dans sa gestion du personnel, dans sa manière d’embaucher ainsi que de licencier mais
aussi dans les choix d’attribution de poste ou de promotion qui sont les siens à
l’intérieur de l’entreprise dès lors qu’un individu appartenant à un groupe considéré
comme exposé socialement et déterminé par le sexe, l’âge, la couleur de peau ou le
handicap peut se trouver lésé dans son travail pour cette raison.
Cette limite à la liberté de l’entrepreneur de mener son entreprise comme bon lui
semble n’est en rien évidente. Le contrôle exercé par l’Etat au nom de la protection des
citoyens les plus faibles qui pourraient subir des différences de traitement injustifiées
n’est absolument pas admis dans la plupart des Etats du monde où l’employeur exerce
un pouvoir discrétionnaire à l’égard de ses employés. Cependant, là encore, la volonté
de mettre en œuvre le principe d’égalité tant dans la sphère publique que dans la
sphère de l’entreprise, c’est-à-dire dans un espace privé, est partagée tant en Europe
qu’en Amérique du Nord.
La spécificité du modèle social européen est ailleurs. La piste se trouve dans le rapport
Kok qui, dans ses conclusions, défend le maintien du modèle social européen et
conseille de promouvoir le rôle des partenaires sociaux et d’approfondir le dialogue
social, tant au niveau national qu’européen pour atteindre les objectifs de Lisbonne.
Or, la forme la plus aboutie du dialogue social s’exprime à travers les conventions
collectives.
Le débat sur la renégociation de la directive 2003/88/CE relative à l’aménagement du
temps de travail[7] est intéressant à cet égard. Les Etats-Unis ne possèdent pas de loi
fédérale imposant une limite maximale au temps de travail. Il en va de même pour le
Japon. La Commission a donc proposé de maintenir le principe d’une durée
hebdomadaire limitée à 48 heures mais aussi d’autoriser une certaine flexibilité
destinée à permettre aux entreprises européennes d’affronter leurs concurrents directs
et de préserver l’emploi. En outre, la Commission a pris acte des conséquences de
l’évolution des frontières de l’Union. Un certain nombre de nouveaux Etats membres de
l’Union possèdent des caractéristiques climatiques qui conduisent à un déséquilibre de
la charge de travail sur l’année. Aussi la Commission a-t-elle proposé l’extension de la
période de référence de quatre à douze mois pour le calcul de la semaine moyenne de
travail de 48 heures maximum. De plus, la Commission a pris acte des stratégies de
détournement opérées au Royaume-Uni grâce au privilège de l’opt-out qui autorise les
États membres à ne pas appliquer la limite maximale de 48 heures sur la base
d’accords volontaires individuels conclus avec les travailleurs.[8] Au Royaume-Uni, un
contrat sur cinq présentait une clause d’exemption à la durée hebdomadaire maximale
du travail. Le travailleur en recherche d’emploi subissait souvent le diktat de son
employeur potentiel. La proposition de directive a pour objet non d’abolir mais de
limiter cette dérogation. Il sera certes possible à l’employeur de proposer une clause
d’exemption mais jamais lors du contrat d’embauche. Cela signifie que le salarié sera
en mesure de refuser cette offre ou de la négocier dans des termes équitables. Enfin,
la Commission propose de ne pas considérer les périodes inactives de garde comme du
temps de travail, même lorsque le travailleur doit être disponible sur le lieu de
travail, alors même qu’au cours des cinq dernières années, trois arrêts importants
rendus par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE)[9] ont confirmé
que le temps de garde - à savoir le moment où le travailleur doit être disponible sur le