Mini-revue
La cholangio-
pancréatographie-IRM :
une approche pratique
Hervé Trillaud , Hervé Laumonier
Service d’imagerie diagnostique et thérapeutique, Hôpital Saint André,
1, rue Jean Burguet, 33075 Bordeaux Cedex
Laboratoire d’Imagerie Moléculaire et Fonctionnelle, ERT CNRS/ UMR 5543,
Université Victor Segalen, Bordeaux 2
La cholangiographie-pancréatographie par IRM a 10 ans. Cette
technique qui permet d’explorer les voies biliaires et les canaux
pancréatiques de façon non invasive a fait l’objet de multiples
évaluations. Elle remplace maintenant, dans la majorité des cas, les
techniques plus invasives telles que la cholangiographie percuta-
née ou endoscopique. Le succès de la cholangiographie-
pancréatographie par IRM est lié à la possibilité d’obtenir en un
seul examen des informations sur le système canalaire sous la
forme d’images similaires aux cholangiographies percutanées ou
endoscopiques avec en plus des images des parenchymes adja-
cents et des structures vasculaires. La réalisation de cet examen
nécessite une technique d’acquisition adaptée à chaque patholo-
gie explorée afin de fournir un examen dont les qualités informati-
ves sont maximales. Cet exposé aborde l’aspect technique pour la
réalisation d’un examen avec les pièges qui en découlent dans
l’interprétation ainsi que les principales applications cliniques.
Mots clés : cholangiographie-pancréatographie, cholangio-IRM, bili-IRM,
voie biliaire, imagerie par résonance magnétique, canal pancréatiaque
L’implication de l’IRM dans l’exploration de la pathologie des
voies biliaires et pancréatiques s’est accrue ces dernières
années grâce au développement de séquences particulières
d’imagerie permettant une visualisation des voies biliaires et du Wirsung.
L’association à d’autres séquences d’acquisition permet d’explorer au
cours du même examen le parenchyme hépatique et pancréatique, les
vaisseaux et le système canalaire. Le succès de cette technique repose sur
son caractère non invasif et la possibilité de fournir une représentation de
l’arbre bilio-pancréatique proche de celle obtenue par des examens
invasifs tels que l’opacification percutanée ou rétrograde endoscopique.
La faible disponibilité de l’IRM limite encore l’accès à cette technique mais
tend à s’améliorer.
Particularité de la bili-IRM par comparaison
aux cholangiographies conventionnelles
Bien que les images obtenues en bili-IRM ressemblent à celles d’une
cholangiographie conventionnelle, les principes physiques qui permettent
d’obtenir ces deux examens sont très différents. La connaissance de ces
différences est importante pour interpréter au mieux les données obtenues
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doi: 10.1684/hpg.2007.0054
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avec la bili-IRM. La résolution spatiale en IRM est
inférieure à celle de l’imagerie classique des cholan-
giographies percutanées ou rétrogrades endoscopi-
ques ce qui limite la visualisation de petites lésions. Cet
inconvénient est partiellement contrebalancé par une
résolution en contraste supérieure de l’IRM.
En IRM, les liquides sont en hypersignal sur les séquen-
ces fortement pondérées en T2. Les séquences de
bili-IRM ou cholangio-pancréatographie–IRM (CP-IRM)
exploitent le signal T2 des liquides non hémorragiques
stationnaires ou à mobilisation lente. La bile et le
liquide pancréatique sont alors très hyperintenses.
La CP-IRM examine les voies biliaires et pancréatiques
dans leur état physiologique puisqu’aucune injection
n’est réalisée dans les voies biliaires comme avec les
cholangiographies percutanées ou rétrogrades endos-
copiques. L’absence de distension canalaire qui en
résulte peut conduire à une sous- ou surestimation des
sténoses et une non-visualisation de sténose peu
sévère. Les canaux secondaires du pancréas ne sont
A
BC
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pas visibles à l’état normal. Pour ces raisons et afin
d’augmenter le contenu des canaux pancréatiques et
biliaires, certains auteurs ont proposé l’injection de
sécrétine [1]. L’autre utilité de cette injection est de
favoriser la visualisation de la papille car là aussi
l’absence de mise sous tension des voies biliaire ne
favorise pas l’étude du sphincter.
En raison de l’absence d’injection d’un produit dans les
voies biliaires, comme lors d’une cholangiographie
conventionnelle, il est difficile de prouver la communi-
cation entre un canal biliaire ou pancréatique et une
structure kystique ou une collection liquidienne adja-
cente aux voies biliaires (pancréatite aiguë avec fistule,
rupture iatrogène des voies biliaires). Le même pro-
blème se pose dans le cadre de la maladie de Caroli
pour différencier les kystes communicants de simples
kystes biliaires. Dans les cas difficiles on peut injecter
par voie veineuse un produit à élimination biliaire qui
prouvera la communication après excrétion. Ces pro-
duits sont à base de manganèse [2]. Outre le coût du
produit de contraste, la lente élimination de ce produit
dans les voies biliaires et la nécessité de reprendre le
patient à distance de l’injection limitent le développe-
ment de cette technique.
DE
F
Figure 1.A) coupes fines en acquisition coronale correspondant aux coupes natives permettant de reconstruire la projection en minimum
intensité projection (MIP). La durée totale d’acquisition est de4à5minutesavecsynchronisationrespiratoire ; B) image de projection
reconstruite à partir des coupes précédentes ; C et D) coupe épaisse réalisée en apnée d’une durée d’acquisition de 2 secondes ; E, F) coupes
coronales en apnée avec des temps d’écho plus court (90 ms) que pour les séquences précédentes (1 100 ms) permettant de visualiser le
parenchyme autour de la voie biliaire.
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Tout comme la bile, les autres liquides contenus dans
l’estomac, le duodénum, ou de nature kystique ainsi
que les collections et les épanchements (coulée de
pancréatite par exemple) peuvent masquer les voies
biliaires.
Le signal normalement élevé des voies biliaires dispa-
raît en cas d’hémobilie (figure 18), de débris nécroti-
ques ou d’artéfacts (clips, stents, aérobilie) car ces
éléments sont en hyposignal sur les séquences de
CP-IRM.
A
B
Figure 2.Répétition successive de deux coupes épaisses. En A) le
sphincter est contracté (flèche) alors qu’il s’ouvre en B.
RP
A
RP
B
RP
C
Figure 3.Etude du canal de Wirsung avant (A) et après injection de
sécrétine (B, C). Noter l’absence de visualisation du Wirsung en A et
sa visualisation en B et C.
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Les différentes séquences de CP-IRM
Il existe 3 approches différentes pour obtenir une
CP-IRM qui sont souvent réalisées de façon complémen-
taire [3, 4].
La première approche consiste en la réalisation de
multiples coupes fines (figure 1A) permettant de recons-
truire une image de l’arbre biliaire et pancréatique en
3D MIP (maximum intensity projection) [3] (figure 1B).
Les avantages sont la possibilité de choisir les différents
axes de visualisation les plus performants pour visuali-
ser les voies biliaires et pancréatiques selon la patho-
logie. Cette approche est aussi moins opérateur dépen-
dant. Les inconvénients sont une perte d’information
concernant le contenu des canaux et la nécessité de
revoir les images sources. Le temps d’acquisition des
coupes dépasse la durée d’une apnée ce qui rend cette
technique sensible aux artéfacts de mouvements respi-
ratoires. L’ensemble des structures présentant un signal
élevé se projettent sur l’image reconstruite et par exem-
ple du liquide duodénal peut venir masquer l’arbre
biliaire.
La réalisation de coupes épaisses entre 2 et 7 cm
incluant les voies biliaires et pancréatiques en apnée
constitue la deuxième approche [3, 4] (figure 1C, D).
Le temps d’acquisition est court (inférieur à 3 secondes)
limitant les artéfacts de mouvement. Plus l’épaisseur de
coupe est importante plus l’ensemble des voies biliaires
est inclus dans la coupe. Il existe une bonne résolution
dans le plan d’acquisition. Différentes coupes de posi-
tion, d’orientation et d’épaisseur variables sont habi-
tuellement réalisées. L’épaisseur de la coupe est un
paramètre important. Même si une coupe épaisse
permet d’inclure le plus d’éléments anatomiques, elle
ne permet pas d’analyser correctement les structures de
faible diamètre. L’épaisseur optimale est souvent pro-
che de 3 cm permettant de visualiser des lésions de
petite taille. La rapidité d’acquisition permet une visua-
lisation en temps direct. La réalisation d’étude dynami-
que pour l’étude de la contractilité du sphincter d’Oddi
(figure 2 A, B) ou pour l’étude de la sécrétion pancréa-
tique exocrine après injection de sécrétine est possible
(figure 3 A, B, C).
La réalisation de coupe axiale et coronale pondé-
rée en T2 en apnée de3à5mmd’épaisseur complète
cet examen. Ces séquences présentent des paramètres
permettant la visualisation des parenchymes en même
temps que les voies biliaires ou pancréatiques (temps
d’écho plus court)((figure 1E, F). Une masse tumorale
comme un cholangio-carcinome, une tumeur du pan-
créas ou des adénopathies qui entraînent une sténose
ou compriment les voies biliaires sont visibles.
Dans le cadre du bilan d’extension tumorale la
réalisation de séquences 2D ou 3D pondérée en T1
après injection de produits de contrastes (chélates de
gadolinium) permettra d’améliorer la visualisation de
la tumeur et d’observer le réseau artériel et veineux.
De toute façon, il est utile pour la majorité des examens
de ne pas se limiter à des séquences de CP-IRM afin de
ne pas rater une autre pathologie.
Au total, quels sont les pièges
de la CP-IRM ?
Comme nous l’avons abordé ci-dessus, les séquences
en MIP sont artéfactées par les mouvements et peuvent
masquer des processus pathologiques comme une sté-
nose biliaire. Les coupes épaisses réalisées avec des
apnées très courtes sont alors essentielles. Ces coupes
A
B
Figure 4.En (A) l’ensemble du Wirsung et des voies biliaires sont
visibles alors que chez le même patient il existe une superposition de
liquide digestif gênant la visualisation du Wirsung (B).
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