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Commission du gouvernement pour les travailleurs, qui siège au palais du
Luxembourg sous la présidence de Louis Blanc et de l’ouvrier Albert. On
organise des ateliers nationaux, qui ne sont en fait que des grands chantiers de
charité, et non l’organisation du travail réclamée par Louis Blanc, supervisés par
le ministre Marie (représentant des républicains modérés fidèles au libéralisme).
Tous les ouvriers sans travail y sont admis, avec un salaire de 2 francs par jour.
Les ateliers sont organisés sur un modèle militaire (lieutenances, brigades,
escouades), mais avec des chefs élus. Au moment de leur dissolution, les ateliers
nationaux employaient 130 000 ouvriers (pour un coût de plus de 7 millions de
francs). Cette décision fut prise parce que les ateliers nationaux étaient considérés
comme un foyer d’agitation et parce qu’ils coûtaient cher à l’État, qui avait dû
augmenter de 45 % les impôts directs (c’est «l’impôt des 45 centimes», sous-
entendu par franc d’imposition, très impopulaire dans les campagnes).
La jeune République issue des événements de 1848 se veut girondine.
Immaculée, elle véhicule l’image d’un humanitarisme sincère dont sont issues les
aspirations diffuses des vainqueurs : démocratie, pitié et générosité, justice
sociale, fraternité… Elle répudie tout système et toute tentative de terreur. La
férocité jacobine de 1793 est condamnée. Il y a pourtant parenté entre les deux
épisodes révolutionnaires. La jeune vierge de 1848 s’adresse à sa « soeur » de
l’An II, reconnaissance explicite d’un héritage, d’une continuité entre les
révolutions de 1793 et 1848. Victor Hugo montrant bien la complémentarité des
deux républiques : « La première a détruit, la seconde doit organiser. L’oeuvre
d’organisation est le complément nécessaire de l’œuvre de destruction ».
Mais après la proclamation le 4 mai d’une république conservatrice, les meneurs
socialistes les plus résolus (Blanqui, Barbès, Raspail…) manquent, à l’issue
d’une manifestation désordonnée le 15 mai 1848, de faire vaciller le régime. Le
désir de réaction va être exaspéré par cet épisode. La dignité de la République
issue du suffrage universel a été violée, sa légitimité contestée par le peuple de
Paris. Les sanglantes Journées de juin rompent l’euphorie de la fraternité nouvelle
inaugurée par la révolution de février 1848. Les journées de juin 1848 sont
déclenchées par la décision du gouvernement de fermer les Ateliers nationaux
créés par le gouvernement provisoire de février pour lutter contre le chômage
(dans lesquels on versait un salaire aux chômeurs contre un travail, le plus
souvent de terrassement, dont l’utilité n’était pas toujours avérée) et d’enrôler les
chômeurs célibataires dans l’armée. La fermeture des ateliers, ainsi que l’élection
à l’Assemblée des révolutionnaires Leroux et Proudhon et de Louis Napoléon
Bonaparte mettent le feu aux poudres. Les ouvriers au chômage qui ne survivent
que grâce aux ateliers nationaux, sont acculés au désespoir suite à leur abolition.
L’arrestation en mai des leaders les plus connus empêche toute organisation
efficace Le 23 juin, Paris se hérisse de barricades. Les soldats de la Garde
nationale livrent durant 4 jours un cruel combat contre les insurgés.
L’insurrection parisienne de juin 1848
La France est déchirée une guerre civile qui oppose la classe ouvrière et les
partisans de l’Ordre. Un ouvrier accuse explicitement la bourgeoisie républicaine
d’avoir fusillé et déporté les militants de gauche révoltés les 23-26 juin 1848. Le
général Cavaignac, le « prince du sang », ministre de la Guerre puis chef du
pouvoir exécutif, est chargé de réprimer l’émeute. Le 26 juin, après des combats
sanglants, les dernières barricades tombent. La bataille se solde par quelques
exécutions sommaires et d’immenses rafles de suspects. 1 500 hommes attendent,
dans des prisons improvisées, la « transportation en Algérie ». L’écrasement de
l’insurrection par l’armée marque la fin de « l’illusion lyrique » et de la «
République sociale ».
Jean-Louis Meissonnier est l’un des peintres d’histoire et de scènes de genre les
plus populaires et les plus décorés de la monarchie de Juillet et du Second
Empire. Cette oeuvre, La barricade de la rue de la Mortellerie, illustre la terrible
répression des Journées de juin à Paris. Les affrontements sont acharnés entre un
camp « bourgeois » très résolu dont les valeurs d’ordre, de propriété, de liberté se
voient attribuées des mérites absolus et celui des « ouvriers socialistes »
combattant au nom de la justice, du bonheur et de la vie.
La Constitution du 4 novembre 1848
Dès le lendemain de la révolution de 1848, une Assemblée constituante est
formée d’une majorité de républicains modérés prêts à défendre la République
mars 1871. La Commune défend la
démocratie directe, mène une politique qui
anticipe sur celle de la Troisième République
et esquisse des projets (république sociale et
pour partie fédérale). Après son écrasement,
la période 1871-1879 est marquée par la
marginalisation de ceux qui refusent la
république et la victoire de la conception
libérale et parlementaire du pouvoir sur la
conception autoritaire. Le suffrage universel
tranche à plusieurs reprises, amenant la
démission de Mac-Mahon en janvier 1879.
Ce fait entérine une césure importante, pour
le fonctionnement des institutions comme
pour la recomposition du système des forces
politiques. »
L’INCONNU DE LA PREMIÈRE FOIS
À la suite de la Révolution de février 1848, le
gouvernement provisoire de la République
française décrète, le 5 mars, le vote universel,
c’est-à-dire le suffrage universel masculin. «
On entrait dans l’inconnu », écrit Garnier-
Pagès, l’un des membres du gouvernement
provisoire. Dimanche de Pâques, 23 avril
1848, la scène a été souvent décrite : Garnier-
Pagès trace les contours idylliques de ce
premier vote massif et apaisé des campagnes
avec 83 % des inscrits qui ont participé à ce
premier banquet civique !
Les électeurs, venus en cortèges au chef-lieu
de canton, ont été appelés, commune après
commune, nominalement par le président du
bureau de vote à qui ils remettent leur
bulletin de vote, qui a été rédigé à la main en
dehors du bureau, ou à défaut imprimé. Le
bon électeur est en effet celui qui est capable
d’écrire lui-même son bulletin, mais, la
population masculine étant analphabète à 50
%, les agents électoraux des candidats ont
répandu dans la population de fortes quantités
de bulletins imprimés.
Lors de ce premier vote, les pressions des
puissants, des prêtres et des représentants de
la jeune République n’ont pas dû manquer.
Le président glisse lui-même le bulletin dans
l’urne, tandis qu’un assesseur appose son
paraphe à côté du nom de l’électeur. Cette
procédure restera inchangée jusqu’en 1913,
date d’adoption de l’enveloppe et de l’isoloir.
Toutefois le vote aura désormais lieu dans la
commune et la procédure de l’appel nominal
des citoyens tombera en désuétude. Preuve
aussi de l’individualisation du vote : on vient
voter quand on le veut.
Toutefois, la belle unanimité quarante-
huitarde est ternie par les contestations des
résultats à Limoges et surtout à Rouen, dans
les quartiers ouvriers. Deux mois plus tard, ce
seront 4 000 morts que l’insurrection de juin
fauchera. La pacification des conflits est une
condition, mais aussi une conséquence de la
gestion douce des passions politiques par le
vote. Si, par la loi du 31 mai 1850, le parti de
l’ordre exclut « la vile multitude » (Thiers),