Août 2015
mai 2015
NOTE
d’information
La Zone franc
La Zone franc constitue un espace monétaire, économique et culturel
sans équivalent dans le monde, associant la France et quinze États
d’Afrique subsaharienne dont quatorze sont regroupés dans deuxunions
monétaires. Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le
Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo sont membres de l’Union économique
et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le Cameroun, la République
centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et
le Tchad — sont membres de la Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale (CEMAC). L’Union des Comores est le quinzième membre
africain de la Zonefranc.
La Zone franc montre aujourd’hui un exemple unique de coopération
institutionnalisée Nord/Sud entre des pays également unis par une histoire et
une langue communes. Après l’accession à l’indépendance dans les années
cinquante et soixante, la plupart des jeunes États africains ont choisi de rester
dans un ensemble homogène, structuré par un système de change commun
et un cadre institutionnel contribuant à la stabilité financière. La Banque de
France participe à la Zone franc en contribuant à son fonctionnement et en
entretenant des relations de coopération étroites avec les autres banques
centrales de la Zone.
Depuis plus de quarante ans, la Zone franc est un instrument de solidarité et
de développement destiné à conforter la croissance, à réduire la pauvreté et à
approfondir l’intégration régionale. Cette publication en présente les principes
fondateurs, les structures institutionnelles et leurs évolutions. Des informations
détaillées sur la situation économique et financière des pays de la Zonefranc
sont fournies par le Rapport annuel de la Zone franc, publié par la Banque
de France en octobre de chaque année et disponible sur son site Internet
(www.banque-france.fr).
NOTE
Août 2015d’information
2
1| Histoire de la zone franc:
quelques repères Historiques
1|1 Un héritage de l’histoire
C’est notamment par le biais du franc que la
France a marqué sa souveraineté dans ses colo-
nies. L’émission du franc, conée à des banques
locales privées (Banque de l’Algérie, Banque
de l’Afrique occidentale, etc.), était soumise
au contrôle étroit de la France. Ce contrôle
s’est particulièrement renforcé pendant l’entre-
deux-guerres, époque à laquelle la France a cher-
ché à intensier ses échanges avec les colonies.
Avec la déclaration de guerre, la France émet,
le 9 septembre1939, un décret destiné à se
protéger de la fuite des capitaux. Un strict
contrôle des changes et l’inconvertibilité du
franc est alors imposé à l’extérieur d’ un espace
géographique qui inclut la France métropoli-
taine, ses départements d’outre-mer et ses
colonies africaines et asiatiques. La Zone franc
est créée.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale et
dans les derniers préparatifs pour signer les
accords de Bretton Woods, la France annonce
le 26décembre1945 la création du francCFA
(franc des colonies françaises
d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique
Centrale) et du franc CFP (franc
des colonies françaises du Paci-
que).
Ainsi, au seuil des indépendances,
la Zone franc est caractérisée par
une réglementation des changes
unique et la libre convertibilité, à des pari-
tés xes, des diérentes monnaies et apparaît
ainsi comme une zone de libre circulation des
mouvements de capitaux, au sein d’un système
monétaire international encore largement régi
par le contrôle des changes.
1|2 Les indépendances
Entre1954 et1962, l’accession à l’indépen-
dance des territoires placés jusqu’alors sous la
tutelle de la France ne provoque pas l’éclate-
ment de la Zone, mais elle en transforme pro-
fondément sa nature.
Les jeunes États indépendants choisissent,
pour la plupart, de rester dans la Zone franc1
«Au seuil des
indépendances, la
Zonefranc apparaît
comme une zone
de libre circulation
des mouvements
decapitaux.»
1 Se sont toutefois retirés
de la Zone franc: le Liban
(1948), le Maroc, la Tunisie
et l’Algérie (entre1956
et1962), la Guinée
–Conakry– (1958). D’autres
pays, enfin, restent dans la
Zone franc dans un premier
temps puis font le choix d’en
sortir: c’est le cas de la
Mauritanie et de Madagascar
en1973.
et pour ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique
centrale de conserver entre eux une union
monétaire, respectivement l’Union moné-
taire ouest-africaine (UMOA) et l’Union
monétaire de l’Afrique centrale (UMAC). Les
accords signés entre1959 et1962 dénissent
un ensemble de principes qui régissent tou-
jours l’organisation monétaire de la Zone. Le
temps des indépendances est caractérisé par
des avancées en matière d’intégration moné-
taire, au sein d’un cadre institutionnel et de
coopération rénové. La France reconnait aux
deux unions monétaires le droit d’émettre leur
propre monnaie, le franc de la Communauté
nancière africaine (XOF) et le franc de la coo-
pération nancière en Afrique centrale (XAF)
et de disposer de leur institut d’émission :
laBanque centrale des États de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO) et la BCEAC qui devien-
dra la Banque centrale des États de l’Afrique
centrale (BEAC).
1|3 «L’africanisation» des années
soixante-dix
Au cours des années soixante-dix, la volonté
des États membres d’étendre leur souveraineté
conduit à l’adoption de réformes concréti-
sées par la signature de nouveaux accords de
coopération monétaire en1972
et1973.
Dès lors la présence française est
réduite au sein des conseils d’ad-
ministration de la BCEAO et de
la BEAC. De même, le siège
des banques centrales est trans-
féré en Afrique en1977 pour la
BEAC (Yaoundé) et en1978 pour la BCEAO
(Dakar). Les postes de responsabilité dans les
services centraux et les directions nationales
de chaque banque centrale sont progressive-
ment conés à des cadres ressortissants des
pays membres.
Les unions monétaires d’Afrique de l’Ouest et
d’Afrique centrale sont pérennisées et leur péri-
mètre géographique s’étendra pour l’UMOA,
avec la Guinée-Bissau en 1997 et pour
l’UMAC, avec la Guinée équatoriale en1984.
L’accession des Comores à l’indépendance
en1976 s’accompagne de l’entrée des Comores
dans la Zone franc, avec la création d’un franc
comorien (FC) ayant la même parité xe vis-
à-vis du franc que les francs CFA.
La Zone franc
3
La Zone franc en2015
Niger
Mali
Togo
Bénin
Sénégal
Guinée-
Bissau
Côte
d’Ivoire
Burkina
Faso
France
Tchad
Cameroun
Centrafrique
Congo
Comores
Gabon
Guinée
équatoriale
2 Le Conseil de l’Union
européenne, par une décision
du 23novembre1998,
aconfirmé que la France
pouvait «maintenir les accords
sur des questions de change
qui la lient actuellement à
l’UEMOA, à la CEMAC et aux
Comores» (article premier de
la décision du Conseil). Une
décision du Conseil de l’UE
n’est nécessaire qu’en cas de
changement de la portée des
accords (ex. admission d’un
nouvel État) ou de leur nature
(ex.modification des principes
de base). Toute autre modi-
fication demeure de la com-
pétence exclusive des états
membres de la Zonefranc.
3 Cette proportion a été
ramenée de 65% à 50%
pour les avoirs extérieurs nets
de la BCEAO, conformément
à l’avenant, signé le20 sep-
tembre2005, à la convention
de compte d’opérations du
4décembre1973. En applica-
tion de la nouvelle convention
de compte d’opérations de la
BEAC signée le 5 janvier2007,
cette quotité a été abaissée
graduellement, la proportion
de 50% étant appliquée
depuis le 1er juillet2009.
4 À l’exception des sommes
nécessaires à leur trésorerie
courante et de celles relatives
à leurs transactions avec le
Fonds monétaire international.
5 Le DTS est l’unité de compte
du Fonds monétaire interna-
tional. Sa valeur résulte du
calcul journalier d’un panier
de quatre monnaies (le dollar
américain, l’euro, la livre
sterling et le yen japonais).
1|4 La dévaluation pour contrecarrer
la détérioration des termes
de l’échange
À partir des années quatre-vingt, des vents éco-
nomiques contraires − notamment la conjonc-
tion de la baisse du dollar et du prix des
matières premières entraînant l’accélération
de la détérioration des termes de l’échange−,
amènent une forte détérioration de la compé-
titivité des pays africains de la Zone franc, ren-
dant inéluctable une dévaluation de 50% des
francs CFA (et de 25% du franc comorien)
en janvier1994, la seule qu’ait connu la Zone
franc jusqu’à maintenant. Pour accompagner
cette dévaluation, les autorités renforcent les
unions monétaires africaines notamment en
créant des unions économiques et en insti-
tuant des mécanismes de surveillance multi-
latérale dans le but d’augmenter leur résilience
face aux aléas internes comme externes.
1|5
Le rattachement à l’euro des francs CFA
Au 1er janvier1999, l’euro devient la monnaie
de onze pays européens membres de l’Union
économique et monétaire européenne (UEM),
remplaçant automatiquement le franc français
comme ancre monétaire des francs CFA et du
franc comorien.
Le rattachement à l’euro ne donne pas lieu à
une modication des parités des deux francs
CFA et du franc comorien qui se déduisent
mécaniquement de celles vis-à-vis du franc
français et du taux de conversion irrévocable
entre l’euro et le franc français.
Cette substitution du franc à l’euro n’a pas non
plus aecté les mécanismes de coopération
monétaire de la Zone franc2, mais le Conseil
de l’UE doit être consulté en cas d’évolution
substantielle.
2| les institutions et les
mécanismes de la zone franc
2|1 Les principes de la coopération
monétaire entre la France et les
pays africains de la Zone franc
Les principes fondateurs sur lesquels repose la
Zone franc sont au nombre de trois et ont été
rappelés dans les conventions de coopération
monétaire de1972 et1973 (cf. encadré 1).
La xité des parités avec la monnaie ancre:
la parité des monnaies de la Zone avec l’euro
est xée comme suit:
1 EUR = 655,957 francs CFA
1 EUR = 491,96775 FC
La garantie de convertibilité illimitée par
le Trésor français: la convertibilité des mon-
naies émises par les trois instituts d’émission
de la Zone franc est garantie sans limite par le
Trésor français; en contrepartie, les réserves
de change sont centralisées. Cette centrali-
sation apparaît à deux niveaux: d’une part,
les États centralisent leurs réserves de change
auprès de leur banque centrale. D’autre part,
les banques centrales sont tenues de déposer
une fraction3 de leurs réserves de change4
auprès du Trésor français, sur un compte
d’opérations ouvert au nom de chacune
d’elles. Depuis1975, ces avoirs bénécient
d’une garantie de change asymétrique vis-à-
vis du DTS5.
La libre transférabilité: les transferts sont,
en principe, libres à l’intérieur de la Zone.
2|2 Un instrument clé:
le compte d’opérations
La mise en œuvre des mécanismes de la Zone
franc est rendue possible par un mécanisme
particulier, «les comptes d’opérations».
NOTE
Août 2015d’information
4
Encadré 1
Les textes fondateurs de la Zone franc
Textes relatifs à la zone UEMOA
Accord de coopération entre la République française et les Républiques membres
de l’Union monétaire ouest-africaine, Dakar, le 4 décembre1973:
https://www.banque-france.fr/eurosysteme-et-international/zone-franc/presenta-
tion-de-la-zone-franc/textes-relatifs-de-la-zone-franc/textes-relatifs-a-la-zone-uemoa/
accord-de-cooperation-entre-la-republique-francaise-et-les-republiques-membres-de-lu-
nion-monetaire-ouest-africaine.html
Traité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, 11 janvier1994
https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Information_
diverses/infoetlib/uemoa001.pdf
Statuts de la BCEAO
https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Eurosysteme_et_
international/Statuts-BCEAO.pdf
Textes relatifs à la zone CEMAC
Convention de coopération monétaire entre les États membres de la banque des États
de l’Afrique centrale (BEAC) et la République française, Brazzaville, le 23 novembre1972
https://www.banque-france.fr/eurosysteme-et-international/zone-franc/presenta-
tion-de-la-zone-franc/textes-relatifs-de-la-zone-franc/textes-relatifs-a-la-zone-cemac/
convention-de-cooperation-monetaire-entre-les-etats-membres-de-la-banque-des-etats-
de-lafrique-centrale-beac-et-la-republique-francaise.html
Traité instituant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale,
N’Djamena, le 16 Mars1994.
https://www.banque-france.fr/eurosysteme-et-international/zone-franc/presentation-de-
la-zone-franc/textes-relatifs-de-la-zone-franc/textes-relatifs-a-la-zone-cemac/traite-insti-
tuant-la-communaute-economique-et-monetaire-de-lafrique-centrale.html
Textes relatifs aux Comores
Accord de coopération monétaire entre la France et les Comores, 23 novembre1979
https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Eurosysteme_et_
international/Accord-de-cooperation-monetaire-France-Comores-du-23-novembre-1979.pdf
Statuts de la banque Centrale des Comores
https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Eurosysteme_et_
international/Statuts-BCC.pdf
Textes relatifs à l’Union européenne
Décision du Conseil de l’Union européenne concernant la Zone franc, 23 novembre1998.
https://www.banque-france.fr/eurosysteme-et-international/zone-franc/presentation-de-la-
zone-franc/textes-relatifs-de-la-zone-franc/autres-textes-concernant-la-zone-franc.html
La Zone franc
5
Les comptes d’opérations sont des comptes
à vue, ouverts auprès du Trésor français, au
nom de chacun des trois instituts d’émission:
la BCEAO, la BEAC et la Banque centrale
des Comores. Ces comptes sont rémunérés et
orent la possibilité d’un découvert illimité,
donnant lieu à paiement d’intérêts en cas de
position débitrice.
Si les Banques centrales peuvent recourir
sans limitation aux avances du Trésor fran-
çais, cette faculté doit, dans l’esprit des textes,
revêtir un caractère exceptionnel. Pour éviter
que les comptes d’opérations ne deviennent
durablement débiteurs, un dispositif d’alerte
existe. Le taux de couverture de la monnaie
doit être susant (le seuil minimal étant
de20%). En outre, un dispositif de sauve-
garde, dont certaines mesures sont de nature
préventive, est prévu:
les statuts de la BCEAO ainsi que la
convention de compte d’opérations passée
avec l’État français précisent que lorsque les
disponibilités en compte d’opérations pré-
sentent une évolution qui laisse prévoir leur
insusance pour faire face aux règlements
à exécuter, la BCEAO devra
alimenter le compte d’opéra-
tions par prélèvement sur les
disponibilités qu’elle aura pu
se constituer en devises étran-
gères, demander la cession à
son prot, contre francs CFA,
des devises détenues par les
organismes publics ou privés
des pays membres (clause dite
du «ratissage») et invitera les États membres
à exercer leurs droits de tirage sur le Fonds
monétaire international. Une même clause
de ratissage est prévue par les conventions
de compte d’opérations de la BEAC et de
la BCC;
les statuts de la BEAC prévoient en outre
que lorsque le compte d’opérations est
débiteur durant trois mois consécutifs, les
montants de renancement maximum sont
réduits de20% dans les pays dont la situa-
tion fait apparaître une position débitrice
en compte d’opérations, et de 10% dans
les pays dont la situation fait apparaître une
position créditrice d’un montant inférieur
à 15% de la circulation duciaire rappor-
tée à cette même situation. Le Conseil de
politique monétaire (CPM) de la BEAC est
immédiatement convoqué pour délibérer
sur les mesures de redressement appropriées
à mettre en œuvre dans les États en position
débitrice;
enn, les statuts de la BEAC et de la BCC
précisent que leurs concours aux Trésors
nationaux ne peuvent excéder 20 % des
recettes budgétaires ordinaires constatées
lors du dernier exercice budgétaire. En
UEMOA, les concours monétaires directs
aux États membres sont désormais inter-
dits, en application des nouveaux statuts de
la BCEAO. Depuis2013, la CEMAC s’est
également engagée dans un processus d’ex-
tinction progressive des avances directes des
banques centrales aux États.
2|3 Les banques centrales: chevilles
ouvrières des accords monétaires de
la zone franc
La Banque centrale des États de l’Afrique
de l’Ouest (BCEAO)
La BCEAO est un établissement public interna-
tional dont le siège est établi à Dakar (Sénégal).
La BCEAO dénit et met en
œuvre la politique monétaire
au sein de l’UEMOA, veille à
la stabilité du système bancaire
et nancier de l’Union, met en
œuvre la politique de change
de l’UEMOA dans les condi-
tions arrêtées par le Conseil des
ministres et gère les réserves o-
cielles de change des États
membres. Elle a le pri-
vilège exclusif d’émettre
les signes monétaires sur
le territoire des États de
l’Union.
L’objectif principal de la
politique monétaire de la
BCEAO est d’assurer la
stabilité de la monnaie,
c’est-à-dire d’une part la
stabilité externe, c’est-à-
dire la parité xe, d’autre
part, la stabilité interne
des prix. Sans préjudice
de cet objectif, la Banque
centrale apporte son sou-
tien aux politiques écono-
miques de l’UEMOA.
«Si les banques
centrales peuvent
recourir sans limitation
aux avances du
Trésor français,
cette faculté doit
revêtir un caractère
exceptionnel»
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