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quand il y a un caractère familial de
la maladie ? Il semble se transmettre
habituellement sur un mode autosomique
dominant, c’est-à-dire avec une transmission
verticale d’une génération à l’autre. Il
suft d’être porteur d’une seule mutation
pour pouvoir développer la maladie. Ce
mode de transmission se caractérise
aussi par une atteinte des individus des
deux sexes, les hommes comme les
femmes. Enn le risque d’un individu
porteur de la mutation responsable de
la maladie, en l’occurrence du tremblement
essentiel, de transmettre la mutation à son
enfant, est de a priori 50 % pour chaque
enfant. Il s’agit du risque de transmettre
la mutation, cela ne signie pas néces-
sairement que l’enfant développera la
maladie. L’existence d’une histoire familiale
de tremblement essentiel dans la
famille de l’individu atteint est un critère
pour le diagnostic.
Ici, le papa est porteur de la mutation
(en rouge) et il a développé le tremblement
essentiel ; la maman n’est pas porteuse et
elle n’est pas malade. Tous les individus
ont 46 chromosomes qui s’assemblent
par paires. Pour chaque paire, l’enfant
hérite d’un chromosome du papa et d’un
autre de la maman. Le papa donne, au
hasard, un chromosome bleu à l’aîné,
l’enfant n’est pas porteur et il n’est pas
malade ; le papa donne, au hasard, un
chromosome rouge au cadet, l’enfant
est porteur et il développe le tremblement
essentiel.
Quand le neurogénéticien dresse
un arbre généalogique d’une famille
avec une maladie qui se transmet sur
le mode autosomique dominant, il
constate la transmission verticale des
grands-parents aux parents, et des
parents aux enfants. L’étude génétique
vise à identier une mutation dans un
gène, à caractériser ce nouveau gène
responsable de la maladie. Cette découverte
permet alors d’identier les personnes
atteintes par cette pathologie, de carac-
tériser l’évolution de la maladie et de
tester des traitements spéciques.
Le génome est l’ensemble des infor-
mations génétiques de l’individu, c’est
un livre. Cette information est contenue
dans les 23 paires de chromosomes,
ce sont autant de chapitres du livre.
Chaque chromosome est composé
d’un long lament d’ADN sur lequel se
trouvent les gènes, ce sont les phrases
de chaque chapitre.
Une mutation, c’est une anomalie,
une faute de frappe, une aberration
dans une des phrases de ce livre, qui
va être à l’origine de la perturbation
du sens de la phrase avec des consé-
quences dans sa compréhension. Par
exemple, dans la phrase « l’enfant
mange le chocolat », si le m se transforme
en r à l’occasion d’une faute de frappe,
le sens change complètement, cela
donne « l’enfant range le chocolat ».
Mais si le m se transforme en l, « l’enfant
lange le chocolat », la phrase n’a plus
aucun sens. Le travail du neurogénéticien
consiste à repérer ces fautes de frappe,
ces anomalies.
Ainsi l’objet de l’étude est d’essayer
de trouver des mutations chez les
personnes atteintes de tremblement
essentiel. Cependant, alors que le
tremblement essentiel est une maladie
fréquente, alors que le tremblement essentiel
est une maladie génétique, alors que
50 à 70 % des personnes malades ont
des parents qui tremblent, pour autant
le gène responsable du tremblement
essentiel n’est toujours pas identié.
Quelques études scientiques ont fait
l’objet de publications sans qu’aucun
gène n’ait été formellement identié.
Récemment, une étude scientique
a identié le gène LINGO1 comme un
variant associé au tremblement essentiel.
Qu’est-ce qu’une variation ? Quand on
écrit dans une phrase le mot « clé », on
peut l’écrire « clé » ou « clef », c’est la
même chose, le sens ne change pas,
ce n’est pas une faute de frappe mais
ce n’est pas tout à fait la même chose.
Quand il y a une variation dans le gène
LINGO1, il y a un risque d’avoir un
tremblement essentiel mais c’est un
risque extrêmement faible, on considère
qu’on multiplie ce risque par 1,55. Ce
n’est donc pas un gène qui est responsable
de la maladie mais c’est un gène qui de
façon discrète peut accroître le risque
d’être malade.
L’étude scientique de Mathieu
Anheim
L’étude scientique Identication
des bases moléculaires impliquées
dans le tremblement essentiel familial
par des études de liaison génétique et
par l’analyse des gènes candidats visait
à identier les causes génétiques du
tremblement essentiel familial en recrutant
de grandes familles de tremblement
essentiel. Il s’agissait aussi de décrire
les différents phénotypes de tremblement
essentiel et identier les gènes associés à
ces différents phénotypes. Il y a en effet
certainement plusieurs tremblements
essentiels. Certaines formes débutent
dans l’enfance, d’autres à 20 ans,
d’autres à 55 ans. Certaines formes
répondent à l’alcool, d’autres pas.
Certaines formes évoluent lentement,
d’autres moins lentement. Certaines
formes répondent bien aux traitements,
d’autres pas.
Le projet visait aussi à étudier les
liaisons génétiques et à analyser des
gènes candidats, c’est-à-dire des
gènes rapportés dans la littérature
scientique dont l’action au sein de la
cellule laisse penser qu’ils pourraient
éventuellement être associés au
tremblement essentiel.
Cette étude a permis d’étoffer la
banque d’ADN avec 91 personnes
atteintes provenant de 39 familles (dont
9 familles dites multiplexes, c’est-à-dire
avec plus de 3 individus atteints). Il y a
notamment deux familles importantes :
- la première dans laquelle 32 individus
ont été prélevés avec 18 atteints sur
quatre générations différentes, c’est
une grande famille bien documentée,
- la deuxième dans laquelle 26 individus
ont été prélevés dont 9 atteints sur
quatre générations.
Les études en génétique du tremblement
essentiel rencontrent plusieurs difcultés.
Tout d’abord, le tremblement essentiel
est certes une maladie à transmission
autosomique dominante mais la péné-
trance reste incomplète : on peut être
porteur d’une mutation mais ne jamais
être malade, on est « porteur sain ».
C’est une difculté supplémentaire pour
le chercheur lorsqu’il travaille sur l’ADN
d’une personne prélevée car il doit être
vigilant, ainsi si une personne n’a pas le
tremblement essentiel mais un de ses
parents et un de ses enfants sont
malades, elle est vraisemblablement
porteuse de la mutation même si elle
n’est pas malade. Il est indispensable pour
Aptes le magazine du tremblement essentiel