population
générale sauf s’ils sont désocialisés, consommateurs de toxiques
tels que le cannabis ou l’alcool et sans traitement médicamenteux
antipsychotique. Ceci devrait orienter les efforts des soignants tout
en indiquant que chacun à sa place doit veiller à éviter l’addition
de tels critères : les soignants, les familles, les responsables sociaux.
Les actes de délinquance sexuelle sont rarement le fait de
grands malades mentaux. Cependant ils sont le plus souvent le
fait de sujets porteurs d’une personnalité mal structurée, habitués
de conduites addictives, souffrant d’un trouble émotionnel…
Ceci justie l’intervention du psychiatre à qui il ne faut cependant
demander que ce qu’il peut apporter. Le psychiatre doit contribuer
à identier ces facteurs de risque que sont addictions, mauvaise
insertion sociale, mauvaise capacité à gérer le stress, trouble de
l’empathie à autrui…
Nous psychiatres devons à l’évidence améliorer nos outils
d’évaluation et de traitement tout en disant bien leurs limites.
Pour l’heure, psychothérapies structurées et hormonothérapie
sont les principaux outils de la médecine face aux conduites de
délinquance sexuelle. Les thérapeutiques hormonales comportent
des effets indésirables tels que le psychiatre ne peut recourir à ce
traitement sans le concours de l’endocrinologue. Il faut aussi que
le délinquant soit capable d’adhérer à un tel programme de soins
Les thérapeutiques psychologiques ont une chance de réussir s’il
existe une coopération entre psychothérapeute et patient mais
aussi représentants de l’autorité judiciaire. Il faut s’éloigner de la
croyance selon laquelle la parole aurait à elle seule une vertu
thérapeutique. Il importe évidemment que le sujet confronté à des
pulsions susceptibles de le mener à la délinquance apprenne à
reconnaître et si possible maîtriser émotions et cognitions pouvant
participer à la mise en acte délinquantielle. Ceci ne saurait être
supposé garant d’une « guérison ».
Nous psychiatres
devons à l’évidence
améliorer nos outils
d’évaluation et de
traitement tout en disant
bien leurs limites. Pour
l’heure, psychothérapies
structurées et
hormonothérapie sont
les principaux outils
de la médecine face
aux conduites de
délinquance sexuelle.