LE LANGAGE PUBLICITAIRE ET SES TOURNURES POÉTIQUES Bogdan Rodica Universitatea Oradea, Facultatea de ŞtiinŃe Economice, Str. UniversităŃii, nr. 1, Oradea, cod 410087, 0259-408799, [email protected] In order to persuade a person and to make him/her act such way that he/she shall purchase a product or a service, advertising uses a series of strategies, from raising awareness, to manipulating, guiding the client's or the prospect's mind toward a certain direction. The language of advertisements makes good use of poetic turns, as the poetic language employs the human imagination, a faculty that allows through-breaking, escaping, fulfillment of dreams. This article wants to prove that the messages of the advertisements are still impregnated with poetry, as a reply to the human need to approach mystery.. Publicité, langage publicitaire, tournures poétiques Introduction Étant donné le fait que la publicité est devenue un élément constitutif de notre espace-temps humain, elle est devenue aussi sujet d’étude, non seulement pour les professionnels, mais aussi pour les enfants – on retrouve des leçons sur le langage publicitaire, sur l’image qui promeut tel ou tel produit ou service, ou encore sur l’emballage de divers articles même dans les manuels de langue et littérature roumaines des élèves de la 5-ième (en Roumanie). La société de consommation affiche ostensiblement son goût de l’excès, l’hédonisme est le « principe axial » de la culture moderne1. La publicité, la mode, les médias apportent leur concours pour mieux satisfaire le culte du plaisir du consommateur. Du point de vue de sa fonctionnalité, une composante du langage publicitaire peut être rapprochée de la fonction poétique du langage, la sixième parmi les fonctions identifiées par Roman Jakobson, le linguiste russo-américain2. Cette fonction poétique est liée au message, facteur constitutif de la communication. Il existe de nombreux types de messages différents, mais notre intérêt portera sur cette composante poétique du langage publicitaire, puisque des questions comme : Est-ce qu’on peut vendre des rêves ? Pourquoi l’homme est prêt à payer une somme d’argent, réelle, pour quelque chose qui suscite tout d’abord sa faculté imaginative – « des vacances de rêve », par exemple – avant que cette chose devienne réelle ? continuent à provoquer la raison de l’homme, malgré le fait qu’elles ne sont pas nouvelles. − − Publicité et stratégies publicitaires Attesté pour la première fois en 1694, le mot « publicité » avait le sens de « notoriété publique ». Plus tard, en 1746, il se traduit par « qualité de ce qui est rendu public » et, en 1829 à peine, sa signification est reliée à l’activité commerciale, puisque la publicité est définie comme « l’ensemble des moyens utilisés pour faire connaître au public un produit, une entreprise industrielle ou commerciale »3. Sur la publicité on a écrit des livres et des livres. Si on considère l’étymologie du terme anglais advertising, on constate que le verbe latin adverto, -ere signifie « se diriger vers quelque chose », respectivement diriger son regard, son attention vers quelque chose4. C’est pourquoi Angela Goddard parle de l’attraction exercée par la publicité sur l’œil de celui qui regarde5. Son regard est focalisé, il est même « choqué » par l’image et implicitement par le message des affiches, réclames et spots publicitaires. D’une façon générale, la publicité est une forme de communication. Par ce biais, elle promeut un organisme, une personne, un produit, un service, une marque ou une idée, de manière à attirer l’attention dessus, ou à persuader des individus ou des organismes de l’acheter, l’approuver ou le soutenir de quelque autre façon. La publicité s’adresse tout d’abord à la perception sensorielle de l’être humain, aux sens : la vision et l’ouïe tout d’abord, le goûter et le toucher ensuite et, plus récemment, l’olfactive. L’image d’un parfum dans une revue est accompagnée d’un échantillon du produit pour mieux susciter l’intérêt de l’acheteur, pour mieux le convaincre d’agir, de ne pas rester passif. Les professionnels se sont donné la peine d’inventer un système pour envoyer même par Internet des messages accompagnés de l’odeur correspondante au produit présenté. Le Petit Robert offre aussi une explication qui relève de la psychologie : publicité désigne « le fait, l’art d’exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales » (1976, p. 1422). Influencer l’acheteur est un art. On utilise à ce propos diverses stratégies publicitaires, qui, toutes, mettront à l’épreuve la créativité, la connaissance et la maîtrise de la langue. Ces stratégies sont tout d’abord économiques (engageant 1 Lipovetsky, Gilles, L’Ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain, Éd. Gallimard, Paris, 1983, p. 120. Jakobson, Roman, Essais de linguistique générale, Éd. Minuit, Paris, 1963, p. 214. 3 Cf. Trésor de la Langue Française informatisé - http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=publicite (avril, 2007) 4 GuŃu, Gheorghe, DicŃionar latin-român, Ed. Humanitas, Bucureşti, 2003, p. 50. 5 Goddard, Angela, Limbajul publicităŃii, Ed. Polirom, Iaşi, 2002, p. 25. 2 954 tous les domaines de l’activité humaine), ensuite physiques (l’image et le son, etc.), psychologiques (la faculté de persuader), linguistiques (le choix des mots, l’économie de mots, l’humour, la polysémie, le calembour, les jeux de mots, les images et les figures). Langage publicitaire – tournures poétiques En ce qui concerne le langage publicitaire, l’intérêt des chercheurs porte sur son expression – élégante, précieuse, ludique ou encore populaire, selon le public ciblé par la publicité6. Les spécialistes se sont aussi intéressés à son pouvoir persuasif. Les préférences pour l’emploi des verbes et des expressions verbales dans tous les messages publicitaires s’expliquent par le désir de l’émetteur d’inciter le récepteur à agir d’une certaine manière : convaincre, donner confiance, susciter l’espoir, faire agir, donner envie, séduire, inciter à l’achat, faire rêver, etc. Toutes ces expressions témoignent du dynamisme intrinsèque de ce type de langage. Il n’est pas surprenant que les compagnies fassent appel à la fonction imaginative des gens pour mieux vendre leurs produits ou services. Les quatre types de publicités classés par Jean Marie Floch – référentielle, substantielle, mythique et oblique7, nous font admettre que la fonction poétique du langage publicitaire ne peut pas être ignorée. Nous pouvons aisément identifier cette fonction dans les slogans, dans les clichés contenus dans des réclames diverses. Prenons quelques exemples : AIR FRANCE − Faire du ciel le plus bel endroit de la terre VISA INFINITE − La seule limite sera votre imagination PENTAX − Vivez votre passion sans limite ASSURANCES ET ASSISTANCES AMÉRICAN EXPRESS − − − − 7 sur la liste des endroits où il est bon de se perdre / garanties qui vous donneront envie de vous évader quels que soient vos rêves HARCOURT STUDIO Continuez le mythe CARAN D’ACHE Les mots deviennent des signes inimitables. Avec un bijou, le plaisir même d’écrire se transforme en beauté. CHAMPAGNE TSARINE Signe extérieur de richesse intérieure Observations 1. 2. 3. 4. 5. Dans tous ces exemples, le message utilisé dans les réclames prend une tournure poétique. Depuis toujours, l’opposition ciel / terre a poussé les poètes à la transfigurer dans leurs vers. La compagnie Air France promeut son image en utilisant cette tournure métaphorique : « le ciel est le plus beau endroit de la terre », essayant d’annuler cette opposition ressentie parfois menaçante par l’homme. Le « rêve » est un locus communis dans les messages publicitaires. Le rêve descend de son ciel, de son empire de l’absolu, de l’irréel, il devient réalité, il sera tangible avec un moindre effort : « quels que soient vos rêves » (la réclame pour Américan Express). Dépasser la limite est un désir humain. C’est pourquoi les compagnies exploitent ce désir pour donner aux hommes l’impression qu’ils peuvent l’accomplir faisant confiance au produit ou au service offerts : « la seule limite sera votre imagination » signifie le dépassement de toute limite, puisque, on le sait bien, l’imagination n’a pas de limite. L’évasion dans un univers de rêve est une autre promesse qui prouve que le langage métaphorique attire encore les hommes, tout comme le mystère les attire : « il est bon de se perdre », « l’envie de vous évader » – ce sont les expressions utilisées par Américan Express pour séduire ses clients. La beauté, comme valeur suprême, la beauté elle aussi devient tangible, elle procure à l’homme le plaisir que lui procure toute chose précieuse : « Avec un bijou, le plaisir même d’écrire se transforme en beauté ». 6 Voir Cossette, Claude, « Language publicitaire et langage populaire », http://www.com.ulaval.ca/cossette/conferencier/LanguePub.html (avril, 2007) 7 Cité par Romantan, A., Aldea, B., Postmodernité et médias, Ed. Echinox, Cluj-Napoca, 2000 955 6. Le mythe, lié à la fonction imaginative, reste actuel. Il rapproche l’être humain de la vérité, il essaie de concrétiser certains aspects fondamentaux du monde et de l’existence humaine. Le Studio Harcourt de Paris, par exemple, propose à ses clients de « continuer le mythe ». Conclusion L’homme est un être imaginatif. Cet axiome est bien exploité par les producteurs de messages publicitaires. La fonction poétique du langage publicitaire est importante, elle met en lumière le fait que l’homme est disposé à payer, à faire des sacrifices pour aller au-delà de soi-même, accomplir ses rêves, toucher l’imaginaire, s’approcher du mystère. Bibliographie 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Goddard, Angela, Limbajul publicităŃii, Ed. Polirom, Iaşi, 2002 GuŃu, Gheorghe, DicŃionar latin-român, Ed. Humanitas, Bucureşti, 2003 Jakobson, Roman, Essais de lingustique générale, Minuit, Paris, 1963 Le Petit Robert, Éditions Le Robert, Paris, 1976 Lipovetsky, Gilles, L’Ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain, Éd. Gallimard, Paris, 1983 Romantan, A., Aldea, B., Postmodernité et médias, Ed. Echinox, Cluj-Napoca, 2000 Trésor de la Langue Française informatisé - http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=publicite (avril, 2007) 8. http://www.comanalysis.ch/ComAnalysis/Publication9.htm (avril, 2007) 9. http://www.com.ulaval.ca/cossette/conferencier/LanguePub.html (avril, 2007) 10. Capital, no. 159, décembre 2004 11. Les Echos, vendredi 17 et samedi 18 décembre, 2004 12. Le Point, no. 1682, décembre 2004 956