Alg`ebre lin´eaire
J.-C. Poggiale - Septembre 2008
1 Motivation
1.1 Exemple 1
Consid´erons une population structur´ee en trois stades: les oeufs, les larves et
les adultes. On note Et,Ltet Atles densit´es respectives d’oeufs, de larves et
d’adultes `a l’instant t. On suppose que le taux de passage du stade ”oeuf” au
stade ”larve”, vEest constant, ainsi que le taux de passage du stade ”larve”
au stade ”adulte”, vL, le taux de mortalit´e des oeufs, mE, des larves, mLet
des adultes mAet le taux de f´econdit´e f. Un mod`ele de dynamique de cette
population peut ˆetre ´ecrit de la mani`ere suivante:
Et+1 =EtmEEtvEEt+fAt
Lt+1 =Lt+vEEtmALtvLLt
At+1 =At+vLLtmAAt
Maintenant que nous disposons d’un mod`ele, il pourrait ˆetre int´eressant d’en
´etudier les propri´et´es et de les exploiter. L’un des objectifs de ce cours est l’´etude
g´en´erale de ce type de mod`eles (appel´es mod`eles lin´eaires), quel que soit le nom-
bre de stade, y compris si plusieurs populations interagissent. Nous montrerons
notamment comment d´eterminer des conditions sur les valeurs des param`etres
(vE,vL,mE,mL,mAet f) pour que la population soit viable ou non. Nous
verrons ´egalement les m´ethodes permettant de d´eterminer directement Et,Lt
et At`a partir de la connaissance des param`etres et de E0,L0et A0.
1.2 Exemple 2
Consid´erons une population dont la dynamique n’est pas d´ecrite par la relation
entre la densit´e `a l’instant t+ 1 et la densit´e `a l’instant t, mais par une relation
entre la densit´e `a l’instant tet les densit´es aux dates t,t1, ..., t k. Ceci peut
se concevoir si un d´elai est n´ecessaire par exemple pour l’accomplissement d’un
processus. Si ce d´elai est de kpas de temps, alors la densit´e `a l’instant t+ 1
peut d´ependre de la densit´e `a l’instant tk. Un tel exemple peut ˆetre donn´e
par le mod`ele:
Xt+1 =r0Xt+r1Xt1+· · · +rkXtk
La connaissance de (X0, ..., Xk) permet de d´eterminer Xk+1 qui `a son tour
permet de trouver Xk+2 et ainsi de suite. On verra dans ce chapitre les m´ethodes
1
permettant d’analyser ce type de mod`ele en ´etudiant le syst`eme:
Xtk+1 =Xtk+1
Xtk+2 =Xtk+2
.
.
.
Xt=Xt
Xt+1 =r0Xt+r1Xt1+· · · +rkXtk
Sous cette forme, mˆeme si les toutes les ´equations `a part la derni`ere sem-
blent inutiles, l’analyse d´ecoule directement du contenu de ce chapitre et permet
d’´ecrire directement Xten fonction de (X0, ..., Xk), pour tout entier t>k.
2 Bases de Rn
2.1 Exemples: R2et R3
Dans le plan Pmuni d’un rep`ere O,
i ,
j, tout point Mpeut ˆetre repr´esent´e
par le couple de r´eels (x, y) d´efinis de mani`ere unique par:
OM =x
i+y
j
R2est l’ensemble des couples de nombres r´eels.
R2={(x, y)/x R, y R}
L’´ecriture
OM =x
i+y
jn’est possible que si
iet
jforment une base
dans le plan, c’est - `a - dire qu’ils sont non colin´eaires. Si les vecteurs
iet
j´etaient colin´eaires, tous les vecteurs non colin´eaires `a
ine pourraient ˆetre
d´ecompos´es sur
iet
j. Rappelons que la colin´earit´e entre
iet
jse traduit
par:
j=α
i
ce qui ´equivaut `a:
α
i
j=
0
Autrement dit, dire que
iet
jsont non colin´eaires se traduit par:
α1
i+α2
j=
0α1=α2= 0
De mˆeme, dans l’espace Emuni d’un rep`ere O,
i ,
j ,
k, tout point M
peut ˆetre repr´esent´e par le triplet de r´eels (x, y, z) d´efinis de mani`ere unique
par:
OM =x
i+y
j+z
k
R3est l’ensemble des triplets de nombres r´eels.
R3={(x, y, z)/x R, y R, z R}
2
L’´ecriture
OM =x
i+y
j+z
kn’est possible que si
i,
jet
kforment
une base dans l’espace, c’est - `a - dire qu’ils sont non coplanaires. Si les vecteurs
i,
jet
k´etaient coplanaires, tous les vecteurs non coplanaires `a
i,
jet
k
ne pourraient ˆetre d´ecompos´es sur
i,
jet
k. Rappelons que la coplanarit´e
entre
i,
jet
kse traduit par:
k=α
i+β
j
ce qui ´equivaut `a:
α
i+β
j
k=
0
Autrement dit, dire que
i,
jet
ksont non coplanaires se traduit par:
α1
i+α2
j+α3
k=
0α1=α2=α3= 0
2.2 Syst`emes libres (ou ind´ependants) - Bases de Rn
Comme nous l’avons mentionn´e rapidement dans la premi`ere section, nous
serons amen´es `a manipuler des vecteurs de dimensions quelconques, c’est - `a
- dire `a travailler dans Rnpour toute valeur de n. Pour ce faire, nous devons
g´en´eraliser la notion de bases vues dans les exemples pr´ec´edents. Ceux-ci nous
ont montr´e que les notions de non colin´earit´e ou non coplanarit´e sont essentielles
et ce sont ces notions que nous commen¸cons par g´en´eraliser, `a l’aide du concept
de syst`emes libres (ou ind´ependants). On consid`ere un syst`eme de pvecteurs
e1,
e2, ...,
epdans Rn, qu’on notera:
(
e1,
e2, ...,
ep)
efinition: ce syst`eme est dit libre si
p
X
i=1
αi
ei=
0!(α1=α2=... =αp= 0)
Quand n= 2, cette d´efinition correspond `a deux vecteurs non colin´eaires.
Lorsque n= 3, elle correspond `a trois vecteurs non coplanaires.
efinition: un syst`eme de pvecteurs
e1,
e2, ...,
epdans Rnest une base
de Rnsi:
- (
e1,
e2, ...,
ep) est libre
-p=n
2.3 Sous-espaces vectoriels de Rn
efinition: un sous-espace vectoriel de Rnest un sous-ensemble Ede Rnqui
v´erifie les trois propri´et´es suivantes:
a) 0 E.
b) si
uEet
vEalors
u+
vE.
c) si
uEet αRalors α.
uE.
efinition: Soit Eun sous-espace vectoriel de Rn. La dimension de Eest
le plus grand nombre ptel que le syst`eme de vecteurs (
u1, ...,
up) soit libre o`u
uiE. On la notera dim (E).
3
3 Applications lin´eaires de Rndans Rm
Dans l’exemple pr´esene dans la premi`ere section, il s’agit d’un mod`ele qui per-
met de passer du vecteur de coordonn´ees (Et, Lt, At) au vecteur de coordonn´ees
(Et+1, Lt+1 , At+1). Cette transformation d’un vecteur de R3en un autre vecteur
de R3s’appelle application de R3dans R3et dans cet exemple, elle est lin´eaire.
Ce chapitre place cet exemple dans un contexte g´en´eral pour en comprendre les
propri´et´es.
3.1 D´efinition - Propri´et´es g´en´erales
On consid`ere une application fde Rndans Rm.
efinition: cette application est lin´eaire si elle v´erifie les deux propri´et´es
suivantes:
a - pour tout vecteur
uet tout vecteur
vde Rn,f
u+v=f(
u)+f(
v)
b - pour tout vecteur
uet tout r´eel α,f(α.
u) = α.f (
u)
Propri´et´e (image du vecteur nul):
f
0=
0
Preuve: f
0=f2.
0= 2.f
0donc f
0=
0 .
Propri´et´e (notion de matrices):
Consid´erons un vecteur
uquelconque dans Rnmuni d’une base (
e1,
e2, ...,
en),
ce qui nous permet d’´ecrire:
u=
n
X
i=1
ui
ei
Nous allons d´eterminer l’image de ce vecteur par l’application lin´eaire f:
f(
u) = f n
X
i=1
ui
ei!
=
n
X
i=1
f(ui
ei)
=
n
X
i=1
uif(
ei)
Cette derni`ere ´ecriture montre que l’image d’un vecteur
uquelconque est
donn´ee par les images des vecteurs de base. Or chaque vecteur de base `a une
image dans Rm, muni d’une base (
ε1, ...,
εm), donc il est possible de regrouper
les mcoordonn´ees des images de chacun de ces nvecteurs
eidans un tableau `a
mlignes et ncolonnes. Ce tableau, not´e A, sera nomm´e matrice de f: on
l’obtient en calculant l’image de chaque vecteur
ej, qu’on d´ecompose dans
la base (
ε1, ...,
εm). Ces coordonn´ees sont dispos´ees en colonne et forment la
colonne j. En d’autres termes, le coefficient aij de la matrice A, situ´e sur la ligne
4
num´ero iet la colonne num´ero j, est la i`eme coordonn´ee de f(
ej) d´ecompos´e
dans la base (
ε1, ...,
εm). Il faut bien comprendre que la matrice d’une applica-
tion lin´eaire d´epend du choix des bases (
e1,
e2, ...,
en) et (
ε1, ...,
εm).
3.2 Alg`ebre sur les matrices
3.2.1 Somme de matrices
Consid´erons deux applications lin´eaires fet gde Rndans Rm, munis respec-
tivement des bases (
e1,
e2, ...,
en) et (
ε1, ...,
εm) et notons Aet Bles matrices
associ´ees respectivement `a fet g.
L’application f+gest lin´eaire et sa matrice C=A+Best d´efinie par:
cij =aij +bij
Remarquons que fg n’est pas lin´eaire, donc on ne peut lui associer de matrice
comme pr´ec´edemment. Le produit de deux matrices, que nous voyons ci-dessous,
n’est donc pas la matrice du produit des applications lin´eaires fet g.
3.2.2 Produit de matrices
On consid`ere deux applications lin´eaires f:RmRpet gRnRm.
L’application fgest une application lin´eaire de Rndans Rp, d´efinie par
fg(
u) = f(g(
u))
On suppose que Rnest muni d’une base (
e1,
e2, ...,
en), Rmest muni d’une
base
e0
1,
e0
2, ...,
e0
met Rpest muni d’une base
e00
1,
e00
2, ...,
e00
p. Notons Ala
matrice de fet Bla matrice de g. Les coefficients aij de Asont, comme
expliqu´es pr´ec´edemment, d´efinis par:
f
e0
k=
p
X
i=1
aik
e00
i
De mˆeme, les coefficients bij de Bsont d´efinis par:
g(
ej) =
m
X
k=1
bkj
e0
k
On d´efinit la matrice Cde fget on la note C=A.B. On sait que:
fg(
ej) = f m
X
k=1
bkj
e0
k!
=
m
X
k=1
fbkj
e0
k
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