éditorial
e droit a-t-il perdu la raison ? Telle est la question que se posent
les praticiens, un peu sonnés par la nouvelle règle : c’est au médecin
d’apporter la preuve qu’avant d’entreprendre les soins, il a informé
le patient de tous les risques graves, même s’ils sont exceptionnels.
Et le juriste, à son tour, s’inquiète : comment tirer les fils
de la compréhension entre le droit et la santé ? Car le droit et la santé doivent vivre
ensemble et apprendre à se parler.
Le constat n’est plus à faire de la montée en puissance du droit dans le monde
de la santé. Le mouvement est inéluctable, car ses causes sont durables.
La première est l’amélioration constante de la qualité des soins. Le médecin n’est
pas tenu d’une obligation de résultat, mais il est désormais toujours en situation
de rendre des comptes, comme un citoyen responsable. Les bonnes intentions
ne suffisent pas. La seconde témoigne de l’évolution de la société : l’accès au droit
par le recours au juge. Il ne suffit pas que les droits soient proclamés,
encore faut-il qu’ils soient effectifs. Et les droits du patient ne sont qu’une variété
des droits du citoyen.
L’acte médical se situe au cœur des préoccupations du droit, car il met en cause
la plus essentielle des valeurs sociales : l’être humain, dans son intégrité physique
et psychique. L’acte médical n’est légitime qu’à une double condition : l’une générale,
qu’il s’inscrive dans une perspective thérapeutique, l’autre particulière, qu’il soit
précédé d’un consentement éclairé.
C’est au regard de ces principes constitutifs du droit que les règles nouvelles
ont été fixées. Mais aussitôt naît le malentendu. Au nom de quoi un risque grave,
fût-il exceptionnel, peut-il être masqué au patient ? interroge le juriste.
Au nom de la science, de mon savoir-faire et de l’efficacité thérapeutique, répond
le médecin. C’est le juge, confronté aux situations les plus inextricables,
qui a posé la règle. Cette règle a nécessairement paru abrupte :
ni concertation, ni débat parlementaire : le juge interprète les principes.
Ou, de manière plus réaliste, le juge supplée le législateur qui s’est trop
longtemps abstenu.
Alors, que reste-t-il à faire ?
Comprendre ce que dit et veut le juge, ce qui conduit à une analyse plus mesurée,
particulièrement s’agissant de la place de l’écrit : ce qui est demandé au praticien,
c’est une démarche attentive au sein de laquelle trouve place un écrit. Rien de
moins, rien de plus.
L
Éditorial
Consentement
aux soins :
le droit
et la raison
G. Devers*
* Avocat au barreau de Lyon.
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 5, mai 2000 144
145
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Gastro (14) - n°5
Souhaiter que le législateur assume ses responsabilités et inscrive
dans la loi une règle d’équilibre.
Encourager praticiens et juristes à se parler, car si la santé ne peut plus ignorer
le droit, le droit doit intégrer l’humilité du soignant devant la maladie
et comprendre que son devoir est d’aller de l’avant, quand il s’agit
de l’intérêt du patient.
Pour plus d’information, vous trouverez un article de Gilles Devers intitulé
Dix questions sur le consentement dans La Lettre de l’hépato-gastroentérologue n°3
à paraître en juin.
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