JANVIER 2012 ÉQUILIBRE 11
thyroïde, un mauvais métabolisme du
cuivre ou certains médicaments – et elle est
souvent confondue, même par les méde-
cins, avec la maladie de Parkinson. Les
traitements dont nous disposons actuelle-
ment étant purement symptomatiques, le
fait de les entamer tardivement ne modifie
pas l’évolution du tremblement essentiel.
Mais, pour les patients, il est important de
pouvoir mettre un nom sur leur problème ! »
Le tremblement essentiel, qui résulte d’une
anomalie de communication entre cer-
taines régions du cerveau, notamment le
cervelet, le thalamus et le cortex moteur,
est généralement familial. « Je peux en
témoigner, affirme Danielle Vadjaraganian,
présidente de l’asbl APTES (Association
des Personnes concernées par le Tremble-
ment Essentiel) Belgique. Ma grand-mère
paternelle tremblait, mon père aussi, et ma
sœur et moi tremblons toutes les deux,
même si le tremblement a commencé chez
moi dès l’apprentissage de l’écriture, alors
qu’il ne s’est manifesté chez elle que vers
l’âge de 20 ans. Par contre, mes enfants,
qui ont une trentaine d’années, ne trem-
blent pas – ou plutôt pas encore, car le
tremblement essentiel peut appa-
raître à tout âge. »
Bien que les chercheurs aient déjà localisé
deux gènes prédisposant au tremblement
essentiel, il n’existe pas à l’heure actuelle de
test génétique permettant de le caractériser.
De plus, des personnes sans antécédents
familiaux peuvent le développer sous
des formes dites « sporadiques », dans
lesquelles on suspecte l’intervention de
facteurs environnementaux...
Drôle de rôle de l’alcool...
Le tremblement essentiel reste donc un
phénomène intriguant, et le rôle surpre-
nant joué par l’alcool chez certains patients
ne contribue pas à sa compréhension.
« Dès qu’ils boivent, ils cessent de trem-
bler, constate Michel Gonce. Le problème
étant évidemment de ne pas en abuser.
Car, si l’effet dure deux ou trois heures,
lorsqu’il s’estompe, il y a un rebond :
après avoir momentanément disparu, le
tremblement revient et s’accentue, ce qui
suscite évidemment la tentation de pren-
dre un autre verre ! Mais pourvu que ça
reste ponctuel, c’est un moyen efficace
de s’accorder, à l’occasion, une plage de
normalité ! »
D’autant que les traitements médicamenteux
existants ne sont pas extraordinairement
performants : une amélioration de l’ordre
de 50% est déjà considérée comme satis fai-
sante ! « Le tremblement essentiel n’intéresse
pas beaucoup les chercheurs ni l’industrie
pharmaceutique, constate le docteur Gonce.
Aujourd’hui comme hier, les principaux
médicaments utilisés sont un vieux bêta-
bloquant, le propranolol, et un vieil anti -
épileptique, la primidone, qui peuvent
éventuellement être administrés en combinai-
son. Ils ne suppriment pas le tremblement,
mais ils en facilitent la gestion. En tout cas
dans les formes légères et modérées... »
L’ennui, c’est que le tremblement essentiel
est une maladie évolutive : souvent peu
gênante à ses débuts, elle s’aggrave plus ou
moins vite, et la réponse au traitement
varie selon les personnes. « Je n’ai pas pris
de médicaments avant l’âge de 40 ans,
remarque Danielle Vadjaraganian.
Et aujourd’hui, à plus de 60 ans, je me
débrouille encore sans trop de difficultés
dans la vie quotidienne, même si le trem-
blement a fini par affecter ma voix, qui est
devenue un peu chevrotante... » Mais chez
d’autres, comme Danielle Spiette, la
maladie brûle les étapes. « Je n’avais pas
30 ans, et tous les traitements disponibles
restaient sans effet sur moi. Je ne mangeais
plus qu’à la cuillère, je ne buvais plus
qu’avec une paille. Malgré mes efforts et
l’aide de mes collègues, je ne parvenais
plus à faire mon travail d’assistante admi-
nistrative... J’ai demandé à être opérée,
mais, la première fois, je me suis heurtée à
un refus, sous prétexte que je n’étais pas
‘assez’ malade ! »
Comme tout le monde
Dans les formes très sévères, en effet, la seule
solution est d’implanter dans le cerveau des
électrodes, destinées à stimuler électrique-
ment un des noyaux du thalamus, qui
régule les mouvements et la fonction
musculaire (sur le même principe que dans
certaines formes de la maladie de Parkinson).
« On fait deux trous de trépan dans le crâne
afin de mettre les électrodes en place,
explique Michel Gonce, puis on les relie en
sous-cutané à un neurostimulateur, compa-
rable à un pacemaker cardiaque, qui est fixé
au muscle pectoral chez l’homme et dans la
paroi abdominale chez la femme. Le patient
reste éveillé pendant l’intervention, afin que
le neurochirurgien puisse tester immédiate-
ment le bon positionnement des électrodes :
si le tremblement s’arrête quand on branche
le stimulateur, on a gagné ! »
Le résultat est immédiat et souvent specta-
culaire : l’amélioration peut atteindre 70,
80, voire 90%. De plus, l’opération est
réversible, le neurostimulateur pouvant être
retiré à volonté ; si de nouvelles thérapies
apparaissent, rien n’empêchera le patient
d’en profiter. Mais il y a des risques opé -
ratoires, le principal étant la survenue d’un
hématome. « C’est pourquoi on ne m’a pas
dit oui tout de suite, admet Isabelle Spiette.
L’inter vention est d’ailleurs impression-
nante : sentir qu’on vous perce le crâne n’a
rien d’agréable ! Mais le moment où
j’ai cessé de trembler
m’a payée de toutes mes peines : j’en avais
les larmes aux yeux ! Aujourd’hui, je peux
de nouveau écrire, coudre, tricoter, dessiner...
Même si des réglages réguliers s’impo
sent,
puisque la maladie continue à évoluer, je ne
souffre plus du regard des autres : je suis de
nouveau comme tout le monde ! »
Pour aller plus loin :
APTES-Belgique asbl, 025244898,
www.aptes-belgique.be
Le Club des Mouvements anormaux (CMA asbl)
s’occupe sur le plan scientifique de tous les désordres
du mouvement : www.neurosc.be
SANTÉ