Article
Reference
Le risque alimentaire perçu comme risque vital de consommation :
émergences, adaptation et gestion
BERGADAÀ, Michelle, URIEN, Bertrand
BERGADAÀ, Michelle, URIEN, Bertrand. Le risque alimentaire perçu comme risque vital de
consommation : émergences, adaptation et gestion. Revue française de gestion, 2006, vol.
32, no. 162, p. 127-144
DOI : 10.3166/rfg.162.127-144
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41903
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
LE RISQUE ALIMENTAIRE PERÇU COMME RISQUE VITAL DE
CONSOMMATION
Émergences, adaptation et gestion
Michelle Bergadaà et Bertrand Urien
Lavoisier | Revue française de gestion
2006/3 - no 162
pages 127 à 144
ISSN 0338-4551
Article disponible en ligne à l'adresse:
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-3-page-127.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Bergadaà Michelle et Urien Bertrand, « Le risque alimentaire perçu comme risque vital de consommation »
Émergences, adaptation et gestion,
Revue française de gestion, 2006/3 no 162, p. 127-144. DOI : 10.3166/rfg.162.127-144
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier.
© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
1 / 1
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
Cet article propose une
appréhension du risque
alimentaire qui précise la
prise en compte d’un risque
vital de consommation
comme caractéristique
actuelle de notre société
occidentale. Le modèle
intégratif présenté élargit
et précise le champ des
perspectives d’analyses
possibles et, par là même,
les pratiques managériales
potentielles. Ce modèle prend
sa source dans les attitudes
développées par les individus
sous l’influence de
déterminants économiques,
sociaux, culturels
psychologiques et
commerciaux. Des stratégies
de réduction et d’évitement
de ce risque vital alimentaire,
stratégies sociales,
individuelles et commerciales
sont ensuite proposées.
Alimentation et santé sont étroitement liées. Une
saine alimentation concourt à l’atteinte d’ob-
jectifs centraux tels la santé et le bien-être.
L’alimentation est l’acte le plus fondamental de tout être
humain et celui qui peut avoir le plus d’impact sur sa
santé. Mais si la consommation alimentaire est le fonde-
ment de la vie, elle peut aussi représenter un risque
vital: « De tous les comportements, l’alimentation est
sûrement celui qui est le plus intime, car il implique l’in-
corporation irrévocable d’éléments dans le corps. Une
telle interaction peut être intensément satisfaisante, mais
extrêmement effrayante… spécifiquement lorsqu’il
s’agit de nouveaux aliments. » (Rozin et Rozin, 1981).
Nous analyserons les différentes composantes de l’ap-
préhension du risque alimentaire par le consommateur,
ainsi que les modes de traitement de ce risque, dans un
contexte à la fois socio-politique, psychologique et
commercial.
Les habitudes alimentaires sont acquises dès l’enfance et
s’enracinent dans un contexte de valeurs religieuses,
culturelles, morales et familiales structurantes. Le
contexte géographique et économique dans lequel un
DOSSIER
PAR MICHELLE BERGADAÀ,
BERTRAND URIEN
Le
risque
alimentaire perçu
comme risque
vital
de
consommation
Émergences, adaptation et gestion
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
individu se développe façonne ses goûts.
Ainsi, l’amateur de riz ou de spaghetti
connaît bien la relation extrêmement émo-
tive et intime qui l’unit à « sa » société culi-
naire. Les marketers et les publicistes de
produits alimentaires utilisent d’ailleurs
principalement ce levier pour leurs straté-
gies de communication. Pourtant, même
lorsque l’individu a développé des
croyances très fortes il peut opter pour des
conduites de risque alimentaire selon les
situations dans lesquelles il est placé. Ainsi
le teen-ager pourra-t-il consommer de la
nourriture qu’il sait dangereuse pour sa
santé lorsqu’il est avec ses camarades et
souhaite se libérer de la morale parentale
(Philips et Hill, 1998). Par ailleurs, lorsque
la mondialisation met à portée de chacun
des produits nouveaux en provenance de
contrées lointaines et inconnues, chaque
produit alimentaire devient intrinsèquement
porteur du risque de l’inconnu. Celui d’un
goût déplaisant, mais aussi celui d’avoir de
graves conséquences sur la santé, voire
d’empoisonner la personne, peur viscérale
que celle-ci. À propos de cette perception
du risque alimentaire, Laurence Parisot,
présidente de l’Ifop, s’exprimait ainsi le
9 novembre 2000 (Club LCI) à propos de
l’étude de l’Ifop «Les français et les OGM »
(Dabi et Fourquet, 2000): « L’inquiétude,
l’anxiété extrême, et je refuse le terme psy-
chose, s’expliquent assez simplement. Dans
notre pays la gestion des risques par les
scientifiques et les pouvoirs publics a été,
ces 10-20 dernières années, une gestion à
problèmes… À cela se sont ajoutés d’autres
problèmes de sécurité comme la dioxine,
les OGM. C’est un contexte inquiétant,
anxiogène pour l’opinion publique. […]
Quand on parle de risque, il y a les risques
connus et les risques subis. S’agissant du
tabac ou de la sécurité routière, les risques
sont connus et assumés ou non. Aujour-
d’hui, nous parlons de risque que l’on com-
prend mal et qui est subi. »
Après avoir réalisé une synthèse concep-
tuelle des dimensions et des déterminants
du risque perçu pour le consommateur de
produits alimentaires, nous serons en
mesure de comprendre les stratégies effec-
tives de résolution du risque perçu en
matière d’alimentation. Nous distinguerons
trois niveaux d’analyse. Tout d’abord, nous
aborderons l’action d’un marketing social
consistant à gérer pour l’individu le risque
alimentaire. Ensuite, dans l’optique d’un
consommateur-entrepreneur, nous met-
trons en évidence l’existence de stratégies
de traitement du risque co-gérées, particu-
lièrement évidentes dans un cadre d’un
marketing relationnel. Concernant finale-
ment la dimension psychologique, nous
concentrerons la revue de littérature sur les
stratégies individuelles, de préservation de
soi et de renforcement de l’estime de soi.
Nous conclurons cet article par une propo-
sition de modèle conceptuel et par une dis-
cussion sur les voies qui restent largement
à explorer.
I. – UNE PERTE DE REPÈRES
EN MATIÈRE D’ALIMENTATION
Alors que nos pays ne rencontrent plus de
problèmes d’approvisionnement en matière
d’alimentation depuis le tout début des
années 1950, l’objet de l’alimentation appa-
raît souvent comme incertain et générateur
d’inquiétude de la part des individus. Nous
identifions ici les principales dimensions
qui structurent cette perte de repères.
128 Revue française de gestion – N° 162/2006
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
1. Les dimensions économiques
et sociales
Depuis quelques années, de nombreux
sociologues dénoncent un paradoxe surpre-
nant: dans les sociétés où la sécurité ali-
mentaire atteint un niveau inégalé, un senti-
ment croissant d’inconfort, d’anxiété, de
doute, voire de peur à l’égard des aliments
et de leur consommation, anime un nombre
croissant d’individus (Poulain, 2002;
Fischler, 2001). Certains chercheurs consi-
dèrent que l’origine de cette nouvelle forme
de peur est due à une violation perçue de
l’ordre naturel du processus alimentaire.
Selon Merdji (2002), dans le débat sur les
OGM, ce n’est ni la modification du goût,
de l’aspect ou de la sécurité qui est en jeu.
C’est l’intrusion exogène et froidement
scientifique de la technologie dans la chaîne
du vivant et du naturel qui révulserait
nombre de personnes. C’est le savoir-faire
lentement accumulé par l’humanité qui
semblerait en danger. Pour d’autres
chercheurs, le mythe du progrès n’est pas
considéré comme la panacée. Paradoxale-
ment, alors que les chaînes alimentaires
sont soumises aux plus rigoureux des
contrôles d’hygiène, le sentiment de risque
est plus fort que dans l’achat de produits
alimentaires à un commerçant local qui
fabrique ses produits artisanalement. Selon
Pynson (1993), il y aurait ainsi un écart
important entre la sophistication des pro-
cessus de production industrielle mis en
œuvre (par exemple, l’ultrafiltration, la
VSM ou viande séparée mécaniquement) et
la représentation mentale que se fait le
consommateur de la fabrication de ces ali-
ments. Ainsi, le produit alimentaire acquiert
une symbolique sociale qui l’éloigne de son
sens alimentaire. Le cheval ou le lapin
domestiqués, deviennent des compagnons
symboliques qu’il est difficile de manger.
Et toutes les meilleures campagnes de com-
munication auront de la difficulté à freiner
cette tendance. Le marketing publicitaire
n’a pas d’autres choix que d’y substituer
une symbolique artificiellement construite
(Lahlou, 1998). Jamais les publicistes n’au-
ront autant construit d’images d’Épinal
autour des thèmes de la campagne, de la
nature, des vaches ou des moutons, pour
vanter les mérites de produits parfaitement
usinés et souvent artificiellement reconsti-
tués.
Parallèlement, les disparités en matière ali-
mentaire sont importantes au sein de la
même population. L’attitude face à l’ali-
mentation paraît d’abord fortement influen-
cée par les facteurs économiques. Ainsi,
l’obésité a augmenté de 50% chez les
hommes et de 100 % chez les femmes des
classes sociales IV et V par rapport à ceux
des catégories I et II en 10 ans en Angle-
terre (White et al., 1993). De très nom-
breuses études montrent que les individus
ayant de faibles revenus économiques ont
tendance à adopter des conduites à risque
face à l’alimentation. Par exemple, le
revenu discrétionnaire des personnes à
faible revenu serait d’abord utilisé à l’al-
cool et au tabac avant d’être consacré à
l’alimentation. Par ailleurs, elles seraient
peu sensibles à cet aspect de prise en charge
individuelle, et c’est ainsi la population
noire du sud des États-Unis qui est signifi-
cativement le plus en danger alimentaire
par rapport au reste de la population du
pays. Ainsi, les personnes à faible revenu et
éducation seraient peu sensibles à des
facettes du risque alimentaire classique,
telles que le risque financier, physique,
Le risque alimentaire perçu comme risque de consommation 129
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.74.241.105 - 17/11/2014 23h54. © Lavoisier
1 / 20 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !