Acrosyndromes et médicaments Dr Jean-Benoît Monfort Service de dermatologie Hôpital Tenon, Paris Cet intervenant : a déclaré ses liens d’intérêt estime qu’ils ne peuvent pas influer sur cette présentation Tous les orateurs ont reçu une déclaration de liens d’intérêt. Phénomène de Raynaud Khouri C. Br J Clin Pharmacol 2016;82:6-16 Bétabloquants • Responsable de 34,2% PR secondaires (Etude Framingham) • Prévalence du RP chez les patients traités par BB- ?: • 14,7% d’après une méta-analyse mais sur de vieilles études… • Méta-analyse sur 57 026 patients: 7% (4,6% placebo) Khouri C. Br J Clin Pharmacol 2016 • Physiopathologie mal comprise. • L’aggravation d’un PR primitif par les BB- n’a jamais été démontrée Steiner JA. Br J Clin Pharmacol 1979;7:401-3 Franssen C. J Clin Pharmacol 1992;32:652-9 Heintzen MP. Eur Heart J 1994;15 • Risque différent selon la molécule utilisée: • atenolol et propranolol ++ • Pas de différence contre placebo: pindolol, acebutolol, oxprenolol Khouri C. Br J Clin Pharmacol 2016 • Attention aux collyres! Vasoconstriction • Clonidine Winchester JF. Br Med J 1971;3:113 • Ergot de seigle: • Forte affinité pour les récepteurs à la dopamine, sérotonine, norépinéphrine. • Effet « vasoconstricteur central » via les récepteurs sérotoninergiques, plus fréquents dans les vaisseaux du cerveau. • Effet périphérique plus faible => effet vasoconstricteur récepteur 5-HT2 • Agonistes dopaminergiques: • Bromocriptine: cas cliniques dans la littérature. • Etude cas-témoins: pas + de risques ischémiques...mais quid du PR?? Arbouw MEL. Eur J Clin Pharmacol 2012 • Inhibiteurs sélectif de la recapture de sérotonine: • Données contradictoires • Efficacité dans le PR primitif ou secondaire (sertraline, fluoxétine, paroxétine) Rey J. Rheumatol Oxf Engl. 2003 • Aggravation du PR De Broucker T. Ann Med Int. 2000 Peiro AM. Rheumatol Int 2006 • Stimulants: cas de PR chez l’enfant hyperactif avec trouble de l’attention Goldman W. Arthritis Rheum 2008 • Triptans: • aucune preuve scientifique • Extrapolation quant à l’action vasoconstrictrice (récepteurs 5-HT1B-1D) • « ne provoquent pas de Raynaud ni vasoconstriction des extrémités » Khouri C. Br J Clin Pharmacol 2016 Phénomène de Raynaud secondaire aux chimiothérapies • Dans un contexte de cancer: • Toujours se méfier d’une cause paranéoplasique devant un Raynaud • Rechute du cancer +++ • Parfois vraies sclérodermies systémiques! • Les cas les plus fréquents concernent la bléomycine pour le cancer du testicule. • Il peut apparaitre pendant ou après la chimiothérapie et parfois persister plusieurs années. • Mécanismes: toxicité endothéliale/neurotoxicité Chimiothérapies • Bléomycine: • Indications: carcinomes épidermoïdes, lymphomes, cancer du testicule. • Affinité pour le tissu sous-cutané, activation des fibroblastes • Risque augmente avec la dose (> 100 000 UI) • Vinblastine: • Maladie de Kaposi, en association avec Bleomycine et vincristine Resier M et al, Eur J Clin Microbiol Infect Dis, 1998 • IFN alpha: • Indications: mélanome, lymphomes cutanés, leucémies, cancer du rein… • Prévalence: 13,6% d’après une méta-analyse Mohokum et al, Int Angiol, 2012 • Cisplatine: • Indications: cancer du testicule, ovaire, ORL, œsophage, endomètre… • Prévalence: • 24% d’après une méta-analyse, toutes indications confondues Mohokum et al, Eur J Intern Med, 2012 • 37% sur une étude rétrospective de 182 patients traités pour un cancer du testicule Berger CC et al, Eur J Cancer, 1995 Chimiothérapies (2) • Ciclosporine: • Indications: prévention GVH, transplantation d’organes solides. • Active l’agrégation plaquettaire, effet vasoconstricteur • PR cesse dans la majorité des cas à l’arrêt Arinsoy T. Int J Clin Pract 2005 • Vincristine: • Un cas décrit d’un adolescent de 14 ans avec tumeur cérébrale avec Raynaud et nécrose digitale Gottschling et al, Journal of Ped Oncol, 2004 • Effet dose-dépendant • Imputabilité douteuse: • Tegafur + 5 FU (Seishima et al, Eur J Dermatol, 2000): mais Raynaud associé à une sclérodactylie et FAN positifs… Inhibiteurs de tyrosine kinase • Mécanisme inconnu. • 3 cas de ScS traités sous imatinib avec amélioration puis disparition du PR à 3 mois et 6 mois • 3 cas de PR sous nilotinib: • Apparition dans les premières semaines de traitement • Un avec amélioration lors du switch pour imatinib puis récurrence après réintroduction du nilotinib. • 2 avec récurrence à chaque réintroduction Hazenberg CLE. Br J Haematol 2012 Quintas-Cardama A. Clin Lymphoma Myeloma Leuk 2012 • 1 cas de ScS avec PR et nécrose digitale 20 jours après le début du traitement par erlotinib, puis amélioration à l’arrêt. • Mais contexte de cancer pulmonaire! Ballardini P. Curr Oncol 2011. Prise en charge • Protection contre le froid • Arrêt des autres toxiques: tabac… • Inhibiteurs calciques • Arrêt du médicament responsable: • Non systématique +++ • Balance bénéfices/risques Erythermalgie Erythermalgie • Etiologies: • Forme primaire • Lupus, syndrome myéloprolifératif, médicaments. • Inhibiteurs calciques ++ Lévesque H. Rev Rhum Mal Osteoartic 1992;59:258–63. • 2 cas décrits avec la bromocriptine Cohen JS. J Am Acad Dermatol 2000;43:841-7 Skeik N. Vasc Med 2012;17:44-9 • 1 cas avec le romiplostim lors d’un PTI: délai 48h, disparition à l’arrêt puis récidive à la reprise. Kluger N. Br J Dermatol 2009;161:482-4 • Inhibiteurs de la recapture de sérotonine Rey J. Rheumatology 2003;42:601–2. • 1 cas après application locale d’isopropanol (mais contexte neuropathie) Rajabally YA. Vet Human Toxicol 2004;46:24–5. Syndrome main-pied • Décrit en 1974 • Incidence difficile à évaluer: de 6 à 64% selon les études. • Délai: 2-21 jours après le début du traitement • Mais parfois jusqu’à 10 mois! • Clinique: • • • • Dysesthésies palmo-plantaires Sensations de brûlures Erythème palmo-plantaire bien limité Parfois bulles, érosions • Histologie non spécifique (nécrose kératinocytaire, dégénération vacuolaire, infiltrat dermique lymphocytaire et éosinophiles). • Dg différentiel: toxidermies, eczéma de contact, érythermalgie, GVH. Evaluation de la gravité • Grade 1: • modifications cutanées minimes sans douleur • Grade 2 : • modifications cutanées avec douleurs et retentissement sur les activités quotidiennes • Grade 3 : • modifications cutanées sévères (bulles, hyperkératose, érosions) avec douleurs importantes et retentissement sur les activités quotidiennes indispensables Grade I Grade III D’après Miller et al, JAAD 2014 Prise en charge du syndrome main-pied • Préventive: • • • • examen podologique attentif pour traiter les hyperkératoses préexistantes Conseil de chaussage non traumatisant: ne pas serrer, pas de frottement. Utilisation d’émollients Semelles avec gel froid • Curative: • Grade 1: Pas de diminution de dose, soins locaux +++, kératolytiques • Grade 2: Traitement antalgique, diminution de dose de 50%, dermocorticoïdes • Grade 3: arrêt du traitement jusqu’à régression • Intérêt de la prégabaline et/ou des patchs de capsaïcine.