Enjeux juridiques et risques contentieux de l`enquête Publique

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Enjeux juridiques et risques contentieux de l’enquête Publique
Plan (V1)
I : AVANT L’ENQUÊTE
11 - La délibération préalable:
C’est généralement par une délibération de la collectivité qu’est décidé la mise à l’enquête
publique:
- Commune s’il s’agit d’un PLU ou d’une DUP (demande dans ce cas adressée au
préfet),
- Conseil de communauté ou conseil d’aggloration
- Conseil Géral (enquête parcellaire sur voirie départementale)
- Conseil Régional, (Schéma Directeur, PDU régional, etc...
- STIF, etc...
Ou par les préfectures (DUP, enquêtes environnementales, parcellaires, etc...)
12 - La décision portant organisation de l’enquête publique. Article L123-3
« L'enquête publique est ouverte et organisée par l'autorité compétente pour prendre la décision en
vue de laquelle l'enquête est requise.
Lorsque l'enquête publique porte sur le projet, plan, programme ou autre document de planification
d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un des
établissements publics qui leur sont rattachés, elle est ouverte par le président de l'organe
délibérant de la collectivité ou de l'établissement. Toutefois, lorsque l'enquête est préalable à une
déclaration d'utilité publique, la décision d'ouverture est prise par l'autorité de l'Etat compétente
pour déclarer l'utilité publique. »
Concrètement, si le maire est compétent pour prendre la décision justifiant l'organisation
d’une enquête publique, il se chargera d’organiser cette dernière. De la même façon, si le
préfet est compétent pour édicter l'acte final, il sera compétent pour ouvrir l’enquête
publique.
Ce principe posé, les articles L. 123-3 et R. 123-3 du Code de l’environnement apportent
une réponse spécifique dans cinq cas particuliers.
En premier lieu, la loi Grenelle 2 reprend le principe posé par la loi dite de
«démocratie et de proximité» du 27 février 2002. Il s’en infère, comme sous le
régime antérieur, que «lorsque l'enquête publique porte sur le projet, plan,
programme ou autre document de planification d'une collectivité territoriale,d'un
établissement public de coopération intercommunale ou d'un des établissements
publics qui leur sont rattachés, elle est ouverte par le président de l'organe
délibérant de la collectivité ou de l'établissement ».
En second lieu, il est prévu que lorsque l’enquête est préalable à une déclaration
d’utilité publique, la décision d’ouverture sera toujours prise par l’autorité de l’État
compétente pour déclarer l’utilité publique. En fonction du projet, l’autorité
compétente au sein de l'État variera (il peut s'agir du ou des préfets concernés, du
ministre responsable du projet ou d’un décret en Conseil d’État). Peut-être aurait-il
été préférable de préciser que l’enquête sera toujours ouverte par le préfet, quelle
que soit l’autorité compétente.
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Si la décision en vue de laquelle l’enquête est requise relève d’une autorité
nationale de l’État, l’ouverture et l’organisation de l’enquête sont, sauf dispositions
particulières, assurées par le préfet territorialement compétent.
Dans le cas où l’enquête relève d’un établissement public de l'État comportant des
échelons territoriaux dont le préfet de région ou de département est le délégué
territorial en vertu de l’article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, la
compétence relative à l’ouverture et à l’organisation de l’enquête peut alors être
déléguée par l’organe exécutif de l’établissement à ce préfet.
Une dernière hypothèse est visée par l'article R. 123-3 du Code de l’environnement,
celle où le projet soumis à enquête publique porte sur le territoire de plusieurs
communes, départements ou régions. Dans un tel cas de figure, l’enquête peut être
ouverte et organisée par une décision conjointe des autorités compétentes pour
ouvrir et organiser l'enquête. Dans ce cas, la décision 2
conjointe désigne l’autorité chargée de coordonner l’organisation de l’enquête et
d’en centraliser les résultats (Cas de l’AFA).
13 - La décision de nomination du commissaire enquêteur
La désignation sollicitée doit en théorie intervenir dans un délai de quinze jours (Code
environnement – article R.123-5-2ème alinéa) à compter de la demande formulée par
l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Dans l’hypothèse où il est décidé
de confier l'enquête publique à une commission d’enquête plutôt qu’à un commissaire
enquêteur unique, le président du tribunal administratif doit alors désigner un nombre
impair de membres de cette commission parmi lesquels il désigne un président.
Le législateur a généralisé le principe de la désignation de suppléants, qui était jusqu’alors
une simple faculté offerte au président du tribunal, peu utilisée semble- t-il, en tout cas
pour les projets « ordinaires ». L’article L. 123-4 du Code de l’environnement prévoit en
effet que « le président du tribunal administratif ou le conseiller délégué par lui nomme (et
non peut nommer) un ou plusieurs suppléants au commissaire enquêteur ou aux membres
de la commission d'enquête ». L'objectif recherché est de disposer de quelqu’un
immédiatement disponible afin de remplacer, le cas échéant, le titulaire en cas de
défaillance (Code environnement – article R.123-5-3ème alinéa). À cette fin d’ailleurs, le
dossier d'enquête doit également être transmis - ce qui est nouveau par rapport au régime
antérieur - au(x) suppléant(s).
L'objectif est louable ; il améliorera sans doute la sécurité juridique des enquêtes, trop
souvent fragilisées par la défaillance d’un commissaire (maladie, absence à des réunions,
retard dans la 3
remise du rapport, incapacité révélée en cours d'enquête). L'alternative ne sera plus
seulement résumée à « prendre le risque » ou « tout recommencer » et comportera une
nouvelle branche: faire intervenir le suppléant...
On peut toutefois regretter que la mission du suppléant ne soit pas mieux précisée.
L'article R. 123-5 du Code de l'environnement rappelle en effet que «le suppléant
n'intervient pas dans la conduite de l'enquête ni pour l'élaboration du rapport et des
conclusions qui restent de la seule compétence du commissaire enquêteur ou des
membres de la commission titulaires». Une telle précision était presque superfétatoire. En
revanche, il eût été judicieux de préciser si le commissaire enquêteur suppléant peut
assister aux réunions préparatoires avec le responsable du projet ou aux visites sur les
lieux organisés par le commissaire enquêteur « titulaire » et, le cas échéant, de prévoir les
modalités de son indemnisation. Si le suppléant est associé en amont de la phase
d’enquête, il pourrait plus facilement intervenir, en aval, dans l’hypothèse où il serait
désigné pour rédiger le rapport et les conclusions motivées de l'enquête en lieu et place
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du commissaire enquêteur «titulaire», en raison de sa défaillance à remettre ces
documents dans le délai de trente jours qui lui était imparti.
14 - La responsabilité de l’Etat pour faute dans la désignation d’un commissaire
enquêteur incompétent
Le nouvel article R. 123-20 du Code de l'environnement prévoit un mécanisme original de
contrôle par le président du tribunal administratif d’une éventuelle insuffisance de
motivation des conclusions du commissaire enquêteur, soit d'office, soit à la demande de
l'autorité compétente pour organiser l'enquête, nous verrons cela dans la 3ème partie :
Après l’enquête. En cas de rejet, explicite ou implicite, et d’annulation contentieuse
ultérieure, en raison précisément d’une insuffisante motivation des conclusions du
commissaire enquêteur, la question de la responsabilité du président du tribunal
administratif - et donc de l’État - sera forcément posée.
Au reste, il ne faut pas exagérer les chances de succès d'une éventuelle action
indemnitaire. Car l'État, en défense, ne manquera pas de relever, en s'appuyant sur la
jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Lyon, (V2) que «si la commune, comme
l'État, n'ont pas la possibilité d'adresser des instructions au commissaire enquêteur au
cours de l'enquête ou lors du dépôt de son rapport, la commune peut, après réception des
conclusions du commissaire enquêteur qu'elle estimerait irrégulières, ne pas approuver le
document d'urbanisme, informer le préfet de la situation et solliciter la désignation d'un
autre commissaire pour une nouvelle enquête ». Peu réaliste, eu égard aux compétences
nécessaires pour analyser la régularité de conclusions de commissaire enquêteur, cette
solution constitue toutefois le droit positif.
15 - La composition du dossier soumis à enquête publique.
151 - Les éléments de base devant obligatoirement figurer au dossier d’enquête
La composition du dossier soumis à enquête publique est abordée aux articles L. 123-12
et R. 123-8 du Code de l’environnement.
Le mécanisme adopté est celui d'un « socle » minimal de pièces, reprenant assez
largement des exigences déjà formulées sous l’ancien régime des enquêtes, auquel
viennent s’adjoindre, en tant que de besoin, des documents propres aux réglementations
considérées.
Ainsi, selon l’article R.123-8 précité, doivent a minima figurer au dossier soumis à
l’enquête publique, les pièces suivantes:
1 - l'étude d'impact et son résumé non technique ou l’évaluation environnementale et
son résumé non technique.
2 - en l'absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementale, une note de
présentation;
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3 - la mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de
la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative relative au
projet, plan ou programme considéré, ainsi que la ou les décisions pouvant être
adoptées au terme de l’enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision
d'autorisation ou d'approbation;
4 - lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire
préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet de plan ou le
programme. Incidemment, on relèvera que seuls doivent être joints au dossier les
avis obligatoirement recueillis «préalablement» à l'ouverture de l’enquête;
5 - le bilan de la procédure de débat public organisée dans les conditions définies aux
articles L. 121-8 à L. 121-15 du Code de l’environnement ou de la concertation
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définie à l'article L. 121-16 du même code ou de toute autre procédure prévue par
les textes en vigueur;
6 - la mention d’ autres autorisations nécessaires
152 - Les éléments complémentaires exigés par d’autres législations
Le dossier d'enquête publique doit par ailleurs comporter les pièces et avis exigés par les
législations et réglementations applicables au projet soumis à enquête. Bien souvent, il
s'agit du dossier de demande présenté par le pétitionnaire en vue d'obtenir l'autorisation
qui a nécessité l'organisation de la procédure d'enquête publique.
Ainsi, par exemple, le dossier d'enquête publique doit-il être complété par le dossier de
demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de
l'environnement (ICPE), lorsque l’enquête publique concerne sa création. D’autres
éléments peuvent également être requis, selon les réglementations particulières, tels que,
par exemple, les avis des personnes publiques consultées dans le cadre de l’élaboration
d'un plan local d’urbanisme.
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Il conviendra donc de se reporter à chaque fois aux dispositions applicables au projet pour
s’assurer du contenu exact du dossier, dont la consistance pourra varier en fonction de la
réglementation.
153 - Le cas particulier de l'enquête unique
En cas d'enquête unique organisée conformément à l'article L. 123-6 du Code de
l'environnement, le dossier soumis à la procédure d’enquête doit comporter les pièces ou
éléments exigés au titre de chacune des enquêtes initialement requises. Mais pour plus de
clarté, il est désormais exigé de compléter le dossier par une note de présentation non
technique du projet. L'idée est de présenter dans un document unique le projet en
question. Le public pourra, après lecture de cette synthèse, approfondir telle question de
son choix en se reportant aux pièces « techniques », insérées dans chaque « sous-
dossier ».
16 - Le contrôle opéré par le juge sur le dossier mis à l’enquête
161 - En cas d'absence d'un document
En cas d’absence de l’un des documents devant figurer au dossier conformément à
l'article R. 123-8 du Code de l’environnement, la sanction est a priori radicale : la
procédure d'enquête publique est viciée et la décision adoptée à l'issue de la procédure
est annulée par voie de conséquence (V4). Au demeurant, dans certains cas, il a pu être
jugé que l’absence d'un document au dossier d’enquête n'était pas de nature à vicier la
procédure (V5). Si de telles solutions demeurent encore isolées, elles pourraient à l'avenir
prospérer, eu égard à l'assouplissement notable en matière de contrôle du juge sur les
enquêtes publiques et plus largement sur les formalités préalables à l'adoption d'une
décision.
La solution, sévère dans sa mise en œuvre actuelle, est cependant limitée aux pièces
requises par un texte législatif ou réglementaire. Lorsqu'un document n'est pas obligatoire,
son absence n'est pas susceptible d'affecter la régularité de la procédure d'enquête,
quand bien même il serait établi que ce document serait utile à la bonne information du
public.
162 - En cas d’insuffisance d'un document
Lors d'une enquête publique, il se peut aussi qu'un document requis pour l’enquête
publique ait bien été joint au dossier d’enquête publique, mais s'avère insuffisant ou peu
intelligible.
C’est ainsi qu’a été censurée une procédure dans laquelle le document destiné à
l'appréciation sommaire des dépenses avait informé le public de ce que le coût total du
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projet soumis à son examen était de 3 234 000 francs, alors qu’en réalité le projet pouvait
être estimé à un coût de 10 265 000 francs. De sorte que le document en question «ne
permettait pas de connaître le coût total du projet tel qu'il pouvait raisonnablement être
apprécié» au moment de l'enquête.
Mais en dehors des erreurs aussi grossières, la jurisprudence est plus nuancée.
Progressivement, le juge a accepté de mesurer l'incidence concrète qu’a pu avoir
l’insuffisance dénoncée par les requérants sur la qualité de l’information délivrée au public;
en d'autres termes, les lacunes invoquées par un requérant ont-elles été susceptibles de
«nuire à la bonne information du public»? La jurisprudence, d'inspiration commune avec
l’arrêt Danthony, est désormais bien fixée en ce sens et s’applique même en matière
d'étude d'impact, qui constitue désormais la pièce centrale du dossier. Le principe est que
«les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles
de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette
étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population
ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité
administrative » (V6).
17 - La question de la communication du dossier d’enquête aux tiers
171 - Règle générale
Aux termes de l’article L. 123-11 du Code de l'environnement, le dossier d'enquête
publique est désormais communicable à toute personne, à sa demande et à ses frais, et
non plus aux seules associations agréées. La différence par rapport à l’ancien régime est
donc de taille.
Plus encore, l'article R. 123-9 du Code de l’environnement précise qu’une telle demande
de communication est recevable à compter de la publication de l’arrêté d'ouverture de
l’enquête, qui lui-même intervient souvent un mois avant l’enquête elle-même.
Concrètement, cela signifie, au moins en théorie, qu'il sera possible de disposer du
dossier avant même l’ouverture de l’enquête.
Sont également communicables aux frais de la personne en faisant la demande, pendant
toute la durée de l’enquête, les observations émises par le public.
En termes de transparence, il s’agit bien évidemment d’une avancée importante. Au
demeurant, le nouveau principe posé n'est pas sans inconvénient. Les modalités de
communication du dossier ne sont en effet pas précisées dans le Code de
l'environnement. Ainsi, en l’absence de toute référence explicite à la loi de 1978 sur
l'accès aux documents administratifs, on peut s’interroger sur le délai dans lequel les
documents dont la communication est demandée doivent être transmis. Le délai de droit
commun d’un mois imparti à l'Administration est-il applicable ? Si tel est le cas, le dossier
sera souvent communiqué, en pratique, après l'achèvement de l'enquête. Au reste, il sera
parfois difficile pour certaines collectivités dépourvues de services de reprographie de
répondre dans un délai aussi bref, eu égard au volume habituel des dossiers d’enquête
publique.
On attend donc avec impatience les premières solutions jurisprudentielles précisant les
sanctions encourues par l'autorité responsable en cas de refus de faire droit à une telle
demande de communication. On pourrait concevoir que la solution jurisprudentielle soit
assez radicale. En son temps, la reconnaissance du droit à communication « général »,
issu de la loi de 1978, a été assez énergique : c’est à ce prix seulement que l’on peut faire
respecter la garantie de procédure accordée aux administrés...
Reste donc, au-delà de la première impression, toujours favorable à la transparence, à
s'interroger sur la portée pratique et même théorique de cette évolution. L'enquête n'est
plus seulement l'occasion d’une présentation un peu superficielle du projet au public, qui
ne pouvait, à vrai dire, s'en imprégner véritablement. Le contraste était souvent saisissant
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