Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels

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N°12
© Janvier 2011
Evaluation et prise en
charge des délinquants
et criminels sexuels
Dr Alexandre Baratta
Alexandre Baratta, psychiatre, est expert auprès de la cour d’appel de Metz
Avant-propos du Professeur J.P. Olié, membre de l’Académie de Médecine
Résumé
Un quart des délinquants ou criminels sexuels récidivent sur une période de 15 ans. Il est donc
indispensable d’améliorer leur prise en charge judiciaire et sanitaire.
Première priorité : parvenir à une évaluation fiable du risque de récidive. Notre pays connaît
un retard considérable en la matière. Les expertises psychiatriques sont menées selon
une méthodologie datant du 19ème siècle, alors que des outils d’évaluation modernes et
scientifiquement validés sont utilisés chez tous nos voisins européens.
Deuxième priorité : proposer des traitements permettant de réduire le risque de récidive. Là
encore notre pays fait preuve d’un retard considérable. Dans la grande majorité des cas, des
thérapies non spécifiques sont prescrites, alors que leur impact sur la récidive est quasi nulle.
Les thérapies les plus efficaces, qu’elles soient psychothérapiques ou biologiques (« castration
chimiques ») restent marginales.
Toutefois, croire qu’un traitement miracle existe relève de l’utopie. Les meilleurs traitements
disponibles ont une efficacité limitée. Raison pour laquelle l’auteur de violence sexuelle relève
avant tout du judiciaire.
Le docteur Alexandre Baratta travaille en Unité pour Malades Difficiles, en
Maison d’Arrêt et en centre de soins pour toxicomanes. Expert auprès de la
Cour d’appel de Metz, il effectue des missions d’expertise pénale en phase
pré-et post-sentenciel. Auteur de nombreux articles scientifiques, il publie
prochainement dans l’Information psychiatrique une étude intitulée « Expertise
post- sentencielle et évaluation du risque de récidive ».
Édité par l’Institut pour la Justice
Association loi 1901
Contacts :
01 70 38 24 07
[email protected]
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS DU PROFESSEUR OLIÉ, MEMBRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 5
INTRODUCTION7
PREMIÈRE PARTIE :
L’ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ DITE CRIMINOLOGIQUE 9
1. Méthodes d’évaluation
9
2. Recommandations actuelles
15
DEUXIÈME PARTIE :
PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES AUTEURS DE VIOLENCE SEXUELLE
19
1. Efficacité des traitements
19
2. Situation actuelle en France
21
3. Recommandations actuelles
24
TROISIÈME PARTIE : RECOMMANDATIONS DE L’AUTEUR 25
1. Concernant les évaluations
25
2. Concernant le traitement
25
CONCLUSION 29
ANNEXES31
Études & Analyses
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Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
AVANT-PROPOS DU PROFESSEUR OLIÉ,
MEMBRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE
Enoncer le pronostic d’une pathologie n’est jamais chose facile :
ce que l’on sait en terme de probabilités statistiques calculées sur
des groupes de malades s’applique mal à l’échelle individuelle.
Cette difficulté que tout médecin connaît est encore plus évidente
s’agissant non plus de maladie mais de comportement délinquant.
La définition de la délinquance est juridique : lorsqu’interrogés,
nous psychiatres devons veiller à ce qu’elle corresponde à un trouble
du comportement, qu’il soit égodystonique ou égosyntonique.
Face à la délinquance doit s’élaborer une clinique capable de
faciliter l’énoncé d’un pronostic et de permettre une stratégie
thérapeutique dont l’efficacité serait démontrée.
Tout comportement est déterminé par une multitude de facteurs,
individuels et contextuels. Les antécédents familiaux ou personnels,
la trajectoire de vie sont de possibles indicateurs d’une probabilité
d’émergence ou ré-émergence d’un comportement. Il est par
exemple établi que les sujets porteurs d’un trouble schizophrénique
ne commettent guère plus d’actes criminels que la population
générale sauf s’ils sont désocialisés, consommateurs de toxiques
tels que le cannabis ou l’alcool et sans traitement médicamenteux
antipsychotique. Ceci devrait orienter les efforts des soignants tout
en indiquant que chacun à sa place doit veiller à éviter l’addition
de tels critères : les soignants, les familles, les responsables sociaux.
Les actes de délinquance sexuelle sont rarement le fait de
grands malades mentaux. Cependant ils sont le plus souvent le
fait de sujets porteurs d’une personnalité mal structurée, habitués
de conduites addictives, souffrant d’un trouble émotionnel…
Ceci justifie l’intervention du psychiatre à qui il ne faut cependant
demander que ce qu’il peut apporter. Le psychiatre doit contribuer
à identifier ces facteurs de risque que sont addictions, mauvaise
insertion sociale, mauvaise capacité à gérer le stress, trouble de
l’empathie à autrui…
Nous psychiatres devons à l’évidence améliorer nos outils
d’évaluation et de traitement tout en disant bien leurs limites.
Pour l’heure, psychothérapies structurées et hormonothérapie
sont les principaux outils de la médecine face aux conduites de
délinquance sexuelle. Les thérapeutiques hormonales comportent
des effets indésirables tels que le psychiatre ne peut recourir à ce
traitement sans le concours de l’endocrinologue. Il faut aussi que
le délinquant soit capable d’adhérer à un tel programme de soins
Les thérapeutiques psychologiques ont une chance de réussir s’il
existe une coopération entre psychothérapeute et patient mais
aussi représentants de l’autorité judiciaire. Il faut s’éloigner de la
croyance selon laquelle la parole aurait à elle seule une vertu
thérapeutique. Il importe évidemment que le sujet confronté à des
pulsions susceptibles de le mener à la délinquance apprenne à
reconnaître et si possible maîtriser émotions et cognitions pouvant
participer à la mise en acte délinquantielle. Ceci ne saurait être
supposé garant d’une « guérison ».
Études & Analyses
Nous psychiatres
devons à l’évidence
améliorer nos outils
d’évaluation et de
traitement tout en disant
bien leurs limites. Pour
l’heure, psychothérapies
structurées et
hormonothérapie sont
les principaux outils
de la médecine face
aux conduites de
délinquance sexuelle.
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Études & Analyses
La synthèse ici proposée
par notre collègue le
Docteur Alexandre
Baratta est remarquable
de précision et de
clarté. Elle doit aider
tous ceux qui travaillent
dans le champ de la
délinquance sexuelle.
La synthèse ici proposée par notre collègue le Docteur Alexandre
Baratta est remarquable de précision et de clarté. Elle doit aider tous
ceux qui travaillent dans le champ de la délinquance sexuelle à mieux
éloigner les hypothèses physio ou psychopathologiques affichant
indument trop de certitudes. Elle permettra de mieux connaître les
conditions de mise en œuvre de réponses utiles à cette dramatique
question.
J.P. Olié
Membre de l’Académie Nationale de Médecine,
Chef de service de l’hôpital Sainte-Anne,
Médecin expert agréé par la Cour de cassation,
Co-auteur du rapport de l’académie de médecine adopté le 8 juin
2010 : « La prévention médicale de la récidive chez les délinquants
sexuels ».
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Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
INTRODUCTION
La récidive des délinquants et criminels sexuels constitue une
préoccupation majeure tant dans le champ pénal que psychiatrique.
De récents événements nous démontrent que le sujet est loin d’être
réglé. L’affaire Francis Evrard a relançé le débat concernant la
récidive des prédateurs pédophiles. Le cas plus récent d’Alain Penin
celui des violeurs apparemment inamendables.
De tels exemples posent deux questions : les évaluations du risque
de récidive pratiquées en France sont-elles fiables – et peuvent-elles
l’être ? Les thérapies proposées dans le cadre des injonctions de soins
permettent-elles de diminuer le risque de récidive ?
La médiatisation des cas extrêmes peut laisser penser que la
récidive est un épiphénomène, et ne concerne qu’une minorité de
cas. Une telle position révèle pourtant une méconnaissance des
études criminologiques internationales.
L’une des études faisant autorité en la matière est la méta analyse
réalisée par Hanson et Buissière en 1998. Elle porte sur près de 30 000
agresseurs sexuels sur une période de suivi de 5 ans1. Le taux de récidive
sexuelle (qu’il s’agisse de pédophiles ou violeurs de femmes adultes)
est de 13,4 % à 5 ans. Ce risque de récidive varie en fonction du profil
victimologique. Globalement, les agresseurs sexuels d’enfant ont un
taux de récidive inférieur à celui des agresseurs sexuels de femme.
Proche de 13 % à 5 ans pour les pédophiles, la récidive s’élève à 21 %
pour les agresseurs de femmes adultes.
Précisons que le taux de récidive est encore plus élevé lorsqu’il est
calculée 15 ans après les faits (et non 5 ans seulement). Les mêmes
auteurs (Hanson et Buissière) trouvent ainsi un taux de récidive des
délinquants sexuels de 24 % à 15 ans, là où ils trouvaient un taux de
14 % environ au bout de 5 ans.
La médiatisation des cas
extrêmes peut laisser
penser que la récidive
est un épiphénomène,
et ne concerne
qu’une minorité de
cas. Une telle position
révèle pourtant une
méconnaissance des
études criminologiques
internationales.
Dans la population même des pédophiles, la récidive dépend du
caractère homo ou hétéro sexuel de l’agression. L’étude de Abel
et collaborateurs révèle un nombre plus élevé de victimes chez les
pédophiles homosexuels. Sur une population de 377 sujets étudiés,
les pédophiles hétérosexuels avaient en moyenne 19,8 victimes par
sujet; le nombre de victimes moyen pour les pédophiles homosexuels
s’élevait à 150,22.
Nous constatons que la récidive est loin d’être un épiphénomène.
Partant de ces données, nous présentons dans une première partie les
différentes méthodes d’évaluation du risque de récidive. Ensuite, nous
développerons les différentes thérapies pouvant être mises en œuvre
et leur efficacité respective. Enfin, une série de recommandations
sera formulée pour améliorer la prise en charge et l’évaluation des
agresseurs sexuels. 1 Hanson R.K, Bussière M.T. Predicting relapse: A meta‑analysis of sexual offender
recidivism studies. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 1998(66), 348‑362
2 Abel G.G., Becker J.V., Mittelman M. et al. Self-reported sex crimes of nonincarcerated
paraphilics. J Interpers Violence 1987 (2): 3-25
Études & Analyses
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Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
L’ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ DITE
CRIMINOLOGIQUE
1. Méthodes d’évaluation
A l’origine, l’expertise psychiatrique judiciaire poursuivait un seul
objectif, celui de déterminer si l’auteur d’un crime ou d’un délit
était atteint de « démence » au moment des faits. La question de la
dangerosité se posait uniquement pour les personnes souffrant de
maladie mentale avérée.
Seule la dangerosité psychiatrique faisait donc l’objet d’une
évaluation. Ce dernier point a été renforcé par la circulaire Chaumié
du 12 décembre 1905, qui précisait explicitement que les psychiatres ne
devaient se prononcer que sur la dangerosité des malades mentaux.
Pour remplir cet objectif demandé par la Justice, l’évaluation clinique
par un entretien libre pouvait être une méthodologie suffisante.
Une première évolution dans la pratique expertale est identifiée
avec les modalités d’application du code de procédure pénale de
1959. Le psychiatre est alors invité à se prononcer sur la dangerosité des
personnes expertisées, même en l’absence d’anomalie mentale. Les
deux types de dangerosité (psychiatrique et criminologique) doivent
donc être évalués par l’expert psychiatre depuis cette date.
Cette évolution est confirmée par le nouveau code de procédure
pénale entré en vigueur en mars 1993. En l’absence de maladie mentale,
l’expert doit s’attacher à identifier les troubles de la personnalité et
proposer un pronostic sur l’évolution possible du sujet. Ce qui revient à
évaluer le risque de récidive de comportement violent.
Dès lors, l’examen clinique libre ne pouvait plus permettre d’évaluer
correctement le risque de récidive, et devait laisser la place à une
évaluation psycho-criminologique structurée (voir ci-dessous). Une
telle démarche était donc attendue implicitement depuis 1993.
La loi du 17 juin 1998 a achevé l’évolution en introduisant une nouvelle
forme d’expertise psychiatrique, dite expertise de pré-libération
conditionnelle. Il s’agit des expertises de dangerosité. La mission
de l’expert n’est plus de déceler si l’accusé peut-être pénalement
responsable de ses actes, comme en phase pré-sentencielle. La
question centrale est celle de l’évaluation du risque de récidive de
comportement violent3. Dès lors, la Justice est en droit d’attendre une
évaluation fiable, objective, qui ne doit pas être proche du hasard.
Pourtant, la méthodologie mise en œuvre par les experts français n’a
jamais été adaptée aux besoins de la mission confiée par la Justice.
Et ceci malgré l’existence d’outils d’évaluation utilisés chez tous nos
voisins européens et validés en langue française.
Classiquement, la dangerosité est divisée en deux catégories
en France. D’un côté la dangerosité dite psychiatrique correspond
3 Fédération Française de Psychiatrie. Audition Publique. Expertise Psychiatrique
Pénale, rapport de la commission d’audition. 25 et 26 janvier 2007, Paris.
Études & Analyses
La question centrale est
celle de l’évaluation du
risque de récidive de
comportement violent.
Dès lors, la Justice est
en droit d’attendre
une évaluation fiable,
objective, qui ne doit
pas être proche du
hasard.
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Études & Analyses
à « un risque de passage à l’acte principalement lié à un trouble
mental, et notamment au mécanisme et à la thématique de l’activité
délirante »4. Selon cette définition, l’agression est considérée comme la
résultante directe d’une maladie mentale. De l’autre, la dangerosité
dite criminologique, dont aucune définition univoque n’existe à ce
jour. Nous adopterons la définition proposée par Bénézech qui nous
apparaît la plus pertinente : « phénomène psychosocial caractérisé
par les indices révélateurs de la grande probabilité de commettre une
infraction contre les personnes ou les biens »5. Cette conception laisse
une place mineure aux maladies mentales, et reconnaît le rôle que
peuvent jouer d’autres facteurs (sociologiques, institutionnels).
La distinction
entre dangerosité
psychiatrique et
criminologique est
toutefois artificielle
et archaïque. Afin de
faciliter les choses,
l’expert doit s’attacher
non pas à évaluer les
dangerosités mais plutôt
à mesurer un risque de
récidive violente.
La distinction entre dangerosité psychiatrique et criminologique
est toutefois artificielle et archaïque. Afin de faciliter les choses,
l’expert doit s’attacher non pas à évaluer les dangerosités mais plutôt
à mesurer un risque de récidive violente.
Historiquement, la première méthode employée est l’évaluation
clinique. Une telle évaluation peut être menée par un professionnel de
la santé mentale, qu’il soit médecin psychiatre ou psychologue. Cette
approche est centrée sur la recherche d’éléments exclusivement
cliniques (capacités d’introspection, critique du passage à l’acte),
au détriment d’informations à caractère criminologique (facteurs
sociaux, institutionnels, judiciaires). La démarche clinique repose sur
un entretien libre. Ce qui laisse peu de place aux éléments objectifs,
le thérapeute recherchant par définition à nouer une relation
intersubjective avec son sujet.
Cette méthodologie soulève plusieurs problèmes. En premier lieu,
la relation intersubjective nécessite un travail d’interprétation parfois
couplé à la mise en oeuvre d’épreuves projectives (test de Rorschach
par exemple). Or, ces épreuves projectives n’ont jamais fait l’objet
de validation à visée criminologique, c’est-à-dire que leur fiabilité
en matière de prédiction de la récidive n’a jamais été établie. Elles
peuvent certes avoir un intérêt dans une évaluation au cabinet du
psychologue pour identifier des traits de personnalité. Leurs résultats
n’ont jamais été corrélés à un risque de récidive particulier. Appliquées
à un détenu, les épreuves projectives ne permettent pas de prédire
un comportement violent.
Ensuite, la démarche du thérapeute est de poser un diagnostic
à l’issu de l’entretien. On peut rappeler, même si cela va de soi,
que la délinquance n’est pas une catégorie diagnostique, mais
un phénomène criminologique qui dépasse largement le cadre
psychopathologique. En effet, tous les auteurs de délits violents ne
sont pas des malades mentaux, loin s’en faut.
De plus, un diagnostic se pose en fonction de cadres nosologiques,
c’est-à-dire qu’il convient d’utiliser la même classification des
maladies mentales par tous les psychiatres. En théorie, la classification
internationale des maladies mentales définie par l’Organisation
Mondiale pour la Santé (OMS) devrait donc être utilisée. Mais
4 Burgelin JF. Santé, justice et dangerosité, pour une meilleure prise en charge de la
récidive, juillet 2005.
5 Benezech M. Introduction à l’étude de la dangerosité. In De Baurepaire C ; Bénézech
M et Kotteler C. Les dangerosités, paris, John Libbey, 2004, p 15.
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Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
en France, l’utilisation de concepts psychanalytiques demeure
prédominante tant en psychiatrie générale que dans le contexte des
expertises. Or, ces concepts ne possèdent aucun lien théorique avec
les comportements délictuels à prédire. Et ils n’ont aucune validité
par rapport à la classification internationale des maladies mentales
de l’OMS.
Ainsi, la méthode basée sur un jugement clinique non structuré est
une évaluation subjective, non validée scientifiquement, et fondée
sur des corrélations intuitives.
Partant de ces constats, plusieurs équipes ont étudié la capacité
qu’avaient les experts cliniciens à prédire les comportements violents.
L’une des références en la matière reste les travaux de Monahan
menés à la fin des années 1970 aux Etats-Unis6. Leurs résultats sont
sans appel : l’évaluation des cliniciens n’est exacte qu’une fois sur
trois. Le clinicien et le magistrat requérant pouvaient-ils se satisfaire
d’évaluations si aléatoires ? Assurément non. D’un point de vue
éthique, il n’était plus possible de recommander l’usage d’une
technique dont les résultats sont proches du hasard.
Ces constats ont donné lieu à de nouvelles recherches dans
le domaine de l’évaluation des comportements violents. D’un
point de vue méthodologique, l’évaluation de la dangerosité dite
criminologique a cédé la place à l’estimation statistique d’un risque
de comportement violent.
Il n’est donc plus question de tenter de comprendre ou d’expliquer
les mécanismes de passage à l’acte. Il s’agit, grâce à des outils
nommés « échelles actuarielles », d’identifier des liens statistiques entre
plusieurs facteurs (cliniques, mais aussi sociologiques, institutionnels,
judiciaires) et un risque de réitération d’un comportement violent.
Dans la pratique, l’ensemble de ces échelles a démontré une
supériorité par rapport aux évaluations cliniques, avec une valeur
prédictive positive jugée comme bonne. Nous pouvons citer deux
exemples : l’échelle Violence Risk Apparaisal Guide (VRAG)7, est
utilisée pour prédire le risque de violences physiques, tandis que
l’échelle Statique-998 est mise en œuvre pour prédire le risque de
violence sexuelle. Les paramètres pris en compte dans cette dernière
échelle sont résumés dans le tableau 1 (en annexe).
Une autre tendance a également vu le jour pour pallier l’inefficacité
des évaluations cliniques non structurées. Il s’agit de l’évaluation
clinique standardisée. Ce type d’approche permet une évaluation du
risque de réitération d’un comportement violent. Il permet également
une gestion du risque futur par l’évaluation d’indices cliniques actuels
et à venir. L’exemple que l’on peut fournir ici est l’échelle HCR-20,
instrument dont la valeur prédictive positive a été validée en 1997 par
Il n’est donc plus question
de tenter de comprendre
ou d’expliquer les
mécanismes de passage
à l’acte. Il s’agit, grâce
à des outils nommés
« échelles actuarielles »,
d’identifier des liens
statistiques entre plusieurs
facteurs (cliniques, mais
aussi sociologiques,
institutionnels, judiciaires)
et un risque de réitération
d’un comportement
violent.
6 Monahan J. Predicting violent behavior : an assessment of the clinical techniques.
In: Sage and Monahan J, Steadman HJ. Violence and mental disorders: developments
in risk and assessment. University of Chicago press, 1996.
7 Harris GT, Rice ME, Quinsey VL. Violent recidivism of mentally disordered offenders:
The development of a statistical prediction instrument. Criminal Justice and Behavior,
1993 (20): 315-335.
8 Hanson RK, Thornton D. Statique 99 : une amélioration des évaluations actuarielles
du risque chez les déliquants sexuels. Rapport pour spécialistes n°99-02, Ottawa,
Solliciteur général du Canada, 1999. Site web : www.sgc.gc.ca
Études & Analyses
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Études & Analyses
Webster et collaborateurs9.
Echelles actuarielles et échelles dynamiques.
Deux types de méthodes ont été développés pour une meilleure
prédiction de la récidive. La première est la méthode actuarielle,
qui est objective et validée statistiquement. Elle est basée sur une
combinaison systématique de variables corrélées statistiquement
à la récidive. L’objectif n’est pas de comprendre la réalisation d’un
comportement violent mais de prédire sa récidive. L’échelle Statique
99 en est le prototype (voir tableau en annexe). Tous les éléments
recherchés dans cette échelle sont statistiquement liés à un risque
accru de récidive. La limite de cette méthode est son incapacité
à prendre en compte l’évolution du délinquant : le score n’est pas
modifié par une intervention médicale. Il n’est pas possible d’évaluer
l’efficacité des traitements sur le risque de récidive.
La seconde approche est basée sur les échelles dynamiques qui
supposent la réalisation d’un entretien semi structuré. Son but est
l’évaluation du risque de récidive, mais également la gestion du risque
futur. L’exemple à citer est l’échelle HCR 20. Aux facteurs passés,
l’échelle prend en compte l’état clinique actuel du délinquant et les
indices liés au risque futur. Cette méthode permet d’évaluer l’efficacité
d’un traitement. Il s’agit d’une méthode située à mi- chemin entre
l’évaluation actuarielle et l’entretien clinique non structuré. Sa limite est
de donner une estimation du risque de récidive moins précise qu’un
outil actuariel à l’occasion d’une rencontre unique, ce qui représente
la majorité des cas d’expertise post-sentencielle. Cet outil est plus
adapté au suivi du délinquant par une équipe soignante cherchant à
évaluer l’efficacité d’une thérapie.
Des instruments efficients
existent pour évaluer
le risque de réitération
de comportements
violents. Ces méthodes
permettent ainsi une
uniformisation des
évaluations. La plupart
des équipes spécialisées
outre-atlantique mais
aussi européennes l’ont
compris.
Par conséquent, des instruments efficients existent pour évaluer
le risque de réitération de comportements violents. Ces méthodes
permettent ainsi une uniformisation des évaluations. La plupart des
équipes spécialisées outre-atlantique mais aussi européennes l’ont
compris. Une étude menée en 2000 s’intéressait à la diffusion de
ces échelles dans les 15 pays de l’Union Européenne10. La plupart
des pays européens utilisaient déjà ces instruments. L’évaluation
clinique standardisée SVR 20 était employée couramment par 8
pays (Allemagne, Autriche, Danemark, Finlande, Grèce, Pays Bas,
Suède notamment). L’échelle actuarielle Statique-99 était mise en
œuvre par 4 pays (Angleterre, Irlande, Finlande, Suède). L’évaluation
de la psychopathie via une échelle spécifique (la PCL-R de Hare)
était employée par 11 pays (dont l’Espagne, la Finlande, l’Autriche,
l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, le Danemark).
9 Webster CD, Douglas KS, Eaves D, Hart SD. Assessing risk of violence to others. In:
Impulsivity: theory, assessment and treatment. Sous la direction de Webster CD et
Jackson MA, 1997. New York : Guilford.
10 D. Giovannangeli, J.P. Cornet, C. Mormont. Etude comparative dans les 15 pays de
l’Union Européenne : les méthodes et les techniques d’évaluation de la dangerosité
et du risque de récidive des personnes présumées ou avérées délinquants sexuels.
Université de Liège, Septembre 2000.
Page 12 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
A la même époque, la République Tchèque développait des
instruments actuariels spécifiquement adaptés à sa politique de
libérations conditionnelles et de peines alternatives, en lien avec
l’Angleterre.
Evaluation du risque de récidive d’un même détenu par deux
experts différents.
Mr. X a été condamné à une peine de 15 ans de réclusion criminelle
pour des faits de viol sur mineurs de 15 ans. Cinq victimes (4 filles et 1
garçon) ont été identifiées dont les âges s’étalent de 13 à 1 an.
Extraits d’une évaluation
du risque de récidive
d’un même détenu par
deux experts différents.
La première expertise était conduite selon la méthode traditionnelle,
à savoir un entretien libre. En voici une partie du contenu :
« Monsieur X se montre coopérant à l’examen, et même un peu
anxieux (…). Il se plaint de perte de mémoire et de quelques troubles
du sommeil, mais ne souhaiterait plus avoir recours aux médicaments.
Le contact est bon. En évoquant les évènements de sa vie et la peine
que ses actes ont pu causer à ses parents, il a cependant les larmes
aux yeux. L’incarcération lui aurait permis de couper ses conduites
toxicomanes et de se réveiller. Il donne l’impression d’une grande
douleur et de bien se repentir des évènements, dont il assume l’entière
responsabilité. Actuellement, il n’y a pas de signes en faveur d’un
risque de récidive. Monsieur X n’est pas susceptible de présenter une
dangerosité en milieu libre. »
La seconde expertise a été menée selon deux méthodes
différentes : en premier lieu une évaluation clinique semi structurée
puis une évaluation actuarielle.
« La consultation du réquisitoire définitif permet d’identifier un
lourd passé judiciaire avec 6 condamnations pour vol avec violence,
trafic de stupéfiants, outrage à agent, violence ayant entraîné
une incapacité totale de travail supérieur à 8 jours et agressions
sexuelles. Depuis l’âge de 24 ans se suivent des relations sexuelles
d’un soir, y compris lorsqu’il s’installe en couple avec sa compagne
actuelle. La biographie met en évidence une sexualité hétéro
sexuelle abondante avec un collectionnisme des conquêtes. Les
conséquences de ses passages à l’acte pédophilique sont banalisées,
tout comme les violences domestiques dirigées contre sa compagne.
La cotation de l’échelle Statique-99 permet de mesurer un
score de 6/6. Suivant ce score, Mr X présente un risque élevé
de récidive comparativement à d’autres délinquants sexuels
adultes de sexe masculin. Les individus ayant ces caractéristiques,
en moyenne, présentent une récidive sexuelle de 39% sur
une période de 5 ans et de 45% sur une période de 10 ans.
Les passages à l’acte sexuels de Mr. X sur des enfants âgés
de 1 à 13 ans, et ceci de façon répétée permettent de
poser le diagnostic de pédophilie sans ambiguïté. Le profil de
pédophilie homosexuelle est un élément de mauvais pronostic.
La dangerosité du sujet en milieu libre existe, et n’est pas exclusivement
sexuelle. Le risque de récidive est évalué comme élevé. »
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 13
Études & Analyses
La France reste l’une
des exceptions en
Europe : il s’agit de l’un
des derniers pays à
pratiquer régulièrement
l’évaluation clinique non
structurée en matière
pénale. Et ceci malgré
la démonstration de
l’inefficacité d’une
telle méthode, dont les
estimations sont proches
du hasard.
En 2000, la France avait déjà accumulé un retard considérable
en matière d’évaluation criminologique. Dix ans après, le fossé
s’est encore considérablement agrandi. La France reste l’une
des exceptions en Europe : il s’agit de l’un des derniers pays à
pratiquer régulièrement l’évaluation clinique non structurée en
matière pénale. Et ceci malgré la démonstration de l’inefficacité
d’une telle méthode, dont les estimations sont proches du hasard.
Pourtant des échelles actuarielles validées en langue française
sont disponibles depuis plusieurs années.
Une étude sur la qualité des expertises de dangerosité menées
en France a été réalisée par Baratta et collaborateurs11. Elle s’est
attachée à étudier plusieurs caractéristiques :
• La cohérence entre les évaluateurs : pour un même
détenu, toutes les expertises parviennent-elles aux
mêmes conclusions ?
• Les critères utilisés pour l’évaluation du risque de
récidive.
• Les expertises cliniques ont été comparées aux
résultats des échelles actuarielles obtenues pour
chaque détenu.
L’étude a montré que dans 80 % des cas, les experts ne sont
pas d’accord entre eux. Les évaluations du risque de récidive sont
contradictoires pour un même détenu dans une grande majorité
des cas.
Par ailleurs, 80 % des expertises sont basées exclusivement sur
des marqueurs cliniques, pour la plupart non corrélés à un risque
de récidive. Les marqueurs cliniques les plus souvent identifiés
sont une personnalité perverse, un déni, une faille narcissique,
un clivage, une hypertrophie du Moi. Il est intéressant de relever
qu’il s’agit le plus souvent du jargon issu de la psychanalyse.
Dans 40 % des cas, les experts n’ont pas relevé des marqueurs
de gravité pourtant présents et validés comme tel par les études
internationales. Le meilleur exemple à citer est le profil de la
victime. Un père incestueux présente un risque de récidive plus
faible qu’un pédophile agressant un jeune garçon inconnu. Dans
30 % des expertises, le profil de la victime n’est pourtant pas pris en
compte dans l’évaluation du risque de récidive.
Il y a concordance entre les expertises cliniques et les échelles
actuarielles dans seulement 45 % des expertises, soit moins de la
moitié des cas. Dans 7 % des cas, l’expertise clinique surévalue
le risque de récidive. Mais dans 16 % des cas, le risque est sousévalué par le clinicien. Dans la majorité des cas, (33 %), il y a une
mésestimation du risque: le clinicien se contente simplement de
répondre à l’existence d’un risque de récidive, sans en donner
une évaluation semi quantitative de type faible- moyen- élevé.
De telles conclusions émanant d’experts sont inexploitables par les
magistrats.
11 Baratta A., Morali A., Halleguen O., Expertise post-sentencielle et évaluation du
risque de récidive sexuelle. A propos d’une étude réalisée en région Alsace. A paraître.
Page 14 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
La fragilité de l’évaluation clinique non standardisée : le cas Alain
PENIN
Meurtrier présumé d’une jeune femme à Marcq-en-Baroeul, Alain
PENIN avait déjà été condamné par les Assises à 10 ans de réclusion
criminelle pour viol. Avant de bénéficier de sa libération conditionnelle,
il avait fait l’objet d’expertises psychiatriques « parfois contradictoires,
attestant de la difficulté d’analyser des personnalités aussi complexes
que la sienne12». A la question de la récidive, le premier expert avait
éludé la question du risque de récidive en le jugeant « difficilement
appréciable ». Le second a estimé ce risque limité sinon nul sur la base
d’un entretien clinique non structuré : « le risque, s’il existe, de récidive
reste limité ». Les critères retenus par le psychiatre en faveur d’un risque
faible de récidive sont des éléments cliniques n’ayant par ailleurs
jamais été validés comme tels dans la littérature internationale : « il est
capable de reconnaître ses torts et d’avoir une culpabilité importante
(…). Il regrette son geste et ne comprend encore que difficilement les
motivations ». La reconnaissance des faits et l’expression de remords
n’ont jamais été corrélés statistiquement à un risque plus faible de
récidive.
2. Recommandations actuelles
La singularité française en matière d’expertise explique le
positionnement de nombreux responsables politiques en faveur
d’une évolution des pratiques en France. En 2005 déjà, Jean-François
Burgelin déposait un rapport intitulé « Santé, justice et dangerosité,
pour une meilleure prise en charge de la récidive ». Il préconisait le
développement d’une discipline inexistante en France, la psychocriminologie, ainsi que le développement de méthodes adaptées
à l’évaluation du risque de récidive : « Pour que la France soit en
mesure de développer cette discipline autonome (la psychocriminologie), à l’instar des pays anglo-saxons qui ont procédé à des
analyses et élaboré des outils d’évaluation de la dangerosité des
auteurs d’infraction pénale, il apparaît nécessaire à la commission
d’approfondir les recherches sur 3 sujets essentiels :
La singularité
française en matière
d’expertise explique
le positionnement de
nombreux responsables
politiques en faveur
d’une évolution des
pratiques en France.
1. Les indicateurs de toutes les formes de dangerosité
2. L’évaluation de ces dangerosités
3. Les modalités de prise en charge pluridisciplinaire des
individus qui présentent ces caractéristiques ».
En 2006, Jean-Paul Garraud, député de la Gironde, remet son
rapport « Réponses à la dangerosité » au Premier ministre13. Il propose
explicitement le développement des outils actuariels pour évaluer
au mieux la dangerosité criminologique. Il préconise également
la création d’une « école de formation des experts » placée sous
l’autorité du ministre de la justice, dispensant des enseignements
de méthodologie de l’expertise judiciaire : « A l’exception de l’outil
12 Tomasovitch G. Comment les psychiatres ont analysé le cas Alain Penin. L’Actu,
dimanche 19 septembre 2010, p 04-05.
13 Garraud JP. Réponses à la dangerosité (novembre 2006). Voir aussi le rapport d’information du Sénat sur les mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses (juin 2006).
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 15
Études & Analyses
QIPAAS, la majorité des experts français n’utilisent aucun outil actuariel
au soutien des examens cliniques traditionnels. En la matière, la
France présente un retard certain auquel il convient de remédier ».
La préconisation numéro 9 du rapport conclut à la nécessité de « développer et soutenir des recherches menées conjointement par
des universitaires et des professionnels aux fins d’élaborer des outils
actuariels d’évaluation de la dangerosité criminologique pouvant
être utilisés au soutien d’un examen clinique ».
Enfin, en 2008, le premier
président de la Cour
de Cassation Vincent
Lamanda remet son
rapport au Président
de la République. Il
y dénonce la non
adaptation de l’expertise
psychiatrique classique
dans l’évaluation
de la dangerosité
criminologique.
Enfin, en 2008, le premier président de la Cour de Cassation
Vincent Lamanda remet son rapport au Président de la République.
Il y dénonce la non adaptation de l’expertise psychiatrique classique
dans l’évaluation de la dangerosité criminologique. Raison pour
laquelle son auteur recommande une formation des experts français
en criminologie avec utilisation des échelles actuarielles.
Les faiblesses de l’évaluation de la dangerosité criminologique : le
rapport Lamanda14
« Aujourd’hui, s’il est possible d’apprécier la dangerosité pénitentiaire
ou psychiatrique, en revanche, la dangerosité criminologique, c’està-dire, la probabilité que présente un individu de commettre une
infraction, apparaît mal appréhendée en France ».
« Faute d’avoir été validés au plan national, des outils d’analyse
et d’évaluation multifactoriels, tels l’Historical Clinical Risk (HCR–20),
l’entretien d’évaluation du processus de passage à l’acte (l’E.E.P.P.A),
l’entretien exploratoire de la cinétique des crimes violents (E.E.C.C.V)
ne sont pas utilisés par l’institution judiciaire française pour apprécier la
dangerosité criminologique ».
« Il n’est pas non plus fait référence aux grilles d’analyse actuarielle,
par exemple le Violence Risk Appraisal Guide (V.R.A.G), qui définissent
une probabilité statistique ».
Depuis 2005, une évolution des pratiques expertales françaises est
demandée par les politiques. Demandes parlementaires restées sans
suite, puisqu’en pratique l’évaluation clinique non structurée reste la
méthode pratiquée majoritairement. Pourtant, plusieurs spécialistes
en psychiatrie criminelle et médico-légale ont publié des articles
rappelant les limites de ces méthodes. Senon et collaborateurs
soulignaient récemment que « La France ne pourra pas rester une
exception en ce qui concerne l’évaluation de la dangerosité ou plutôt
du risque de violence… »15. De son côté, Archer préconisait l’abandon
de l’évaluation clinique et des méthodes projectives au profit des
outils actuariels16. Enfin, Benezech et collaborateurs aboutissaient au
même constat : « Une des carences les plus évidentes à nos yeux
14 Lamanda, Vincent, 2008, « Amoindrir les risques de récidive criminelle des
condamnés dangereux », Paris : Présidence de la République.
15 Senon JL, Voyer M, Paillard C, Jaafari N. Dangerosité criminologique : données
contextuelles, enjeux cliniques et expertaux. L’information psychiatrique, 2009 ; 85 : 719-725.
16 Archer E. L’expertise psychiatrique de préliberation conditionnelle. Annales Médico Psychologiques, 2006 ; 164 : 857-863.
Page 16 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
du système répressif français est l’absence de méthode d’évaluation
codifiée des auteurs d’actes criminels majeurs…Continuer à privilégier
les classiques expertises psychologiques et psychiatriques aux dépens
des méthodes et instruments de mesure modernes est une conduite
archaïque reflétant la méconnaissance des pouvoirs publics en
matière d’évolution des sciences criminelles »17.
Ces nombreuses préconisations parlementaires et médicales
ne sont finalement pas restées lettre morte. Courant 2009, la Haute
Autorité de Santé (HAS) a édité des recommandations de bonne
pratique concernant la prise en charge des auteurs d’agression
sexuelle à l’encontre de mineurs de moins de 15 ans. Le volet de
l’évaluation est abordé, avec comme préconisation le recours aux
échelles actuarielles. L’annexe 3 jointe au guide des recommandations
présente une liste non exhaustive des outils standardisés18. Dans cette
liste figure l’évaluation de la psychopathie par l’échelle Psychopathy
Check-List Revised (PCL-R) de Hare, les échelles statiques (VRAG,
SORAG), et les évaluations cliniques standardisées (HCR20, SVR20).
Une nouvelle étape vient d’être franchie en date du 8 juin 201019.
L’Académie de Médecine a remis un rapport décisif en faveur de
l’utilisation des échelles actuarielles et ceci de façon systématique
dans l’évaluation du risque de récidive :
« L’efficacité relative de ces approches a fait l’objet de nombreuses
études. Hanson et Morton-Bourgon (2008) ont effectué une métaanalyse comparative des diverses méthodes en utilisant 118 études
différentes qui comportaient un total de 45.398 sujets. Ces auteurs
ont observé que les méthodes actuarielles étaient les plus efficaces
dans la prévision de la récidive …». La première recommandation
de l’Académie de Médecine est donc la suivante : « En fonction de
ces difficultés et des données précédemment exposées, l’Académie
de Médecine formule les recommandations suivantes : 1) Améliorer
la pratique des expertises de dangerosité des criminels sexuels en
enseignant et en diffusant les méthodes actuarielles. Informer les
magistrats et le public en général, du caractère très imparfait des
prévisions, même quand l’expertise a utilisé les meilleurs instruments
actuellement disponibles… »
Une nouvelle étape
vient d’être franchie
en date du 8 juin
2010. L’Académie de
Médecine a remis
un rapport décisif en
faveur de l’utilisation des
échelles actuarielles
et ceci de façon
systématique dans
l’évaluation du risque de
récidive :
L’Académie de Médecine entérine donc les précédentes
recommandations parlementaires et médicales, en confirmant la
nécessité d’abandonner l’évaluation clinique non structurée au profit
des méthodes validées sur des bases scientifiques.
17 Bénézech M, Pham TH, Le Bihan P. Les nouvelles dispositions concernant les criminels
malades mentaux dans la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la
déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental : une nécessaire évaluation du risque criminel. Annales Médico Psychologiques, 2009 ; 167 : 39-50.
18 Haute Autorité de Santé. Prise en charge des auteurs d’agression sexuelle à l’encontre
de mineurs de moins de 15 ans. Recommandations de bonne pratique, Juillet 2009, Paris.
19 Milgrom E, Bouchard P, Olié JP. La prévention médicale de la récidive chez les délinquants sexuels. 2010, Rapport de l’Académie de Médecine, Paris.
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 17
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES AUTEURS DE
VIOLENCE SEXUELLE
1. Efficacité des traitements
Après le volet consacré à l’évaluation des délinquants sexuels,
nous nous interrogeons à présent sur l’impact des différentes
modalités de soins proposés à cette population. L’objectif d’une telle
prise en charge est la réduction du risque de récidive, ce qui signifie
qu’un traitement jugé efficace doit entraîner une diminution de cette
récidive.
Les deux grandes options thérapeutiques sont, d’une part les
psychothérapies, et d’autre part les traitements médicamenteux de
type anti-hormonaux.
Plusieurs études portant sur l’efficacité des traitements
psychologiques non spécialisés auprès d’agresseurs sexuels ont
été effectuées. Une psychothérapie non spécialisée se caractérise
généralement par des entretiens libres : le thérapeute laisse libre
cours au discours du patient, se contentant de l’aiguiller par moment.
Les évaluations de cette méthodologie ont toutes abouti aux
mêmes résultats: aucune différence statistiquement significative
n’a été observée entre les groupes de sujets traités et non traités en
termes de récidive. Le taux de récidive, générale et sexuelle, est donc
identique, que le sujet bénéficie ou non d’un suivi psychothérapique
classique20 21 22 23. L’inefficacité de ces thérapies dans la réduction de
la récidive sexuelle est donc une donnée connue depuis maintenant
une vingtaine d’années au niveau international.
Des efforts considérables ont été faits pour promouvoir le
développement de méthodes visant à pallier l’inefficacité des
psychothérapies classiques en matière de récidive pédophilique. La
plupart des thérapies spécialisées font appel aux techniques dites
cognitivo-comportementales (TCC). Pour ces psychothérapies, les
études réalisées confirment une efficacité au moins partielle : elles
entraînent une diminution significative de la récidive sexuelle. La
première évaluation, réalisée par Hanson et collaborateurs en 2002
portait sur 43 études, correspondant à 9454 patients24. Le taux de
récidive sexuelle moyen pour un sujet pédophile était de 12,3% à
10 ans. Cette méta-analyse a confirmé l’absence d’efficacité des
psychothérapies classiques (à orientation analytique ou de soutien)
Le taux de récidive,
générale et sexuelle,
est donc identique,
que le sujet bénéficie
ou non d’un suivi
psychothérapique
classique. L’inefficacité
de ces thérapies dans la
réduction de la récidive
sexuelle est donc une
donnée connue depuis
maintenant une vingtaine
d’années au niveau
international.
20 Davidson P. Outcome data for a penitentiary-based treatment program for sex offenders. Conference on the Assessment and Treatment of the Sex Offender, Kingston, Ontario.
21 Florida Department of Health and Rehabilitative services. Status of the sex offender
treatment programs, fiscal year 1983-84, Annual report to the Florida Legislature, Alcohol,
Drug Abuse and mental Health Program Office, Tampa, 1984.
22 Frisbie L.V. Another look at sex offenders in California, 1969, Mental Health Research
Monograph N° 12, Sacramento, CA, California, Department of mental Hygiene.
23 Furby L., Weinrott M.R., Blackshaw L. Sex offender recidivism. Psychological Bulletin,
1989 (105): 3-30.
24 Hanson K.R., Gordon A., Harris A.J. et al. First report of the collaborative outcome
data project on the effectiveness of psychological treatment for sex offenders. Sex
Abuse 2002(14): 195-197.
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 19
Études & Analyses
s’agissant du taux de récidive : celui-ci restait stable à 17,4%. En
revanche, le taux de récidive ne s’élevait qu’à 9,9% dans le groupe de
patients traités par TCC. Une nouvelle méta-analyse réalisée en 2008,
portant sur un total de 22181 sujets répartis au travers de 80 études
a confirmé les résultats précédents25. Schmucker et collaborateurs
confirment que seule la TCC a démontré un impact modéré mais
positif sur la réduction du taux de récidive sexuelle des pédophiles
par rapport aux psychothérapies dites classiques.
En France, seule une minorité d’équipes pénitentiaires propose
des TCC spécialisées. Il s’agit de psychiatres et psychologues
spécialement formés, dispensant leurs soins auprès de détenus. Mais
à leur sortie de prison, ces patients sont ensuite orientés vers une filière
de soin non formée, proposant des psychothérapies sans résultat en
termes de réduction du risque de récidive.
Parallèlement aux
psychothérapies, l’autre
forme de traitement
principal est le traitement
médicamenteux.
En France, seules
deux molécules ont
l’Autorisation de Mise sur
le Marché (AMM) dans
l’indication des troubles
de l’attirance sexuelle
(paraphilie).
Parallèlement aux psychothérapies, l’autre forme de traitement
principal est le traitement médicamenteux. En France, seules deux
molécules ont l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans
l’indication des troubles de l’attirance sexuelle (paraphilie): il s’agit de
l’Androcur ® et du Salvacyl LP ®. L’AMM de l’Androcur ® dans cette
indication date de juillet 2005 et précise qu’il doit être prescrit pour la
« réduction des pulsions sexuelles dans les paraphilies en association
à une prise en charge psychothérapeutique ». L’AMM du Salvacyl
LP ® est plus récente, puisque datant d’août 2007. Ce traitement est
utilisé sous forme injectable. Il est « indiqué pour la réduction majeure
et réversible des taux de testostérone afin de diminuer les pulsions
sexuelles chez l’homme adulte ayant des déviances sexuelles
sévères. Le traitement doit être associé à une psychothérapie dans le
but de diminuer le comportement sexuel déviant ». Ces deux options
thérapeutiques permettent de diminuer la libido des délinquants
sexuels, mais ne modifient en rien leur déviance sexuelle. Les effets
de ces traitements sont par ailleurs réversibles dès leur arrêt.
L’Androcur ® est un dérivé progestatif. Cette molécule exerce
son action en réduisant la production de testostérone. Les deux
premières études princeps validant son efficacité datent des années
1970. Une première étude portait sur 110 délinquants sexuels traités
par Androcur ® sur une période de plusieurs mois. Dans 80% des cas,
les pulsions sexuelles étaient réduites26. La seconde étude porte sur
350 patients traités pendant 3 ans. La réduction des pulsions a pu
être obtenue pour 89% des patients. Au total, 4 études contrôlées
en double aveugle versus placebo ont démontré une efficacité de
l’Androcur ® pour diminuer les pulsions sexuelles sur une population
de délinquants sexuels27.
Toutefois plusieurs équipes ont rapporté des cas de sujets
résistants à ce traitement. Ce qui a conduit à la recherche d’autres
thérapies hormonales plus efficaces. Il s’agit des analogues de la
25 Schmucker M., Losel F. Does sexual offender treatment work ? A systematic review of
outcome evaluations. Psicothema 2008(20): 10-19.
26 Laschet U, Laschet T. Psychopharmacotherapy of sex offenders with Cyproterone
Acetate in Neuro-psycho-pharmakologie 4, vol 2: 99-104; 1971.
27 Mothes B, Lehnert J, Samimi F et al. Klinische Prufung von Cyproteronacetat bei
Sexualdeviationen-Gesamtauswertung. In Schering Symposium über Sexualdeviationen
und ihre medikamentose Behandlung, Berlin, Live Sci Monogr (Raspé G, ed) 1971: 65-87.
Page 20 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
gonadolibérine (ou GnRH), classe à laquelle appartient le Salvacyl LP
®. Cette molécule agit en inhibant la sécrétion des hormones LH et FSH
directement au niveau de l’hypophyse. Avec comme conséquence
un effondrement des taux de testostérone et une chute de la libido.
La première étude validant l’efficacité de cette classe
pharmacologique a été conduite en France. Ce traitement a réduit
les troubles sexuels de 6 patients qui étaient initialement résistants
à l’Androcur ®28. D’autres études sont venues étayer ce premier
résultat29 30 31 32. Une efficacité en termes de réduction des pulsions
sexuelles était rapportée, avec un bon profil de tolérance, les effets
indésirables rapportés étant rarissimes.
Enfin, une étude récente s’est attachée à comparer le traitement
de deux groupes de pédophiles. L’un d’eux bénéficiait d’une
psychothérapie seule de type TCC, l’autre d’une association TCCcastration chimique par analogue GnRH. Le groupe recevant
l’association TCC- analogue GnRH présentait les meilleurs résultats en
terme de diminution des pulsions sexuelles.
Les TCC, l’Androcur ® et le Salvacyl LP ® ont démontré leur
efficacité en termes de réduction du risque de récidive. Mais si le
risque de récidive peut être considérablement réduit, il n’est jamais
supprimé. Ce qui signifie qu’une récidive est toujours possible sous
traitement chimique correctement conduit.
Aujourd’hui, le traitement le plus efficace en termes de réduction
du risque de récidive est l’association TCC- castration chimique par
Salvacyl.
Pourtant, sur le terrain, seule une minorité de patients français
bénéficie d’un traitement par les freinateurs de la libido. Il s’agit
d’une option thérapeutique rarement mise en œuvre du fait d’une
absence de formation des équipes de secteur.
2. Situation actuelle en France
En France, les soins s’inscrivent le plus souvent dans le cadre
d’une injonction de soins, après avoir effectué une peine de prison.
Le condamné est invité à choisir un médecin ou un psychologue
traitant, sous le contrôle d’un médecin coordonnateur.
Aujourd’hui, le traitement
le plus efficace en
termes de réduction
du risque de récidive
est l’association TCCcastration chimique par
Salvacyl. Pourtant, sur le
terrain, seule une minorité
de patients français
bénéficie d’un traitement
par les freinateurs de la
libido.
Contrairement aux soins proposés aux toxicomanes, il n’y a pas de
circuit spécialisé et identifié comme tel dans les soins ambulatoires
des délinquants sexuels. Les soins sont donc dispensés indifféremment
par les équipes de secteur en Centre Médico-Psychologique (CMP)
28 Thibaut F, Cordier B, Kuhn JM. Effect of a long-lasting gonadotrophin hormone-releasing
agonist in sex cases of severe male paraphilia. Acta Psychiatr Scand 1993(87): 445-450.
29 Krueger RB, Kaplan MS. Depot-leuprolide acetate for treatment of paraphilias: a
report of twelve cases. Arch Sex Behav 2001(30): 409-422.
30 Rosler A, Witztum E. Treatment of men wtih a long-lasting analogue of gonadotrophin-releasing hormone. New Engl J Med. 1998(338):416-422.
31 Saleh FM, Niel T, Fishman M. Treatment of juvenile paraphilia with leuprolide acetate : a preliminary case report series. J Forensic Sci, 2004(49):1343-1348.
32 Schober J.M., Kuhn P.J., Kovacs P.G. et al. Leuprolide acetate suppresses pedophilic
urges and arousability. Arch Sex Behav 2005(34): 691-705.
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 21
Études & Analyses
ou dans les cabinets privés.
Les psychothérapies
non spécifiques
et d’inspiration
psychanalytiques sont la
principale modalité de
soins proposés en France.
En effet, les psychiatres
et psychologues
n’intervenant pas en
milieu pénitentiaire n’ont
aucune formation à la
prise en charge de cette
patientelle particulière.
Les
psychothérapies
non
spécifiques
et
d’inspiration
psychanalytiques sont la principale modalité de soins proposés en
France. En effet, les psychiatres et psychologues n’intervenant pas
en milieu pénitentiaire n’ont aucune formation à la prise en charge
de cette patientelle particulière. De rares études concernant les soins
des auteurs de violence sexuelle ont été publiées. Une première étude
s’intéresse aux patients en obligations de soins33. En tout, 19% de ces
patients étaient adressés pour infraction sexuelle. Leur suivi était assuré
par des équipes de secteur (en CMP) non formées à la prise en charge
des délinquants sexuels. Seule une infime fraction d’entre eux (1,9%) a
été orientée vers un centre spécialisé dans les troubles des conduites
sexuelles. Une seconde étude portait sur une population similaire34. La
proportion des agresseurs sexuels était de 33%. Cette étude mettait en
lumière une méconnaissance totale du cadre juridique des soins relatif
aux auteurs de violence sexuelle. Les auteurs réalisent un amalgame
entre le cadre de l’obligation de soins et celui de l’injonction de soins,
chacun des deux termes étant utilisé indifféremment.
Il s’agit en effet de 2 régimes de soins très différents :
1. L’obligation de soins, prévue par l’article 132-45
du code pénal, est mise en oeuvre sans procédure
particulière. Il s’agit d’une mesure générale applicable
avant ou après la condamnation pénale. Cette mesure
est non spécifique à la délinquance sexuelle et aucune
relation entre les autorités judiciaires et sanitaires n’est
prévue. Aucune expertise psychiatrique préalable n’est
nécessaire pour la mettre en œuvre. Le seul contrôle que
le juge peut en avoir se base sur la simple remise d’un
certificat médical, sans aucune autre information.
2. L’injonction de soins, créée par la loi du 17 juin 1998
relative au suivi socio-judiciaire, est applicable lorsque le
suivi socio-judiciaire est encouru et lorsqu’une expertise
médicale conclut à la possibilité de soins, dans le cadre
d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération
conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’une
surveillance de sûreté. Elle fait intervenir le médecin
coordonnateur en application des dispositions de l’article
L. 3711-1 du code de la santé publique. L’expertise
médicale préalable est nécessaire pour l’ordonner ou la
prononcer et la supprimer. Cette procédure fait intervenir
le médecin coordonnateur qui informe le juge des soins
en cours et de leur intérêt.
Une troisième étude s’est focalisée sur une population de pédophiles
extra-familiaux en injonction de soins dans le département d’Indre-etLoire34. Cette étude révèle que la totalité des sujets étaient suivis par des
33 Arena G., Marette F. Enquête sur les obligations de soins en Seine-Saint-Denis EPS de
Ville-Evrard. L’Information Psychiatrique, 2007 (83) : 23-28.
34 Gaillard-Janin N. Enquête sur les sujets ayant été suivis en obligation de soins durant
l’année 2005 au centre Philippe-Paumelle. L’Information Psychiatrique, 2007 (83): 29-34.
35 Auger G, El Hage W, Boussy M, Cano J, Camus V, Gaillard P. Evaluation du dispositif d’injonction de soins pour les auteurs de violences sexuelles en Indre-et-Loire (France). Annales
Médico Psychologiques, 2010 ; 168(6) : 462-466.
Page 22 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
équipes non spécialisées. Les soins étaient de ce fait non spécifiques.
Ils consistaient en une psychothérapie simple pour 14 patients sur 16.
Seuls 2 patients bénéficiaient d’un antidépresseur à visée d’inhibition
de la libido, traitement qui n’a jamais eu l’Autorisation de Mise sur le
Marché (AMM) dans cette indication. Le traitement freinateur de la
libido (castration chimique) n’a été proposé à aucun d’entre eux.
Enfin, une dernière étude a été réalisée sur l’injonction de soins
dans les régions Alsace et Lorraine par Baratta et collaborateurs36. Une
problématique pédophilique concerne 83% des patients en injonction
de soins dans ces 2 régions. La totalité d’entre eux étaient suivis par
des équipes non spécialisées : psychiatres ou psychologues libéraux
ou de secteurs (CMP). Le traitement consistait en une psychothérapie
simple sans traitement pharmacologique dans 66 % des cas. Deux
sujets étaient traités par antidépresseur à visée d’inhibition de la libido.
Un patient condamné pour exhibitionnisme était traité par acétate
de cyprotérone (Androcur ®). Un patient souffrant d’un retard
mental, condamné pour agression sexuelle sur majeur était traité
par analogue de la gonadolibérine (Enantone®). Dans la population
étudiée, aucun des sujets condamnés pour des actes pédophiliques
(qu’il s’agisse d’agressions sexuelles ou de viols) ne bénéficiaient d’un
traitement par castration chimique.
A la lumière de ces quelques études, nous pouvons conclure que
les traitements proposés aux délinquants sexuels en France ne sont
pas de nature à réduire le risque de récidive.
La faiblesse des protocoles des injonctions de soin en France : le cas
Alain PENIN
Le 30 septembre 2009, Alain PENIN bénéficie d’une libération
conditionnelle. Cet aménagement de peine s’accompagne d’un suivi
socio-judiciaire avec injonction de soins. Un médecin coordonnateur
fait le lien entre l’équipe soignante et le JAP. Ce médecin signalait dans
un rapport au JAP en date du 28 avril 2010 « Alain PENIN (…) a réalisé une
évolution positive de son existence, ce qui réduit le risque de récidive. »
A la lumière de ces
quelques études, nous
pouvons conclure que
les traitements proposés
aux délinquants sexuels
en France ne sont pas de
nature à réduire le risque
de récidive.
Les soins étaient dispensés par le Centre Médico Psychologique
(CMP) de Tourcoing. Ils consistaient en un groupe de parole, animé
non pas par un psychiatre ou un psychologue, mais par un infirmier
psychiatrique. Si un tel suivi peut présenter un intérêt pour des patients
souffrant de troubles mentaux « classiques », il est évident qu’il n’est pas
de nature à réduire le risque de récidive des agresseurs sexuels. Par
ailleurs, il ne bénéficiait pas d’un traitement freinateur de la libido qui
aurait pu avoir un impact positif sur l’intensité de ses pulsions sexuelles.
Le 5 septembre 2010, Alain PENIN récidive : il viole et tue Natacha
MOUGEL.
36 Baratta A., Morali A., Halleguen O., La mise en application de l’injonction de soin en
2010. A propos d’une étude réalisée en régions Alsace-Lorraine. A paraître.
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 23
Études & Analyses
3. Recommandations actuelles
La première recommandation médicale date de 2001. Il s’agit de
la 5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de
Psychiatrie consacrée aux psychopathologies et traitements actuels
des auteurs d’agressions sexuelles. Cette conférence de consensus
est donc antérieure aux AMM délivrées à l’Androcur ® et au Salvacyl
LP ® dans leurs indications respectives de castration chimique.
Pourtant elle s’intéressait déjà à cette problématique : « Pour les
experts, les antiandrogènes sont particulièrement indiqués chez les
hommes pédophiles multirécidivistes (en particulier homosexuels) et
chez les hommes pédophiles profondément immatures ou déficients
intellectuels. La littérature rappelle qu’ils ne changent pas l’orientation
sexuelle…Ils comportent des effets secondaires généralement rares
(gynécomastie, cytolyse hépatique) ou peu gênants, le principal
effet à dépister et à prévenir est la déminéralisation osseuse ».
La recommandation numéro 7 était donc naturellement « Les
chimiothérapies devraient pouvoir sortir du stade expérimental et
bénéficier du cadre légal de l’AMM ». Chose faite 4 ans après pour
l’Androcur ® et 6 ans après pour le Salvacyl LP ®.
Plus récemment, la Haute Autorité de Santé (HAS) a édité les
recommandations de bonne pratique concernant la prise en charge
des auteurs d’agression sexuelle à l’encontre de mineurs de moins
de 15 ans37. Un chapitre est consacré aux traitements freinateurs de
la libido. Les recommandations précisent notamment à leur sujet :
« La population concernée est une population restreinte, environ 10
à 15 % des sujets ayant commis un acte sexuel inapproprié. Il s’agit
en particulier : des pédophiles « sévères » (c’est-à-dire ayant un
risque important de passage à l’acte ou de violence) ; et des violeurs
récidivistes avec comportement prédateur. Le traitement par voie
intramusculaire est indiqué en cas de mauvaise observance d’un
traitement antiandrogène par voie orale ». Un algorithme de prise
en charge est proposé en fonction du profil psycho-criminologique
du patient ainsi qu’en fonction de son risque de récidive. Six niveaux
thérapeutiques sont donc définis, correspondant à des degrés de
gravité croissant (tableau en annexe).
Penser qu’une récidive
est peu probable au
motif qu’un agresseur
sexuel bénéficie
d’une injonction de
soins est une erreur
dangereuse, comme le
souligne la deuxième
recommandation de
l’Académie de Médecine
Enfin l’Académie de Médecine a rappelé un élément important
dans ses dernières recommandations de juin 201038. Elle pointe du
doigt l’efficacité partielle des différentes thérapeutiques existantes,
qu’il s’agisse de psychothérapie spécialisée ou de traitements antihormonaux. Penser qu’une récidive est peu probable au motif qu’un
agresseur sexuel bénéficie d’une injonction de soins est une erreur
dangereuse, comme le souligne la deuxième recommandation de
l’Académie de Médecine :
« Définir une politique qui ne soit pas uniquement basée sur
des moyens médicaux. Les traitements à visée hormonale ou
psychologique ayant une efficacité très partielle et quelquefois des
effets secondaires marquants ne peuvent être le seul outil d’une
politique de prévention de la récidive ».
37 Haute Autorité de Santé. Prise en charge des auteurs d’agression sexuelle à l’encontre
de mineurs de moins de 15 ans. Recommandations de bonne pratique, Juillet 2009, Paris.
38 Milgrom E, Bouchard P, Olié JP. La prévention médicale de la récidive chez les
délinquants sexuels. 2010, Rapport de l’Académie de Médecine, Paris.
Page 24 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
RECOMMANDATIONS DE L’AUTEUR
1. Concernant les évaluations
En premier lieu, les expertises de dangerosité devraient inclure
obligatoirement, en plus d’une évaluation clinique, une évaluation
actuarielle.
Le Juge d’application des peines nomme un expert judiciaire pour
l’éclairer sur une situation donnée avant de prendre une décision.
Le magistrat ne peut donc se satisfaire d’une évaluation clinique
dont on sait par ailleurs que les conclusions sont proches du hasard.
Or, les outils d’évaluation du risque validés en langue française
existent depuis une dizaine d’années. La mission de l’expertise postsentencielle devrait donc comporter obligatoirement une évaluation
actuarielle au minimum. Dans l’idéal, elle pourrait être complétée
par une évaluation clinique semi-structurée telle l’échelle HCR 20.
Si un rapport d’expertise devait être rendu sur la base d’une
grille de lecture uniquement psychiatrique, sans mise en œuvre des
instruments adaptés, le Juge d’application des peines devrait le
considérer comme non éclairant. Le magistrat devrait considérer que
l’expert n’a pas répondu à la question posée, à savoir l’évaluation du
risque de récidive. De ce fait aucune conclusion ne pourrait être tirée
d’un tel rapport d’expertise.
Aucune formation aux méthodes actuarielles n’existe en France.
Il est donc nécessaire de former les psychiatres et psychologues
réalisant des expertises pénales à ces méthodes. Il s’agirait d’inclure
ces enseignements obligatoires en formation initiale dans le cadre des
Diplômes d’Université de psychiatrie légale dispensés par certaines
universités. Cette formation doit aussi s’inclure en formation continue
via la Compagnie Nationale des Experts Judiciaires. Ces compagnies
organisent des sessions de formation pour les experts inscrits sur les
listes des Cour d’Appel. Dans cette perspective, des partenariats
avec la Belgique et le Canada devraient être créés, ces deux pays
utilisant des échelles validées en langue française.
L’Etat devrait se fixer comme objectif qu’aucune libération
conditionnelle ne soit possible sans que la juridiction d’application
des peines ne dispose d’une évaluation actuarielle du risque de
dangerosité. A court terme, il pourrait être opportun de contraindre
les commissions pluridisciplinaires des mesures de sûreté (qui se
prononcent notamment sur les libérations conditionnelles des
condamnés à perpétuité) d’assortir leur avis d’une évaluation
actuarielle de la dangerosité du condamné. A moyen terme, on
pourrait envisager d’exclure des expertises post-sentencielles les
experts non formés aux échelles actuarielles.
2. Concernant le traitement
L’Etat devrait se fixer
comme objectif
qu’aucune libération
conditionnelle ne soit
possible sans que la
juridiction d’application
des peines ne dispose
d’une évaluation
actuarielle du risque de
dangerosité.
L’urgence est d’abandonner les traitements n’ayant aucune
incidence sur le risque de récidive, c’est-à-dire la psychothérapie
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 25
Études & Analyses
non spécialisée.
On pourrait envisager de créer une filière de soins comparable
à celle qui existe déjà pour la toxicomanie : une filière en milieu
carcéral en formant les psychiatres et psychologues travaillant en
SMPR à cette prise en charge. Il s’agirait également de poursuivre
la politique du gouvernement en créant des Centres de détention
ou des Maisons centrales spécialisés dans l’accueil des auteurs de
violences sexuelles.
Mais une filière est aussi nécessaire en milieu ambulatoire. Les
psychiatres et psychologues de secteur (CMP) et libéraux n’ont
aucune formation, voire se désintéressent de cette problématique.
Les équipes pluridisciplinaires travaillant en SMPR ou dans les Centres
de détention devraient par conséquent pouvoir intervenir dans des
CMP spécialisés en ville pour la prise en charge des délinquants en
milieu libre. Ainsi les injonctions de soins seraient assurées par une
même équipe parfaitement formée.
Les traitements
pharmacologiques,
notamment de type
freinateur de la libido ne
doivent pas rester une
exception. Ils concernent
aujourd’hui une minorité
des délinquants sexuels
(moins de 5 % des cas
dans l’étude la plus
récente)
Les traitements pharmacologiques, notamment de type freinateur
de la libido ne doivent pas rester une exception. Ils concernent
aujourd’hui une minorité des délinquants sexuels (moins de 5% des
cas dans l’étude la plus récente menée par l’équipe de Baratta et
collaborateurs39). Il conviendrait à ce sujet de respecter l’algorithme
de la prise en charge des agresseurs sexuels mis au point par le
Professeur Thibaut40 (voir en annexe).
Il paraît nécessaire de former les équipes soignantes à l’utilisation
des traitements freinateurs de la libido qui restent faciles d’emploi.
Une meilleure connaissance de cette classe thérapeutique doit être
obtenue non seulement auprès des psychiatres, mais également
du grand public. Il faut rappeler qu’il ne s’agit aucunement d’un
traitement irréversible et que le terme de castration n’est pas adapté.
Dans l’idéal, la prise en charge des auteurs de violence doit
comporter une psychothérapie de type TCC dans tous les cas,
associée à un traitement freinateur de la libido selon le profil psychocriminologique du sujet (voir algorithme décisionnel).
Toutefois, il ne faut pas attendre de miracles des soins spécialisés.
Une récidive est toujours possible sous traitement correctement suivi.
C’est pourquoi l’évaluation du risque de récidive est si importante.
En cas de risque de récidive important malgré un traitement approprié,
ou si le délinquant ne se soumet pas aux soins, un internement à l’issue
de la peine de prison doit pouvoir être possible. Il s’agirait de placer le
détenu dans une structure de type Centre de défense sociale (CDS).
Une telle possibilité existe en Belgique : un internement en CDS
peut être ordonné si, à l’issue d’une peine privative de liberté,
la réintégration dans la société s’avère impossible ou lorsque le
comportement en liberté révèle un danger pour la société. Il en va
39 Baratta A., Morali A., Halleguen O., La mise en application de l’injonction de soin en
2010. A propos d’une étude réalisée en régions Alsace-Lorraine. A paraître.
40 Thibaut F. et al. And the WFSBP Task Force on Pharmacological treatment of paraphilias. World Journal of Biological Psychiatry, in press 2010.
Page 26 – Janvier 2011 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
de même en Suisse, où l’article 64 du Code Pénal prévoit une mesure
d’internement pour les auteurs d’infractions particulièrement graves
si les conditions suivantes sont respectées :
Si, au regard des caractéristiques de la personnalité
de l’auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis
l’infraction, il est sérieusement à craindre qu’il commette
d’autres infractions du même genre.
Si, en raison d’un grave trouble mental clinique et
récurrent en relation avec l’infraction, il est sérieusement
à craindre que l’auteur ne commette d’autres infractions
du même genre et que le traitement institutionnel semble
voué à l’échec.
Depuis 2008, le juge suisse peut ordonner l’internement à vie du
délinquant si « il est fortement probable que l’auteur commette à
nouveau un de ces crimes » ou si « l’auteur est qualifié de durablement
non amendable dans la mesure où la thérapie semble, à longue
échéance, vouée à l’échec ».
En France, la loi du 25 février 2008 a créé un dispositif intitulé
« rétention de sûreté ». Toutefois, ce dispositif présente le défaut
majeur de n’être accessible qu’aux criminels condamnés à une
peine supérieure ou égale à 15 ans de prison. Ce qui exclut un certain
nombre de profils extrêmement dangereux qui n’ont pas (encore)
commis de crime suffisamment grave pour être condamnés à une
telle peine.
Études & Analyses
En France, la loi du
25 février 2008 a créé
un dispositif intitulé
« rétention de sûreté ».
Janvier 2011 – Page 27
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
CONCLUSION
La présente étude permet de cerner toute la difficulté des
interactions entre le domaine sanitaire et judiciaire en France. La
première attente de la justice concerne l’évaluation du risque de
récidive de la part des psychiatres. Or, la plupart d’entre eux n’ont
aucune formation aux méthodes psycho-criminologiques. De ce fait
les évaluations fournies ne sont pas de nature à éclairer la justice.
Dans ce domaine la France a accumulé un retard considérable par
rapport à la plupart des pays européens. Ces derniers ont développé
de concert politique de libération conditionnelle et évaluations
standardisées.
Concernant le volet de la prise en charge sanitaire, un retard
similaire est également constaté. Encore une fois, un défaut de
formation des soignants explique cette situation singulière. Dans une
grande majorité des cas, les thérapies mises en oeuvre restent sans
effet sur le risque de récidive. Nous sommes face à une situation de
coquille vide. La justice attend du domaine du sanitaire des résultats
qui ne peuvent être garantis. Et pourtant, des thérapies efficaces
existent et peuvent être mises en œuvre, à condition toutefois d’y
être formé.
Mais il serait dangereux d’attendre des psychiatres des soins
garantissant la neutralisation des agresseurs sexuels, malgré le
recours aux meilleurs outils existants. Le risque zéro n’existe pas. A
ce jour, la seule alternative pouvant garantir l’absence de récidive
reste l’enfermement. Ce qui peut justifier pour certains criminels
particulièrement dangereux des peines de rétention de sûreté à
l’issue de leur incarcération.
Études & Analyses
Mais il serait dangereux
d’attendre des
psychiatres des
soins garantissant
la neutralisation des
agresseurs sexuels,
malgré le recours aux
meilleurs outils existants.
Le risque zéro n’existe
pas.
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Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
ANNEXES
Tableau 1 : liste non exhaustive des principales échelles d’évaluation du risque de récidive.
Instruments statiques
(échelles actuarielles)
VRAG
SORAG
Statique-99
VASOR
Récidive violence générale
Récidive violence sexuelle
Récidive violence sexuelle
Récidive violence sexuelle
Instruments cliniques structurés
(échelles dynamiques)
HCR-20
SVR-20
Stable-2000
Acute
VRS
Récidive violence générale
Récidive violence sexuelle
Récidive violence sexuelle
Récidive violence sexuelle
Récidive violence sexuelle
Tableau 2 : éléments pris en compte dans la cotation de la Statique 99
1) Age au moment du délit
2) Capacité à vivre en couple pendant au moins 2 ans
3) Antécédents d’infractions avec violences non sexuelles
4) Antécédents d’infractions sexuelles antérieures (accusations et/ou condamnations)
5) Nombre de condamnations antérieures
6) Condamnations pour infractions sexuelles sans contact
7) Existence d’une victime sexuelle extra familiale
8) Existence d’une victime sexuelle inconnue
9) Existence d’une victime sexuelle de sexe masculin
Études & Analyses
Janvier 2011 – Page 31
Études & Analyses
Tableau 3 : Algorithme de la prise en charge médicamenteuse des auteurs d’agression
sexuelle (d’après Thibaut F. et al. And the WFSBP Task Force on Pharmacological treatment of
paraphilias. World Journal of Biological Psychiatry, in press 2010).
Niveaux
Objectifs et indications
Traitements et
posologies
Niveau 1
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; pas d’impact du traitement sur l’activité
sexuelle conventionnelle et sur le désir sexuel
- Psychothérapie (utiliser
TCC si thérapeute formé)
afin de prévenir les
récidives
Niveau 2
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; impact mineur du traitement sur l’activité
sexuelle conventionnelle et sur le désir sexuel
- Absence de résultats satisfaisants avec le niveau 1
- Peut être utilisé dans tous les cas modérés de paraphilies
associés à un risque faible d’agression sexuelle
(ex. exhibitionnisme sans risque de viol ou pédophilie)
- Psychothérapie (TCC si
possible)
- IRS (hors AMM) sous
réserve d’utiliser des
doses comparables à
celles prescrites dans
le trouble obsessionnel
compulsif (ex. fluoxétine
40 à 60 mg/j ou
paroxétine 40 mg/j)
Niveau 3
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; avec pour effet secondaire une réduction
modérée de l’activité et du désir sexuels
- Absence de résultats avec le niveau 2 en prescription de
4-6 semaines d’IRS à dose élevée
- Paraphilie avec caresses mais sans pénétration
- Fantasmes sexuels inappropriés sans sadisme sexuel
- Psychothérapie (TCC si
possible)
- Ajouter à l’IRS une
faible dose
d’antiandrogène (ex.
acétate de cyprotérone
50-100 mg/j per os)
Niveau 4
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; avec pour effet secondaire une réduction
importante de l’activité et du désir sexuels
- Absence de résultats satisfaisants avec le niveau 3
- Risque modéré, ou dans certains cas plus élevé, de
violence sexuelle (paraphilies sévères avec notamment
des caresses inopportunes et un nombre limité de
victimes)
- Bonne observance du traitement, sinon passer au niveau
5
- Psychothérapie (TCC si
possible)
- Dose standard d’acétate
de cyprotérone : 200- 300
mg/j per os
- Si présence d’anxiété,
de dépression ou de
troubles obsessionnels
compulsifs associés, un
IRS peut être associé à
l’antiandrogène
Niveau 5
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; avec pour effet secondaire une disparition
quasi complète de l’activité et du désir sexuels
- Risque élevé de violence sexuelle et cas de paraphilies
sévères
- Fantasmes sexuels inappropriés ou comportement sexuel
sadique ou violence sexuelle
- Mauvaise observance ou résultats non satisfaisants
obtenus avec le niveau 4
- Psychothérapie (TCC
si possible)
- Analogue de la
GnRH à longue durée
d’action (c’est-à-dire
Decapeptyl ®) : 11,25
mg tous les 3 mois par
voie intramusculaire.
Niveau 6
- Objectifs : contrôle des fantasmes sexuels inappropriés,
des compulsions et des comportements sexuels
inappropriés ; avec pour effet secondaire une disparition
complète de l’activité et du désir sexuels
- Pas de résultats satisfaisants obtenus avec le niveau 5
- Les cas les plus sévères de paraphilies
Page 32 – Janvier 2011 - Psychothérapie (TCC si
possible)
- Prescrire l’acétate
de cyprotérone (50200 mg/j per os) en
association avec un
analogue de la GnRH
- Un IRS peut également
être associé
Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
Études & Analyses
DERNIÈRES PARUTIONS
N°1 Réformer la procédure pénale : Audition devant la Commission Léger
par Stéphane Maitre, avocat au barreau de Paris
N°2 Le projet de loi pénitentiaire : Une dangereuse révolution
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice et
Stéphane Maitre, avocat au barreau de Paris
N°3 Récidive et dangerosité : La rétention de sûreté, et après ?
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice,
Stéphane Maitre, avocat au barreau de Paris et Jean-Pierre Bouchard, psychologue et
criminologue
N°4 Humanisme, dignité de la personne et droits des détenus
par Stamatios Tzitzis, philosophe, directeur adjoint de l’Institut de Criminologie de Paris
N°5 Le crime incestueux : Une spécificité à identifier et à reconnaître
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice
N°6Proposition de réforme de l’expertise psychiatrique et de l’expertise psychologique
judiciaires
par Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue
N°7 L’inexécution des peines de prison : Pourquoi tant de peines inexécutées ?
Quelles solutions ?
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice
N°8 Le coût du crime et de la délinquance
par Jacques Bichot, économiste, professeur émérite de l’Université Lyon III Jean Moulin
N°10 Le droit d’appel de la victime en matière pénale
Rapport du groupe de réflexion institué par l’Institut pour la Justice
N°11 Maladie mentale, troubles de la personnalité et dangerosité
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice
N°12 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels
par le Dr Alexandre Baratta, psychiatre, expert auprès de la cour d’appel de Metz
À PARAÎTRE
N°13 La peine et son application : une justice aux deux visages ?
Actes du colloque du 8 octobre 2009 à l’Assemblée nationale
Les études et analyses de l’Institut pour la Justice,
réalisées par des experts du champ pénal, ont
vocation à éclairer le débat public sur les enjeux
relatifs à la Justice pénale.
Contacts :
Les opinions exprimées dans ces études sont celles des
auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de
vue de l’association.
Retrouvez l’ensemble des publications de l’Institut pour
la Justice sur le site www.publications-justice.fr
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Édité par l’Institut pour la Justice - Association loi 1901 - 140 bis, rue de Rennes - 75006 PARIS - www.institutpourlajustice.com
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