9
Science et pseudo-sciences n° 252, Mai 2002
Les placebos dans l’histoire de la médecine
1779 : date de la publication, en France, par Franz Anton Mesmer de
son « Mémoire sur la découverte du magnétisme animal ». Ce médecin
autrichien, installé à Paris depuis 1774 faisait accourir le tout Paris pour
soigner par une nouvelle méthode qu’il avait mise au point. Le 5 mai
1784, Louis XVI créa une commission chargée d’examiner scientifique-
ment les assertions du médecin thaumaturge. Benjamin Franklin et
Antoine Lavoisier membres de cette commission, utilisèrent à cette
occasion, à l’insu des patients, un « placebo d’arbre magnétisé ».
Conclusion du rapport : « Ayant enfin démontré par des expériences
décisives que l’imagination sans magnétisme produit des convulsions et
que le magnétisme sans imagination ne produit rien, ils ont conclu…que
rien ne prouve l’existence du fluide magnétique animal ».
En Angleterre sévissait la mode des tracteurs d’Elisha Perkins, médecin
américain de Plainfield (mort en 1779, lors d’une épidémie de fièvre
jaune contre laquelle sa méthode thérapeutique ne put rien...). Ils s’agis-
sait de baguettes en métal : l’une en cuivre, l’autre en fer, reliées à l’une
de leurs extrémités et qui étaient réputées antalgiques lorsqu’elles
étaient appliquées sur la zone douloureuse. Ces baguettes eurent un tel
succès qu’un Institut du perkinisme fut créé à Londres, auquel des
médecins de grande notoriété apportèrent leur caution.
Haygard (1740-1827) traite cinq patients par des imitations en bois.
Quatre des cinq patients allèrent beaucoup mieux. Dans la seconde édi-
tion de son livre publiée en 1801, il écrivait : « De ceci nous apprenons
une importante leçon de médecine : la merveilleuse et puissante
influence des passions de l’esprit sur l’état et les troubles du corps. Cela
est trop souvent négligé dans le traitement des maladies... ».
En 1834, Armand Trousseau, pour se faire une idée sur les vertus thé-
rapeutiques réelles des granules homéopathiques, prescrit à des
patients hospitalisés dans son service de l’Hôtel-Dieu (à Paris) des
pilules d’amidon ou de mie de pain, et constate que certains patients
furent améliorés par cette préparation inerte, ce qui lui fit écrire : « De
cette première partie de nos expériences, il est permis de conclure que
les substances les plus inertes, telles que l’amidon, administrées homéo-
pathiquement, c’est-à-dire en agissant sur l’imagination des malades,
produisent des effets tout aussi énergiques que les médicaments
homéopathiques les plus puissants ».
Pour en savoir plus à ce propos, le lecteur pourra se référer à Aulas (Jean-
Jacques), Les médecines douces. Des illusions qui guérissent, Odile Jacob.
Paris. 1993. 301 pages.
méthodologiquement nécessaire de pouvoir réaliser un véritable placebo
du traitement que l’on se propose d’évaluer. Or, s’il est souvent facile de
fabriquer un placebo de médicament (comprimé qui a, par exemple, la
même forme, la même couleur, le même goût que le comprimé actif mais
qui est pharmacologiquement inerte), le lecteur comprendra aisément que
le placebo idéal est celui d’un médicament homéopathique, puisque, au-