Gènes et facteurs génétiques de susceptibilité dans les épilepsies

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JFE 2007
Gènes et facteurs
génétiques de susceptibilité
dans les épilepsies humaines
Pierre Szepetowski1
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Inserm – UMR491, Faculté de Médecine, 27 Bd J Moulin,
13385 Marseille Cedex 5, France
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Résumé.
L’origine génétique d’une proportion importante d’épilepsies humaines est reconnue. Depuis une
dizaine d’années, un certain nombre de gènes, codant pour la plupart, mais pas uniquement, pour des sous-unités
de canaux ioniques, ont été identifiés, dont les mutations peuvent directement causer certains syndromes épileptiques rares et génétiquement simples. Même si les analyses réalisées à ce jour n’ont généralement pas pu démontrer
leur participation, ces mêmes gènes, et les voies moléculaires leur étant associées, pourraient aussi être impliqués,
avec d’autres facteurs génétiques et non génétiques, dans l’apparition de phénotypes épileptiques plus communs
et d’héritabilité génétique complexe, voire d’apparence sporadique. Des études génétiques à grande échelle, tenant
compte à la fois des progrès technologiques et des résultats antérieurs, doivent être réalisées afin de commencer à
identifier le nombre, probablement grand, de gènes impliqués dans ces épilepsies communes, et le type d’altérations génétiques, probablement multiples, en cause, qu’il s’agisse de variations génétiques rares, de polymorphismes, ou encore d’anomalies génomiques.
Mots clés : épilepsie, gène, facteur de susceptibilité
Abstract.
Genes and susceptibility genetic factors in human epilepsies
The genetic origin of a large proportion of human epilepsies is well known. In the last decade, several genes, mostly
encoding ion channel subunits, have been shown to cause rare epileptic syndromes inherited as simple (Mendelian)
genetic traits. Even though not proven yet, these genes as well as other genetic and nongenetic factors might also
participate in the much more frequent common epilepsies that are inherited as complex traits or even that look
sporadic. Thanks to novel technological tools and taking into account the data that have already been obtained,
genetic studies must now be considered on a large scale basis in order to identify the numerous genes and genetic
defects (rare DNA variations, polymorphisms, genomic alterations) that are involved in those common epilepsies.
Key words : epilepsy, gene, susceptibility factor
Tirés à part :
P. Szepetowski
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Les progrès réalisés depuis une dizaine d’années dans l’étude
des maladies génétiques humaines ont à l’évidence été également
bénéfiques dans le domaine de l’épileptologie. Les progrès en
question ont avant tout été technologiques et méthodologiques
plus que conceptuels, et l’on imagine aujourd’hui difficilement ce
que serait l’étendue des connaissances sans l’avènement d’outils
aujourd’hui devenus routiniers, tels que la PCR (polymerase chain
reaction), le séquençage multicapillaire, plus récemment les puces
à ADN, sans parler de la puissance sans cesse croissante de la bioinformatique. La résultante la plus visible en a sans doute été le
quasi-achèvement de la séquence du génome humain, qui permet
d’envisager aujourd’hui conceptuellement et pratiquement des
études à très grande échelle qui étaient encore irréalisables il y a
seulement quelques années.
Ceux qui se sont intéressés à l’étude génétique des épilepsies
dans les dix à quinze dernières années mesureront aisément le
chemin parcouru depuis 1995, quand fut identifié en CHRNA4 le
premier gène responsable d’une épilepsie idiopathique, en l’occurrence l’épilepsie frontale nocturne autosomique dominante.
Depuis, nombre de gènes ont été identifiés, non seulement dans
ces épilepsies dites « idiopathiques » car sans cause apparente ni
lésion décelable, mais aussi dans des épilepsies soit associées à une
autre pathologie cérébrale, soit encore survenant dans le cadre de
syndromes complexes, ou encore accompagnant un trouble du
développement cérébral. S’il est aujourd’hui toujours d’usage de
distinguer épilepsies idiopathiques, d’origine largement génétique,
et épilepsies symptomatiques, causées par des facteurs acquis
(tumeurs, traumatismes crâniens, etc.), cette classification n’en
apparaît pas moins de plus en plus artificielle et ne reflète sans
doute pas la complexité et l’interpénétration des mécanismes, à
la fois génétiques et non génétiques, sous-tendant les épilepsies et
leurs manifestations protéiformes.
Il n’en reste pas moins vrai que la distinction entre, d’une part,
les gènes « causals » car, lorsque mutés, responsables directement
de quelques rares formes d’épilepsies transmises génétiquement
de manière simple (autosomiques dominantes ou récessives, ou
encore liées à l’X), et, d’autre part, les gènes dits « de susceptibilité » car participant, sous forme de variants rares ou fréquents, et
avec d’autres gènes et facteurs non génétiques, à l’émergence des
formes d’épilepsies plus communes à héritabilité complexe, cette
distinction, donc, reste d’actualité. Des passerelles plus ou moins
directes permettent-elles de faire le lien entre ces deux grandes
catégories de gènes liés aux épilepsies humaines ? Quelle que soit
la réponse, il serait en tout cas peu judicieux de les aborder et de
les présenter séparément.
Épilepsies idiopathiques à transmission
simple (mendelienne)
Les progrès essentiels dans la connaissance de la génétique
des épilepsies idiopathiques ont été réalisés lorsque de grandes
familles avec des phénotypes plus ou moins homogènes ont pu
être détectées et analysées. Depuis donc 1995, date de l’identifica-
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tion du premier gène responsable d’un syndrome épileptique idiopathique (Steinlein et al., 1995), il a été montré que des mutations
dans une douzaine de gènes peuvent être responsables d’épilepsies
idiopathiques diverses (Scheffer et Berkovic 2003 ; Gourfinkel-An
et al., 2004). Ces gènes codent notamment pour des sous-unités de
récepteur nicotinique à l’acétylcholine, de récepteur GABAergique
de type A, de canal sodium, ou encore de canal potassium, indiquant ainsi qu’une partie pour le moment majoritaire des épilepsies idiopathiques est, comme on pouvait s’y attendre, liée à des
anomalies de canaux ioniques ligand- ou voltage-dépendants. Les
syndromes causés sont divers : convulsions néonatales familiales
bénignes, épilepsies frontales nocturnes, épilepsies myocloniques
juvéniles, etc.
C’est aussi par le biais d’une étroite interaction entre clinique
et génétique que le syndrome GEFS+ (épilepsie généralisée avec
convulsions fébriles plus) a été défini (Scheffer et Berkovic, 1997)
et certains des gènes responsables identifiés. Le cas du gène SCN1A
en particulier est édifiant, car ses mutations conduisent soit au
syndrome GEFS+ (Escayg et al., 2000), soit à des formes bien plus
sévères (syndrome de Dravet) (Claes et al., 2001). Des délétions
plus ou moins étendues de la région génomique contenant SCN1A
ont aussi été décrites dans des épilepsies sévères (Pereira et al.,
2004, 2006). La recherche de mutations ponctuelles et de délétions du gène SCN1A fait ainsi aujourd’hui plus partie du cadre
diagnostique que d’une activité purement scientifique. La découverte de mutations des gènes paralogues KCNQ2 et KCNQ3 dans les
convulsions néonatales familiales bénignes (Biervert et al. 1998 ;
Charlier et al., 1998 ; Singh et al., 1998) a quant à elle permis de
mettre un nom sur les mécanismes à l’origine des courants neuronaux de type M, dont on connaissait l’existence sans en connaître
les bases moléculaires.
L’étude des conséquences fonctionnelles des mutations pathogènes conduit à des résultats évidemment différents suivant le gène
en cause, le type de mutation, et parfois même, pour une même
mutation, suivant le mode d’étude. Ainsi les mutations semblentelles être associées à une hyperexcitabilité neuronale d’origine
diverse : altération de l’inactivation du canal sodium (SCN1A),
perte d’une activité régulatrice (SCN1B), diminution de l’amplitude
des courants GABAergiques (GABRG2), inhibition des courants
neuronaux de type M (KCNQ2/KCNQ3), pour ne citer que quelques mécanismes proposés. Par ailleurs, la possibilité chez l’animal
vivant et notamment chez la souris ou le rat, d’étudier les effets
des mutations pathogènes dans un gène donné, ou les effets de
l’extinction de celui-ci (que ce soit par transgenèse ou plus récemment par ARN interférence), mais aussi plus directement d’étudier
les modèles d’épilepsie spontanés ou induits, permet d’élargir les
perspectives d’études, tant fondamentales qu’appliquées.
Le rôle important de divers types de canaux ioniques ne s’arrête sans doute pas aux épilepsies d’origine génétique, et des arguments en nombre croissant plaident pour leur intervention dans
les épilepsies acquises, faisant sans doute des canaux ioniques
une des composantes moléculaires du continuum existant entre
épilepsies héritées et acquises (Berkovic et al., 2006).
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Dès 1998, nous postulions que d’autres types de gènes, non
plus directement codant pour des canaux ioniques mais peutêtre impliqués dans la régulation de ceux-ci, ou dans les voies
fonctionnelles les impliquant, seraient aussi responsables d’épilepsies idiopathiques (Szepetowski et Monaco, 1998). Le gène
LGI1 responsable d’épilepsies latérales temporales pourrait être
impliqué dans la régulation de canaux potassiques (Schulte et al.,
2006) par des mécanismes d’interactions protéiques qui restent
néanmoins ambigus, et le produit protéique correspondant (l’épitempine) semble aussi capable, via son récepteur ADAM22, d’activer le récepteur glutamate de type AMPA (Fukata et al., 2006). Le
gène EFHC1, muté dans certaines épilepsies myocloniques juvéniles, semble quant à lui interagir avec une sous-unité de canal
calcium (Suzuki et al., 2006). Dans de nombreux autres cas, des
gènes restent à identifier, des études de liaison génétique, parfois
précédées de la définition ou de l’actualisation d’un phénotype
nouveau, ayant permis la mise en évidence, qui d’un mode de
transmission simple permettant d’envisager une étude future avec
des chances raisonnables de succès, qui encore d’un locus génétique dans lequel le gène causal reste à identifier.
Un degré de complexité supplémentaire s’ajoute lorsque des
épilepsies en apparence similaires, voire identiques, aux formes
idiopathiques isolées, peuvent être associées à divers autres types
de pathologies cérébrales non épileptiques. Dans ce contexte,
l’existence de formes familiales à transmission héréditaire simple
facilite là aussi l’identification de gènes responsables de l’apparition de ces associations pathologiques. Ainsi, dans le cadre
des liens bien connus entre migraine et épilepsie, la transmission autosomique dominante de l’association entre convulsions
infantiles bénignes et migraine hémiplégique a-t-elle permis
d’impliquer le gène ATP1A2 qui code pour une pompe sodium/
potassium (Vanmolkot et al., 2003). Dans le même ordre d’idée, si
l’association de ces mêmes convulsions infantiles aux dyskinésies
paroxystiques a été génétiquement prouvée et le gène localisé dès
1997 (Szepetowski et al., 1997), ce dernier reste cependant encore
inconnu dix ans après (Szepetowski, 2007).
Les rapports entre épilepsie et cognition sont à l’évidence
complexes, et difficiles à étudier sans passer par le biais des études
génétiques chez l’homme. Il est paradoxal de remarquer qu’alors
même que l’influence génétique des épilepsies rolandiques
communes est remise en question (Vadlamudi et al., 2006), l’existence de formes familiales d’un syndrome associant crises de l’aire
rolandique, retard mental de degré variable, et troubles du langage
sous la forme d’une dyspraxie orale et de la parole, syndrome
décrit dès 1995 (Scheffer et al., 1995), a permis des années plus tard
d’identifier un des gènes responsables, SRPX2 (Roll et al., 2006).
SRPX2 est par ailleurs aussi muté chez un patient avec crises rolandiques et polymicrogyrie bilatérale perisylvienne, suggérant ainsi
un rôle de la protéine SRPX2, et des voies moléculaires lui étant
associées (et qui restent à élucider), non seulement dans le fonctionnement mais aussi dans le développement d’aires cérébrales
cruciales pour la production du langage articulé. Ainsi la possibilité, via les études génétiques, de mettre en évidence, au niveau
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moléculaire, des voies physiopathologiques que l’on ne pouvait
pas forcément soupçonner a priori, peut-elle avoir un intérêt qui
va au delà même du cadre strict des épilepsies.
Plusieurs autres types d’anomalies du développement cortical
peuvent d’ailleurs être associés à des épilepsies survenant dans un
contexte clinique plus ou moins complexe (Guerrini, 2005). Les
polymicrogyries, lorsqu’elles ont pour siège non plus les aires perisylviennes mais les régions fronto-pariétales, peuvent être causées
par des mutations dans un gène, GPR56, codant pour un récepteur
membranaire couplé aux protéines G. D’autres anomalies sont
causées par différents types de gènes : lisencéphalie et gènes LIS1,
DCX (double cortine) et RLN (reelin) ; hétérotopie nodulaire périventriculaire et gène FLNA (filamin A). L’implication de ces gènes
dans des formes d’épilepsies moins sévères n’est par ailleurs pas
prouvée, même si l’existence d’un continuum phénotypique entre
épilepsies relativement bénignes sans anomalie corticale détectable, et formes sévères avec anomalies patentes, peut être logiquement postulée. L’exemple du gène ARX, dont les mutations
peuvent causer des syndromes divers tels que lissencéphalie avec
anomalies génitales, retard mental non syndromique, épilepsie
myoclonique avec spasticité, ou encore spasmes infantiles,
montre la grande pléiotropie phénotypique qui peut être associée
à certains de ces gènes.
L’ensemble des gènes mentionnés ci-dessus, qu’ils codent ou
non pour des sous-unités de canaux ioniques, est responsable de
syndromes épileptiques cliniquement plus ou moins complexes
mais génétiquement simples. Logiquement, la question de leur
degré d’implication dans les épilepsies idiopathiques génétiquement
complexes doit se poser au fur et à mesure de leur identification.
Épilepsies idiopathiques
à transmission complexe
Au succès certes relatif mais bien réel de l’étude des épilepsies à transmission simple, il est maintenant classique d’opposer
les problèmes rencontrés lors des analyses génétiques s’adressant
aux épilepsies à transmission génétique complexe, qui sont bien
plus fréquentes que les précédentes. Force est de constater que sauf
exceptions (par exemple les mutations du gène CLCN2 codant
pour un canal chlore), exceptions qui ne sont peut-être qu’apparentes d’ailleurs, les études visant à identifier les locus génétiques
de susceptibilité pour ces épilepsies, qu’il s’agisse des épilepsiesabsences (de l’enfance ou juvéniles), des épilepsies myocloniques
juvéniles, des épilepsies généralisées avec crises tonico-cloniques,
ou encore des épilepsies mésiales temporales, n’ont pas été suivies
de l’identification formelle des gènes impliqués, et posent des
problèmes de reproductibilité récurrents (Mulley et al., 2005). En
cela, les épilepsies ne se comportent d’ailleurs pas différemment
des nombreuses autres pathologies humaines fréquentes dans
lesquelles diverses méthodes d’étude (études de liaison non paramétriques, études d’association) ont été employées.
Il est possible qu’au moins certaines des études réalisées
jusqu’à ce jour pèchent par leur manque de puissance statistique,
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notamment dans le cas de la détection d’allèles ayant un effet
réel mais mineur et/ou s’il s’agit de détecter des allèles rares. Ceci
pourrait être partiellement résolu par les nouvelles techniques de
génotypage à très haut débit, permettant la mise en route d’études
d’association génétique portant sur des milliers de patients et de
témoins. Ces études peuvent en outre viser à cribler l’ensemble
du génome pour y rechercher des polymorphismes génétiques
participant à l’émergence de ces épilepsies, comme cela a déjà été
réalisé pour d’autres maladies fréquentes telles que diabète de type
II, hypertension artérielle, maladie coronarienne, arthrite rhumatoïde, etc. (Wellcome Trust Case Control Consortium, 2007).
Les études d’association ciblant certains gènes ou familles
de gènes-candidats ne sont pas à exclure pour autant. Il est vrai
que les études d’association ciblant spécifiquement les gènes
responsables de formes d’épilepsies à transmission simple n’ont
pas prouvé l’implication de ces gènes dans les formes à transmission plus complexe : il n’a par exemple pas été démontré que les
crises fébriles survenant dans le contexte du syndrome GEFS+
d’une part, et les crises fébriles à héritabilité complexe d’autre
part, ont une influence génétique commune. Néanmoins, le lien
entre gènes causant directement certains syndromes épileptiques
d’une part, et gènes de susceptibilité aux épilepsies fréquentes
d’autre part, pourrait être plus indirect. Ainsi les gènes dits « modificateurs » car modifiant l’expression clinique et influant sur la
pénétrance des phénotypes génétiquement simples, pourraientils aussi être des gènes de susceptibilité pour les épilepsies plus
communes. Les gènes responsables de formes cliniques mixtes
(épilepsie et pathologie cérébrale non épileptique), ou encore
de troubles du développement cérébral, sont autant de candidats à ne pas négliger. D’autres pistes sont prometteuses : ainsi,
des études d’association ciblant certains gènes dont l’expression
est directement altérée dans le tissu épileptogène des épilepsies
mésiales temporales sont-elles en cours. À l’évidence, les gènes
responsables de divers modèles d’épilepsies chez l’animal (souris,
rat, poule, voire, pourquoi pas, drosophile) représentent aussi
des candidats à considérer. Le nombre de gènes potentiellement
capables d’intervenir dans les épilepsies ne cesse cependant de
croître avec l’accumulation des connaissances : découverte de
nouveaux gènes directement causals puis des voies moléculaires
leur étant associées, mise en évidence ou confirmation de mécanismes physiopathologiques originaux (immunité, glycolyse, etc.).
De ce fait, l’intérêt de cibler ces gènes-candidats est certainement
à comparer aux bénéfices qu’apporterait théoriquement le criblage
complet du génome.
Les études d’association ne peuvent détecter que... ce qui
est détectable. Autrement dit, les variants rares, ou les polymorphismes peu fréquents et de faibles effets, pourront rester statistiquement inaperçus. C’est ainsi peut-être le cas de certains variants
fonctionnels de gènes codant pour divers types de sous-unités
protéiques de GABA récepteurs (GABRD), de canaux calcium
(CACNA1H) ou potassium (KCND2) (Sisodiya et al., 2007). Le
séquençage aujourd’hui techniquement possible de l’ensemble
des gènes codant pour des canaux ioniques à expression cérébrale,
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et peut-être dans un second temps de nombreuses autres familles
de gènes, et ce chez un grand nombre de patients, permettra peutêtre, de manière complémentaire aux études d’association, d’identifier des variants génétiques rares pouvant représenter ainsi des
variants de susceptibilité à ces épilepsies.
Il faut ici convenir que la combinaison idéale, pour un variant
génétique donné, d’une étude d’association statistiquement significative et répliquée, et d’une étude fonctionnelle montrant les
effets dudit variant sur le niveau d’expression et/ou l’activité du
gène en question, cette combinaison, donc, n’est pas évidente à
obtenir, si du moins elle doit absolument l’être pour définir un
gène de susceptibilité aux épilepsies (Heron et al., 2007).
Un niveau de perplexité supplémentaire, mais aussi une voie
de recherche sans doute prometteuse, ont été apportés récemment
dans la relation semblant exister entre anomalies de structure du
génome et certaines maladies fréquentes, notamment cérébrales, à
héritabilité complexe. On connaît les liens existant entre certaines
anomalies chromosomiques et la survenue de crises épileptiques.
Dans un petit nombre de cas, l’épilepsie est fortement associée à
une anomalie particulière : syndrome d’Angelman et chromosome
15q, épilepsie et anneaux du chromosome 20. Des altérations du
génome pourraient bien aussi participer à diverses épilepsies idiopathiques, et notamment celles, mentionnées plus haut, ayant
une composante génétique complexe, ou apparaissant sporadiques. Dans le domaine de ces altérations génomiques, des progrès
sont en effet aujourd’hui envisageables, liés encore une fois aux
avancées technologiques et à la disponibilité de la séquence du
génome humain. L’avènement de techniques de criblage plus
sensibles et plus rapides permettra peut-être de mettre en évidence
de nouvelles anomalies génomiques. Il est aujourd’hui possible,
grâce aux méthodes de criblage par puces à ADN (CGH-arrays) de
rechercher avec succès des variations du nombre de copies (délétions ou duplications) de petites régions du génome, et ce sur la
quasi-totalité du génome humain, alors même que ces anomalies seraient restées indécelables avec les techniques antérieures.
C’est ainsi que dans l’autisme comme dans les retards mentaux
non syndromiques, des anomalies spécifiques de certaines régions
génomiques bien précises ont été identifiées et pourraient participer à l’émergence de ces deux pathologies cérébrales fréquentes
(Lupski, 2006 ; Sebat et al., 2007).
Les études d’association réalisées dans les épilepsies mésiales
temporales avaient suscité un espoir particulier, non seulement
du fait de la fréquence de ces épilepsies partielles mais aussi et
peut-être surtout du fait de leur pharmacorésistance. Un polymorphisme situé dans le gène MDR1, qui code pour un transporteur
de la barrière hémato-encéphalique, a bien été génétiquement
associé aux épilepsies pharmacorésistantes (Siddiqui et al., 2003)
mais ces résultats prometteurs sont aujourd’hui largement remis
en question (Tan et al., 2004). La physiopathologie de ce type
d’épilepsie relève certainement à la fois de facteurs génétiques de
susceptibilité, et de modifications somatiques se produisant au
sein même de la zone épileptogène, modifications qui relèvent à
la fois de l’inflammation, de la perte de certains récepteurs, ou
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encore de l’activation du système du complément (Jamali et al.,
2006). On peut ici noter que la possibilité de modifications somatiques, au niveau de l’ADN mais aussi de l’ARN (RNA editing), doit
être évoquée dans la liste des facteurs susceptibles de participer à
l’émergence d’un phénotype épileptique.
D’une manière générale, la possibilité de corréler un certain
nombre de variations génétiques, rares ou non, avec la susceptibilité individuelle (tolérance, efficacité) à un traitement, et que
l’on regroupe sous le terme de « pharmaco-génétique », est un des
autres aspects prometteurs de l’approche génétique dans le cadre
des épilepsies. Des travaux relativement récents (Tate et al., 2005)
semblaient ainsi indiquer l’existence d’une association entre un
polymorphisme du gène SCN1A et les concentrations sériques de
deux antiépileptiques, la phénytoïne et la carbamazépine. Il est
évident que l’aboutissement ultime de ce type d’approche génétique sera représenté par l’individualisation des doses à prescrire
pour prédire et obtenir la meilleure efficacité et la moindre toxicité d’un traitement, pour un individu donné, en fonction de son
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Épilepsies Vol. 19, n°4, octobre, novembre, décembre 2007
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