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perspectives
Apprentissage de la médecine
de famille et de la relation médecinpatient : témoignages d’étudiants
Les cinq instituts/unités de médecine de famille des universités
suisses assurent désormais l’enseignement de la médecine de
famille aux étudiants en médecine. A Genève, cela se fait, entre
autres, à travers un stage d’introduction de médecine de premier recours en deuxième année. Les étudiants se rendent
quatre demi-journées au cabinet d’un médecin de premier recours qui leur fait découvrir les compétences du médecin de
famille selon la définition de l’Association mondiale des médecins de famille (WONCA).
Cet article présente les apprentissages que peuvent faire les
étudiants lors de ce stage, en présentant successivement ces
différentes compétences illustrées par des extraits de rapport
de stage des étudiants.
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1100-5
J. Sommer A. Rieder D. M. Haller
Learning about family medicine and the
doctor-patient relationship : student views
The five university institutes/units for family
medicine in Switzerland are now responsible
for teaching family medicine to medical students, particularly through the introductory
cleckship in primary care in the 2nd year.
During four half-days, the students attend the
office of a family doctor and discover the characteristics of family medicine according to
the definition of the World Association of
Family Doctors (WONCA).
This article shows how these training sessions
are a profound and enriching learning experience for students. Different skills are presented and are illustrated by extracts from the
reports students write at the end of the four
half-days.
«Il y a des médecins pour soigner le cœur,
des médecins pour soigner les dents, des médecins pour soigner le foie,
mais qui soigne le malade ?»
Sacha Guitry
«Si Sacha Guitry venait me poser la question, je répondrai sans
hésiter et convaincu : le médecin de premier recours».
Michel Zbinden, étudiant en médecine
Les cinq instituts/unités de médecine de famille des universités suisses assurent
désormais l’enseignement de la médecine de famille aux étudiants en médecine.1
Différentes activités sont organisées au cours des études pour transmettre autant
le savoir que le savoir-faire et le savoir-être du médecin de famille, notamment
des gestes cliniques de base et des compétences de communication.2
Dans l’ensemble, les étudiants sont très satisfaits de leur contact avec la médecine de famille. Ils apprécient l’accès à une multitude d’activités allant de l’anamnèse à l’examen clinique orienté sur le problème, aux entretiens de prévention,
d’explication, aux gestes simples de prise de tension artérielle, de prise de sang,
de vaccinations, etc.3 Mais que retiennent concrètement les étudiants de ces activités ?
Nous présentons ici des extraits de rapports des étudiants comme illustration
de la richesse et de la profondeur de l’apprentissage en médecine de famille et en
communication au cours d’un stage au cabinet que font les étudiants de deuxième et troisième années à Genève.
organisation du stage d’introduction à la médecine
de premier recours
A Genève, l’Unité de recherche et d’enseignement en médecine de premier
recours (UREMPR) regroupe sept médecins praticiens et une secrétaire qui organisent un stage d’introduction à la médecine de premier recours et recrutent
comme tuteurs des praticiens installés pour encadrer un nombre toujours croissant
d’étudiants en médecine de deuxième et troisième années. L’UREMPR travaille
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continuellement à l’amélioration de la qualité de ce stage en
s’inspirant des commentaires des étudiants et des tuteurs.
Ce stage est le premier contact pour l’étudiant avec la
médecine de cabinet et souvent le premier contact avec
un vrai patient. Ce stage consiste en quatre demi-journées
où l’étudiant participe à la vie quotidienne d’un médecin de
famille : les consultations variées, prévues ou non, les gestes
techniques, les visites à domicile, les soutiens psychologiques, les entretiens avec les délégués pharmaceutiques,
la gestion du cabinet et des employés, la facturation, etc.
Il s’agit pour le médecin de famille de faire participer
l’étudiant à sa réflexion tant médicale, que relationnelle ou
administrative en cherchant à lui enseigner les prémices de
la médecine clinique tout en lui faisant partager la passion
de ce métier afin de susciter des vocations. C’est un lieu
idéal pour enseigner les spécificités de la médecine de famille selon les axes proposés par la WONCA*, en particulier
pour permettre aux étudiants de vivre de l’intérieur les
concepts biomédicaux, communicationnels, environnementaux et organisationnels appris à la faculté. A la fin du stage,
les étudiants doivent rédiger un rapport de stage devant
illustrer les compétences du médecin de famille selon les
compétences de la WONCA ; le stage est estimé sur la base
du comportement évalué par le maître de stage et sur la qualité du rapport de stage. Cette évaluation est sanctionnelle.
Nous allons passer en revue ces différentes compétences décrites par la WONCA (tableau 1) en illustrant les apprentissages faits par des étudiants dans ce domaine sur la
base d’extraits de leurs rapports de stage.
gestion des soins de santé primaire
Le premier objectif est de faire découvrir à l’étudiant la
multitude de pathologies que doit assumer le médecin de
famille. Même s’il ne détient pas toujours le savoir pour asTableau 1. Compétences fondamentales du médecin de famille d’après WONCA Europe 20054
• Gestion des soins de santé primaire
Problèmes non sélectionnés, organisation de soins adéquats pour
toute sorte de problèmes
• Soins centrés sur la personne
Adapter les soins au contexte du patient, développer une relation de
confiance et de partenariat par des compétences de communication
adéquates respectant l’autonomie du patient
• Aptitude spécifique à la résolution de problèmes
Adapter le processus de décision à la prévalence et l’incidence de la maladie
dans la communauté, centrer la résolution du problème sur le problème,
répondre à l’urgence, utiliser les examens complémentaires utiles
• Approche globale
Gérer simultanément les problèmes et plaintes multiples, aiguës et
chroniques, appliquer des mesures de prévention et de réhabilitation
• Orientation communautaire
Concilier les besoins individuels avec les besoins et les ressources de
la communauté
• Adoption d’un modèle biopsychosocial
Avoir une approche biopsychosociale tenant compte des dimensions
culturelles et existentielles de l’individu
*
Organisation mondiale des médecins de famille (www.globalfamilydoctors.com)
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surer seul la prise en charge de toutes les pathologies, le
médecin doit répondre aux attentes du patient sans savoir
encore de quoi il souffre et de quel type de prise en charge
il aura besoin. Le rôle du médecin de famille est donc d’accueillir le patient quelle que soit sa plainte en utilisant ses
outils de communication pour clarifier le besoin réel du patient tout en assurant les soins nécessaires concernant les
pathologies chroniques silencieuses.
«Aujourd’hui, nous avons vu quelques patients différents que le médecin tuteur connaissait déjà (entorse
de cheville, bilan de santé, œdème des membres inférieurs, douleur de la cheville, lombosciatalgie avec perte
de sensibilité, bilan préopératoire). Dans tous les cas, le
médecin a essayé de comprendre la situation générale
du patient comme être humain dans sa famille avant de
faire un diagnostic. Il a écouté attentivement chaque
personne, les a laissées parler, exprimer ce qu’elles
étaient en train de vivre, leurs angoisses et leurs préoccupations». Silvia Martin Lluesma
«Le cabinet du généraliste est un lieu d’investigation
médicale et de diagnostic des multiples pathologies
rencontrées au cours de la vie et ce de l’adolescence au
plus grand âge. Mais c’est aussi et surtout un espace intime où le patient peut parler de lui, de ce qu’il vit en
parallèle de ses affections. Le médecin de premier recours prodigue, outre son éventuel conseil, une oreille
bienveillante et attentive, ce qui en substance est souvent déjà un soulagement». Jessica Vincent
soins centrés sur la personne
Relation-écoute, reformulation-entretien motivationnel
Il s’agit d’enseigner aux étudiants la façon de développer
une relation de confiance avec le patient afin de devenir
partenaire et d’aider le patient à se prendre en charge. Le
médecin de famille ne peut pas simplement donner des
conseils qui souvent ne seront pas appliqués, mais doit utiliser le temps pour construire un lien thérapeutique qui soutiendra le patient dans ses démarches favorisant la santé. Il
s’agit de motiver le patient en valorisant ses compétences
propres, en l’aidant à utiliser ses ressources pour procéder
à des changements de comportement dans sa vie (pour prendre un médicament, arrêter de fumer, contrôler sa glycémie,
par exemple), et ceci en usant des outils de communication
tels que l’écoute active, l’entretien motivationnel, l’empathie.
«La décision de faire un sevrage d’alcool avait déjà été
prise. Dès la première consultation, j’ai compris que la
relation médecin-malade, qui était établie depuis plusieurs mois, serait la base de ce traitement et que sans
cette relation profonde le résultat ne serait pas au rendezvous. (…) La doctoresse a énormément laissé la parole
à la patiente. Elle l’a écoutée de manière très attentionnée. (…) Le temps d’écoute active, lors de cette consul-
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tation, est très important. La patiente se livre beaucoup,
et de manière très intime à la doctoresse. Elle m’a avoué,
à un moment, que c’est parce que c’est la doctoresse X
qu’elle se confie autant, comme pour justifier auprès de
moi que la doctoresse est très proche d’elle et qu’elle
ne pourrait pas faire ce chemin sans elle et sans son
écoute aussi attentive». Etienne Ruffieux
Ecoute empathique individualisée Pour enseigner l’approche centrée sur le patient, il s’agit
de faire vivre à l’étudiant l’importance de tenir compte de
l’individualité propre de chaque patient au-delà de sa pathologie ; il s’agit de s’adapter à sa réalité, à ses croyances,
ses représentations afin de pouvoir répondre à ses besoins
de façon personnalisée et efficace.
«Il (Le médecin) ne reste pas indifférent devant la difficulté et la vulnérabilité du patient. L’écoute empathique est présente, le médecin est réceptif vis-à-vis des
sentiments de celui-ci et de ses pensées. Chacun est à
l’écoute de l’autre, patient et médecin se complètent.
(…) Le médecin respecte les représentations du patient
sur la relation entre vitamines, oligoéléments et santé
garantie, mais cela ne l’empêche pas de recommander
les grands principes généraux : bonne hygiène de vie,
exercice physique, traitement de l’hypertension, diminuer les facteurs de risque cardiovasculaire, etc.
La tâche du médecin est difficile. Selon les dires du
patient «Carcinome, ça mange beaucoup de vitamines ?»
(…) Pendant toute la consultation, le médecin ne s’est
pas adressé à un patient qui a un cancer, il s’est adressé
à une personne, dans son ensemble, (…) une personne
qui a certes un problème de santé, mais qui continue à
vivre normalement, à travailler, à profiter de sa famille,
enfants, petits-enfants.» Mihaela Munteanu
«J’ai pu me rendre compte de la relation qui peut
s’établir entre un médecin et son patient (…). On nous
en parle beaucoup, on nous fait faire des jeux de rôle
que nous prenons plus ou moins au sérieux. Mais en
réalité, tant qu’on ne l’a pas vu ou vécu, on ne peut pas
vraiment savoir ce que c’est.» Joelle Mekoa Mbarga
Négociation
La décision médicale unilatérale conduit trop souvent à
une non-adhésion thérapeutique. La négociation avec le
patient est essentielle pour que la décision prise soit le résultat d’une entente réciproque ; elle augmente l’adhésion
du patient au traitement et sa satisfaction.5
«Durant cette consultation, il s’est produit un réel
échange. Le patient s’est montré actif. La consultation a
été construite autant par le patient que par le médecin.
J’ai trouvé très intéressant de voir combien l’implication
du patient aide à trouver la meilleure solution. Au terme
de la séance, la décision de traitement est une décision
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partagée qui est un compromis entre incertitude médicale, savoir médical et vécu du patient.» Marion Walker
Empathie-gestion des émotions
L’apprentissage de l’empathie proposé dans les cours
de relation médecin-malade semble souvent un peu artificiel aux étudiants. Le vécu d’une situation émotionnelle au
cabinet permet aux étudiants de vivre l’empathie de l’intérieur tout en observant leurs tuteurs user de leur sensibilité
propre pour l’exprimer. Le travail de rédaction du rapport
permet aussi aux étudiants une attitude réflexive qui leur
sera utile tout au long de leurs études et de leur pratique
future.
«Le mari de la patiente est décédé il y a quelques mois.
(…) Cette consultation a été vraiment très émouvante
pour moi (…). J’ai observé attentivement tout le long
comment le médecin s’y prenait pour faire face à autant
d’émotions et aider la patiente : il a respecté sa douleur
en gardant silence et s’arrêtant pour lui laisser un peu de
temps, lui a tendu des mouchoirs, a légitimé sa tristesse.
C’est très touchant de voir une personne pleurer, d’écouter les souvenirs qui lui revenaient, mais c’est incommodant à la fois car on se sent un peu impuissant devant
autant de tristesse et on ne sait pas bien quoi faire, ni
comment s‘y prendre pour l’aider.» Beatriz Rodriguez
aptitude spécifique à la résolution
de problèmes
Le tuteur associera l’étudiant au raisonnement médical
permettant de clarifier une démarche diagnostique face à
une situation médicale peu claire. Il aidera l’étudiant à comprendre l’utilisation de notions comme la prévalence et
l’incidence d’une maladie pour procéder à une résolution
du problème centrée sur la demande du patient, tout en
répondant à l’urgence et en programmant les examens
complémentaires utiles.
«Il y a un riche éventail de pistes à investiguer pour
tenter de poser un diagnostic, avec les éléments qui ont
été présentés à l’anamnèse. La perte des règles peut
nous orienter vers un début de grossesse. Par contre,
les problèmes de croissance sont plutôt expliqués par
la mauvaise alimentation ou peuvent être le fruit d’un
dysfonctionnement génétique. On peut, par exemple,
penser à un syndrome de Turner, ce qui serait en plus en
mesure d’expliquer l’hirsutisme léger. On peut encore
envisager un problème psychosomatique étant donné
le profil psychologique de la fillette. (…) Un tel état
d’esprit peut être à l’origine du problème de croissance
ou de la prise de poids, voire des autres symptômes mais
peut aussi en être la conséquence !» Hugues Cachelin
Incertitude
La gestion de l’incertitude est un outil indispensable en
médecine de famille, où le temps et la réponse ou non-réRevue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 18 mai 2011
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ponse au traitement sont un guide pour le diagnostic. La
gestion de cette incertitude est souvent difficile, suscitant
un inconfort pesant pour le médecin ; c’est dans la gestion
des problèmes courants que l’étudiant pourra l’expérimenter et qu’il pourra voir comment la relation construite entre
le médecin et le patient au long cours peut être une aide
face à l’incertitude.
«Dans un cabinet de médecin de premier recours, on
doit être attentif à ce que le médecin peut être amené
à prendre des décisions sans certitude de diagnostic.
Mais le médecin peut utiliser différents éléments du
passé de la patiente pour essayer de relativiser cette incertitude. Considérant qu’il n’est pas face à un problème
très grave, le médecin peut donc se permettre de ne pas
donner un diagnostic sûr…». Oscar Vazquez
Utilisation des examens complémentaires utiles
Comment gérer les ressources, qu’est-ce qui est «coûtefficace» ? Le résultat de l’examen aura-t-il un impact réel
sur la prise en charge ? Le médecin de famille doit connaître le rendement des examens, respecter les indications
reconnues ; il s’agira souvent d’enseigner à l’étudiant la
manière de faire comprendre au patient l’utilité ou surtout
l’inutilité d’un examen. Le médecin se doit donc de veiller
à ne pas dépasser les limites de consommation des ressources de soins et ne proposer des investigations à son
patient que si celles-ci semblent justifiées.
«Mais que faire devant un patient qui demande des
examens ? Comment refuser de soulager ses craintes ?
L’écoute et la légitimation des craintes, durant les quelques minutes de la consultation, ont permis à un patient
angoissé de ressortir soulagé du cabinet de son médecin.
D’après mon tuteur, le patient venait fréquemment discuter de ses angoisses d’être atteint d’un cancer. Patient,
le médecin a parcouru une partie du dossier, montrant
plusieurs des examens réalisés et ensemble ils ont rediscuté des risques et de la prévalence des cancers.
Mais le médecin n’est pas resté focalisé sur ce point. Il
s’est intéressé à la personne qui se cachait derrière ce
patient angoissé, cherchant sans doute les causes plus
profondes de ses peurs.» Eline Chauvet
approche globale
Le médecin de famille doit saisir les opportunités de
consultation pour gérer l’ensemble de la santé du patient ;
il verra souvent le patient pour un problème aigu, ce qui
ne doit pas l’empêcher d’aborder et de traiter les pathologies chroniques sous-jacentes ou de proposer des mesures de prévention. L’étudiant doit apprendre comment
on répond à la demande explicite du patient, tout en
sachant faire accepter au patient la prise en charge d’autres
pathologies, ou comment susciter et renforcer la motivation du patient à entreprendre des mesures de prévention.6
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«La scène est presque belle à voir. La doctoresse a
placé la feuille d’examen au milieu de son bureau, de
manière à ce que la patiente puisse la lire, et elle commente minutieusement chaque valeur. La patiente,
quant à elle, regarde plus le visage de l’interniste que
la feuille de résultat et tente de comprendre s’il est
bon ou mauvais en analysant les expressions de Mme T.
Et moi finalement qui regarde tantôt le visage de cette
dame, tantôt celui de la doctoresse qui s’applique à
donner des explications claires. Ainsi, durant toute la
consultation, la doctoresse fait preuve de beaucoup de
bienveillance et de pédagogie. Avant de sortir de la
salle d’entretien, la doctoresse remet à sa patiente un
petit prospectus informatif concernant la «pyramide
diététique». Dès lors, le choix de changer sa manière
de bouger et sa manière de manger lui appartient pleinement… la doctoresse n’a fait que tracer des pistes.»
Gaëtan Sossauer
orientation communautaire
Le médecin de famille est un coordinateur de soins. En
l’accompagnant, l’étudiant prend conscience de la dimension communautaire et du rôle essentiel de coordination
que joue le médecin de famille. Là encore, ses outils de
communication sont essentiels, et il s’agira pour le tuteur
de rendre apparent ses moyens de communication (écrits
ou oraux) avec le patient, ainsi qu’avec les autres collaborateurs de soins.
«Au domicile de la patiente, le médecin se métamorphose en un personnage familier. Pas de blouse blanche,
pas de lit médical, pas de salle d’attente, On est chez
nous, et on attend ce médecin qui nous rend visite régulièrement, qui connaît notre intimité, notre appartement, notre humeur qui diffère de jour en jour. C’est
presqu’un jour de fête. On porte une robe de chambre
soignée, un joli chignon, un beau collier, et on attend
tranquillement dans son grand fauteuil. Sur la table de
la cuisine, il y a l’indispensable carnet utilisé par les
autres professionnels de soins, notamment les aides à
domicile qui veillent à l’hygiène et à la propreté et les
infirmières qui notent les valeurs de la glycémie et
d’autres signes vitaux. Sur la base de ces données et sur
l’anamnèse, le médecin prend les décisions nécessaires
à l’ajustement du traitement. C’est impressionnant comment un simple carnet vert fait la liaison entre plusieurs
acteurs du domaine de la santé. Ce n’est pas parce qu’on
ne se trouve pas dans un milieu hospitalier que la confiance, la précision et la rigueur ne seraient pas à la hauteur. Les consultations et les soins auxiliaires à domicile
s’intègrent parfaitement avec une politique de réduction des coûts de la santé.» Mihaela Munteanu
adoption d’un modèle biopsychosocial
C’est en tenant compte de son contexte culturel, de son
environnement familial et professionnel que le médecin
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parviendra à mieux comprendre le patient et à trouver avec
lui un terrain d’entente pour une prise en charge efficace.
«Ce que j’ai bien pu observer dans cet entretien était
l’importance de la prise en compte des dimensions individuelles, familiales et communautaires. (…) De nombreux facteurs devaient être pris en compte : les douleurs liées à la gonarthrose, les précautions à prendre
suite au bypass, l’isolement que devait subir la patiente
à cause de la barrière linguistique et culturelle, le déracinement de son pays natal, la situation familiale complexe avec une mère ayant vécu un grave accident. Cette
consultation m’a montré qu’il était impossible de tout
maîtriser car il fallait faire face à de nombreux événements
pendant une durée de temps limitée.» Marc Baehni
conclusion
Remerciements
Nous remercions tout particulièrement les étudiants, auteurs de ces
citations, qui ont accepté leur publication ; nous remercions aussi
vivement tous les tuteurs et leurs patients qui leur ont permis cet
apprentissage. Afin d’anonymiser les situations des patients, nous
avons modifié certaines précisions les concernant.
Implications pratiques
> Au cours de leur stage d’introduction à la médecine de premier recours au cabinet, les étudiants de deuxième et troisième années de Genève sont sensibilisés aux différentes dimensions du rôle du médecin de famille (selon la WONCA)
> La rédaction du rapport de stage illustre en particulier la prise
de conscience de la diversité des situations de prises en charge par le médecin de famille ainsi que la dimension relationnelle complexe, la gestion de l’incertitude et la dimension
psychosociale et communautaire
> Le travail de maître de stage permet cette rencontre enri-
Ces différents témoignages illustrent la richesse de l’apprentissage au cabinet du médecin de famille. La complexité des situations permet à l’étudiant de découvrir un
kaléidoscope de compétences étroitement imbriquées. La
plupart des étudiants racontent combien ce stage leur a
permis la mise en pratique des notions apprises au cours
des deux premières années, en particulier les compétences cliniques et communicationnelles.
L’exercice même de rédaction du rapport permet également un apprentissage riche dans le domaine de l’approche réflexive qui permet à l’étudiant de décoder ce qui se
passe entre le médecin et le patient mais aussi entre lui, le
tuteur et le patient.
Au sein de l’unité, nous cherchons régulièrement de nouveaux tuteurs de stage prêts à transmettre leur savoir à nos
jeunes collègues tout en leur inoculant l’enthousiasme et
la passion pour une profession riche et complexe. Nous vous
encourageons donc à nous contacter pour participer à ce
travail enrichissant !
chissante avec le regard neuf d’un étudiant qui met en relief
la richesse du métier de médecin de famille
Adresses
Drs Johanna Sommer, Arabelle Rieder et Dagmar M. Haller Unité de recherche et d’enseignement en médecine de premier recours CMU, 1211 Genève 4 et Faculté de médecine Université de Genève 1211 Genève 4 [email protected][email protected][email protected]
Dr Johanna Sommer Chemin des Rayes 33 1222 Vésenaz
Dr Arabelle Rieder Rue de Lausanne 54 1202 Genève
Dr Dagmar M. Haller Consultation santé jeunes HUG, 1211 Genève 14
Bibliographie
1 Bader C. Enseignement de la medecine de premier
recours-decision obligatoire de la CIMS du 24 mars
2004. Bull Med Suisses 2004;85:1825.
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version 2005. Cited ; available from : www.woncaeurope.
org/Web%20documents/European%20Definition%20
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5 * Silverman J, Kurtz S, Draper J. Outils et straté-
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Médecine & Hygiène, 2010:241-65.
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consultation. Paris : InterEditions, 2009.
* à lire
** à lire absolument
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