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Nouvelles-CATIE
Des bulletins de nouvelles concis en matière de VIH et d’hépatite C de CATIE.
Un lien biologique entre le VIH et la dépression
22 décembre 2006
Composer avec une maladie chronique de longue durée est un défi pour n’importe qui. Dans le cas du VIH, les gens
font face à plusieurs autres problèmes aussi, y compris la stigmatisation. Cette dernière peut entraîner l’isolement
social et empêcher les personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH) d’obtenir le soutien quotidien qu’ils recevraient
autrement de leurs proches et de leur collectivité. La divulgation d’autres problèmes de santé ne provoque pas
habituellement ce genre de problèmes.
Outre la stigmatisation, les PVVIH doivent relever de lourds défis pour composer avec ce problème de santé
complexe. Les rendez-vous réguliers chez le médecin, les spécialistes et les laboratoires font partie de la vie
quotidienne. Répondre à ses besoins médicaux—atténuer les effets secondaires des médicaments, choisir quand il
faut commencer, changer ou interrompre son traitement—peut être une grande source de stress.
Cette liste de facteurs stressants possibles n’esquisse à peine les défis que doivent relever les PVVIH. Peut-être
n’est-il donc pas surprenant que plusieurs études aient permis de constater des taux de dépression relativement
élevés chez cette population. Les raisons précises ne sont pas claires, mais il existe plusieurs hypothèses, y compris
celles-ci avancées par une équipe de neuroscientifiques :
• La dépression pourrait préexister l’infection par le VIH et réapparaître après le diagnostic de celle-ci;
• Le stress de vivre avec une maladie potentiellement mortelle pourrait être insupportable;
• Il se peut que le VIH nuise au cerveau de sorte à le rendre plus vulnérable à la dépression.
Afin de mieux éclairer cette dernière question, des neuroscientifiques de l’Université de la Californie à San Diego et
des chercheurs génétiques à l’Université Laval de Québec ont étudié les cerveaux de plusieurs PVVIH.
Spécifiquement, ils ont évalué l’impact du VIH sur les gènes des cellules cérébrales de ces dernières. Selon leur
analyse, l’infection au VIH stimulerait certains gènes tout en supprimant l’activité de certains autres.
Parmi les gènes dont l’activité est supprimée, on trouve ceux qui contribuent à produire les protéines dont le rôle
consiste à maintenir la structure des cellules cérébrales. Sont touchés également les gènes qui fabriquent des
composées appelés neurotransmetteurs dont les cellules cérébrales ont besoin pour envoyer des signaux les unes
aux autres. Les taux de neurotransmetteurs inférieurs à la normale ont été associés à l’anxiété et à la dépression.
L’infection au VIH a pour effet global de créer des conditions à l’intérieur des cellules cérébrales qui rendent celles-ci
plus fragiles et qui préparent le terrain pour l’émergence de la dépression.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche analyse des gènes touchés par le VIH depuis plusieurs années. Aux fins de la présente étude,
ils ont prélevé des tissus cérébraux chez 21 PVVIH lors d’une autopsie. Sur ces 21 personnes, cinq ne présentaient
aucune lésion cérébrale évidente liée au VIH. Dans la plupart des cas, ces PVVIH avaient succombé aux suites d’une
pneumonie ou d’une infection bactérienne du sang. Sept PVVIH sur 21 avaient des antécédents de dépression grave
ou chronique, alors que les 14 autres n’en avaient pas. Les chercheurs n’ont constaté aucune différence
significative entre les PVVIH atteintes de dépression et les autres en ce qui a trait à l’âge, au compte des cellules
CD4+ ou à la charge virale.
De façon générale, des tissus cérébraux et des échantillons de moelle épinière ont été prélevés et conservés à des
fins d’analyse dans les 12 heures suivant la mort.
Résultats
Après avoir étudié l’activité de plus de 12 000 gènes présents dans les tissus cérébraux, les chercheurs ont
découvert que l’infection au VIH activait certains gènes alors qu’elle supprimait l’activité d’autres.
Lorsque l’équipe a comparé les gènes dont l’activité était supprimée dans les tissus cérébraux des personnes
atteintes de dépression grave ou chronique, elle a trouvé que le gène responsable de la production du composé
somatostatine était le plus gravement touché. La somatostatine est une petite molécule produite par le cerveau et
d’autres parties du corps qui a plusieurs fonctions différentes. À l’intérieur du cerveau, la somatostatine peut
favoriser la transmission de signaux entre les neurones.
L’équipe de San Diego a également observé que le VIH avait tendance à désactiver des gènes qui contribuent à la
production des composés dont les neurones se servent pour envoyer des signaux les uns aux autres, c’est-à-dire
les neurotransmetteurs.
On a également découvert que le VIH supprimait l’activité des gènes responsables de maintenir la structure physique
des cellules cérébrales.
Résumé
Les théories qui cherchent à expliquer l’origine biologique de la dépression grave ou chronique suggèrent que soit
les neurones ne produisent pas assez de neurotransmetteurs soit ils ne parviennent pas à s’approvisionner
suffisamment en ces derniers. Au fil du temps, cette situation aboutit à la dépression.
L’augmentation des taux de neurotransmetteurs dans le cerveau est l’élément qui sous-tend les théories
préconisant le recours aux antidépresseurs. Les observations de l’équipe de San Diego ont soulevé une possibilité
—que le VIH soit capable de supprimer l’activité des gènes responsables de la production de neurotransmetteurs. Si
elles subissent une réduction de leurs taux de neurotransmetteurs, il se peut que les PVVIH soient plus vulnérables à
la dépression.
L’affaiblissement de la structure des neurones pourrait, quant à lui, expliquer pourquoi l’infection au VIH provoque
l’endommagement et la perte de tissus cérébraux.
La prochaine étape?
Ces résultats originaux pourraient ouvrir la voie à d’autres recherches sur la biologie de la dépression liée au VIH. Il
faut se rappeler que, même si l’étude de San Diego était complexe et portait sur des milliers de gènes, le nombre de
sujets était relativement petit, sans doute en raison des problèmes associés à l’obtention de tissus cérébraux.
Le Dr Ian Everall, professeur de psychiatrie à l’Université de la Californie à San Diego, a joué un rôle clé dans la
présente étude en tant que chercheur. À l’avenir, en collaboration avec son équipe, il prévoit effectuer d’autres
recherches auprès des PVVIH, notamment celles souffrant de dépression grave ou chronique. Son objectif
consistera d’abord à confirmer et à étoffer ces résultats préliminaires. En deuxième lieu, il espère réaliser des études
de laboratoire sur des cellules cérébrales et le VIH dans le but de trouver un moyen d’empêcher le VIH de provoquer
des cas de dépression graves.
Pour leur part, les compagnies pharmaceutiques essaient de mettre au point une nouvelle famille d’antidépresseurs
qui agiront partiellement en stimulant l’effet de la somatostatine sur les cellules du cerveau.
Si les résultats obtenus par cette équipe de San Diego étaient confirmés et étoffés, cela pourrait expliquer la forte
prévalence des problèmes de santé mentale chez certaines PVVIH. Cela pourrait également renforcer l’argument en
faveur d’un soutien psychosocial aux PVVIH, en plus d’inciter les médecins à la vigilance en ce qui concerne le
dépistage des maladies dépressives chez leurs patients ayant le VIH/sida.
—Sean R. Hosein
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