Une actualité des liens entre alcool et épilepsie 235
sériques sont normaux. La recherche de toxiques sanguins et
urinaires est négative. L’échographie abdominale confirme
une hépatomégalie avec stéatose diffuse et homogène alors
que la fibroscopie œsogastroduodénale est normale. La
tomodensitométrie cérébrale est normale, alors qu’à l’EEG
est objectivé un tracé postcritique avec un foyer fronto-
temporal droit, indiquant la réalisation d’une imagerie par
résonance magnétique (IRM).
Au retour du patient dans le service de psychiatrie,
les symptômes de sevrage sont amendés. Sa position sub-
jective a peu évolué, avec la persistance d’un déni et
d’une banalisation de la conduite dont les conséquences
sont minimisées. Le discours est stéréotypé, organisé autour
d’interrogations répétitives et fixées alors que son contenu
est appauvri, invitant à la réalisation d’un bilan neuro-
psychologique. Celui-ci met en évidence des altérations
discrètes prédominant sur la mémoire (difficulté du rappel
avec préservation des capacités d’encodage et de stockage)
et les fonctions exécutives (difficulté dans l’élaboration et
le maintien d’une stratégie de résolution de problème à
l’épreuve du Wisconsin). L’IRM cérébrale objective en hyper-
signal flair des plages nodulaires bilatérales de la substance
blanche sous-corticale frontale et occipitale, à la disposi-
tion asymétrique, prédominant à droite faisant évoquer une
vascularite inflammatoire justifiant la réalisation d’un bilan
complémentaire auto-immun et infectieux. Il comporte les
recherches suivantes : facteur rhumatoïde, anticorps anti-
nucléaires, anticorps anticytoplasme des polynucléaires,
alpha-fœtoprotéine, fractions C3 et C4 du complément,
sérologies syphilis, Lyme, VIH, hépatites B et C ; il s’avère
normal en dehors d’une sérologie de Lyme positive pour
les IgG et les IgM (titre de 1,52), positivité confirmée en
Western-Blot. La sérologie de Lyme sur le liquide cépha-
lorachidien (LCR) est négative, alors que celui-ci est sans
anomalie en dehors d’une hyperprotéinorachie à 0,45 g/L.
En résumé, la découverte d’anomalies focales à l’EEG à
l’occasion du bilan étiologique de convulsions émaillant un
sevrage alcoolique oriente vers une possible épilepsie secon-
daire conformément aux données de la littérature [14]. Les
principales causes comitiales sont écartées [43] : absence
de signes cliniques ou radiologiques en faveur d’une origine
traumatique, négativité du bilan métabolique, absence de
consommation d’autres toxiques que l’alcool ou d’argument
en faveur d’une cause vasculaire. Une cause infectieuse,
la maladie de Lyme, est retenue devant un faisceau
d’arguments convergents bien que non pathognomoniques :
un tableau clinique non spécifique de convulsions généra-
lisées compatible avec une neuroborréliose, manifestation
clinique certes rare dans cette affection [42] mais généra-
lement en lien avec une vascularite qui est ici objectivée à
l’imagerie cérébrale [36] ; l’existence d’un terrain à risque
par des promenades répétées en forêt en zone d’endémie,
malgré l’absence d’historique de morsure de tiques ou de
signes cutanés évocateurs ; sur le plan paraclinique, la posi-
tivité d’une sérologie Lyme (IgG et IgM) confirmée par
Western-Blot permettant d’exclure des réactions croisées
alors que les autres sérologies, notamment syphilitique,
sont négatives ; des anomalies à l’IRM à type de lésions
inflammatoires focales de la substance blanche ainsi que des
altérations cognitives discrètes prédominant sur la mémoire
et les fonctions exécutives, toutes deux concordantes avec
des troubles observés dans la maladie de Lyme [24,17],et
inhabituelles dans l’alcoolodépendance [12,44]. Si la détec-
tion d’anticorps dans le LCR permet d’affirmer l’atteinte
du système nerveux central, leur absence n’infirme pas le
diagnostic [33], alors que le LCR peut être normal au cours
d’une neuroborréliose [11]. Cette affection, de diagnostic
souvent difficile, demeure ici un diagnostic de présomp-
tion en l’absence d’éléments de certitude conformément
aux recommandations européennes récentes [37]. Sa gra-
vité potentielle avec l’existence d’un traitement curatif
justifiait de prendre en compte son éventualité en instau-
rant un traitement spécifique, alors que les autres causes
d’épilepsie secondaire avaient pu être écartées. Compte
tenu de l’existence chez le patient d’un terrain à risque
pourvoyeur de crises convulsives, l’alcoolodépendance, il
semblait légitime d’inférer une potentialisation épilepto-
gène de l’association neuroborréliose et sevrage alcoolique
en se dégageant de l’hypothèse réductrice d’une causalité
unique.
Les troubles neuropsychiatriques de la
maladie de Lyme
La neuroborréliose
La maladie de Lyme ou borréliose est une maladie bacté-
rienne multisystémique due à un agent pathogène de la
famille des spirochètes du genre Borrelia. La distribution
de la maladie est mondiale bien que prédominant dans
l’hémisphère nord, la transmission à l’homme se faisant par
piqûre de tique du genre Ixodes, tiques à la fois vecteur
et réservoir de la maladie [10]. Les manifestations neu-
rologiques et psychiatriques de la maladie de Lyme sont
fréquentes, concernant 10 à 15 % des patients infectés [20].
La dissémination de Borrelia au système nerveux central
est précoce, dès les premières semaines après l’infection
cutanée, la bactérie pouvant y rester longtemps quiescente
avant de produire des symptômes cliniques. Sur le plan neu-
roanatomique est observée une démyélinisation en lien avec
l’action directe du spirochète sur les oligodendrocytes, alors
qu’un phénomène de vascularite en rapport avec une inflam-
mation lymphocytaire vasculaire et périvasculaire semble
responsable du développement des lésions cérébrales [40].
Les principales formes cliniques neurologiques peuvent
être regroupées autour de trois atteintes anatomiques dis-
tinctes : l’inflammation extraparenchymateuse du système
nerveux central (méningite), l’inflammation parenchyma-
teuse du cerveau et de la moelle épinière (encéphalo-
myélite), et l’atteinte fonctionnelle du système nerveux
central sans inflammation focale évidente (encéphalopa-
thie) [21]. L’atteinte extraparenchymateuse se décline
en différentes manifestations : méningoradiculite sensitive,
méningite le plus souvent asymptomatique, et atteinte
des nerfs crâniens, touchant préférentiellement le nerf
facial. L’encéphalomyélite est rare mais potentiellement
grave par les séquelles neurologiques : l’atteinte de la
substance blanche est prédominante, alors que certaines
formes sévères sont à l’origine d’un syndrome démentiel
sous-cortical. Des crises convulsives sont décrites ; rares,
faisant l’objet d’observations isolées [42], elles en résument
parfois la symptomatologie pour être imputées à la démyé-
linisation sous-jacente [36]. L’encéphalopathie liée à la