EVELYNE LAPOINTE TRANSFORMATION DE CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES EN MYOBLASTES: PREMIÈRE ÉTAPE DU DÉVELOPPEMENT D'UN TRAITEMENT DE LA DYSTROPHIE MUSCULAIRE DE DUCHENNE Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Microbiologie-Immunologie pour l'obtention du grade de maître es sciences (M.Se.) FACULTE DE MEDECINE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2006 Evelyne Lapointe © 2006 Résumé La dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie génétique caractérisée par l'absence de dystrophine dans les muscles des patients. Un des traitements envisageables est la greffe de myoblastes dans les muscles dystrophiques afin de permettre l'expression de dystrophine. Les cellules souches embryonnaires, qui ont la capacité de se différencier en tous les types de cellules, pourraient servir de source illimitée de cellules pour traiter les patients. Les résultats présentés dans ce mémoire démontrent premièrement qu'il est possible d'obtenir une population de myoblastes dérivées de cellules souches embryonnaires murines. Il est aussi démontré qu'un traitement à l'azacytidine augmente le pourcentage de cellules souches embryonnaires différenciées en cellules myogéniques. De plus, ces cellules différenciées permettent de régénérer la dystrophine lorsque greffées à des souris dystrophiques. Des essais de purification de ces cellules myogéniques ont été tentés et sont toujours en cours d'étude. Une bonne purification des cellules différenciées permettrait en effet d'éviter les risques de formation de tumeurs lors de la greffe des cellules. Les expériences de différenciation, lorsque mises au point, pourraient être appliquées à des cellules souches embryonnaires humaines afin de traiter des patients atteints de dystrophie musculaire de Duchenne. Avant-Propos Je désire tout d'abord remercier le Dr Jacques P. Tremblay de m'avoir accueillie dans son laboratoire. Sa persévérance, son enthousiasme et son professionnalisme m'ont servi d'exemple tout au long de ma maîtrise. Je tiens aussi à remercier tous les étudiants, assistants de recherche, techniciens et stagiaires post-doctoraux faisant partie de l'équipe de recherche. En plus de répondre toujours patiemment à mes questions, ils ont contribué à rendre l'atmosphère de travail plus qu'agréable. Je remercie aussi ma famille pour tout le support et l'amour que j'ai reçus. Leur présence ainsi que leurs encouragements m'ont toujours été très utiles tout au long de ma vie. Je tiens finalement à remercier Joël pour sa patience et sa grande compréhension. Je dédie ce mémoire à ma famille, à mes proches et à mon copain m Table des matières Abréviations 1 1. Introduction 2 1.1 Embryogenèse 2 1.1.1 Formation du disque embryonnaire didermique 2 1.1.2 Gastrulation 5 1.1.3 Somitogenèse 7 1.2 Myogenèse 10 1.3 Le muscle squelettique 16 1.4 La régénération musculaire 18 1.5 La dystrophie musculaire de Duchenne 19 1.5.1 Description et évolution de la maladie 19 1.5.2 Cause de la maladie 21 1.5.3 La dystrophine 21 1.5.4 Les traitements de laDMD 23 1.5.4.1 La thérapie génique 23 1.5.4.2 Le traitement pharmacologique 23 1.5.4.3 La thérapie cellulaire 24 1.6 Les cellules souches embryonnaires 28 1.6.1 Historique des cellules souches embryonnaires de souris 28 1.6.2 Génération d'une lignée de cellules souches embryonnaires murines 29 1.6.3 Cellules ES murines non-différenciées 30 1.6.3.1 Voies de signalisation impliquées 30 1.6.3.2 Expression génique chez les cellules ES pluripotentes murines 32 1.6.4 Différenciation des cellules ES murines.... 34 1.6.5 Les cellules souches embryonnaires humaines 38 1.6.6 Les cellules souches provenant de l'adulte 41 1.6.7 Clonage thérapeutique 43 1.6.8 Tolérance immunologique 45 1.7 Législation concernant les cellules souches embryonnaires humaines au Canada 48 1.8 Législations concernant les cellules souches embryonnaires humaines au niveau international 49 1.9 Objectifs du projet de recherche .51 2. Matériels et Méthodes 52 2.1 Culture cellulaire 52 2.1.1 Cultures primaires de myoblastes 52 2.1.2 Cellules souches embryonnaires de souris 53 2.1.3 Lignées cellulaires NIH 3T3 et C2C12 53 2.1.4 État des cellules ES non-différenciées 53 2.2 Différenciation des cellules ES 56 2.2.1 Formation de EBs 56 2.3 Animaux 61 2.4 Isolation de l'ARN et «Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction» (RT-PCR) 61 2.5 Analyses cytologiques en immunofluorescence 64 2.6 Purification magnétique des myoblastes 66 2.7 Analyses par FACS des cellules ES 69 2.8 Greffe de cellules souches différenciées 69 2.9 Analyses des muscles greffés 70 2.9.1 Coloration hématoxyline-éosine 70 2.9.2 Analyses histologiques en immunofluorescence 71 2.10 Construction d'un vecteur de résistance 71 2.11 Transfection des cellules ES 74 3. Résultats 75 3.1 Différenciation des cellules ES en myoblastes 75 3.1.1 Sans la formation de EB 75 3.1.2 Avec la formation de EB 75 3.1.3 Augmentation du pourcentage de cellules ES différenciées en cellules myogéniques 78 3.2 Purification des cellules ES différenciées en cellules myogéniques 84 3.3 Alternative à la purification par MACS des cellules différenciées 88 3.4 Greffe des cellules différenciées non purifiées chez la souris mdx 88 3.5 Transfection des cellules ES avec vecteurs de résistance 92 Discussion 96 Conclusion 100 Bibliographie 101 Liste des tableaux Tableau 1 Marqueurs principaux chez les cellules ES murines et humaines Tableau 2 Différenciations faites à partir de cellules ES humaines Tableau 3 Séquences des amorces utilisées pour les PCR 33 40 63 Liste des figures Fig. 1 Stades menant à la formation du disque embryonnaire didermique 4 Fig. 2 Transformation du disque embryonnaire didermique en un disque tridermique 6 Fig. 3 Différenciation du mésoblaste intra-embryonnaire en trois structures 8 Fig. 4 Augmentation du nombre de somites selon l'âge de l'embryon 9 Fig. 5 Position et description d'un somite 11 Fig. 6 Régulation positive et négative des MRFs primaires dans le somite 13 Fig. 7 Protéines impliquées dans la différenciation myogénique 15 Fig. 8 Anatomie du muscle squelettique. 17 Fig. 9 Signes de Gower typiques à la DMD 20 Fig. 10 Complexe protéique de la dystrophine 22 Fig. 11 Facteurs limitants de la thérapie cellulaire 25 Fig. 12 Effet moléculaire du LIF sur la différenciation cellulaire (54) 31 Fig. 13 Différenciation des cellules à l'intérieur d'un EB 36 Fig. 14 Clonage thérapeutique 44 Fig. 15 Traitement de la DMD avec des cellules ES 47 Fig. 16 Caractéristiques phénotypiques des cellules ES non-différenciées 55 Fig. 17 État du EB après deux jours de suspension 58 Fig. 18 Schéma montrant les étapes effectuées lors de la différenciation des cellules ES en myoblastes 60 Fig. 19 Technique de purification des myoblastes par MACS 68 Fig. 20 Construction du plasmide permettant la sélection des cellules différenciées en myoblastes 73 Fig. 21 Différenciation spontanée des ES en cellules myogéniques 77 Fig. 22 Effet de l'AzaC sur l'expression de desmine 79 Fig. 23 Effet de l'AzaC sur l'expression de MHC 81 Fig. 24 Effet de l'AzaC sur l'expression de différents gènes 83 Fig. 25 Purification des myoblastes provenant d'une culture mixte de souris 85 Fig. 26 Expression de I'a7-intégrine sur les cellules ES non-différenciées 87 Fig. 27 Tumeur observée dans un muscle greffé avec des cellules ES différenciées mais non purifiées 89 Fig. 28 Immunofluorescence anti-dystrophine d'un muscle greffé 91 Fig. 29 Transfection contrôle avec plasmide GFP 93 Fig. 30 Expression du transgène ZéoRFP observée chez les cellules ES transfectées 95 Abréviations ul : Microlitre ARN : Acide ribonucléique ARNm : Acide ribonucléique messager bFGF : Basic fibroblast growth factor BSA : Bovine sérum albumin CRSH : Conseil de recherche en science humaine CRSNG : Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie CSCS : Comité de surveillance des cellules souches DMD : Dystrophie musculaire de Duchenne DMEM : High glucose Dulbecco's modified Eagle médium DMSO : Diméthyl sulfoxide EB : Corps embryonnaire EDTA : Acide éthylène diamine tétra acétique ES (cellule): Cellule souche embryonnaire FBS : Sérum de veau fœtal HBSS : Hank's Balanced Sait Solution HGF : Facteur de croissance des hépatocytes HSC : Cellule souche hématopoïétique ICM: Masse cellulaire interne IGF-1: Facteur de croissance insulinomimétique de type 1 IRSC : Instituts de recherche en santé du Canada JAK : Janus-associated tyrosine kinase LFA-1 : Lymphocyte function-associated antigen 1 LIFR : Récepteur du LIF MACS : Magnetic-activated cell sorting MAPK : Ras/mitogen-activated protein kinase MCK: Muscle creatin kinase MHC : Myosin Heavy Chain ml : Millilitre MRF : Facteur de régulation myogénique PFA : Paraformaldéhyde RT-PCR : Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction SH2 : SRC homology 2 Shh : Sonic hedgehog TA : Tibialis antérieur VEGF : Vascular endothelial growth factor 1. Introduction Le présent mémoire porte sur le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) grâce à l'utilisation de cellules souches embryonnaires. En introduction, la formation du tissu musculaire à partir du tout premier jour de l'embryon sera d'abord décrite. Une description de la DMD sera ensuite présentée suivie d'un bref résumé des thérapies à envisager dans le futur pour traiter les patients atteints. Une partie de l'introduction portera aussi sur les cellules souches embryonnaires ainsi que de sur leur potentiel pour traiter différentes maladies comme la DMD. Suivra finalement une description des objectifs du projet de recherche sur lesquelles sont basées les expériences de ce mémoire. 1.1 Embryogenèse L'être humain adulte, qui est composé de plus de 200 types de cellules différentes, provient à l'origine d'une seule cellule fécondée. Ce premier chapitre permettra de connaître les premières étapes de la vie ainsi que de mieux comprendre d'où vient le tissu musculaire et les cellules souches embryonnaires. 1.1.1 Formation du disque embryonnaire didermique Tout commence d'abord par la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde. Ceci mène à la toute première cellule de l'embryon qui est appelée zygote. Près de 24 heures après sa formation, le zygote commence ses divisions à environ toutes les 12 heures. Ces cellules en division sont à l'intérieur de la zone pélucide, qui est une enveloppe inextensible. Puisque l'espace de croissance est restreint, chaque nouvelle cellule est donc deux fois plus petite que la cellule dont elle est issue. L'amas d'une trentaine de cellules ainsi générées se nomme la morula et chaque cellule qui la compose se nomme blastomère. 2 Il est bien de noter que les divisions ne sont pas nécessairement synchrones et que le matériel cellulaire (ARNm, protéines, ...) n'est pas distribué également à toutes les cellules. Ces légères différences de composition cytoplasmique influeront ultérieurement sur la différenciation des cellules [1]. Lorsque la morula se compose d'une centaine de cellules, c'est-à-dire vers le troisième jour chez la souris et vers le cinquième jour chez l'humain, cette dernière subit plusieurs changements qui la transforment en blastocyste. Les cellules externes à proximité de la zone pélucide forment le trophoblaste tandis que les quelques cellules les plus internes de la morula forme l'embryoblaste. Comme il sera expliqué plus loin dans l'introduction, ce sont ces cellules qui sont prélevées pour faire les cellules souches embryonnaires. L'embryoblaste est composé de deux parties : l'épiblaste (cellules externes) et l'hypoblaste (cellules internes). L'hypoblaste servira à la fabrication du placenta tandis que l'épiblaste deviendra l'embryon [2]. Ensuite, grâce à des contractions et à des enzymes, le blastocyste perce et se débarrasse de la zone pélucide qui l'empêche de prendre de l'expansion. Le blastocyste prend par après la forme d'une sphère ayant deux cavités hémisphériques. L'épiblaste et l'hypoblaste se retrouvent donc accolés et prennent le nom de disque embryonnaire didermique à cause de la présence de ces deux feuillets cellulaires. C'est aussi à ce stade que l'implantation de l'embryon a lieu, c'est-à-dire que l'embryon se niche dans la paroi utérine de la mère [1]. La figure suivante récapitule les étapes de l'embryogenèse décrites précédemment et illustre la formation du disque embryonnaire didermique à partir du stade de la morula. Figure 1 Morula Blastocyste Éclosion Implantation Fig. 1 Stades menant à la formation du disque embryonnaire didermique Les schémas du haut montrent l'embryon au stade de la morula et du blastocyste. Il est possible d'apercevoir la zone pélucide (1) ainsi que les blastomères (2) formant la morula. L'embryoblaste (3) et le trophoblaste (4) commencent à apparaître à partir du stade de blastocyste. La figure en bas à gauche illustre l'éclosion du blastocyste et la différenciation de l'embryoblaste en épiblaste (5) et en hypoblaste (6). La figure en bas à droite montre l'embryon qui possède alors le disque embryonnaire didermique (7). À ce stade, l'embryon est déjà implanté dans l'utérus de la mère. Figure adaptée du site Internet www.embryology.ch, Université de Lausanne. 1.1.2 Gastrulation La gastrulation, qui est la transformation du disque didermique en un disque tridermique, est illustrée par la figure 2. Ceci se fait tout d'abord par la formation d'une crête dans le disque didermique qui se nomme ligne primitive. Les cellules de l'épiblaste prolifèrent et s'invaginent dans ce sillon. Dépendant de la position des cellules avant l'invagination, elles migrent dans différentes directions qui détermineront leur différenciation future. Par exemple, des cellules migrent jusqu'à l'hypoblaste et remplacent les cellules de l'hypoblaste déjà en place. Cette nouvelle couche de cellules épiblastiques naissante se nomme entoblaste définitif et formera plus tard l'endoderme. Les cellules qui ne migrent pas à travers la crête formeront quant à elles la lignée ectodermale. La catégorie de cellules dont il sera question dans ce mémoire est celle qui formera le mésoderme. Ces cellules de l'épiblaste migrent dans la ligne primitive et s'installent entre l'épiblaste et l'entoblaste définitif. Ces cellules forment le troisième feuillet qui s'appelle mésoblaste intraembryonnaire. C'est donc par la migration des cellules épiblastiques à travers la ligne primitive que le disque tridermique est créé [1]. Figure 2 Vue globale Vue transversale Fig. 2 Transformation du disque embryonnaire didermique en un disque tridermique Les schémas représentent la vue globale et transversale d'un embryon au moment de la gastrulation. Sur le schéma de la vue transversale, il est possible d'apercevoir la migration des cellules de l'épiblaste (2) à travers la ligne primitive (1). Les cellules ayant migré jusqu'à l'hypoblaste (5) forment les cellules de l'entoblaste définitif (3) tandis que les cellules qui s'installent entre l'entoblaste définitif et l'épiblaste forment le mésoblaste intraembryonnaire (4). Figure adaptée du site www.Internet embryology.ch, Université de Lausanne. 1.1.3 Somitogenèse Chez l'humain, environ 19 jours après la fécondation, commence à apparaître la notocorde qui sera plus tard remplacée par la colonne vertébrale. Quelques jours plus tard le mésoblaste intra-embryonnaire se différencie en trois structures : le mésoblaste para-axial, le mésoblaste intermédiaire et le mésoblaste latéral (Fig. 3). Le mésoblaste para-axial, qui se situe de part et d'autre de la notocorde, est celui qui est à l'origine de la formation du muscle squelettique. Il se segmente d'abord en plusieurs somitomères qui à leur tour donneront 42 à 44 paires de somites [1]. Ce processus de formation des somites est hautement régulé et permet d'ailleurs de déterminer l'âge d'un embryon selon le nombre de somites visibles lors de l'échographie (Fig. 4). Figure 3 Fig. 3 Différenciation du mésoblaste intra-embryonnaire en trois structures. Le schéma permet d'observer les trois structures du mésoblaste intra-embryonnaire : le mésoblaste para-axial (2), le mésoblaste intermédiaire (3) et le mésoblaste latéral (4). Il est aussi possible d'apercevoir la notocorde en formation (1). Figure adaptée du site Internet embryology.ch, Université de Lausanne. Figure 4 23 Jours tr 26 Jours 1 32 Jours &* \ Somites Fig. 4 Augmentation du nombre de somites selon l'âge de l'embryon. Les flèches blanches indiquent la location des somites dans des embryons d'âges différents. La formation de somites est très régulée et le nombre de somites présents dans un embryon peut permettre de savoir l'âge de celui-ci. Figure adaptée du site Internet embryology.med.unsw.edu.au, University of South Wales, Australie. 9 Il a été décrit précédemment comment se déroulait le comportement des cellules à partir du moment de la fécondation jusqu'à la formation des précurseurs myogéniques appelés somites. Le chapitre suivant traitera maintenant des événements menant à la formation des cellules musculaires. 1.2 Myogenèse Les somites, dont le développement a été décrit plus haut, se divisent d'abord en deux parties : le slérotome ventral et le dermomyotome dorsal. La figure suivante permet d'ailleurs de situer les parties du somite qui se trouvent près de la notocorde, comme il a été vu précédemment. Le slérotome sera à l'origine des vertèbres et des côtes tandis que le dermomyotome donnera la peau dorsale et les muscles squelettiques [3]. 10 Figure 5 Fig. 5 Position et description d'un somite. Le somite, qui se situe près de la notocorde (5), est composé du dermoyotome (2), du myotome (3) et du sclérotome (4). L'ectoderme (1) est encore présent à ce stade et il se situe à l'extérieur des somites. Figure adaptée d'une revue faite par Chargé et Rudnicki [41 11 Plusieurs signaux provenant des tissus environnants vont déterminer si les cellules situées dans le dermomyotome vont ou non différencier vers la lignée myogénique. Comme le montre la figure suivante, certains facteurs vont promouvoir la différenciation myogénique en influençant l'expression des facteurs de régulation myogénique (MRF) primaires MyoD et Myf5. Les facteurs influençant les MRFs primaires proviennent de la notocorde, du tube neural, du dermomyotome et de l'ectoderme. Les protéines Wnts, Sonic hedgehog (Shh) et Noggin régulent positivement les MRFs tandis que BMP4 empêche leur expression. Pax3 a, pour sa part, un rôle à jouer dans la prolifération des précurseurs myogéniques [4]. Les cellules du dermomyotome qui ont été stimulées positivement et qui sont destinées à devenir des cellules myogéniques migrent alors latéralement pour former le myotome. Ces cellules qui ont migré et qui forment le myotome expriment myoD et myf5 et se nomment myoblastes[3]. 12 Figure 6 • Myo Fig. 6 Régulation positive et négative des MRFs primaires dans le somitc. L'expression des MRFs primaires MyoD et My/5 est régulée par plusieurs facteurs. Les protéines Wnts, Shh et Noggin régulent positivement ces MRFs tandis que BMP4 empêche leur expression. Pax3 est impliqué dans la prolifération cellulaire. Les cellules du dermomyotome stimulées positivement migrent pour former le myotome. Ectoderme (1), dermomyotome (2), myotome (3), slérotome (4), tube neural et notocorde (6). Figure adaptée d'une revue faite par Chargé et Rudnicki [4]. 13 Les myoblastes en prolifération finissent par se retirer du cycle cellulaire et expriment par la suite les MRFs tardives myogénine et MRF4. Les cellules différenciées expriment aussi graduellement des protéines spécifiques au muscle telles que « myosin heavy chain » (MHC) et « muscle creatin kinase » (MCK). Ces myocytes mononuclés fusionnent ensemble pour former un syncytium multinucléé qui deviendra mature et qui formera une fibre musculaire contractile. Une population distincte de myoblastes n'emprunte cependant pas le même chemin de différenciation : les cellules satellites. Ces cellules sont caractérisées par leur expression de Pax-7. Elles resteront attachées à la fibre musculaire naissante et auront un rôle majeur dans la régénération musculaire. Le schéma suivant illustre le processus de différenciation myogénique ainsi que les principales protéines exprimées [4]. 14 Figure 7 Cellule du dermomyotome Myoblaste Myocyte MyoD / Myf5 Myogénine / MRF4 Pax3 Myofibres et cellules satellites (§> Pax7 Pax7 Cellule satellite Fig. 7 Protéines impliquées dans la différenciation myogénique. Les MRFs primaires permettent la prolifération des myoblastes. L'expression des MRFs tardives myogénine et MRF4 pousse alors les myoblastes à se différencier et à fusionner ensemble pour former une fibre musculaire. Les cellules exprimant Pax7 forment la population de cellules satellites et restent attachées aux fibres musculaires. Figure adaptée d'une revue faite par Chargé et Rudnicki [4]. 15 La partie suivante portera sur la morphologie du muscle squelettique. Il sera ainsi possible de mieux comprendre la maladie de la dystrophie musculaire de Duchenne qui sera décrite un peu plus loin. 1.3 Le muscle squelettique Ce sont les fibres musculaires, dont la formation a été décrite plus haut, qui constituent le muscle squelettique. Ces fibres sont alignées parallèlement et sont constituées de myofibrilles. Celles-ci constituent environ 80 % du volume de la fibre musculaire et sont à l'origine de la contractilité musculaire. La fibre musculaire a un diamètre qui varie de 10 à 100 \xM et peut atteindre 30 cm de longueur. Plusieurs couches de tissu conjonctif servent à envelopper et maintenir ensemble les fibres musculaires. Tout d'abord, chaque fibre est entourée par une fine gaine de tissu conjonctif appelée endomysium. Plusieurs fibres ainsi enveloppées sont regroupées et entourées d'une gaine plus épaisse appelée périmysium. Ces fibres regroupées portent le nom de faisceau. La totalité des faisceaux qui forment le muscle sont ensuite entourés par l'épimysium. Cette gaine est attachée à l'os directement ou par l'intermédiaire d'un tendon. Lorsque les fibres musculaires se contractent, la force est transmise de gaine en gaine et se rend ainsi jusqu'à l'os. La figure suivante illustre l'anatomie du muscle squelettique décrite précédemment [2]. 16 Figure 8 Fibre (cellule) musculaire Endomysium (recouvre chaque fibre musculaire) Périmysium (délimite le faisceau des fibres musculaires) Épimysium (recouvre l'ensemble du muscle) Vaisseau sanguin Tendon L Fig. 8 Anatomie du muscle squelettique. Chaque fibre est entourée par l'endomysium et plusieurs fibres ainsi enveloppées sont entourées par le périmysium. Ces fibres regroupées portent le nom de faisceau. Les faisceaux qui forment le muscle sont ensuite entourés par l'épimysium. Cette gaine est attachée à l'os directement ou par l'intermédiaire d'un tendon. Figure adaptée du site Internet www.sci.sdsu.edu, San Diego State University, Etats-Unis. 17 1.4 La régénération musculaire Puisque le muscle est soumis régulièrement à toutes sortes de traumatismes, il doit être capable de se réparer rapidement. Ce mécanisme de réparation se sépare en deux phases : la phase dégénérative et la phase régénérative. La première étape survient après le bris musculaire qui peut être lié à un effort physique trop intense ou à une maladie. Les fibres endommagées nécrosent et il y a une réaction inflammatoire au site endommagé. Les neutrophiles s'infiltrent d'abord puis les macrophages phagocytent les débris causés par la nécrose des fibres. Par la suite, il y aura régénération du muscle. Cette régénération est principalement attribuable à la présence de cellules satellites, qui ont été décrites précédemment. Ces cellules, normalement quiescentes chez l'adulte, reçoivent des signaux suite aux bris musculaires. Elles vont alors proliférer et migrer jusqu'aux fibres cellulaires endommagées afin de fusionner avec elles pour réparer les dommages [4]. Tout au long d'une vie, chez la majorité des êtres humains, les muscles se dégénèrent et se régénèrent constamment. Il peut cependant arriver qu'un défaut dans le génome d'une personne vienne affecter la composition du muscle. C'est le cas de la dystrophie musculaire de Duchenne qui sera décrite dans le chapitre suivant. 1.5 La dystrophie musculaire de Duchenne 1.5.1 Description et évolution de la maladie La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) se caractérise par une dégénérescence progressive des muscles et environ un garçon sur 3500 est atteint. Elle touche les trois types de muscles : squelettiques, cardiaques et lisses. À la naissance, l'enfant n'a pas de symptômes et paraît normal. Avant l'âge de trois ans, il peut arriver que l'enfant marche plus tard ou qu'il tombe fréquemment. La figure 9 montre l'apparition des signes de Gower entre 3 et 6 ans qui démontrent les effets typiques de la dégénérescence musculaire. Vers l'âge de douze ans, l'enfant ne peut plus marcher et est confiné au fauteuil roulant. L'atteinte des muscles respiratoires rend l'enfant susceptible à développer des infections broncho-pulmonaires. Les trois causes de décès reliées à la maladie sont la défaillance cardiaque, l'insuffisance respiratoire ainsi que les infections pulmonaires. L'âge du décès varie de 10 à 29 ans [5]. Figure 9 Fig. 9 Signes de Gower typiques à la DMD. Ce dessin montre que l'enfant dystrophique a de la difficulté à se lever et doit se servir de ses bras. Figure tirée du livre Myology écrit par Engel et Franzini-Armstrong. 20 1.5.2 Cause de la maladie Cette maladie est causée par la mutation d'un gène situé sur le chromosome X. Le gène atteint est celui qui code pour la dystrophine, une protéine très grosse de 427 kDa présente dans tous les types de muscles. Les mutations causant la maladie peuvent être des grandes délétions, des grandes insertions ou encore des mutations ponctuelles. Dans la majorité des cas, ces mutations provoquent un changement de cadre de lecture et empêchent la synthèse complète d'une protéine fonctionnelle [6]. 1.5.3 La dystrophine La membrane de la cellule musculaire, composée d'une bicouche lipidique, est protégée extérieurement par la lamine basale et intérieurement par le réseau de cytosquelette d'actine. La dystrophine joue un rôle majeur dans le muscle puisqu'elle relie le cytosquelette d'actine à la matrice extracellulaire [7,8]. Comme le montre la figure 10, l'extrémité aminé de la dystrophine se lie à la F-actine tandis que son extrémité carboxylique se lie au complexe des protéines associées à la dystrophine. Ce complexe est situé dans le sarcolemme, c'est-à-dire à la surface de la membrane plasmique de la fibre musculaire. Il est en autre composé de dystroglycans et de sarcoglycans qui sont des protéines jouant un rôle très important dans la structure cellulaire. Lorsque la dystrophine est absente ou non fonctionnelle, ce complexe protéique est déstabilisé et la quantité de ces protéines est diminuée. Ceci entraîne donc une fragilité des fibres musculaires qui s'endommagent alors au moindre effort [9,10]. 21 Figure 10 Fig. 10 Complexe protéique de la dystrophine. La dystrophine (7) relie le cytosquelette d'actine (8) au complexe protéique de la dystrophine qui est situé dans le sarcolemme (6). Ce complexe est composé d'adystroglycans (4) de (3-dystroglycans (5) et de sarcoglycans (1). Ce complexe est ensuite relié à la matrice extracellulaire (3) par l'intermédiaire de la laminine-2 (2). Figure adaptée de la revue Brain, volume 122, section 8. 22 1.5.4 Les traitements de la DMD II n'existe malheureusement pas encore de traitement efficace pour guérir les patients atteints de la dystrophie musculaire de Duchenne. Cependant, plusieurs approches sont envisagées pour des traitements à long terme. Les stratégies thérapeutiques envisagées peuvent être classées en trois groupes : la thérapie génique, pharmacologique et cellulaire [6]. Les deux premiers types de thérapie seront brièvement résumés tandis que le troisième type sera décrit un peu plus en détail. 1.5.4.1 La thérapie génique La thérapie génique consiste à réintroduire le gène normal de la dystrophine dans les cellules du patient atteint. Pour ce faire, des vecteurs viraux ou plasmidiques peuvent être utilisés comme transporteurs du gène correcteur. Par exemple, le gène de la dystrophine inséré dans un plasmide et injecté dans des souris dystrophiques a permis l'expression de dystrophine pendant six mois [11,12]. Des adénovirus contenant un gène partiel de la dystrophine réussissent aussi à régénérer l'expression de la dystrophine dans les muscles cardiaques et squelettiques de souris dystrophiques. Dans ce cas, l'expression de la dystrophine n'est cependant que temporaire. En effet, plusieurs facteurs nuisent à ce type de traitement comme par exemple, la toxicité du vecteur ou le rejet par le système immunitaire des cellules exprimant la dystrophine [13]. Plusieurs autres stratégies utilisant la thérapie génique sont présentement en cours d'étude afin d'augmenter l'expression de dystrophine ainsi que sa durée d'expression [14]. 1.5.4.2 Le traitement pharmacologique Ce type de traitement, contrairement à la thérapie génique et cellulaire, n'a pas pour but d'amener l'expression de la dystrophine. En général, cette thérapie consiste à utiliser des médicaments afin de diminuer l'inflammation, augmenter la prolifération cellulaire ainsi 23 qu'augmenter la production de protéines compensatoires telles que l'utrophine [15]. Par exemple, le traitement des patients avec des corticostéroïdes tels que la prednisolone permet une amélioration phénotypique à court terme [16]. Le traitement de souris dystrophiques avec le facteur de croissance insulinomimétique de type 1 (IGF-1) permet quant à lui, une augmentation de la masse musculaire ainsi qu'une amélioration anatomique du muscle [17,18]. Pour l'instant, bien que le traitement pharmacologique donne de bons résultats, il n'est pas assez efficace pour être employé seul. Il pourrait cependant être utilisé en combinaison avec une autre thérapie afin d'augmenter l'amélioration phénotypique des patients traités [15]. 1.5.4.3 La thérapie cellulaire La thérapie cellulaire consiste à injecter, dans un muscle dystrophique, des cellules possédant le gène normal de la dystrophine. Les cellules normales fusionnent alors avec les fibres dystrophiques et le noyau de la cellule normale permet l'expression de la dystrophine dans la nouvelle fibre hybride [19,20]. Suite aux résultats obtenus chez la souris, plusieurs essais cliniques ont été faits chez l'humain [21-24]. Les résultats étaient décevants puisque seulement 10 % de fibres exprimaient la dystrophine dans les muscles greffés. La figure 11 montre les trois facteurs limitants de la thérapie cellulaire : la faible dispersion des myoblastes après l'injection, la mort rapide des myoblastes suite à l'injection et le rejet immunitaire des cellules exprimant la dystrophine lorsqu'il n'y a pas d'immunosuppression [25,26]. 24 Figure 11 Fig. 11 Facteurs limitants de la thérapie cellulaire. La photo 1 montre une coloration révélant le produit du transgène fi-Galactosidase présent chez les cellules greffées à un singe. Le peu de cellules présentes hors des trajectoires d'injection démontre la faible migration des myoblastes. La photo 2 montre l'entrée rapide de calcium extracellulaire (Rouge Alizarine) quelques heures après la greffe chez le singe démontrant ainsi la forte mortalité des cellules. La photo 3 représente une coloration hématoxyline-éosine indiquant la forte infiltration des lymphocytes en périphérie des cellules greffées. Figure adaptée d'un article de Skuk et Tremblay [27]. 25 Solutions face aux problèmes responsables du faible succès de greffe La faible migration des myoblastes lors des greffes peut d'abord être compensée par des injections rapprochées de cellules. Chez les primates, des injections faites à des intervalles de 1 millimètre ont permis l'expression de B-galactosidase dans 60 % des fibres [28]. L'utilisation de facteurs de croissance comme l'IGF-1 et le facteur de croissance de base des fibroblastes (bFGF) permet aussi d'augmenter la dispersion des myoblastes après l'injection [29]. Un grand pourcentage de cellules greffées meurent suite à la réaction inflammatoire provoquée par la greffe [30,31]. Pour améliorer leur survie, les cellules peuvent être modifiées génétiquement pour qu'elles expriment la protéine anti-inflammatoire « transforming growth factor-beta 1 » (TGF-beta 1) [32]. Dans ce cas, la mortalité des cellules après la greffe est diminuée de 20 %. L'administration d'un anticorps contre le récepteur « lymphocyte function-associated antigen 1 » (LFA-1) peut aussi permettre une diminution significative de la mortalité [33]. Le problème de rejet immunitaire des cellules allogéniques greffées peut être réglé de deux façons. Premièrement, il a été démontré que l'immunosuppresseur FK506 peut empêcher le rejet des cellules greffées chez la souris [34] et chez le singe [35]. Le traitement continu avec un tel immunosuppresseur est cependant risqué puisque le produit peut être néphrotoxique et neurotoxique [36]. L'autre façon d'empêcher un rejet immunologique serait de faire en sorte que les cellules du receveur ne rejettent pas celles du donneur Cet état d'insensibilité du système immunitaire vis-à-vis des cellules greffées s'appelle tolérance immunitaire. Il existe deux types de tolérance immunitaire : la tolérance périphérique et la tolérance centrale. La modulation des cellules présentes dans les organes lymphoïdes secondaires (rate, ganglions, etc.) mène à la tolérance périphérique tandis que la modulation des cellules présentes dans le thymus mène à la tolérance centrale. 26 La tolérance centrale, qui montre de meilleurs succès que la tolérance périphérique, peut être obtenue par une greffe de moelle osseuse. Il y a généralement une myéloablation (destruction partielle ou complète des cellules de la moelle osseuse du receveur) avant la greffe pour pouvoir permettre le repeuplement de la moelle par les cellules du donneur. Des souris qui ont été ainsi greffées sont d'ailleurs devenues chimériques et ont toléré des greffes d'organes venant du donneur initial de moelle osseuse [37-39]. Des recherches sont présentement en cours afin de développer un protocole de tolérance centrale sans myéloablation massive afin de permette la tolérance de greffes de myoblastes. En effet, il pourrait être possible d'utiliser ce protocole de tolérance immunitaire pour le traitement de la DMD. Une personne donneuse ferait d'abord un don de moelle osseuse qui serait greffé à un patient dystrophique afin de créer l'état de chimérisme immunitaire. Le donneur ferait ensuite un don de myoblastes qui serait greffé au receveur dystrophique pour régénérer la dystrophine. Grâce à son système immunitaire chimérique, le receveur ne rejetterait alors pas les myoblastes greffés. 27 Les cellules souches embryonnaires pourraient être utilisées pour un traitement de la DMD sans l'utilisation d'immunosuppresseurs en développant un protocole de tolérance immunologique. Cette hypothèse sera décrite un peu plus loin dans l'introduction. Le chapitre suivant décrit d'abord ce que sont les cellules souches embryonnaires ainsi que leur potentiel relatif au traitement de diverses maladies. Les cellules ES murines seront particulièrement décrites puisqu'elles ont été utilisées pour les expériences de ce mémoire. La partie 1.6.5 sera quant à elle, consacrée aux cellules ES humaines. 1.6 Les cellules souches embryonnaires 1.6.1 Historique des cellules souches embryonnaires de souris Dans les années 1970, les scientifiques ont tenté de trouver un type de culture cellulaire qui pourrait leur permettre de mieux comprendre le développement génétique de l'embryon. Des essais de culture de cellules provenant d'embryons de souris ont d'abord été faits mais se sont soldés par un échec. Les cellules ne pouvaient en effet rester indifférenciées lorsqu'elles étaient mises en culture [40]. Des cellules de tératocarcinomes, qui sont des tumeurs malignes, ont alors utilisées pour étudier le développement embryonnaire [41]. C'est en 1981 que deux équipes réussirent enfin à isoler et à cultiver les premières lignées de cellules souches embryonnaires (ES) [42,43]. Ces cellules partageaient d'ailleurs plusieurs caractéristiques morphologiques, biochimiques et immunologiques avec les cellules de tératocarcinomes déjà utilisées à cette époque. Ces cellules ES pouvaient rester longtemps en culture en présence de cellules nourricières sans se différencier. En 1988, deux autres équipes découvrirent que c'était le facteur inhibant les cellules leucémiques (LIF), produit par les cellules nourricières, qui était responsable de l'état de pluripotence des cellules ES [44,45]. Ils réussirent donc à cultiver les cellules ES sans cellules nourricières en ajoutant au milieu de culture le LIF purifié. 28 La différenciation des cellules ES a commencé à être étudiée plus en détail en 1985. Ces cellules pouvaient en effet former des agrégats qui ont été appelés corps embryonnaires (EB). Une équipe démontra donc que ces EB étaient formés de cellules en différenciation très organisées et hautement régulées [46]. Depuis ce temps, plusieurs équipes à travers le monde ont réussi à caractériser un peu plus la différenciation in vitro des cellules ES. Le but de la plupart de ces équipes est de réussir à contrôler parfaitement la différenciation afin d'obtenir une source sûre et illimitée de cellules différenciées. Il est à noter qu'en plus des souches humaines et murines de cellules ES présentement disponibles, des cellules souches provenant d'autres espèces ont pu être isolées. Il existe en effet des cellules souches embryonnaires de hamster [47], de poulet [48] et de singe [49]. 1.6.2 Génération d'une lignée de cellules souches embryonnaires murines La technique pour obtenir une lignée de cellules souches embryonnaires est demeurée relativement la même depuis les premiers succès obtenus en 1981. Pour les cellules murines, on prélève l'utérus d'une souris 3.5 jours après le coït. On expulse alors le blastocyste et ensuite le trophoectoderme est enlevé par microchirurgie. Seule la masse cellulaire interne (ICM) composée de Pépiblaste demeure intacte (Voir figure 1). L'ICM est alors cultivée sur une couche de cellules nourricières prétraitées à la mytomicine pour éviter qu'elles prolifèrent. Les colonies ayant l'apparence typique de cellules ES sont alors transférées à l'aide d'une micropipette sur une nouvelle couche de cellules nourricières. Les cellules sont ainsi transférées plusieurs fois jusqu'à l'obtention de colonies totalement non différenciées et possédant les marqueurs caractéristiques de cellules souches embryonnaires. Ces marqueurs seront d'ailleurs énumérés un peu plus loin. Le caryotype des cellules, c'est-à-dire la caractérisation des chromosomes, doit aussi être vérifié pour s'assurer qu'il est normal et diploïde [50]. 29 1.6.3 Cellules ES murines non-différenciées 1.6.3.1 Voies de signalisation impliquées Bien que le potentiel de différenciation de ces cellules ES pluripotentes soit connu, leur potentiel de prolifération est souvent oublié. En effet, ces cellules indifférenciées présentent plusieurs caractéristiques de culture très importantes. Comme il a été cité plus tôt, la propagation des cellules ES de souris non-différenciées est dépendante de l'ajout de LIF dans le milieu de culture. Il a aussi été démontré que d'autres cytokines peuvent remplacer le LIF et ainsi empêcher la différenciation des cellules ES [51]. Comme le montre la figure suivante, la présence de LIF provoque la formation d'un complexe hétérodimérique constitué de deux récepteurs : le récepteur du LIF (LIFR) et gpl30 [52]. La formation de ce complexe active les « Janus-associated tyrosine kinases » (JAK) qui phosphorylent les tyrosines des chaînes de ces récepteurs fraîchement associés. Cette phosphorylation des récepteurs crée des sites d'ancrage pour les protéines contenant les domaines « SRC homology 2 » (SH2). Les protéines induisant l'activation de la transcription (STAT) portent ces domaines SH2 et se lient donc aux chaînes du complexe de récepteurs. Ces protéines sont par la suite dimérisées puis transférées dans le noyau de la cellule. Lorsque présentes dans le noyau, ces STATs dimérisées induisent la transcription de facteurs permettant la prolifération des cellules et l'absence de différenciation cellulaire. Dans le cas du LIF, c'est précisément la protéine STAT3 qui est impliquée [53]. Figure 12 Fig. 12 Effet moléculaire du LIF sur la différenciation cellulaire [54], La présence de LIF provoque la formation d'un complexe formé du LIFR et gpl3O (1). La formation de ce complexe active les JAKs qui phosphorylent les tyrosines des chaînes des récepteurs fraîchement associés (2). Les STATs se lient ensuite aux chaînes du complexe de récepteurs (3). Ces STATs sont alors dimérisées puis transférées dans le noyau de la cellule (4). Dans le noyau, ces STATs dimérisées induisent la transcription de facteurs permettant la prolifération et la non-différenciation cellulaire. La protéine STAT3 est représentée dans le schéma puisqu'elle joue un rôle majeur chez les cellules ES nondifférenciées. D'autres STATs seraient aussi impliquées pour le maintien de la pluripotence. D'autres voies de signalisation cellulaire seraient aussi à l'origine du maintien de la pluripotence des cellules ES. Par exemple, la voie des « Ras/mitogen-activated protein kinase » (MAPK) fait en sorte que lorsque SHP-2 et ERK deviennent actives, les cellules arrêtent leur auto-renouvellement et se différencient [55,56]. 1.6.3.2 Expression génique chez les cellules ES pluripotentes murines Un des principaux gènes caractérisant une cellule pluripotente non-différenciée est Pou5fl, qui code pour le facteur de transcription oct-4. Ce gène est d'ailleurs exprimé dès le stade du zygote et du blastocyste chez la souris [57]. La régulation de ce facteur de transcription doit être hautement précise car un manque de la protéine ou un excès de celle-ci va résulter en une différenciation [58]. Ce facteur empêcherait en autre la transcription de gènes nécessaires à la différenciation cellulaire [59]. FoxD3 et Sox2 sont deux facteurs de transcription qui interagissent avec oct-4 pour maintenir l'auto-renouvellement [60,61]. Par exemple, les embryons mutants pour FoxD3 meurent après le jour 6 à cause d'un défaut important dans le compartiment embryonnaire [62]. La protéine Sox2 joue quant à elle, un grand rôle dans la transcription de gènes ciblés par oct-4 [61]. Nanog est une protéine qui a été récemment identifiée comme étant importante au maintien de la pluripotence [63,64]. Contrairement aux protéines nommées précédemment, nanog n'est pas exprimée avant le stade de la morula. Oct-4 jouerait par ailleurs un rôle dans la régulation quantitative de nanog [65]. Les cellules ES non-différenciées possèdent aussi une activité télomérase. Cette activité est nécessaire au maintien de la longueur des chromosomes afin que les cellules puissent se diviser indéfiniment sans perte de matériel génétique [66]. .12 Le tableau suivant résume les marqueurs principaux retrouvés chez les cellules ES murmes et humaines [65,67,68]. SSEA-1 SSEA-3 SEA-4 TRA-1-60 TRA-1-81 Oct-4 Nanog Sox2 FoxD3 Phosphatase alcaline Activité télomérase + + + + + + + + + + + + + + + + 1 Tableau 1 Marqueurs principaux chez les cellules ES murines et humaines. En plus des caractéristiques précédemment nommées, les cellules indifférenciées de souris doivent répondre aux particularités suivantes [50] : Elles doivent se diviser éternellement de façon symétrique. Elles doivent former un tératome si elles sont injectées à un organisme. Lorsque injectées dans un blastocyste, elles doivent avoir la capacité de participer à la formation de tous les tissus provenant de cet embryon, y compris les cellules germinales. Elles doivent être clonogéniques, c'est-à-dire avoir la capacité de donner une lignée de cellules identiques à partir d'une seule cellule. 33 • Elles ne doivent pas entrer dans la phase Gl du cycle cellulaire, qui est la phase entre la mitose et la synthèse d'ADN. Les cellules ES non-différenciées passent donc la majorité de leur temps dans la phase de synthèse. • Contrairement aux cellules somatiques femelles, les cellules ES femelles nondifférenciées n'inactivent pas un de leur chromosome X. • Comme il sera expliqué plus loin, les cellules ES indifférenciées doivent pouvoir se différencier in vitro en cellules de la lignée du mésoderme, de l'ectoderme et de l'endoderme. Il est à noter que les cellules indifférenciées humaines ont en théorie les mêmes caractéristiques listées ci-dessus. Pour des raisons éthiques, il est cependant impossible de vérifier leur capacité à former tous les types de tissus lorsque injectées dans un blastocyste. 1.6.4 Différenciation des cellules ES murines Les cellules ES procurent un modèle exceptionnel pour comprendre le développement embryonnaire. Outre quelques exceptions, la différenciation des cellules ES s'effectue grâce à la formation de corps embryonnaires (EB) composés d'un agrégat de cellules en différenciation. La technique pour faire ces EBs sera expliquée en détail dans la section Méthodologie de ce mémoire. Afin de bien comprendre le comportement des cellules présentes dans le EB, un bref résumé de la différenciation précoce in vivo sera décrit dans les lignes suivantes. Il sera donc plus facile de comparer la différenciation in vitro à la différenciation in vivo qui se produit normalement chez le blastocyste. Le développement embryonnaire, dans le blastocyste, commence d'abord avec la différenciation de la couche externe des cellules pluripotentes de l'ICM. Comme il a été vu précédemment dans l'introduction, l'épiblaste est entouré de l'endoderme primitif extraembryonnaire et du trophoectoderme (Voir figure 1). Chez la souris, vers le jour 4, les 34 cellules de l'endoderme primitif extra-embryonnaire migrent ensuite près des cellules pluripotentes de l'épiblaste et se transforment en deux types de cellules. Celles qui restent accolées aux cellules pluripotentes forment alors l'endoderme viscéral tandis que celles qui se situent à proximité du trophoectoderme forment l'endoderme pariétal. Vers le jour 5, une sorte de cavité se forme parmi les cellules pluripotentes et celles-ci deviennent polarisées. Ce processus de conversion morphogénétique se nomme cavitation. La cavitation est d'ailleurs retrouvée lors de la formation d'autres structures tubulaires comme par exemple les conduits menant à certaines glandes [69]. Suite à la formation de la cavité proamniotique, il y a la formation de l'ectoderme primitif qui fournira les substrats nécessaires à la gastrulation. Des expériences qui impliquent la délétion et la recombinaison de facteurs de transcription produits par l'endoderme viscéral ont été faites. Il a été possible de démontrer le rôle majeur de cet endoderme dans la formation de l'ectoderme primitif et, par conséquent, son rôle au niveau dp la gastrulation [70-72]. Suite à ce processus de gastrulation, l'ectoderme primitif se différencie en mésoderme, ectoderme et endoderme [73]. Dans l'EB, il y a aussi formation de différents types de cellules. La figure suivante montre qu'au jour 2, les cellules en périphérie de l'agrégat se différencient d'abord en endoderme primitif. De la même façon que les cellules embryonnaires in vivo, cet endoderme primitif se différencie ensuite en endoderme viscéral et pariétal. Les cellules situées au centre de l'EB se transforment quant à elles en ectoderme primitif. Le processus de cavitation est aussi présent chez les EB. En effet, la couche de cellules endodermales en périphérie du EB envoie un signal de mort aux cellules ectodermales internes. Plusieurs foyers de cellules mortes se regroupent alors pour ne former qu'une seule cavité. La couche de cellules endodermales périphériques envoie aussi un deuxième signal qui permet la survie d'une monocouche de cellules ectodermales primitives entourant la cavité. Plusieurs jours après la différenciation, les cellules ectodermales primitives entourant la cavité se différencient en mésoderme, ectoderme et endoderme. La différenciation en cellules matures se poursuit et la cavité est ainsi remplacée par un amas de cellules différenciées [74]. 35 Figure 13 Jour 1 Jour 2 Jour 3 Jour 4-6 » Cellules ES • Ectoderme primitif P Endoderme primitif P Endoderme viscéral y Endoderme pariétal • Mésoderme ) Endoderme © Ectoderme Fig. 13 Différenciation des cellules à l'intérieur d'un EB. Vers le jour 2, les cellules en périphérie de l'EB se différencient d'abord en endoderme primitif. Au jour 3, cet endoderme primitif se différencie en endoderme viscéral et pariétal. Cette couche de cellules en périphérie de l'EB envoie alors un signal de mort aux cellules ectodermales internes pour provoquer la cavitation. Cette même couche de cellules endodermales envoie aussi un deuxième signal qui permet la survie d'une monocouche de cellules ectodermales primitives entourant la cavité. Les cellules ectodermales primitives entourant la cavité se différencient plus tard en mésoderme, ectoderme et endoderme. Figure adaptée d'un article de Rathjen J, Rathjen [75]. 36 Plusieurs équipes de recherche tentent de trouver une manière efficace et reproductible pour différencier les cellules ES en plusieurs types de cellule qui pourraient être utiles pour traiter des maladies. Ces cellules, une fois la différenciation contrôlée, pourraient être disponibles en plus grand nombre que les cellules obtenues de source in vivo traditionnelles. Comme il a été dit précédemment, la différenciation spontanée des cellules de Pectoderme primitif dans l'EB mène à la formation de mésoderme, d'endoderme et d'ectoderme. Pour obtenir un type de cellules en particulier en assez grande quantité, il est nécessaire d'orienter la différenciation cellulaire de l'EB. Les EBs peuvent en autre être traités pendant une courte période de temps avec des agents chimiques. Par exemple, le traitement des EBs avec de l'acide rétinoïque permet d'augmenter le pourcentage de cellules ayant le phénotype neuronal [76]. Des cytokines peuvent aussi être ajoutées au milieu dans lequel les EBs sont maintenus en culture. L'addition de « vascular endothelial growth factor » (VEGF) permet en effet d'orienter la différenciation vers la lignée hématopoïétique [77]. Finalement, la coculture de cellules ES avec des cellules nourricières particulières peut aussi orienter la différenciation de l'EB [78]. La modification génétique des cellules ES peut quant à elle, permettre l'enrichissement des cellules différenciées en un type particulier. Par exemple, pour obtenir une population de cardiomyocytes relativement pure, une équipe de recherche avait préalablement transfecté des cellules ES avec un plasmide. Ce plasmide comprenait un gène de résistance au G418 sous le contrôle d'un promoteur spécifique présent chez les cardiomyocytes. Quand les cellules différenciaient en cardiomyocytes, le promoteur était activé et amenait ainsi une résistance au G418. L'ajout de l'antibiotique au milieu de culture tuait les cellules qui ne s'étaient pas différenciées en cardiomyocytes et permettait donc la purification des cellules voulues [79]. En plus d'avoir contrôlé la différenciation des cellules ES en un certain type cellulaire, plusieurs équipes de recherche ont réussi à greffer ces cellules différenciées à des souris. En autre, des progéniteurs neuronaux provenant de cellules ES ont été greffés dans des lésions 37 cérébrales de rongeurs permettant ainsi la régénération du phénotype normal [80]. L'injection de cellules souches hématopoïétiques dérivant de cellules ES à des souris a aussi permis la formation d'un chimérisme immunologique [81]. Il est bien de préciser que dans tous les cas de transplantation de cellules différenciées à des animaux, ces cellules devaient avoir été purifiées ou devaient avoir été suffisamment différenciées pour éviter la formation de tumeurs. Comme il a été mentionné plus haut, les cellules non-différenciées ont une capacité de division illimitée et causent donc des tératomes lorsque injectées à un animal. Il est à noter que pour certains cas, les tumeurs provenant de cellules ES pourraient être dues à des mutations chez les cellules ES cultivées très longtemps. En effet, il a été prouvé que certaines cellules ES à passage élevé contenaient des altérations dans leur génome [82-84]. Ces mutations, comme pour toute autre cellule du corps, pourraient donc être la cause de la formation de certaine tumeur. L'utilisation de cellules ES ayant un bas passage pourrait donc réduire les risques de formation de tumeur associés à des altérations génomiques. Les cellules souches embryonnaires, avec une différenciation et une sélection bien contrôlées, pourraient donc servir à traiter plusieurs maladies. 1.6.5 Les cellules souches embryonnaires humaines Même si les premières lignées de cellules ES murines ont été créées en 1981, ce n'est qu'en 1998 que les premières lignées humaines furent établies. La méthode pour parvenir à l'isolement de cellules ES humaines est relativement semblable à celle utilisée pour isoler des cellules murines. Les embryons surnuméraires créés in vitro pour des traitements contre l'infertilité servent à la création des lignées cellulaires. L'ovocyte est considéré comme étant à son jour un 18 à 24 heures après la fertilisation in vitro. Ce n'est qu'au jour 5 que les cellules internes du blastocyste sont prélevées par microchirurgie. À ce stade, l'embryon est composé de 200 à 250 cellules et la masse interne qui est prélevée ne 38 contient seulement que 30 à 34 cellules. Les autres étapes nécessaires à la création une lignée de cellules ES ont été décrites précédemment. Les cellules ES humaines, tout comme les cellules de souris, doivent exprimer des marqueurs spécifiques de pluripotence. Ces marqueurs ont déjà été résumés précédemment dans le tableau 1. Les cellules n'ayant pas tous les critères requis ne peuvent donc pas être considérées comme des cellules ES. Les cellules ES humaines ont pu être différenciées à ce jour en plusieurs types de cellules. Le tableau de la page suivante énumère quelques différenciations qui ont été faites à partir de cellules ES humaines [85-92]. 39 Différenciation en HES2 cardiomyocytes Évaluation des propriétés cardiomyocytes H9.2 électrophysiques et pharmacologiques J Différenciation de mésoderme progéniteurs cellules multipotentes H1.H9 hématopoïétiques CD34 + Isolation et caractérisation de cellules endothéliales cellules endothéliales H9 dérivées de cellules hES Différenciation en neurones neurones BG01.BG03 dopaminergiques ectoderme Différenciation en neurones H1, H9 neurones moteurs Différenciation en H9, H9.2, hépatocytes cellules produisant de H13, 16 l'insuline endoderme Enrichissement de la différenciation en hépatocytes H1.H9 cellules «hepatocytelike» Différenciation HSF-1.HSFcellules germinales spontannée en cellules 6, H9 germinales cardiomyocytes Tableau 2 Différenciations faites à partir de cellules ES humaines. 40 1.6.6 Les cellules souches provenant de l'adulte Puisque l'utilisation de cellules souches embryonnaires humaines est souvent contestée, une alternative à l'utilisation de ces cellules pourrait être possible. Il existe en effet chez l'adulte une population de cellules souches qui possède quelques caractéristiques communes aux cellules ES. Ces cellules souches sont celles qui permettent de maintenir l'homéostasie chez l'adulte. Elles ont différentes fonctions dépendamment de l'endroit où elles se trouvent dans le corps. Les mieux connues de ces cellules sont sans doute les cellules souches hématopoïétiques (HSC). Comme tous les types de cellules souches adultes, les HSC se retrouvent en très petites quantités dans le corps. En effet, on retrouve environ une HSC pour 10 000 à 15 000 cellules de moelle osseuse. Ces cellules s'auto-renouvellent et se différencient en cellules sanguines pour remplacer les cellules mortes [93]. Plusieurs autres types de cellules souches adultes ont été identifiés au cours des dernières années. Ces cellules sont en effet retrouvées dans le cerveau, la moelle épinière, les vaisseaux sanguins, le muscle squelettique, la couche de cellules épithéliales de la peau et du système digestif, la cornée, la rétine, le foie et le pancréas [50]. Pour qu'une cellule adulte soit considérée comme une cellule souche, elle doit posséder plusieurs caractéristiques. Cette cellule doit d'abord avoir le pouvoir de s'auto-renouveler sur une période équivalente à la durée de vie de l'organisme. Une cellule souche doit aussi pouvoir se différencier en cellule mature normale et capable de s'intégrer complètement dans son environnement physiologique. La cellule mature provenant de la cellule souche doit donc posséder une physiologie, une génétique et un comportement normal. Malgré le fait que les cellules souches provenant de l'adulte différencient bien, elles ne peuvent pas remplacer l'utilisation de cellules ES pour le moment. En effet, pour certaines 41 cellules souches adultes, la capacité de prolifération in vitro est très limitée et donc peu de cellules différenciées pourraient être obtenues. 42 À l'état indifférencié, les cellules souches embryonnaires expriment peu de molécules qui peuvent activer le système immunitaire. Cependant, lors de la différenciation, l'expression du complexe majeur d'histocompatibilité de classe 1 (MHC1) est augmentée à la surface des cellules [94]. Dans ce cas, même si des cellules différenciées pourraient être obtenues en grande quantité à partir de cellules ES, celles-ci seraient rejetées lorsque greffées à un humain. Il faudrait alors utiliser des immunosuppresseurs qui possèdent plusieurs effets secondaires indésirables. Pour éviter l'utilisation de tels agents, il y aurait deux solutions possibles. L'une de ces solutions, qui est très controversée pour le moment, est le clonage thérapeutique. L'autre solution, comme il l'a été mentionné plus tôt, est le développement d'un protocole de tolérance immunologique. Les chapitres suivants décriront donc les deux types de solutions relatives au problème de rejet des cellules ES différenciées. 1.6.7 Clonage thérapeutique Un des moyens pour éviter la prise d'immunosuppresseurs, bien que très controversé pour le moment, serait le clonage thérapeutique. L'objectif de cette technique est de produire des cellules pluripotentes portant le génome du patient à traiter pour ensuite les différencier en cellules dont le patient a besoin [95]. Comme le montre la figure suivante, cette technique consiste à transférer le noyau d'une cellule somatique adulte à un ovocyte énucléé. Une légère décharge électrique provoque ensuite la fusion et l'activation de la cellule nouvellement créée. Cette cellule est mise en culture in vitro afin de former un blastocyste. Les cellules ES issues de ce blastocyste peuvent ensuite être différenciées en suivant les protocoles de différenciation habituels. Cette technique de clonage thérapeutique a été réussie avec succès en utilisant des cellules murines. Les cellules ayant subi un transfert nucléaire ont en effet été greffées à des souris modèles de la maladie de Parkinson. Ces cellules greffées ont par ailleurs réussi à régénérer le phénotype normal de ces souris [96]. 43 Figure 14 Ovocyte de la donneuse Cellules du patient f Énucléation c ' Transfert nucléaire Fusion et activation m { | < • - Isolation de l'ICM ICM Génération de cellules ES m Différenciation des ES en différents types de cellule Éà ' Y a* Neurones Cellules sanguines Myoblastes Fig. 14 Clonage thérapeutique. Le noyau d'une cellule somatique adulte est d'abord transféré à un ovocyte énucléé. Une légère décharge électrique provoque ensuite la fusion et l'activation de la cellule nouvellement créée. Cette cellule est cultivée pour former un blastocyste in vitro. Les cellules ES de ce blastocyste peuvent ensuite être isolées et différenciées en suivant les protocoles de différenciation habituels [97]. 44 Il est à noter que cette technique de clonage ne pourrait être utile pour traiter certaines maladies génétiques comme la dystrophie musculaire de Duchenne. En effet, puisque la cause de cette maladie est une mutation dans le gène de la dystrophine, il serait inutile de faire un transfert nucléaire avec un noyau du patient puisque l'embryon ainsi créé ne posséderait pas le gène normal de la dystrophine. Les myoblastes dérivés de cellules ES venant de cet embryon ne pourraient donc pas servir à régénérer la dystrophine lorsque greffés dans le muscle dystrophique du patient. Bien que la technique de clonage thérapeutique pourrait être très utile pour guérir certaines maladies, l'utilisation de cette technique chez l'humain reste incertaine. Il y a d'abord un problème éthique au niveau du transfert nucléaire de la cellule somatique à l'ovocyte énucléé. Ce procédé s'appelle clonage et même s'il n'a pas pour but de créer un être humain adulte, il est éthiquement très prohibé. De plus, l'embryon créé à partir de l'ovocyte est automatiquement voué à la mort. Donc, tout comme pour les lignées de cellules souches créées à partir d'embryons surnuméraires, les éthiciens acceptent mal que des embryons soient ainsi détruits. 1.6.8 Tolérance immunologique La deuxième solution pour éviter le rejet des cellules ES différenciées serait le développement d'un protocole de tolérance immunologique. Cet état d'insensibilité immunitaire a été décrit précédemment à la section 1.5.4.3. Il pourrait donc être possible de créer un état de tolérance immunologique en utilisant les cellules souches embryonnaires. Comme le montre le schéma suivant, les cellules ES du départ seraient d'abord différenciées en cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules, greffées à un patient dystrophique, auraient possiblement la capacité de créer un chimérisme immunitaire. Les mêmes cellules ES du départ pourraient, en parallèle, être différenciées en myoblastes. Ces cellules seraient alors greffées au patient qui a reçu auparavant une greffe de cellules 45 HSC et qui a donc un système immunitaire chimérique. Une partie des cellules immunitaires du patient proviendraient alors de la même lignée cellulaire que les myoblastes greffées. Les cellules myogéniques greffées ne seraient donc pas rejetées par l'organisme et pourraient alors régénérer la dystrophine chez le patient. Ce protocole de tolérance, lorsque mis au point, pourrait servir à la greffe de plusieurs autres types de cellules dérivées de cellules ES. 46 Figure 15 Cellules ES Différenciation en cellules myogéniques Greffe de cellules *•*, myogéniques Régénération musculaire Différenciation en HSC Greffe de HSC Chimérisme Tolérance immunitaire envers les cellules myogéniques greffées Fig. 15 Traitement de la DMD avec des cellules ES. Les cellules ES du départ seraient d'abord différenciées en cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules, greffées à un patient atteint de DMD, auraient la capacité de créer un chimérisme immunitaire. Les mêmes cellules ES seraient ensuite différenciées en cellules myogéniques. Ces cellules seraient alors greffées au patient afin de régénérer la dystrophine. Les cellules myogéniques greffées seraient donc tolérées par le système immunitaire chimérique du patient. 47 Vu leur provenance particulière, l'utilisation de cellules souches embryonnaires est contrôlée par plusieurs lois. Le dernier chapitre de l'introduction sert donc à résumer quelques lois concernant les cellules ES humaines, en vigueur au Canada et ailleurs dans le monde. 1.7 Législation concernant les cellules souches embryonnaires humaines au Canada Même si la recherche sur les cellules ES se fait depuis plus de vingt ans, celle-ci n'a pas causé de problème au niveau législatif avant 1998. C'est en effet durant cette année-là que les premières cellules souches ont été isolées d'embryon et de tissus fœtaux humains. Avant mars 2002, il n'existait aucune loi régissant l'utilisation de cellules ES humaines en recherche. Les Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC) ont alors dicté des lignes directrices sur la recherche de ces cellules souches humaines afin d'avoir un contrôle sur l'utilisation de ces cellules très prometteuses. Les organismes de financement fédéraux, c'est-à-dire les IRSC, le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie (CRSNG), et le Conseil de Recherche en Science Humaine (CRSH), ont alors convenu qu'aucune recherche sur les cellules ES humaines ne serait financée sans l'examen et l'approbation préalable du Comité de Surveillance des Cellules Souches (CSCS). Plusieurs principes directeurs doivent donc être rigoureusement respectés. Par exemple, l'embryon d'où proviennent les cellules ES ne doit pas avoir été obtenu par le moyen d'une transaction financière. Les parents qui ont donné l'embryon doivent également avoir signé un consentement libre et éclairé avant leur don. Il est à noter que les IRSC interdisent le transfert de noyaux de cellules somatiques dans un ovocyte afin de créer un embryon humain. Le clonage thérapeutique, qui a été décrit précédemment, est donc interdit par les IRSC. La recherche sur les cellules ES humaines est aussi régie par certaines lois au niveau du gouvernement canadien. En effet, la Loi sur la procréation assistée et la recherche connexe a reçu la sanction royale le 29 mars 2004 après de longs débats. Cela veut donc dire qu'à 48 partir de cette date, les articles faisant partie de cette loi ont été mis en vigueur à différents moments. À ce jour, à cause des débats et du manque de précision de certains articles, il reste toujours quelques points de la loi sur la procréation assistée qui ne sont toujours pas en vigueur. Par exemple, l'article 8 de la loi qui concerne le consentement n'est toujours pas en vigueur mais devrait l'être durant l'année 2006. Dans les lois qui sont déjà en vigueur, on stipule par exemple, qu'il est interdit de créer un embryon humain in vitro à moins que ce ne soit pour des fins reproductives (fertilisation in vitro) ou pour l'apprentissage des techniques de fertilisation in vitro. Quelqu'un qui contreviendrait à la loi serait soit passible d'une amende de 500 000 $, soit condamné à une peine d'emprisonnement ou les deux. Ensemble, la loi canadienne sur la procréation assistée ainsi que les lignes directrices émises par les IRSC assurent donc l'encadrement de la recherche sur les cellules souches humaines au Canada. Elles peuvent empêcher les abus de certains chercheurs mais pourraient un jour ralentir la recherche en interdisant le clonage thérapeutique. 1.8 Législations concernant les cellules souches embryonnaires humaines au niveau international Aux États-Unis, les lois fédérales sont semblables à celles du Canada. Le 9 août 2001, le président George W. Bush a permis le financement de la recherche sur les cellules ES humaines à trois conditions. Les parents donneurs de l'embryon devaient être consentants, l'embryon ne devait pas avoir été créé à des fins de recherche et finalement, l'isolation des cellules ES devait avoir eu lieu avant le 9 août 2001. Le président voulait donc arrêter le sacrifice des embryons congelés même s'ils n'étaient pas utilisés. Chaque État est cependant responsable des législations concernant les cellules ES humaines si les équipes de recherche ne sont pas financées par le gouvernement fédéral. Par exemple, depuis 2002, l'État de la Californie a permis le financement nécessaire à l'extraction de cellules ES. En 2004, le New Jersey a aussi adopté une loi similaire à celle de la Californie. Plusieurs autres pays comme le Japon et l'Australie ont des lois similaires aux lois nordaméricaines. Cependant, d'autres pays ont des législations plus strictes. Par exemple, en Allemagne, une loi de 1992 interdisait toute forme de recherche sur les embryons. Des débats intenses ont cependant permis en 2002 l'importation de cellules ES pour certains types de recherche dans ce pays. Les informations concernant la législation des cellules ES humaines proviennent des sites Internet du Gouvernement du Canada ainsi que des IRSC. 50 1.9 Objectifs du projet de recherche Comme il a été mentionné plus tôt, il serait possible de créer un protocole de tolérance immunologique à l'aide de cellules ES qui permettrait de traiter les patients atteints de DMD. Ce protocole nécessite d'abord la mise au point de la différenciation des cellules ES en cellules souches hématopoïétiques pour créer le chimérisme. La deuxième partie du protocole nécessite quant à elle, la mise au point de la différenciation des cellules ES en myoblastes afin de pouvoir régénérer la dystrophine chez les patients. C'est d'ailleurs sur cette partie que les expériences de ce mémoire ont été basées. Il est à noter que toutes les expériences ont été faites uniquement avec des cellules souches embryonnaires murines. Lorsque mis au point, le protocole de différenciation pourra être appliqué aux cellules ES humaines. Le premier objectif du projet de recherche était d'abord de mettre au point la différenciation des cellules ES de souris afin de favoriser la différenciation en myoblastes. Le deuxième objectif était de trouver un moyen de purifier les myoblastes dérivés de cellules ES afin d'obtenir une population relativement pure ne contenant plus de cellules souches pluripotentes. Le troisième objectif était de greffer les myoblastes purifiés dérivés de cellules ES à des souris dystrophiques afin de régénérer la dystrophine. 51 2. Matériels et Méthodes 2.1 Culture cellulaire 2.1.1 Cultures primaires de myoblastes Les myoblastes normaux servant de contrôles lors de la purification par « Magneticactivated cell sorting » (MACS) ont été obtenus en faisant une culture primaire de muscle de souris C57BL/10J. Les souriceaux étaient sacrifiés par guillotine à l'âge de trois jours. Les quatre pattes étaient alors prélevées et les muscles de ces pattes étaient disséqués sous un microscope binoculaire. Les muscles étaient ensuite émincés et digérés dans une solution de Hank's Balanced Sait Solution (HBSS, GIBCO, Burlington, Ontario, Canada) contenant 2,5 mg / ml de collagénase (Sigma, St-Louis, MO, États-Unis) et 2,5 mg / ml de dispase II (Roche, Indianapolis, IN). Après une heure de digestion sous agitation à 37°C, les myoblastes étaient lavés avec du HBSS et mis en culture dans du milieu «High glucose Dulbecco's modified Eagle médium» (DMEM, Sigma) contenant 10% de sérum de veau fœtal (FBS; Biomedia, Drummondville, Québec, Canada) et 100 U/ml de pénicilline- streptomycine (GIBCO). Afin d'enrichir la population de myoblastes présente dans les cultures primaires, les cellules ont d'abord été mises en culture pendant deux heures. Les cellules n'ayant pas adhéré après deux heures ont été mises dans un autre pétri afin qu'elles prolifèrent. Puisque les fibroblastes adhèrent plus rapidement au pétri de culture que les myoblastes, la population de cellules qui était transférée dans de nouveaux pétris se trouvait enrichie en myoblastes. Après 48 heures, cette population cellulaire était décollée à l'aide de trypsine et d'acide éthylène diamine tétra acétique (EDTA) à 0,05% (GIBCO). Elle était ensuite congelée pour une utilisation ultérieure dans du DMEM contenant 50% de FBS et 10% de diméthyl sulfoxide (DMSO, Sigma). Cette méthode d'enrichissement des myoblastes, modifiée pour ces expériences, est d'ailleurs utilisée depuis plusieurs années [98]. 2.1.2 Cellules souches embryonnaires de souris La lignée de cellules ES CCE a été fournie par StemCell Technologies et la lignée de cellules ES RI fut gracieusement donnée par Dr Jana Krosl de l'Université de Montréal. Les deux types de cellules ont été cultivés de la même façon. Lors de la décongélation, les cellules ES étaient lavées avec du HBSS pour enlever le DMSO qui pourrait induire une différenciation cellulaire. Les cellules étaient ensuite mises en culture dans des pétris traités à la gélatine 0,1% (Sigma). Ce traitement des pétris de culture est essentiel à l'adhésion des cellules ES murines. Les cellules étaient cultivées dans du milieu DMEM contenant 15% de FBS, 1 mM de sodium pyruvate, 100 U/ml de pénicilline-streptomycine, 2 mM de L-glutamine, 0,1 mM d'acide aminés non-essentiels (tous obtenus de GIBCO) et 100 |^M de monothioglycérol (Sigma). Les cellules étaient maintenues dans un état indifférencié par l'ajout du facteur inhibant les cellules leucémiques (LIF) à une concentration de 103 U/ml. Les cellules étaient incubées à 37 °C avec 5% de CO2 et subissaient un passage à tous les deux jours pour éviter une trop grande confluence. 2.1.3 Lignées cellulaires NIH 3T3 et C2C12 Les lignées immortalisées de fibroblastes (NIH 3T3) et de myoblastes (C2C12) servant de contrôles ont été cultivées dans du milieu DMEM contenant 10% de FBS et 100 U/ml de pénicilline-streptomycine. 2.1.4 État des cellules ES non-différenciées Avant de débuter une expérience de différenciation, les cellules étaient d'abord observées attentivement au microscope afin de confirmer leur état indifférencié. Les colonies de cellules devaient donc avoir un contour lisse et les limites du cytoplasme des cellules ne devaient pas être percevables. La figure suivante montre les différentes caractéristiques recherchées chez les cellules ES utilisées pour la différenciation. Dans le cas où les 53 colonies commençaient à se différencier, un ou deux passages supplémentaires étaient faits afin d'éliminer les cellules différenciées et ainsi rétablir le phénotype des cellules nondifférenciées. 54 Figure 16 Fig. 16 Caractéristiques phénotypiques des cellules ES non-différenciées. La photo 1 montre des cellules ES totalement indifférenciées. Le contour des colonies est bien défini et il est impossible de distinguer le cytoplasme des cellules faisant partie de la colonie. La photo 2 représente un cas typique où les cellules ont commencé à différencier spontanément. Quelques colonies présentent un contour irrégulier et il est possible de distinguer le cytoplasme de chaque cellule faisant partie de ces colonies qui commencent à différencier. 55 2.2 Différenciation des cellules ES Les premiers essais de différenciation ont été faits sans passer par la formation de EBs. Pour initier la différenciation, les cellules étaient d'abord décollées avec de la trypsine. Les cellules étaient par la suite remises en culture dans des pétris traités à la gélatine avec un milieu de culture ne contenant pas de LIF. Le facteur de croissance IGF-1 (Sigma) ainsi que le facteur de croissance des hépatocytes (HGF, Sigma) étaient tous deux ajoutés au milieu de culture à une concentration de 25 ng/ml. Les cellules étaient laissées en culture pendant 10 jours et des analyses en immunofluorescence étaient faites durant la différenciation. Le milieu de ces cellules était changé tous les deux jours et un passage était fait lorsque les cellules devenaient trop confluentes. 2.2.1 Formation de EBs Les seconds essais de différenciation ont été faits en passant par la formation de EB. Ces EB sont formés par une technique connue sous le nom de « hanging drop method »[99]. Selon cette méthode, les EB sont formés grâce à la gravité dans des gouttes suspendues à un couvercle de pétri. Pour ce faire, des cellules ES non-différenciées ont d'abord été décollées à l'aide de trypsine. Après avoir été lavées et comptées, les cellules ont été resuspendues à une concentration de 1000 cellules par 10 microlitre (ul) dans du milieu complet (décrit précédemment) auquel le LIF n'avait pas été ajouté. La suspension cellulaire a été distribuée par goutte de 10 al dans le couvercle d'un pétri de culture. Le pétri a ensuite été rempli avec du HBSS et le couvercle portant les gouttes a été remis sur le pétri. Les gouttes déposées étaient donc suspendues au couvercle au-dessus de 56 la solution de HBSS qui servait à éviter l'assèchement des gouttes. Il est à noter que c'est la gravité qui fait en sorte que les cellules forment un agrégat au fond de la goutte. Les cellules présentes dans les gouttes suspendues ont été laissées en culture pendant deux jours pour permettre la formation du EB. Au terme de la deuxième journée, les EBs devaient être observés au microscope afin de vérifier que leur formation s'était effectuée correctement. Comme le montre la figure suivante, il arrivait parfois que les expériences de différenciation menaient à la formation de EBs qui étaient dans un mauvais état, c'est à dire qui n'avaient pas une forme sphérique. Ceci était probablement dû à l'utilisation de cellules ES qui commençaient déjà à différencier comme il a été expliqué à la figure 16. Lorsque les EBs étaient dans un mauvais état, ceux-ci étaient jetés et une nouvelle expérience de différenciation était faite. 57 Figure 17 Fig. 17 État du EB après deux jours de suspension. La photo 1 montre un EB mal formé comparativement à un EB bien formé à la photo 2. Dans la photo 1, il est possible d'apercevoir que le EB n'est pas sphérique et que plusieurs cellules ne se sont pas intégrées dans l'agrégat. 58 Puisque la quantité de milieu de culture par EB était très limitée (10 ul), les EBs devaient être transférés dans un plus grand volume de milieu après deux jours. Ceci était fait en retirant le d'abord le couvercle du pétri contenant les EB et en stérilisant le contour intérieur du couvercle avec de l'éthanol 70%. Une fois l'éthanol séché, 10 ml de milieu complet étaient étendus sur les gouttes contenant chacune un EB. Les EBs se retrouvaient donc baignés dans une suspension de milieu et pouvaient donc être récupérés à l'aide d'une pipette. Ces EBs ont alors été transférés dans un pétri à bactérie et mis sous agitation afin de réduire les risques d'adhérence. Cette agitation devait être assez rapide pour éviter que les EBs se collent et s'agrègent entre eux. L'incubation des EBs en suspension durait 2 jours et était faite aux conditions habituelles. Après les deux jours de prolifération sous agitation, la suspension de EBs était récupérée et transférée sur différents contenants recouverts de gélatine. Une quantité égale de milieu frais était ensuite ajoutée à la suspension de EB. Pour les différenciations menant à des greffes, les EBs étaient mis dans des pétris de 6 cm. Pour les analyses de RT-PCR, les EBs étaient mis en culture dans des plaques 6 puits et pour les analyses en immunofluorescence, les EBs étaient mis dans des plaques 24 puits ou sur des lames à 4 chambres (« chamber slides », VWR International, Mississauga, ON, Canada). Les EBs adhères étaient gardés en culture pendant 22 jours et différentes analyses étaient faites à différents temps. Les EBs adhères étaient ensuite traités pendant 24 heures au jour 8 avec de la 5'Azacytidine (AzaC, Sigma). L'AzaC était utilisée à une concentration de 10 uM dans le milieu de culture décrit précédemment. L'AzaC est un analogue chimique de la cytosine. Durant la transcription et la traduction, l'AzaC qui est incorporée dans l'ADN et dans TARN inhibe les méthyltransférases causant ainsi la déméthylation de ces régions. Cela affecte la liaison de protéines régulatrices aux régions de l'ADN et de l'ARN et influe donc sur l'expression des gènes [100]. Le schéma suivant résume les différentes étapes de la différenciation décrites précédemment. 59 Figure 18 Culture de cellules ES non-différenciées Formation des EBs à l'aide de gouttes suspendues JOURO Transfert des EBs pour les cultiver en suspension JOUR 2 Transfert des EBs afin qu'ils adhèrent JOUR 4 Dans un pétri, une plaque 24 puits ou une lame à chambres Culture des EBs adhères et analyses à différents temps JOUR 4 et + Fig. 18 Schéma montrant les étapes effectuées lors de la différenciation des cellules ES en myoblastes. Il est à noter qu'au jour 8 certains des EBs ont reçu un traitement à l'AzaC. 60 2.3 Animaux La souris mdx, qui est un modèle de la Dystrophie Musculaire de Duchenne (DMD), a été utilisée pour les expériences de greffe. Cette souris, qui provient à l'origine de la souche C57BL10J, possède une mutation ponctuelle dans le gène de la dystrophine qui fait en sorte que la synthèse de la protéine est terminée prématurément. La souris n'exprime donc pas une dystrophine fonctionnelle et contrairement à l'humain, le phénotype de la souris est peu affecté [101]. Les souriceaux normaux utilisés pour les cultures primaires de myoblastes provenaient quant à eux de la souche C57BL10J. Les souris ont été achetées du laboratoire Jackson et ont été reproduites dans l'animalerie du Centre de Recherche du Centre Hospitalier de l'Université Laval (CRCHUL). Toutes les expériences effectuées sur les souris ont été approuvées par le comité de protection des animaux du CRCHUL. 2.4 Isolation de l'ARN et «Reverse Transcription Polymerase Chain Reaction» (RT-PCR) Afin de pouvoir analyser l'expression de différents gènes durant la différenciation des cellules ES, des expériences de RT-PCR ont été effectuées. Le principe de la RT-PCR est le suivant; il y a d'abord une transcription inverse (RT) qui est faite pour transformer les ARNs messagers des cellules en ADN. L'ADN ainsi synthétisé est ensuite amplifié par une réaction de polymerase en chaîne traditionnelle (PCR). Donc, plus il y a d'ARNs messagers exprimés par la cellule, plus il va y avoir de l'ADN transcrit et par conséquent plus il va y avoir d'amplification. La RT-PCR est donc une méthode semi-quantitative pour analyser le niveau d'expression des gènes. Les ARNs totaux des EBs en différenciation ont été extraits en utilisant le réactif Trizol (Invitrogen, Carlsbad, CA, États-Unis). Le milieu présent sur les EBs en différenciation a 61 été enlevé et remplacé par 1 ml de Trizol par puit. L'ARN a ensuite été extrait en suivant les instructions du manufacturier. Pour pouvoir comparer les niveaux d'expression des gènes entre les cellules différenciées, il a été nécessaire de doser les ARNs totaux qui avaient été extraits. Le dosage a été fait par spectrophotométrie et la qualité de l'ARN a été vérifiée avec le rapport de la densité optique à 260 nm sur la densité optique à 280 nm qui devait être environ de 2. Même après l'extraction de l'ARN avec le réactif Trizol, il se peut qu'il reste de l'ADN dans les échantillons. S'il n'est pas enlevé, cet ADN pourrait être amplifié par la réaction de PCR et ainsi causer des résultats erronés. Pour éviter la contamination de l'ARN avec de l'ADN, les échantillons d'ARN ont été traités à la DNase I (Roche) selon la recette suivante : 5 u£ d'ARN avec 1 ul de DNase dans un volume total de 20 ul complété avec de l'eau. Les échantillons étaient incubés à 37 °C pendant une heure. Les réactions de transcription inverse ont ensuite été effectuées en utilisant 1' « Omniscript RT Kit » (Qiagen, Mississauga, Ontario). Chaque réaction était faite en utilisant 1 ug d'ARN préalablement traité à la DNase (4 ul), le tampon spécifique (1 ul), 0.5 M de dNTP (2 ul), 1 uM d'oligo dT (1 ul) et 4 unités d'enzyme transcriptase inverse (1 ul) dans un volume total de 20 (il complété avec de l'eau. Une incubation à 42 °C pendant une heure permettait la transcription inverse par l'enzyme puis une incubation de 15 minutes à 65 °C inactivait celle-ci. L'amplification de l'ADN nouvellement transcrit a été faite en utilisant l'ADN polymérase Taq (Quiagen) selon la recette suivante : 5 ul de la solution d'ADN transcrit (< 1 ug), le tampon spécifique (5 ul), 10 mM de chaque dNTP (1 ul), 1 uM de chaque amorce (1 ul) et 2.5 unités de polymérase Taq dans un volume total de 50 ul complété avec de l'eau. Les séquences des amorces utilisées pour les amplifications par PCR sont données dans le tableau suivant. 62 p-Actine GATGACGATATCGCTGCGCTG MyoD GCCCGCGCTCCAACTGCTGCTAT CCTACGGTGGTGCGCCCTCTGC Myogénine GGGCCCCTGGAAGAAAAG AGGAGGCGCTGTGGGAGT Desimine AAGGCCAAACTACAGGAGGA CATGTTGTTGCTGTGTAGCC Oct-4 GGCGTTCTCTTTGGAAAGGTGTTC CTCGAACCACATCCTTCTCT Tableau 3 Séquences des amorces utilisées pour les PCR La P-actine est une protéine présente de façon constitutive dans les microfilaments. L'expression de cette protéine a servi de contrôle quantitatif entre les divers échantillons. Le facteur de transcription MyoD est exprimé chez les myoblastes tandis que la protéine myogénine est exprimée chez les myoblastes et chez les cellules musculaires fusionnées. La desmine est quant à elle une protéine musculaire de la famille des filaments intermédiaires exprimée chez les myoblastes et les cellules fusionnées. Oct-4 est un facteur de transcription exprimé chez les cellules ES pluripotentes [100]. Pour la réaction de PCR, les échantillons ont d'abord subit une dénaturation initiale de 5 minutes à 95 °C afin séparer les deux brins d'ADN. L'amplification exponentielle de l'ADN pour les quatre premiers gènes a été effectuée avec 35 cycles composés comme suit : une minute à 95 °C pour la séparation des brins d'ADN, une minute à 63 °C pour l'appariement de l'amorce au brin matrice et une minute à 72 °C pour la synthèse du nouveau brin par la polymérase Taq. L'amplification était terminée par une synthèse finale des brins à 72 ° C pendant dix minutes. Pour le dernier gène analysé (oct-4), la température d'appariement de l'amorce était de 55 °C étant donné la composition différente des amorces utilisées. Les amplifications se faisaient en utilisant le Perkin Elmer Cetus DNA thermal cycler (Rockville, MD, États-Unis). 63 Pour vérifier l'expression des gènes analysés, les ADN amplifiés étaient séparés par migration sur un gel d'agarose à 1%. Les bandes étaient visualisées grâce au bromure d'éthidium et étaient photographiées avec le système d'« Alphalmager® Imaging » (Alpha Innotech Corporation, San Leandro, CA, États-Unis). Les expériences de RT-PCR ont été reproduites trois fois. 2.5 Analyses cytologiques en immunofluorescence Comme il a été vu précédemment, les EBs étaient mis en culture au jour 4 dans des puits de plaques 24 puits pour les analyses en immunofluorescence de l'expression de desmine ou sur des lames à 4 chambres pour l'analyse de l'expression de Pax7 et de Myosine Heavy Chain (MHC). Comme il a été mentionné plus tôt, la protéine Pax7 est exprimée chez les cellules satellites. La protéine MHC peut quant à elle être retrouvée chez les cellules musculaires squelettiques et cardiaques [100]. Les cellules étaient distribuées à raison d'environ 8 EBs par puit ou par chambre afin d'éviter une trop forte confluence. À différents jours durant la différenciation, les EBs ont été fixés à l'aide d'éthanol 95% ou de paraformaldéhyde 4%, dépendamment des analyses à faire. Pour les immunocolorations anti-desmine, les EBs adhères étaient d'abord rincés avec du HBSS puis fixés à l'éthanol 95% pendant 15 minutes. Les cellules étaient lavées puis traitées pendant une heure avec la solution de blocage contenant 10% de FBS dans une solution de « Phosphate buffered saline » (PBS). Le marquage était fait en utilisant un anticorps anti-desmine fait chez la souris (DAKO, Mississauga, Ontario, Canada). L'anticorps était utilisé à une dilution de 1/50 dans du PBS contenant 1% de FBS. Les EBs ont été incubés avec 300 ul de cette solution pendant 1 heure à la température ambiante. Après avoir été lavées, les cellules ont ensuite été incubées avec l'anticorps secondaire fluorescent qui était un anti-IgG de souris couplé à l'Alexa 546 (Molecular probes, Carlsbad, CA). L'anticorps était utilisé à une dilution de 1 :300 dans une solution de PBS contenant 1% FBS. Les EBs ont été incubés avec 300 (il de solution pendant une heure à la 64 température ambiante. Les EBs ont été lavés et incubés avec une solution de PBS contenant du 4'-6-Diamidino-2-phenylindole (DAPI, Invitrogen) à une dilution de 1 : 3000. Ce dernier colorant servait à marquer les noyaux cellulaires. Il est bien de noter que des analyses d'immunocoloration anti-desmine ont aussi été faites sur les cultures primaires de souris afin de déterminer la quantité de myoblastes présents. Pour les immunocolorations anti-Pax7 et anti-MHC, les EBs adhères étaient d'abord rincés avec du HBSS puis fixés avec de la paraformaldéhyde (PFA, Sigma) pendant 10 minutes. Ces cellules étaient ensuite traitées pendant 5 minutes avec une solution de PBS contenant 100 mM de glycine puis lavées trois fois avec une solution de PBS supplémentée en MgCb et en CaC^. Les cellules étaient ensuite baignées une heure avec la solution de blocage contenant 5% de FBS, 2 % de « bovine sérum albumin » (BSA) et 0,5% de tritonX dans du PBS. Pour les immunocolorations anti-Pax7, l'anticorps primaire utilisé était un anti-pax7 IgGl de souris (Developmental Studies Hybridoma Bank, DSHB, Iowa City, IA, États-Unis) à une dilution de 1 :5 et l'anticorps secondaire était un anti-IgGl de chèvre couplé à l'Alexa 568 (Invitrogen) utilisé à une dilution de 1 :1000. Pour les immunocolorations anti-MHC, l'anticorps primaire utilisé était un anti-MHC IgG2B de souris (DSHB) à une dilution de 1 :5 et l'anticorps secondaire était un anti-IgG2B de chèvre couplé à l'Alexa 647 (Invitrogen) utilisé à une dilution de 1 :1000. Les temps d'incubation ainsi que les lavages ont été les mêmes que ceux décrits pour les immunocolorations anti-desmine. Tous les anticorps utilisés pour ces deux derniers types d'immunocoloration provenaient du laboratoire de Dr Rudnicki, de l'Université d'Ottawa. 65 2.6 Purification magnétique des myoblastes Afin de pouvoir purifier les cellules myogéniques dérivées de cellules ES, un anticorps contre I'a7-intégrine a été testé sur une culture primaire de souris. L' a7-intégrine est une protéine impliquée dans l'adhésion et elle est présente sur les myoblastes. L'anticorps a été fait chez le rat et provient du clone CY8. Il a été gracieusement donné par le Dr Kramer, de Stanford University School of Medicine en Californie. Un anticorps semblable provenant d'un autre de leur clone (CA5.5) a d'ailleurs servi à la purification de myoblastes provenant d'une culture primaire [102]. Le but de cette technique était de pouvoir isoler par MACS la population de myoblastes portant 1' a7-intégrine parmi les cellules totales d'une culture primaire. Ce protocole aurait ensuite été appliqué sur les cellules ES en différenciation pour en isoler les cellules différenciées en myoblastes. Pour vérifier si la technique de purification était au point avec des cellules provenant d'une culture primaire, des immunocolorations anti-desmine ont été réalisées avant et après la purification pour vérifier le pourcentage de myoblastes dans les populations purifiées et non purifiées. Les cultures primaires étaient d'abord décongelées et mises en culture pendant deux jours. Les cellules étaient ensuite décollées avec de la trypsine et comptées. Ces cellules étaient incubées sur glace pendant une heure dans du HBSS contenant l'anticorps CY8 à une dilution de 1:75. Les cellules étaient ensuite lavées avec du HBSS puis centrifugées. Ce lavage était répété deux autres fois pour s'assurer qu'il ne restait plus d'anticorps primaire en solution. Les cellules étaient alors incubées sur glace pendant une heure dans du HBSS contenant un anti-immunoglobuline de rat couplé à de la biotine (DAKO) à une dilution de 1 :100. Trois autres lavages étaient faits et les cellules étaient finalement incubées 15 minutes dans une solution de HBSS contenant un anti-biotine couplé à une bille magnétique (Miltenyi Biotec Inc., Auburn, CA, Etats-Unis) à une dilution de 1 :20. La population de cellules étaient lavées trois autres fois avant d'être passée à travers une colonne ferromagnétique fixée sur un appareil MiniMACS™ (Miltenyi Biotec). 66 Les cellules positives étaient alors retenues dans la colonne grâce à un champ magnétique. Les cellules négatives étaient éliminées de la colonne en faisant passer trois fois un volume de HBSS à travers la colonne. La portion de cellules positives étaient alors récupérée en décrochant d'abord la colonne du MiniMACS™ et en faisant l'élution avec du HBSS. Les cellules n'étant plus retenues par le champ magnétique pouvaient alors être récupérées. La figure suivante montre le principe d'une purification cellulaire par MACS. Figure 19 Anticorps CY8 couplé à une bille magnétique Étape 1: • Myoblaste reconnu par CY8 Attachement de l'anticorps couplé à une bille magnétique Cellule non reconnue par CY8 Étape 2: Colonne ferromagnétique Attachement à la colonne des cellules couplées à la bille magnétique Bloc magnétique . ^ Piston utilisé pour l'élution des cellules positives Étape 3: Élution des cellules purifiées i- - •• Myoblaste purifié Fig. 19 Technique de purification des myoblastes par MACS. La première étape de la purification par MACS consiste à incuber les cellules avec un anticorps spécifique couplé à une bille magnétique. Dans ce cas, c'est l'anticorps CY8 qui était utilisé et il était relié à une bille magnétique grâce à un anticorps secondaire. La deuxième étape de la purification consiste à passer les cellules dans une colonne attachée à un bloc magnétique. Les cellules liées à des billes magnétiques restent alors prises dans la colonne. La troisième étape s'effectue en détachant la colonne du bloc magnétique et en éluant les cellules positives. 2.7 Analyses par FACS des cellules ES Afin de vérifier si les cellules ES non-différenciées exprimaient 1' a7-intégrine, des analyses par « Fluorescence Activated Cell Sorting » (FACS) ont été effectuées. Les cellules non-différenciées ont donc été incubées pendant une heure dans du HBSS contenant l'anticorps CY8 à une concentration de 1 :75. Les cellules ont été lavées trois fois puis incubées une heure dans du HBSS contenant un anti-immunoglobuline de rat couplé à de la biotine (DAKO) à une dilution de 1 :100. Après trois lavages, les cellules étaient alors incubées pendant une demi-heure dans du HBSS contenant de la Streptavidine-R-Phycoerythrine (Sigma) à une dilution de 1 :100. L'analyse et le calcul du nombre de cellules positives à CY8 ont été faits avec l'appareil de FACS du centre de recherche du CHUL. 2.8 Greffe de cellules souches différenciées Les cellules ES en différenciation ont été greffées au jour 22. Pour ce faire, une suspension unicellulaire était obtenue en traitant les EBs à la trypsine et en les agitant gentiment à l'aide d'une pipette de 1000 \û. Après le comptage, les cellules étaient mises en suspension à une densité de 500 000 cellules par 20 ul dans une solution de HBSS contenant 100 ng de notexine (Sigma). La notexine est une phospholipase A qui provient du venin d'un serpent d'Australie[103]. En affectant l'intégrité de la membrane plasmique, elle induit une nécrose du muscle [104]. Les cellules greffées servent alors à régénérer le muscle endommagé par la toxine. Il est à noter que les cellules greffées ne sont pas tuées par la notexine puisque cette enzyme se lie au sarcolemme de la fibre musculaire[105]. Les cellules étaient donc greffées dans le Tibialis antérieur (TA) de souris mdx. Pour éviter le rejet des cellules greffées, les souris étaient injectées quotidiennement avec du tacrolimus (gracieusement fourni par Fujisawa Pharmaceutical Co.,Osaka, Japon) à une dose de 2.5 mg/kg. 69 Trois semaines après la greffe, les souris étaient sacrifiées en les laissant quelques minutes dans un environnement saturé en dioxyde de carbone (CO2). Les TA étaient prélevés et trempés toute une nuit dans une solution de PBS contenant 30% de sucrose (Sigma). Cette étape sert à maintenir l'intégrité du muscle lors de la congélation ultérieure diminuant la formation de cristaux d'eau. Les muscles étaient ensuite enrobés dans un milieu « Shandon Cryomatrix™ » (Thermo électron corpotation, Ottawa, Ontario, Canada) et congelés dans de l'azote liquide. Des coupes de 12 uM ont été faites à l'aide d'un cryomicrotome à une température de -20 °C et ont été mises sur des lames traités à la gélatine. La gélatine est d'ailleurs essentielle à l'adhésion des coupes de muscles sur la lame. Les lames portant les coupes de muscles étaient alors conservées à une température de -20 °C. 2.9 Analyses des muscles greffés 2.9.1 Coloration hématoxyline-éosine Afin de bien observer la physiologie du muscle et ainsi détecter la présence de tumeurs, des colorations hématoxyline-éosine ont été faites sur les coupes de muscles. Les lames portant les coupes étaient donc premièrement traitées pendant deux minutes avec une solution d'hématoxyline standard. Après un lavage de 5 minutes sous l'eau du robinet, les lames étaient traitées pendant une minute avec une solution d'éosine standard. Pour être déshydratées et conservées, les coupes ont ensuite été mises successivement dans l'éthanol 70%, dans l'éthanol 100% et puis dans le toluène. Une solution de toluène ainsi qu'une lamelle permettaient la bonne conservation des coupes. 70 2.9.2 Analyses histologiques en immunofluorescence Afin de pouvoir détecter la présence de fibres exprimant la dystrophine dans les muscles greffés, des analyses histologiques en immunofluorescence ont été effectuées. Les coupes de muscle reposant sur les lames étaient d'abord décongelées à température pièce pendant quelques minutes. Une solution de PBS contenant 10% de sérum était alors étendue sur les coupes pendant une heure afin de prévenir le marquage non-spécifique. Les coupes étaient lavées une fois avec du PBS puis incubées une heure dans une solution de PBS contenant un anti-dystrophine de lapin à une dilution de 1 : 3000 et 1% de FBS. Les coupes étaient lavées trois autres fois puis incubées une heure avec un anti-IgG de lapin conjugué avec l'Alexa 488 (Invitrogen) à une dilution de 1 :300 dans du PBS contenant 1% de FBS. 2.10 Construction d'un vecteur de résistance La construction du vecteur permettant la sélection de cellules différenciées en myoblastes a été faite en plusieurs étapes. Un plasmide pCR®3.1 (Invitrogen) a été utilisé pour la construction. Le promoteur CMV, qui permet une expression constitutive des gènes dans les cellules transfectées, a été enlevé du plasmide à l'aide des enzymes de restriction BSSHII et Nhe I (New England Biolabs, NEB, Pickering, Ontario, Canada). Les extrémités cohésives du plasmide ont été transformées en extrémités franches à l'aide de l'enzyme Klenow (Roche). Le plasmide a par la suite été religué sur lui-même à l'aide de la T4 ligase (NEB). Le promoteur CMV précédemment enlevé a été par la suite remplacé par le promoteur MEF2/Myogénine normalement exprimé chez les myoblastes. Ce promoteur a été fourni par Ilona Skerjanc de l'Université d'Ottawa. MEF2/Myogénine, qui se trouvait originalement dans un plasmide pCR®2.1, a d'abord été extrait à l'aide des enzymes de restriction BamH I et Xho I (NEB). Le promoteur a ensuite été clone de manière 71 unidirectionnelle dans le plasmide pCR®3.1 - CMV décrit précédemment. Le fragment a été ligué au plasmide à l'aide de la T4 ligase. Le gène de fusion zéoRFP a par la suite été inséré en aval du promoteur MEF2/Myogénine. ZéoRFP est formé du gène de résistance à la zéocine et du gène de fluorescence « Red Fluorescent Protein » (RFP). Ce gène de fusion a été obtenu du Dr Strathdee, du John P. Robarts Research Institute, en Ontario. Pour obtenir ce gène, le plasmide reçu a été amplifié par PCR à l'aide des amorces suivantes : ATATCTCGAGATGGCCAAGTTGACCAGTGC ATATTCTAGACTACAGGAACAGGTGGTGGC Ces amorces permettaient l'amplification de ZéoRFP et permettaient aussi l'ajout des sites de restrictions Xho I et Xba I aux extrémités du gène. Le fragment était donc amplifié, digéré avec Xho I et Xba I puis clone de manière unidirectionnelle dans le plasmide pCR®3.1 - CMV + MEF2/Myogénine. Le fragment était ligué au plasmide à l'aide de la T4 ligase. La figure suivante représente les éléments principaux de la construction décrite précédemment. L'utilisation de ce vecteur est aussi brièvement expliquée. 72 Figure 20 s—|MI pCIf 3.1 - CMV Fig. 20 Construction du plasmide permettant la sélection des cellules différenciées en myoblastes. Suite à la transfection, les cellules qui ont reçu le plasmide peuvent être sélectionnées à l'aide de la néomycine. En effet, le promoteur SV40 permet l'expression constitutive du gène de résistance à la néomycine chez toutes les cellules qui ont reçu le plasmide. Lorsque les cellules transfectées se différencieraient ensuite en myoblastes, la présence du promoteur MEF2/Myogénine permettrait l'expression du gène ZéoRFP. Les cellules ainsi différenciées deviendraient donc rouges et résistantes à la zéocine. L'ajout de zéocine au milieu de culture permettrait donc la sélection des cellules différenciées en myoblastes. 2.11 Transfection des cellules ES Les cellules ES CCE non-différenciées ont été transfectées avec le plasmide pCR®3.1 CMV + MEF2/Myogénine. Pour voir l'efficacité de la méthode, un plasmide portant le gène de fluorescence verte (GFP) a aussi été transfecté en parallèle chez la même lignée de cellules. Pour les transfections, les cellules ES étaient mises en culture de façon habituelle dans des puits de plaque 6 puits jusqu'à ce qu'elles atteignent une confluence d'environ 40%. Le milieu était alors remplacé par un milieu semblable ne contenant pas de sérum et additionné de 10 ul lipofectamine (Invitrogen) et de 4 ug d'ADN à transfecter. Les cellules ont été laissées 6 heures dans ce milieu aux conditions d'incubation habituelles. Le milieu a par la suite été remplacé par du milieu frais. Il est à noter qu'à cause de la sensibilité des cellules, l'incubation avec la lipofectamine dans un milieu sans sérum ne s'est faite que pour 6 heures seulement au lieu d'une nuit complète. L'efficacité de la transfection a pu être évaluée en observant la fluorescence verte des cellules transfectées avec le plasmide contrôle. 74 3. Résultats 3.1 Différenciation des cellules ES en myoblastes 3.1.1 Sans la formation de EB Les premiers essais de différenciation étaient faits sans passer par la formation de corps embryonnaires. Les résultats étaient alors non concluants puisque l'ajout de facteurs de croissance au milieu de culture n'augmentait pas de façon reproductive le pourcentage de cellules exprimant la desmine. Il n'était donc pas possible de d'obtenir de façon reproductible des myoblastes dérivés de cellules ES de cette façon. De plus, cette façon de différencier les cellules était peu pratique puisque les cellules avaient tendance à mourir et proliféraient peu. Les cellules différenciées avaient tendance à ne pas adhérer à un pétri de culture après un passage cellulaire. 3.1.2 Avec la formation de EB Plusieurs équipes travaillant sur la différenciation des cellules ES passent par la formation de corps embryonnaires (EB) pour obtenir des cellules différenciées. Des mises au point ont donc été faites afin de former des corps embryonnaires pour ainsi augmenter le pourcentage de cellules ES se différenciant en myoblastes. Pour les premiers essais de différenciation en passant par la formation de corps embryonnaires, aucun facteur de croissance n'était ajouté au milieu. Seul le LIF, qui empêche la différenciation des cellules ES, était enlevé du milieu de culture. La formation de corps embryonnaires a donc premièrement permis d'obtenir des cellules qui proliféraient très bien et qui n'avaient pas tendance à mourir, contrairement à la méthode de différenciation précédente. Les interactions entre les cellules ainsi que les facteurs sécrétés à l'intérieur du EB sont probablement les raisons pour lesquelles les cellules en différenciation avaient un taux de mortalité peu élevé. Les immunocolorations anti-desmine des cellules différenciées en passant par la formation de corps embryonnaires ont permis d'observer des cellules différenciées en cellules myogéniques. Comme le montre la figure ci-dessous, quelques régions des EBs en différentiation exprimaient fortement la desmine. Cette différenciation était donc spontanée puisque aucun facteur de croissance n'avait été ajouté au milieu pour orienter la différenciation. 76 Figure 21 Desmine DAPI Fusion Fig. 21 Différenciation spontanée des ES en cellules myogéniques. La différenciation des cellules ES en passant par la formation de EB permet d'obtenir des cellules myogéniques spontanément. L'immunocoloration révèle l'expression de desmine dans quelques parties des EBs. La confluence des cellules est mise en évidence à l'aide du DAPI. 77 3.1.3 Augmentation du pourcentage de cellules ES différenciées en cellules myogéniques Puisque un faible pourcentage de cellules myogéniques était obtenu par la formation de EB, il fallait trouver un moyen d'augmenter ce pourcentage avec différents produits. Les facteurs de croissance nommés précédemment, IGF-1 et HGF, ont d'abord été mis dans le milieu de culture des EBs en différenciation. L'ajout de ces facteurs n'a cependant pas augmenté le pourcentage de desmine dans les cellules en différenciation. L'agent déméthylant AzaC a alors été testé sur les cellules. Les EBs, traités pendant 24 heures avec l'AzaC, ont montré une plus forte différenciation en cellules myogéniques. La figure suivante montre premièrement que l'AzaC augmente l'expression de desmine dans les EBs à différents temps durant la différenciation. Figure 22 Temps Condition DAPI Fusion Contrôle J9 Azacytidine Contrôle J12 Azacytidine Contrôle J14 Azacytidine Contrôle J16 Azacytidine Fig. 22 Effet de l'AzaC sur l'expression de desmine. Les immunocolorations anti-desmine montrent que le traitement des EBs avec l'AzaC augmente l'expression de desmine à différents jours. La coloration au DAPI montre les niveaux comparables de confluence entre les contrôles et les cellules traitées. L'AzaC a aussi permis d'augmenter l'expression de MHC dans les cellules en différenciation. La figure suivante montre l'augmentation du pourcentage de cellules exprimant MHC à différents temps durant la différenciation. Il est à noter qu'il n'y a pas eu de détection de la protéine Pax7. La différenciation des cellules ES avec ou sans traitement à l'AzaC n'emmènerait donc pas la formation de cellules satellites. 80 Figure 23 Jour de la différenciation Sans AzaC Avec AzaC J9 Jll J14 J25 Fig. 23 Effet de l'AzaC sur l'expression de MHC. Les immunocolorations anti-MHC fusionnées avec les colorations au DAPI montrent que le traitement avec l'AzaC augmente le pourcentage de cellules exprimant MHC. À l'exception du jour 11, il y avait une plus grande expression de MHC dans les cellules traitées à l'AzaC que dans les cellules contrôles non traitées. 81 L'expression de desmine et de MHC, comme mentionné plus tôt, n'est pas spécifique aux cellules du muscle squelettique. Les cellules pourraient avoir différenciées en cardiomyocytes et exprimer ces mêmes protéines. Il a alors été nécessaire d'analyser l'expression d'autres gènes spécifiques aux myoblastes pour confirmer la présence de ce type de cellules dans les cultures en différenciation. La figure suivante montre les résultats obtenus par RT-PCR concernant l'expression de MyoD, myogénine et desmine. L'expression du gène oct-4, exprimé chez les cellules ES non-différenciées, a aussi été analysé. Trois types de cellules différents étaient d'abord utilisés comme contrôle d'amplification d'ADN. Les cellules NIH 3T3, une lignée de fibroblastes, servaient de contrôle négatif pour l'expression des gènes myogéniques. Les cellules C2C12, qui sont une lignée de myoblastes, servaient quant à elles de contrôle positif pour les trois gènes myogéniques. La lignée de cellules ES non-différenciées, qui servait à démarrer les expériences de différenciation, a été utilisée comme contrôle positif pour le gène oct-4. Ce contrôle cellulaire permettait aussi de confirmer qu'aucun des gènes myogéniques n'était exprimé avant le début de la différenciation. L'expression de MyoD et myogénine à partir du jour 12 de la différenciation confirme premièrement qu'il est possible d'observer la présence de cellules myogéniques spécifiques au muscle squelettique dans les EBs. Il est aussi possible d'apercevoir que l'expression du gène de pluripotence oct-4 cesse à partir du jour 19 chez les cellules non traitées à l'AzaC et à partir du jour 22 chez les cellules traitées à l'AzaC. Il est finalement possible de vérifier que le traitement des cellules à l'AzaC augmente bien l'expression de la desmine. Ce même traitement ne semble cependant pas affecter de façon significative l'expression des autres gènes myogéniques. K2 Figure 24 u Desmin Myogén MyoD Oct-4 P-Actin Avec AzaC <u Desmin .S Myogén MyoD P-Actin Sans AzaC I T C2C12 NIH 3T3 Cellules ES EB J9 EB J12 EBJ19 EB J22 Fig. 24 Effet de l'AzaC sur l'expression de différents gènes. Les différents contrôles cellulaires utilisés confirment d'abord la validité de la méthode. La lignée cellulaire de myoblastes C2C12 exprime les gènes MyoD, myogénine et desmine et elle n'exprime pas le gène de pluripotence oct-4. La lignée de fibroblastes NIH 3T3 n'exprime aucun des gènes précédemment nommés. Les cellules ES ayant servi aux expériences de différenciation n'expriment pas les gènes myogéniques et expriment le gène oct-4. Les résultats obtenus confirment donc que le traitement des EBs à l'AzaC augmente l'expression de desmine. Ce même traitement ne semble cependant pas influencer l'expression des autres gènes myogéniques testés. 83 3.2 Purification des cellules ES différenciées en cellules myogéniques Les résultats précédents démontraient clairement la présence de cellules myogéniques dans les cultures en différenciation. Il fallait donc trouver un moyen efficace de purifier ces cellules différenciées. Des essais de purification ont d'abord été faits avec CY8, un anticorps reconnaissant I'alpha7-intégrine présente sur les myoblastes. Afin de mettre au point une méthode de purification efficace avec cet anticorps, des tests ont été faits avec des cellules de culture primaire de souris. Le but de la mise au point était de purifier les myoblastes présents dans une culture primaire mixte de souris. La technique de MACS permettait d'obtenir une très bonne purification des myoblastes présents dans une culture primaire. En effet, comme le montre la figure suivante, des immunocolorations anti-desmine montraient que la population initiale de la culture primaire comprenait environ seulement 30% de myoblastes. Après la purification par MACS, la population de myoblastes dans la culture était de 94%. Le 6% de cellules n'exprimant pas la desmine dans la population purifiée provient probablement de cellules négatives restées coincées dans la colonne magnétique. Cette méthode de purification par MACS, mise au point à l'aide d'une culture primaire de souris, est donc très efficace pour purifier les cellules portant I'a7-intégrine. Figure 25 Cellules nonpurifïées Cellules purifiées Fig. 25 Purification des myoblastes provenant d'une culture mixte de souris. La purification par MACS à l'aide de l'anticorps CY8 a permis une bonne purification des myoblastes présents dans la culture primaire de souris. L'immunocoloration anti-desmine ainsi que la coloration au DAPI ont permis de calculer le pourcentage de myoblastes. Avant la purification, il y avait seulement 30% de myoblastes dans la culture mixte. La purification par MACS a permis d'obtenir une culture de myoblastes pure à 94%. 85 Des essais de purification de myoblastes à l'aide de cette méthode ont alors été faits sur les cellules ES en différenciation. L'anticorps CY8 allait théoriquement se fixer sur les cellules différenciées en myoblastes pour permettre la purification de celles-ci. Les essais se sont par contre révélés peu concluants puisque premièrement peu de cellules purifiées pouvaient être obtenues. En effet, des analyses préliminaires par FACS avaient révélé que 25 % des cellules exprimaient I'a7-intégrine au jour 22 de la différenciation. Or, la purification de ces cellules par MACS au même jour de la différenciation ne donnait seulement que 1 % pourcent de cellules positives à I'a7-intégrine. Ce faible pourcentage de cellules positives était probablement dû à la faible expression de 1' I'a7-intégrine par les cellules différenciées. Par exemple, une cellule portait peut- être assez d'a7-intégrines pour être détectée par FACS mais pas assez de cette intégrine pour rester prise dans la colonne magnétique. Un autre problème majeur était que les quelques greffes faites à l'aide de ces cellules purifiées menaient à la formation de tumeurs. Cela signifiait donc qu'il restait des cellules pluripotentes non-différenciées parmi les cellules purifiées. Des analyses par FACS ont donc été faites durant la différenciation pour observer l'expression de I'a7-intégrine sur les cellules différenciées. Le but de ces analyses était de trouver le moment idéal pour purifier les cellules différenciées, c'est-à-dire cibler le moment où l'expression de I'a7-intégrine était à son maximum. Le problème de purification avec CY8 a alors bien été mis en évidence. L'analyse par FACS au jour 0 de la différenciation a permis de constater qu'une partie des cellules ES non-différenciées exprime I'a7-intégrine. La figure suivante montre donc que 20% des cellules non-différenciées expriment I'a7-intégrine. Cela expliquait donc pourquoi les greffes de cellules différenciées purifiées avec CY8 causaient des tumeurs dans les muscles. 86 Figure 26 Fig. 26 Expression de I'a7-intégrine sur les cellules ES non-différenciées. L'analyse par FACS montre que 20% des cellules ES non-différenciées expriment I'a7intégrine. La courbe foncée représente le contrôle isotypique tandis que la courbe pâle représente les cellules marquées avec CY8. S7 3.3 Alternative à la purification par MACS des cellules différenciées Puisque la purification par MACS était impossible à réaliser, une alternative à cette purification a été tentée. Elle consistait en effet à laisser les cellules en culture assez longtemps pour qu'il ne reste plus de cellules indifférenciées dans les cellules en culture. La greffe de ces cellules non purifiées, s'il ne reste plus de cellules indifférenciées, ne mènerait donc pas à la formation de tumeurs dans les muscles. La greffe de ces cellules a donc été fait au jour 22. Ce jour a été choisi puisque les expériences de RT-PCR décrites précédemment montraient qu'il n'y avait plus d'expression de oct-4 à ce jour de la différenciation. 3.4 Greffe des cellules différenciées non purifiées chez la souris mdx Pour vérifier si les cellules différenciées mais non purifiées avaient réussi à former des fibres musculaires exprimant de la dystrophine sans causer la formation de tumeurs, les coupes de muscles greffés ont été analysées. Les colorations hématoxyline-éosine ont d'abord clairement montré qu'il y avait eu formation de tumeurs dans les muscles greffés. Même si les celles étaient laissées en différenciation plus longtemps, certaines cellules pluripotentes devaient être encore présentes et ont permis la formation de ces tumeurs. La figure suivante montre une tumeur observée dans un des muscles greffés. Figure 27 Fig. 27 Tumeur observée dans un muscle greffé avec des cellules ES différenciées mais non purifiées. La présence de quelques cellules pluripotentes dans les cellules non purifiées a quand même entraîné la formation d'une tumeur massive dans le muscle greffé. 89 Malgré la formation de tumeurs par les cellules différenciées, il a été possible d'observer la présence de fibres exprimant la dystrophine dans les muscles greffés. Cela montre donc que les cellules souches embryonnaires peuvent fusionner avec les fibres de l'hôte pour former des fibres hybrides et ainsi régénérer la dystrophine. L'analyse histologique en immunofiuorescence sur la figure suivante montre les fibres exprimant la dystrophine obtenues chez la souris mdx. Il est à noter que peu de fibres positives ont été comptées comparativement aux greffes de myoblastes habituelles. Des mises au point restent donc à faire pour augmenter le succès de greffe. 90 Figure 28 Fig. 28 Immunocoloration anti-dystrophine d'un muscle greffé. La photo montre qu'il y a eu expression de la dystrophine grâce à la fusion des cellules greffées aux fibres de l'hôte. 91 5.5 Transfeetion des cellules ES avec vecteurs de résistance Puisque les cellules non purifiées induisaient la formation de tumeurs lorsque greffées, un moyen de purification devait être mis au point. La construction du plasmide pCR®3.1 - CMV + MEF2/Myogénine pourrait donc permettre une sélection des cellules différenciées en myoblastes. Comme il avait été décrit plus tôt, les cellules ES non-différenciées ont d'abord été transfectées avec le plasmide en utilisant de la lipofectamine. Une transfeetion contrôle avec un plasmide portant le gène GFP sous le contrôle du promoteur CMV a été faite pour s'assurer que la transfeetion avait été efficace. Il était en effet impossible de vérifier le taux de transfeetion avec le plasmide pCR®3.1 - CMV + MEF2/Myogénine puisqu'il ne contient pas de gène de fluorescence exprimé constitutivement dans les cellules transfectées. La figure suivante montre la transfeetion efficace des ES mis en évidence par la transfeetion du plasmide contrôle contenant le gène GFP. Figure 29 Fig. 29 Transfection contrôle avec plasmide GFP. Le haut taux de fluorescence verte dans les cellules ES transfectées avec le plasmide GFP montre l'efficacité de la transfection en utilisant la lipofectamine comme agent de transfection. 93 Les cellules ES sélectionnées avec le G418 ont subi plusieurs passages afin d'éliminer les cellules qui auraient commencé à différencier. Les cellules ES transfectées ont donc été cultivées afin d'obtenir une réserve de cellules ES non-différenciées modifiées génétiquement. De plus, des observations au microscope ont permis de voir que les colonies de cellules ES non-différenciées n'expriment pas le gène ZéoRFP (puisqu'elles ne fluorescent pas en rouge), ce qui veut donc dire que le promoteur n'est pas activé dans ces cellules non-différenciées. Comme le montre la figure suivante, seules quelques cellules ayant différencié spontanément ont exprimé ZéoRFP. Des expériences sont présentement en cours afin de tester l'efficacité de cette méthode de sélection génétique. 94 Figure 30 Fig. 30 Expression du transgène ZéoRFP observée chez les cellules ES transfectées. Une cellule qui s'est différenciée spontanément dans la culture de cellules ES exprime RFP. Cette cellule s'est donc probablement différenciée spontanément en cellule myogénique. Discussion Plusieurs expériences de greffes de myoblastes pour le traitement de la DMD ont été publiées à travers le monde. Le nombre d'expériences de greffes de myoblastes dérivés de cellules souches embryonnaires est cependant très restreint. Le seul article concernant ce type de greffe a été publié en juillet 2005 [106]. Cette équipe de recherche américaine avait cultivé des cellules ES murines avec des précurseurs de cellules musculaires. La greffe de ces cellules à des souris mdx avait permis la formation de quelques fibres exprimant la dystrophine. Les résultats publiés par cette équipe de recherche étaient cependant peu satisfaisants vu la très faible expression de dystrophine dans les muscles greffés. Le but global des expériences présentées dans ce mémoire était donc de permettre l'expression élevée de dystrophine dans le muscle de souris dystrophiques grâce à la greffe de cellules dérivées de cellules ES. Pour ce faire, il fallait donc premièrement trouver un moyen d'augmenter le pourcentage de cellules différenciées en myoblastes. Il fallait en suite réussir à purifier la population de cellules différenciées en myoblastes. Il fallait ensuite greffer ces cellules différenciées à des souris dystrophiques afin d'observer l'expression de dystrophine. Tout d'abord, pour augmenter in vitro le pourcentage de cellules qui se différenciaient en myoblastes, un traitement des EBs à l'azacytidine a été fait. Cet agent, reconnu pour induire une différenciation vers la lignée du mésoderme, a en effet permis une augmentation de cellules différenciées en cellules myogéniques. L'expression de MHC et de desmine, des protéines présentes chez les cellules myogéniques, était augmentée chez les cellules traitées à l'AzaC. Ces deux protéines sont cependant présentes tant chez les cardiomyocytes que chez les myoblastes. Il n'était donc pas certain que des myoblastes se trouvaient dans la culture en différenciation. De plus, une augmentation de la différenciation en cardiomyocytes dans les cellules en culture n'était pas nécessairement souhaitable. En effet, aucune étude n'a jusqu'à maintenant démontré que la greffe de cardiomyocytes dans un muscle squelettique pourrait aider à la régénération de celui-ci. De plus, contrairement aux myoblastes, les cardiomyocytes ne peuvent fusionner ensemble. Ces cellules ne pourraient donc probablement pas fusionner avec les fibres du receveur et ne seraient donc pas aptes à permettre l'expression de dystrophine. Afin de vérifier s'il y avait bien une différenciation en myoblastes, des expériences de RTPCR ont été faites. L'expression des gènes MyoD, myogénine et desmine a été analysée. Les gènes codant pour MyoD et myogénine ne sont pas exprimés chez les cardiomyocytes, ce qui permettait de voir la présence ou non de myoblastes. L'expression du gène de pluripotence oct-4, présent chez les cellules ES non différenciées, a aussi été analysée. Ce dernier permettait de dire si la différenciation était complète ou s'il restait des cellules pluripotentes dans la culture. L'expression de MyoD et de myogénine après plusieurs jours de culture a d'abord prouvé qu'il y avait eu une différenciation des cellules ES en myoblastes. Le traitement des EBs à l'AzaC n'a cependant pas influencé le niveau d'expression de ces deux gènes. L'analyse de d'autres gènes spécifiques aux myoblastes pourrait donc permettre de voir si l'AzaC augmente ou non le pourcentage de cellules différenciées en myoblastes. Les analyses de RT-PCR ont aussi permis de voir qu'au jour 22, les cellules traitées à l'AzaC n'exprimaient plus le gène de pluripotence oct-4. Ce résultat a d'ailleurs permis de supposer qu'au jour 22, il ne restait plus de cellules capables de former des tumeurs. Puisque les expériences de RT-PCR montraient qu'il y avait bel et bien présence de myoblastes dans les cultures en différenciation, des essais de purification de ces cellules ont été tentés. Une technique de purification par MACS utilisant I'a7-intégrine comme protéine de sélection a été effectuée. Cette méthode de purification s'était d'ailleurs montrée très efficace pour la purification de myoblastes présents dans une culture primaire. Malheureusement, cette technique n'a pas pu être appliquée pour la purification des cellules différenciées en myoblastes puisque une partie de la population de cellules ES non différenciées exprimaient I'a7-intégrine. 97 La purification des cellules différenciées n'étant pas possible, une alternative à celle-ci a été tentée. Des greffes de cellules non purifiées ont été effectuées afin de voir si les myoblastes ou d'autres cellules présentes dans la population de cellules différenciées pouvaient quand même se fusionner avec les fibres musculaires de l'hôte pour ainsi permettre l'expression de dystrophine. Les cellules ont été greffées au jour 22 de la différenciation puisque les expériences de RT-PCR avaient montré que le gène oct-4 n'était plus exprimé. Ces cellules ont donc en effet été capables de former des fibres exprimant la dystrophine dans les muscles greffés. Malheureusement, les cellules non purifiées greffées ont aussi permis la formation de tumeurs même si le gène oct-4 n'était pas exprimé. L'expression de oct-4 par les quelques cellules pluripotentes restantes était donc peut-être trop faible pour être détectée par RT-PCR avec les conditions utilisées. La présence de telles tumeurs a donc confirmé qu'une purification est essentielle lorsque des cellules ES sont utilisées comme source initiale de cellules. Afin de pouvoir sélectionner les cellules différenciées en myoblastes et ainsi éviter la formation de tumeurs, une lignée de cellules ES murine a été modifiée génétiquement. Lors de différenciations ultérieures, ces modifications permettront aux cellules d'exprimer le gène ZéoRFP lorsqu'elles seront différenciées en myoblastes. Les cellules différenciées seront alors fluorescentes rouges et résistantes à l'antibiotique zéocine. Lors de la différenciation, des observations quotidiennes des cellules pourront être faites pour vérifier l'expression de fluorescence rouge. Lorsque l'expression sera à son maximum, l'antibiotique zéocine pourra alors être appliqué afin de sélectionner les cellules différenciées en myoblastes. Cette technique de purification par modification génétique demandera la formation et la vérification de plusieurs clones différents. En effet, il se peut que l'intégration nonspécifique du plasmide cause des changements dans le génome qui seraient nuisibles pour les cellules ou pour l'organisme qui sera greffé avec ces cellules. La fabrication de plusieurs clones permettra de choisir une cellule qui a intégré le plasmide à un bon endroit, c'est-à-dire qu'elle est ni tumorigène et qu'elle conserve toutes ses fonctions habituelles. 98 Lorsque un moyen de purification des cellules différenciées en myoblastes sera mis au point, il sera possible d'améliorer les différentes étapes de la thérapie afin d'augmenter le succès de greffe. Par exemple, d'autres produits pourront être appliquées sur les cellules ES lors de la différenciation afin d'augmenter le pourcentage de myoblastes. De plus, les paramètres de greffe pourront être optimisés afin d'augmenter le nombre de fibres exprimant la dystrophine (nombre de cellules greffés, trajectoires d'injection, etc.). 99 Conclusion La dystrophie musculaire de Duchenne pourrait être traitée par la thérapie cellulaire. Cette thérapie, qui consiste en l'injection de myoblastes dans le muscle dystrophique, a cependant plusieurs désavantages. Le rejet des cellules greffées par le système immunitaire de l'hôte est l'un des principaux problèmes. Un protocole de tolérance immunologique pourrait donc être développé grâce à l'utilisation des cellules souches embryonnaires. Les cellules ES seraient premièrement différenciées en cellules souches hématopoïétiques puis greffées à un patient dystrophique. La même lignée de cellules ES serait par la suite différenciée en myoblastes. Ces myoblastes seraient alors greffés au patient dystrophique ayant un système immunitaire chimérique. Les myoblastes dérivés de cellules ES ne seraient donc pas rejetés par l'hôte et suite à leur fusion avec les fibres musculaires de l'hôte ils permettraient l'expression de la dystrophine. Des expériences concernant la différenciation des ES en myoblastes ont été décrites dans ce mémoire. Il a été d'abord possible d'augmenter le pourcentage de différenciation des cellules ES en cellules myogéniques grâce à l'utilisation d'Azacytidine. La greffe de ces cellules différenciées a aussi permis l'expression de dystrophine dans les muscles de souris dystrophiques. Ceci confirme donc la possibilité d'utiliser la greffe de cellules dérivées de cellules ES pour le traitement de la DMD. La construction d'un plasmide permettant la sélection des cellules différenciées en myoblastes a été faite. Des expériences sont présentement en cours afin de vérifier la fonctionnalité de cette construction. Lorsque la sélection des cellules différenciées en myoblastes sera bien contrôlée, il sera possible d'évaluer le potentiel réel de ce type de cellules pour le traitement de la DMD. La différenciation des cellules ES en cellules myogéniques sera ensuite combinée à la différenciation en cellules souches hématopoïétiques afin de mettre au point le protocole de tolérance immunologique décrit dans le mémoire. Les techniques pourront alors être reproduites sur des cellules souches humaines afin de traiter ultérieurement des patients atteints de la DMD. 100 Bibliographie 1. on World Wide Web URL: www.embrvology.ch 2. Marieb: Anatomie et physiologie humaines edn E.R.P.I.; 1999. 3. Cossu G, Borello U: Wnt signaling and the activation of myogenesis in mammals. Embo J1999,18:6867-6872. 4. Charge SB, Rudnicki MA: Cellular and molecular régulation of muscle régénération. Physiol Rev 2004, 84:209-238. 5. 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