Kinesither Rev 2014;14(148):31–50 C10 Rééducation et scoliose : actualisation des pratiques Cécile Le Moteux Dijon, France Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Kinésithérapie ; Scoliose À ce jour la scoliose est dans la plupart des cas sans origine connue de façon certaine (idiopathique). Cependant, plusieurs hypothèses sont émises sur ses causes réelles d'apparition (génétiques, hormonales, neuromusculaires, posturales. . .) Afin de comprendre l'histoire naturelle de la scoliose idiopathique, et de pouvoir adapter son traitement de la manière la plus efficace, nous faisons toujours référence de nos jours aux études menées par Mme Duval-Beaupère (Fig. 1), montrant une corrélation entre la croissance, la puberté et l'évolution de la scoliose. Ainsi, il est admis que le traitement le plus précoce est le mieux même s'il n'est jamais trop tard pour le débuter, en sachant que l'atteinte du niveau Risser 5 (croissance terminée) reste la limite de l'aspect indispensable de la prise en charge. La rééducation fait partie des traitements recommandés pour la scoliose idiopathique, et a une place à tous les stades de sa prise en charge (fonctionnel, orthopédique, chirurgical). Elle n'est pas capable de stopper l'évolution d'une scoliose sévère mais ses résultats sont le plus souvent favorables notamment dans le traitement antalgique et des troubles posturaux. Le masseur-kinésithérapeute doit alors pouvoir disposer d'un « arsenal thérapeutique » dans lequel il choisira ses outils en fonction du type de scoliose à traiter et du patient concerné. Cela est d'autant plus important que les déformations liées à la scoliose sont à la fois tridimensionnelles, et situées au niveau du rachis, élément central du corps humain. Il est ainsi aisé de comprendre qu'une déformation rachidienne aura inévitablement une conséquence sur une autre partie du corps et inversement. Le bilan kinésithérapique prend alors tout son sens. Il doit être précoce, régulier et rigoureux dans le seul but de traiter la cause et non uniquement les conséquences en découlant. Les causes des scolioses n'étant pas certaines, mais plusieurs étant évoquées, il est donc primordial de concevoir ce bilan dans une approche systémique. Le groupe kinésithérapique de travail sur la scoliose et le rachis (GKTS) a conçu, dans cette optique, des fiches de bilan d'un patient scoliotique, simples et exhaustives pouvant ainsi aider le kinésithérapeute à aborder le jeune patient dans toute sa globalité (http://www.gkts.net). Figure 1. Courbe de Duval-Beaupère. Congrès Suite à ces bilans, sont généralement retrouvés des troubles de l'équilibre postural statique et dynamique en position debout, des hypoextensibilités des groupes musculaires des ceintures et de ceux situés dans la concavité, des faiblesses musculaires en endurance des muscles de la statique rachidienne et des muscles étirés, ainsi que des troubles de la dynamique respiratoire. À ce jour, aucune technique kinésithérapique est reconnue comme la plus efficace, aucun consensus existe sur un protocole de rééducation des scolioses, et de ce fait les techniques à notre disposition sont multiples. Il revient alors au masseur-kinésithérapeute de décider des méthodes et des techniques qu'il jugera les plus pertinentes à mettre en place. Encore faut-il qu'il les connaisse, et surtout qu'il reconnaisse leurs limites. Nous trouverons ainsi des méthodes relativement anciennes (début 20e siècle) comme Klapp, Schröth ou Niederhoffer, des méthodes plus modernes (1970/1980) comme Mézières, GDS ou RPG, et des méthodes nouvelles comme par exemple la posturologie. Ces méthodes ne sont pas spécifiques à la rééducation de la scoliose mais peuvent toutes être utilisées dans des pathologies complexes, avec comme principe commun la prise en compte d'un patient dans sa globalité (Fig. 2). Chacune a sa place, l'idée étant de les mixer pour plus d'efficacité. Le SOSORT guidelines (Scoliosis Journal 2012) nous indique ainsi des recommandations sur la kinésithérapie spécifique pour prévenir la progression de la scoliose durant la croissance, ainsi que dans le cadre d'un traitement orthopédique ou chirurgical. Ainsi, dans le cas d'un traitement uniquement MK, la SOSORT recommande la MK en première intention, avec un consensus des techniques autour d'une autocorrection en 3D, d'une stabilisation de la posture corrigée, de l'intégration de ces démarches dans les AVQ avec une éducation thérapeutique prépondérante de l'enfant et de ses proches. Dans le cas d'un traitement de la scoliose idiopathique par corset, la SOSORT recommande la MK afin de proposer des mobilisations segmentaires du rachis en amont du corset, d'augmenter l'observance du patient au traitement pendant la durée de port du corset ainsi que des exercices en autocorrection avant le sevrage. Ainsi, « grâce à un meilleur dépistage et des thérapeutiques mieux codifiées, il se produit, de nos jours, une diminution des scolioses infantiles dans les pays développés ». Pour chaque enfant atteint Figure 2. Cécile Le Moteux, masseur-kinésithérapeute cadre de santé, Master en sciences de l'éducation, directrice adjointe, IFMK Dijon. 41 Congrès d'une scoliose idiopathique mineure, la rééducation constitue « le » traitement, limitant le plus possible une évolution « programmée ». Pour en savoir plus http://www.gkts.net. http://www.cofemer.fr. Bernard JC. Examen clinique et radiologique du rachis scoliotique de l'enfant et de l'adolescent. 36e Congrès International Toulouse, 2008. Boussard D. Rôles et importance du kinésithérapeute dans le traitement des scolioses. 36e Congrès International Toulouse, 2008. Bruynell AV, Chavet P, Mesure S. Corset et scoliose idiopathique de l'adolescence. Kinesither 2008;80–81:23–9. Bruyneel V. Gait initiation reflects the adaptative biomechanical strategies of adolescents with idiopathic scoliosis. Annals Physic Rehabilit Med 2010;53(6–7):372–386. Chatelain G. Bilan clinique du tronc de l'enfant. 36e Congrès International Toulouse, 2008. Chenge Tatalias V. 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Ces coordinations inter-segmentaires et l'ordre séquentiel des mouvements de rééquilibration révèlent un déficit des mécanismes anticipateurs de l'équilibre et du rééquilibre en fonction de l'atteinte corticale. Une compréhension des mécanismes adaptatifs ou déficitaires d'instabilité posturale et d'intégration hémisphérique des informations sensorielles doit nous permettre d'orienter notre 42 Figure 1. Serge Mesure, docteur en neurosciences, masseurkinésithérapeute, université d'Aix-Marseille. prise en charge de manière plus précise, rigoureuse et efficace dans le temps. Les phénomènes de latéralités fonctionnelles ainsi que les stratégies posturales présentes chez l'Homme montrent une asymétrie entre les hémisphères cérébraux dans la régulation du comportement humain. Cette asymétrie est particulièrement intéressante lors d'un ictus cérébral perturbant la relation inter-hémisphérique et rendant visibles les caractéristiques fonctionnelles de chaque hémisphère. Les déficits d'organisation posturo-locomotrice, affectant un grand nombre de patients souffrant d'une atteinte cérébrale asymétrique (maladie de Parkinson, hémiparétique, sclérose en plaque) même après rééducation, doivent être évalués en termes de spécificités hémisphériques. Du fait de l'atteinte prédominante sur un des hémicorps (controlatéral à la lésion cérébrale), les patients hémiplégiques sont caractérisés par une asymétrie posturale avec une inégalité de répartition du poids corporel sur leurs appuis. Cette asymétrie est généralement considérée comme étant une conséquence de la déficience unilatérale. Cependant, elle peut être considérée comme étant une stratégie adaptative mise en place par le patient. Elle aurait pour objectif de limiter les contraintes appliquées sur l'appui déficient comme cela a été reporté chez des patients après amputation tibiale ou fémorale, arthroplastie de hanche par exemple. Par ailleurs, les déficits sensorimoteurs des patients hémiplégiques ont des conséquences à tous les stades moteurs. La position assise indépendante, indispensable pour assurer une fonction correcte, est fortement perturbée de même que la position debout (caractérisée par une mise en charge accrue de la jambe saine associée à une décharge de la jambe parétique) et l'initiation de la marche. Cette anomalie de répartition du poids du corps rend plus difficile la gestion du maintien de l'équilibre et apparaît comme un facteur de chute reconnu pour les patients hémiplégiques. Nous pouvons aisément comprendre la place que peut prendre la rééducation posturale en termes de stabilité posturale et de prise en charge de l'asymétrie sensorimotrice de ces patients afin de réduire le risque de chute potentiel. Les stratégies posturales de tout individu pour assurer une position ou un mouvement particulier se construisent à partir de 3 sources d'informations principales : visuelles, proprioceptives et vestibulaires. Ces trois sources d'informations sensorielles sont à la fois complémentaires