d' isoler ces êtres illusoires, l' esprit recteur, le principe
amer, l' acide universel, etc. Sans la connaissance de leurs
idées sur ce point, on ne saurait comprendre ni les opinions
relatives au phlogistique ou principe inflammable, qui résidait
surtout dans le soufre, le charbon, les huiles, les corps
combustibles ; ni même l' assimilation établie par Lavoisier
entre la matière de la lumière, celle de la chaleur et les
matières de l' oxygène, de l' azote ou de l' hydrogène, toutes
ces matières étant envisagées également et au même titre comme
des êtres simples et substantiels. En se guidant d' après de
semblables conceptions sur l' identité des qualités des êtres
avec leurs principes immédiats, on ne pouvait arriver à quelque
idée nette de l' analyse chimique précise, telle que nous la
comprenons aujourd' hui. Loin de décomposer la matière dans ses
qualités, envisagées d' une manière abstraite et indépendante de
la matière même, notre analyse s' efforce au contraire de
résoudre complétement la matière " en types définis... etc. " .
Pourtant on pressentait déjà l' existence de pareils principes
immédiats ; car, s' il était inexact de distinguer d' une manière
absolue les qualités de la matière, de la matière elle-même, pour
en faire autant d' êtres distincts, cependant il était vrai de
dire que telle ou telle qualité spéciale d' une substance réside
souvent, non dans l' ensemble de cette substance, mais dans l'
une de ses parties que l' on peut parvenir à isoler.
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Ii les premières tentatives pour opérer l' analyse des
substances organiques conduisirent à des résultats si étranges,
que le problème, abordé avec quelque suite à la fin du Xviie et
au commencement du Xviiie siècle, parut tout d' abord plus loin
que jamais d' une solution véritable. On avait tenté d' appliquer
d' une manière générale à l' analyse des végétaux et des animaux
cette méthode de distillation que nous avons dite être si propre
à isoler les essences. En procédant par cette voie, à la suite de
travaux et d' analyses poursuivies avec soin pendant bien des
années, on reconnut, non sans surprise, que toutes les substances
végétales, soumises à la distillation, fournissent les mêmes
produits généraux : de l' eau, de l' huile, du phlegme, de la
terre, etc. ; les substances animales donnent naissance aux mêmes
produits, et de plus, à l' alcali volatil. Cette identité des
produits généraux fournis par l' analyse d' êtres si divers
frappa d' étonnement l' esprit des chimistes. Le froment et la
ciguë, par exemple, " l' aliment et le poison, " donnent
naissance aux mêmes produits généraux, et ces produits n' ont
pour ainsi dire rien de commun avec les substances qui les ont
fournis. En présence de résultats ainsi éloignés du point de
départ, il fallut bien se résigner à reconnaître que les moyens
d' analyse mis en oeuvre avaient dénaturé les matières naturelles
. Les corps obtenus dans cette analyse étaient évidemment des
substances de nouvelle formation ; et il demeura prouvé que la
distillation ne sépare point en général les principes végétaux