Académie d’Orléans–Tours Université François-Rabelais FACULTE DE MEDECINE DE TOURS Année 2013 N° Thèse Pour le DOCTORAT EN MEDECINE Diplôme d’Etat Par STEHLE Pierre Né le 05 Jan 1982 à Boulogne Billancourt (92) Présentée et soutenue publiquement le 11 Oct. 2013 TROUBLES BIPOLAIRES CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT : CRITERIOLOGIE ET DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS JURY Président du Jury : Monsieur le Professeur GAILLARD Membres du Jury : Monsieur le Professeur CAMUS Monsieur le Professeur BONNOT Monsieur le Docteur ROUYER (Directeur de Thèse) Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels RESUME Les troubles bipolaires (TB) chez l’enfant et l’adolescent, dénommés troubles bipolaires à début précoce (TBDP) sont actuellement au cœur de nombreuses polémiques. Retracer l’historique (depuis 1990) des critères diagnostiques du TBDP des classifications internationales CIM et DSM, nous permet de comprendre les sources des débats présents. Ainsi, le tout nouveau DSM-V propose le « Disruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD) à partir des critères du « Severe Mood Dysregulation » (SMD), essentiellement en regard de l’irritabilité, possiblement sans rapport avec le TBDP. Mais cette proposition entraine de sévères polémiques, notamment en regard de son imprécision, de possibles conflits d’intérêts et excluant encore le TBDP de toute reconnaissance officielle. Cliniquement, le TBDP peut émerger dès l’âge préscolaire. Il reste très polymorphe entre état maniaque et état mixte. Il faut noter la rapidité des cycles, parfois quotidiens (« ultradians cycles »), la forte composante familiale, la fréquence des productions délirantes, le peu de retour ad integrum entre les phases, et bien-sûr la sévérité du pronostic. De plus, les diagnostics différentiels posent de grosses difficultés. Les intrications entre le TBDP et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) semblent nombreuses, surtout sur la dimension de l’agitation, des cooccurrences familiales, et des possibles supports neuropsychiatriques. Enfin, il semble que les manifestations dépressives du TBDP, restent insuffisamment explorées, alors qu’elles pourraient avoir des corrélats avec les phases prodromiques des schizophrénies (SCZ), surtout en rapport avec les déficits cognitifs ou la désorganisation. MOTS CLES TROUBLE BIPOLAIRE ; ENFANT ; ADOLESCENT ; DEBUT PRECOCE ; HISTOIRE ; CRITERIOLOGIE ; SMD ; DMDD ; TDAH ; HYPERACTIVITE ; SCHIZOPHRENIE Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 2/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels BIPOLAR DISORDER IN CHILDREN AND ADOLESCENT : CRITERIOLOGY AND DIFFERENTIAL DIAGNOSIS ABSTRACT Bipolar disorder (BD) in children and adolescents referred to as early-onset bipolar disorder (EOBD) are currently at the heart of controversy. Tracing the history (since 1990) of the diagnostic criteria throughout the international classifications ICD and DSM, allows us to understand the sources of the present discussion. Thus, the new DSM-V offers the "Disruptive Mood Dysregulation Disorder" (DMDD) based on the criteria of "Severe Mood Dysregulation" (SMD), mainly in relation to irritability, possibly unrelated EOBD. This proposal leads to severe controversies, particularly with regard to its imprecision, possible conflicts of interest and even excluding EOBD any official recognition. Clinically, TBDP can emerge at preschool. It is highly polymorphic between mania and mixed state. Note rapid cycles, sometimes daily ("ultradians cycles"), the strong familial component, the frequency of psychotic productions, the little return ad integrum between phases, and of course the severity of the prognosis. In addition, differential diagnoses pose great difficulties. The entanglement between EOBD attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) appear to many, especially on the size of the agitation, family co-occurrences and possible neuropsychiatric media. Finally, it appears that depressive manifestations of the child and adolescent BD remain insufficiently explored, although they may have correlates with the prodromal phase of schizophrenia (SCZ), especially in relation to cognitive deficits and disorganization. KEY-WORDS BIPOLAR DISORDER ; CHILDREN ; ADOLESCENTS ; EARLY-ONSET , HISTORY ; CRITERIOLOGY ; SMD ; DMDD ; ADHD ; HYPERACTIVITY ; SCHIZOPHRENIA Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 3/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels LISTE DES PROFESSEURS DE LA FACULTE DE MEDECINE UNIVERSITE FRANCOIS RABELAIS FACULTE DE MEDECINE DE TOURS DOYEN Professeur Dominique PERROTIN VICE-DOYEN Professeur Daniel ALISON ASSESSEURS Professeur Christian ANDRES, Recherche Professeur Christian BINET, Formation Médicale Continue Professeur Laurent BRUNEREAU, Pédagogie Professeur Patrice DIOT, Recherche clinique SECRETAIRE GENERALE Madame Fanny BOBLETER ******** DOYENS HONORAIRES Professeur Emile ARON (†) – 1962-1966 Directeur de l’Ecole de Médecine - 1947-1962 Professeur Georges DESBUQUOIS (†)- 1966-1972 Professeur André GOUAZÉ - 1972-1994 Professeur Jean-Claude ROLLAND – 1994-2004 PROFESSEURS EMERITES Professeur Alain AUTRET Professeur Jean-Claude BESNARD Professeur Patrick CHOUTET Professeur Guy GINIES Professeur Olivier LE FLOCH Professeur Chantal MAURAGE Professeur Léandre POURCELOT Professeur Michel ROBERT Professeur Jean-Claude ROLLAND Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 4/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels PROFESSEURS HONORAIRES MM. Ph. ANTHONIOZ - A. AUDURIER – Ph. BAGROS - G. BALLON – P.BARDOS - J. BARSOTTI A. BENATRE - Ch. BERGER –J. BRIZON - Mme M. BROCHIER - Ph. BURDIN - L. CASTELLANI J.P. FAUCHIER - B. GRENIER – M. JAN –P. JOBARD - J.-P. LAMAGNERE - F. LAMISSE – J. LANSAC J. LAUGIER - G. LELORD - G. LEROY - Y. LHUINTRE - M. MAILLET - Mlle C. MERCIER E/H. METMAN J. MOLINE - Cl. MORAINE - H. MOURAY - J.P. MUH - J. MURAT - Mme T. PLANIOL - Ph. RAYNAUD Ch. ROSSAZZA - Ph. ROULEAU - A. SAINDELLE - J.J. SANTINI - D. SAUVAGE - M.J. THARANNE J. THOUVENOT - B. TOUMIEUX - J. WEILL. PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS MM. Mme MM. Mme MM. ALISON Daniel Radiologie et Imagerie médicale ANDRES Christian Biochimie et Biologie moléculaire ANGOULVANT Denis Cardiologie ARBEILLE Philippe Biophysique et Médecine nucléaire AUPART Michel Chirurgie thoracique et cardiovasculaire BABUTY Dominique Cardiologie BARILLOT Isabelle Cancérologie ; Radiothérapie BARON Christophe Immunologie BAULIEU Jean-Louis Biophysique et Médecine nucléaire BERNARD Louis Maladies infectieuses ; maladies tropicales BEUTTER Patrice Oto-Rhino-Laryngologie BINET Christian Hématologie ; Transfusion BODY Gilles Gynécologie et Obstétrique BONNARD Christian Chirurgie infantile BONNET Pierre Physiologie BONNET-BRILHAULT Frédérique Physiologie BOUGNOUX Philippe Cancérologie ; Radiothérapie BRILHAULT Jean Chirurgie orthopédique et traumatologique BRUNEREAU Laurent Radiologie et Imagerie médicale BRUYERE Franck Urologie BUCHLER Matthias Néphrologie CALAIS Gilles Cancérologie ; Radiothérapie CAMUS Vincent Psychiatrie d’adultes CHANDENIER Jacques Parasitologie et Mycologie CHANTEPIE Alain Pédiatrie COLOMBAT Philippe Hématologie ; Transfusion CONSTANS Thierry Médecine interne ; Gériatrie et Biologie du vieillissement CORCIA Philippe Neurologie COSNAY Pierre Cardiologie COTTIER Jean-Philippe Radiologie et Imagerie médicale COUET Charles Nutrition DANQUECHIN DORVAL Etienne Gastroentérologie ; Hépatologie DE LA LANDE DE CALAN Loïc Chirurgie digestive DE TOFFOL Bertrand Neurologie DEQUIN Pierre-François Thérapeutique ; médecine d’urgence DESTRIEUX Christophe Anatomie DIOT Patrice Pneumologie DU BOUEXIC de PINIEUX Gonzague Anatomie & Cytologie pathologiques Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 5/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels DUMONT Pascal Chirurgie thoracique et cardiovasculaire FAUCHIER Laurent Cardiologie FAVARD Luc Chirurgie orthopédique et traumatologique FOUQUET Bernard Médecine physique et de Réadaptation FRANCOIS Patrick Neurochirurgie FUSCIARDI Jacques Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence GAILLARD Philippe Psychiatrie d'Adultes GOGA Dominique Chirurgie maxillo-faciale et Stomatologie GOUDEAU Alain Bactériologie -Virologie ; Hygiène hospitalière GOUPILLE Philippe Rhumatologie GRUEL Yves Hématologie ; Transfusion GUILMOT Jean-Louis Chirurgie vasculaire ; Médecine vasculaire GUYETANT Serge Anatomie et Cytologie pathologiques HAILLOT Olivier Urologie HALIMI Jean-Michel Thérapeutique ; médecine d’urgence (Néphrologie et Immunologie clinique) Mme MM. MM. Mme MM. Mme MM. HERAULT Olivier Hématologie ; transfusion HERBRETEAU Denis Radiologie et Imagerie médicale HOMMET Caroline Médecine interne, Gériatrie et Biologie du vieillissement HUTEN Noël Chirurgie générale LABARTHE François Pédiatrie LAFFON Marc Anesthésiologie et Réanimation chirurgicale ; médecine d’urgence LARDY Hubert Chirurgie infantile LASFARGUES Gérard Médecine et Santé au Travail LEBRANCHU Yvon Immunologie LECOMTE Thierry Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie LEMARIE Etienne Pneumologie LESCANNE Emmanuel Oto-Rhino-Laryngologie LINASSIER Claude Cancérologie ; Radiothérapie LORETTE Gérard Dermato-Vénéréologie MACHET Laurent Dermato-Vénéréologie MAILLOT François Médecine Interne MARCHAND Michel Chirurgie thoracique et cardiovasculaire MARCHAND-ADAM Sylvain Pneumologie MARRET Henri Gynécologie et Obstétrique MEREGHETTI Laurent Bactériologie-Virologie ; Hygiène hospitalière MORINIERE Sylvain O.R.L. MULLEMAN Denis Rhumatologie PAGES Jean-Christophe Biochimie et biologie moléculaire PAINTAUD Gilles Pharmacologie fondamentale, Pharmacologie clinique PATAT Frédéric Biophysique et Médecine nucléaire PERROTIN Dominique Réanimation médicale ; médecine d’urgence PERROTIN Franck Gynécologie et Obstétrique PISELLA Pierre-Jean Ophtalmologie QUENTIN Roland Bactériologie-Virologie ; Hygiène hospitalière ROBIER Alain Oto-Rhino-Laryngologie ROINGEARD Philippe Biologie cellulaire ROSSET Philippe Chirurgie orthopédique et traumatologique ROYERE Dominique Biologie et Médecine du développement et de la Reproduction RUSCH Emmanuel Epidémiologie, Economie de la Santé et Prévention SALAME Ephrem Chirurgie digestive SALIBA Elie Biologie et Médecine du développement et de la Reproduction SANTIAGO-RIBEIRO Maria Biophysique et Médecine Nucléaire SIRINELLI Dominique Radiologie et Imagerie médicale THOMAS-CASTELNAU Pierre Pédiatrie TOUTAIN Annick Génétique VAILLANT Loïc Dermato-Vénéréologie VELUT Stéphane Anatomie WATIER Hervé Immunologie. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 6/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels PROFESSEUR DES UNIVERSITES DE MEDECINE GENERALE Mme LEHR-DRYLEWICZ Anne-Marie Médecine Générale PROFESSEURS ASSOCIES MM. HUAS Dominique Médecine Générale LEBEAU Jean-Pierre Médecine Générale MALLET Donatien Soins palliatifs POTIER Alain Médecine Générale MAITRES DE CONFERENCES DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS Mmes M. Mme M Mmes M. Mmes M. Mme MM. M. M. Mmes MM. Mme M. Mme M. ANGOULVANT Theodora Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique : addictologie BAULIEU Françoise Biophysique et Médecine nucléaire BERTRAND Philippe Biostatistiques, Informatique médicale et Technologies de Communication BLANCHARD Emmanuelle Biologie cellulaire BLASCO Hélène Biochimie et biologie moléculaire BOISSINOT Eric Physiologie CORTESE Samuele Pédopsychiatrie DESOUBEAUX Guillaume Parasitologie et mycologie DUFOUR Diane Biophysique et Médecine nucléaire EDER Véronique Biophysique et Médecine nucléaire EHRMAN Stephan Réanimation médicale FOUQUET-BERGEMER Anne-Marie Anatomie et Cytologie pathologiques GAUDY-GRAFFIN Catherine Bactériologie - Virologie ; Hygiène hospitalière GIRAUDEAU Bruno Biostatistiques, Informatique médicale et Technologies de Communication GOUILLEUX Valérie Immunologie GUERIF Fabrice Biologie et Médecine du développement et de la reproduction GYAN Emmanuel Hématologie, transfusion HOARAU Cyrille Immunologie HOURIOUX Christophe Biologie cellulaire LARTIGUE Marie-Frédérique Bactériologie-Virologie ; Hygiène hospitalière LE GUELLEC Chantal Pharmacologie fondamentale ; Pharmacologie clinique MACHET Marie-Christine Anatomie et Cytologie pathologiques MARUANI Annabel Dermatologie PIVER Eric Biochimie et biologie moléculaire ROUMY Jérôme Biophysique et médecine nucléaire in vitro SAINT-MARTIN Pauline Médecine légale et Droit de la santé TERNANT David Pharmacologie – toxicologie VALENTIN-DOMELIER Anne-Sophie Bactériologie – virologie ; hygiène hospitalière VOURC’H Patrick Biochimie et Biologie moléculaire MAITRES DE CONFERENCES Mmes M. Mme M. BOIRON Michèle Sciences du Médicament ESNARD Annick Biologie cellulaire LEMOINE Maël Philosophie MONJAUZE Cécile Sciences du langage - Orthophonie PATIENT Romuald Biologie cellulaire Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 7/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels MAITRE DE CONFERENCES ASSOCIE Mmes M. HUAS Caroline Médecine Générale RENOUX-JACQUET Cécile Médecine Générale ROBERT Jean Médecine Générale CHERCHEURS C.N.R.S. – INSERM MM. Mmes MM. BIGOT Yves Directeur de Recherche CNRS – UMR CNRS 6239 BOUAKAZ Ayache Chargé de Recherche INSERM – UMR CNRS-INSERM 930 BRUNEAU Nicole Chargée de Recherche INSERM – UMR CNRS-INSERM 930 CHALON Sylvie Directeur de Recherche INSERM – UMR CNRS-INSERM 930 COURTY Yves Chargé de Recherche CNRS – U 618 GAUDRAY Patrick Directeur de Recherche CNRS – UMR CNRS 6239 GOUILLEUX Fabrice Directeur de Recherche CNRS – UMR CNRS 6239 Mmes GOMOT Marie MM. Mmes Chargée de Recherche INSERM – UMR CNRS-INSERM 930 HEUZE-VOURCH Nathalie Chargée de Recherche INSERM – U 618 LAUMONNIER Frédéric Chargé de Recherche INSERM - UMR CNRS-INSERM 930 LE PAPE Alain Directeur de Recherche CNRS – U 618 MARTINEAU Joëlle Chargée de Recherche INSERM – UMR CNRS-INSERM 930 POULIN Ghislaine Chargée de Recherche CNRS – UMR CNRS-INSERM 930 CHARGES D’ENSEIGNEMENT Pour l’Ecole d’Orthophonie Mme DELORE Claire Orthophoniste MM. GOUIN Jean-Marie Praticien Hospitalier MONDON Karl Praticien Hospitalier Mme PERRIER Danièle Orthophoniste Pour l’Ecole d’Orthoptie Mme LALA Emmanuelle M. MAJZOUB Samuel Praticien Hospitalier Praticien Hospitalier Pour l’Ethique Médicale Mme BIRMELE Béatrice Praticien Hospitalier Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 8/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels SERMENT D’HIPPOCRATE En présence des Maîtres de cette Faculté, de mes chers condisciples et selon la tradition d’Hippocrate, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l’exercice de la Médecine. Je donnerai mes soins gratuits à l’indigent, et n’exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail. Admis dans l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime. Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l’instruction que j’ai reçue de leurs pères. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 9/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels REMERCIEMENTS La rédaction d’une thèse doctorale en médecine est un travail important qui articule la transition d’une époque vers une autre. Ce n’est pas que le travail d’une personne isolée, c’est en réalité le fruit d’une formation de qualité, et d’encouragements répétés. Je tiens à remercier particulièrement : Le Professeur GAILLARD, dont l’enseignement et les conseils personnels m’ont permis d’appréhender les nombreuses notions de la psychiatrie passée, présente et future. Le Professeur CAMUS, dont l’enseignement universitaire et les supervisions personnelles m’ont permis de traiter au mieux les patients, et d’affiner ma clinique. Le Professeur BONNOT, pour les encouragements prodigués pour la rédaction de la thèse. Le Docteur ROUYER, pour le soutient personnel, les conseils rédactionnels et la maîtrise de cette thèse. Mes parents, pour les encouragements à chaque étape de ma vie. Mon épouse, pour sa patience et sa compréhension. Mes amis, pour leur gentillesse. Les patients, source de toute vocation, pour leur confiance. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 10/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels TABLE DES MATIERES TROUBLES BIPOLAIRES CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT : CRITERIOLOGIE ET DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS .... 1 RESUME ................................................................................................................................................................... 2 MOTS CLES .............................................................................................................................................................. 2 BIPOLAR DISORDER IN CHILDREN AND ADOLESCENT : CRITERIOLOGY AND DIFFERENTIAL DIAGNOSIS ................ 3 ABSTRACT ................................................................................................................................................................ 3 KEY-WORDS ............................................................................................................................................................. 3 LISTE DES PROFESSEURS DE LA FACULTE DE MEDECINE......................................................................................... 4 SERMENT D’HIPPOCRATE ........................................................................................................................................ 9 REMERCIEMENTS .................................................................................................................................................. 10 TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................................ 11 INTRODUCTION ..................................................................................................................................................... 15 CORRESPONDANCES DES TERMES ET ABREVIATIONS .......................................................................................... 17 1 PREMIERE PARTIE : CRITERIOLOGIE ............................................................................................................. 18 1.1 Historique du concept .............................................................................................................................. 18 1.1.1 Origines ................................................................................................................................................ 18 1.1.2 1987 : DSM-III-R ................................................................................................................................... 19 1.1.3 1992 : CIM-10 ...................................................................................................................................... 20 1.1.4 1992 : Troisième édition de la classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent....................................................................................................................................................... 23 1.1.5 Les années 90 : « The Broad Phenotype » (BrP), « The Narrow Phenotype » (NaP) and « The Intermediate Phenotype » (InP) ....................................................................................................................... 25 1.1.6 1994 : DSM-IV et 2000 : DSM-IV-R ...................................................................................................... 26 1.1.7 Les années 2000, premières polémiques ............................................................................................ 29 1.1.8 Catégorie « indifférenciée » ................................................................................................................ 30 1.1.9 2003 : Identification du « Severe Mood Dysregulation » .................................................................... 31 1.1.10 2013 : Inclusion du « Disruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD) dans le DSM-V ............ 32 1.1.11 2013 : Etat des lieux ........................................................................................................................ 37 1.2 Discussion : facteurs non-médicaux influençant les critériologies .......................................................... 39 1.2.1 Système de soin américain .................................................................................................................. 40 1.2.2 Eclatement nosologique, conflits d’intérêts et « disease mongering » ............................................... 41 1.3 Résumé historique et avis personnel ....................................................................................................... 45 1.3.1 Tableau historique (Tableau 1) ............................................................................................................ 45 1.3.2 Avis personnel ..................................................................................................................................... 47 2 DEUXIEME PARTIE : SYNTHESE DES CONNAISSANCES CLINIQUES ET THEORIQUES .................................... 52 2.1 Prévalence ................................................................................................................................................ 52 2.2 Facteurs de risques .................................................................................................................................. 52 2.2.1 Aspects familiaux et génétiques .......................................................................................................... 52 2.2.2 Prédispositions cliniques ..................................................................................................................... 55 2.2.3 Facteurs neuro-anatomiques, neuro-fonctionnels et neuro-physiologiques ...................................... 56 2.3 Spécificités cliniques ................................................................................................................................ 57 2.3.1 Tableau usuel de TBDP ........................................................................................................................ 57 Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 11/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 2.3.2 L’irritabilité, signe clinique de TBDP ? ................................................................................................. 58 2.4 Spécificités évolutives .............................................................................................................................. 58 2.5 Réponses aux traitements ....................................................................................................................... 60 2.5.1 Prise en charge des états aigus ............................................................................................................ 60 2.5.2 Traitements à long terme, prophylaxie ............................................................................................... 65 2.5.3 Iatrogénie ............................................................................................................................................ 67 2.6 Principaux « guidelines » retrouvés. ........................................................................................................ 70 2.6.1 Guide HAS « ald 23 Troubles bipolaires ». Mai 2009 (275) ................................................................. 70 2.6.2 Guide de l’ « American Psychiatric Association (APA) » « Treating bipolar disorder : quick reference guide » (276) ..................................................................................................................................................... 70 2.6.3 Guide AACAP « Practice Parameter for the Assessment and Treatment of Children and Adolescents With Bipolar Disorder » 2007 (53) .................................................................................................................... 71 2.7 3 Conclusion ................................................................................................................................................ 75 TROISIEME PARTIE : DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS ET COMORBIDITES ....................................................... 76 3.1 Trouble : déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) .............................................................................. 76 3.1.1 Approche clinique : Première hypothèse : les symptômes du TBDP chevauchent ceux du TDAH. ..... 76 3.1.2 Etudes de suivi : Deuxième hypothèse, le TDAH pourrait être une manifestation prodromique d’un TBDP. (Figure 7) ................................................................................................................................................ 78 3.1.3 Iatrogénie : Troisième hypothèse, un TDAH associé à d’autres facteurs (iatrogéniques), favorise l’évolution vers un TB (Figure 8). ...................................................................................................................... 81 3.1.4 Epidémiologie, génétique, neurophysiologie : Quatrième hypothèse, TDAH et le TBDP partagent des facteurs communs du registre biologique, par exemple familiaux, génétiques ou neuro-physiologique. ...... 81 3.1.5 Conclusion du différentiel entre TBDP et TDAH .................................................................................. 84 3.2 Schizophrénie débutante ......................................................................................................................... 85 3.2.1 Clinique du premier épisode. .............................................................................................................. 85 3.2.2 Profil évolutif, phase prodromique ..................................................................................................... 88 3.2.3 Mise en place du traitement, Notion de durée de psychose non traitée............................................ 93 3.2.4 Epidémiologie, prédispositions génétiques, âges de début ................................................................ 94 3.2.5 La désorganisation, une nouvelle dimension ? ................................................................................... 95 3.2.6 Conclusion du différentiel entre SCZ et TBDP ..................................................................................... 96 3.3 Présentation de cas clinique .................................................................................................................... 98 3.3.1 Cas typique de TBDP : Valentin, né le 27/12/93 .................................................................................. 98 3.3.2 Signes délirants sous méthylphénidate : Kevin, né le 03/03/2005 ................................................... 104 4 5 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................................................ 108 FIGURES ...................................................................................................................................................... 111 5.1 Figure 1 : Nombre de publications par année et par sujet .................................................................... 111 5.2 Figure 2 :Présentation graphique pour une évaluation dimensionnelle ; proposition personnelle. ..... 111 5.3 Figure 3 : Questions non-résolues actuellement concernant l’évolution des troubles présentés. ....... 112 5.4 Figure 4 : Algorithme de prise en charge de l’état maniaque chez un individu de 6 à 17 ans. (Selon KOWATCH et al. 2005) ........................................................................................................................................ 112 Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 12/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.5 Figure 5 : Catégorisation des symptômes entre TDAH et TBDP selon L. KENT (181) ............................. 113 5.6 Figure 6 : Questions non-résolues entre les formes de TDAH et les phases de TBDP ........................... 113 5.7 Figure 7 : Le TDAH pourrait être prodromique du TBDP ....................................................................... 114 5.8 Figure 8 : Des facteurs externes (iatrogéniques) induisent-ils une évolution du TDAH vers un TBDP ? Ou l’amélioreraient-ils ? ........................................................................................................................................... 114 5.9 Figure 9 : Le TDAH est-il un sous-groupe de TBDP ? .............................................................................. 115 5.10 Figure 10 : Comparaison des profils évolutifs entre TBDP et SCZ ; questionnements proposés ........... 116 ANNEXE : COMMUNIQUE APA/DSM-V AU SUJET DU DMDD .............................................................................. 117 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................... 119 PAGE SIGNATURE ................................................................................................................................................ 144 DEPOT DE THESE Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 13/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels ............................................................................................................................................................................ 145 ............................................................................................................................................................................ 146 Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 14/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels INTRODUCTION Les troubles de l’humeur, dont le chef de file est le trouble bipolaire (TB), représentent une partie considérable des motifs de consultation en psychiatrie. Alors qu’ils semblent avoir déjà été identifiés dès l’antiquité, la question des troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent semble être une interrogation bien plus récente. De même, bien que le TB soit assez identifiable chez l’adulte, le TB reste parmi les pathologies psychiatriques les plus tardivement diagnostiquées chez l’enfant. Notre de travail de thèse propose de de faire une synthèse des connaissances sur le trouble bipolaire en pédopsychiatrie. Ce que l’on nomme trouble bipolaire à début précoce (TBDP). Il est définit par les critères usuels de bipolarité avant l’âge de 18 ans pour les adolescents, et avant l’âge de 12 ans (voire 10 pour certains auteurs) pour les enfants. Cette difficulté diagnostique réside possiblement dans le fait que le TBDP n’est pas encore reconnu comme catégorie en soi, dans les classifications internationales (CIM-10 et DSM-V). En première partie de la thèse, nous proposons de reprendre l’histoire du TBDP au travers d’une discussion critériologique. Depuis ses premières descriptions jusqu’à nos jours, la lecture longitudinale des grandes classifications nous rappellera les différents contextes scientifiques, et donnera des éléments de compréhension pour expliquer les discussions actuelles. Nous nous attarderons sur les débats médicaux, sociaux, voire éthiques, que ce diagnostic a suscités et suscite encore. Nous y verrons que certaines hypothèses scientifiques telles que le « Severe Mood Disorder » (SMD) sont à la source de nouvelles pistes d’investigation. Mais il arrive parfois que les bonnes initiatives soient partiellement détournées en engendrant d’autres propositions très polémiques. Ainsi, le « Dysruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD) nouvellement inséré dans le DSM-V, est fortement remis en cause. Notamment en regard de son imprécision, de possibles conflits d’intérêts et faisant encore poursuivre l’exclusion du TBDP de toute reconnaissance officielle Après cette discussion, nous proposerons une revue de la littérature récente au sujet du TBDP afin d’obtenir la synthèse la plus complète, à l’usage de la clinique. Nous présenterons les données épidémiologiques, étiologiques, cliniques et génétiques connues en 2013. Nous complèterons ce tableau par les données connues sur les traitements ainsi que les recommandations actuelles en termes de prise en charge. En troisième partie de la thèse, nous ouvrirons la discussion au sujet des intrications éventuelles entre le TBDP et les diagnostics différentiels possibles. Les manifestations aigues du registre maniaque suscitent de nombreuses interrogations concernant le voisinage avec le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). De même, la présence accentuée de manifestations délirantes dans le cadre du TBDP nous fera discuter le voisinage avec une schizophrénie (SCZ). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 15/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels En revanche, nous remarquerons qu’il existe un manque patent d’études concernant les présentations dépressives du TBDP. Il s’agit encore d’une zone d’ombre notable dans ce syndrome. Pourtant, nous nous permettrons de discuter les analogies entre la phase prodromique de la SCZ (que nous assimilons à une schizophrénie à début précoce (SDP)), et les manifestations dépressives d’un TBDP. Enfin, nous illustrerons notre travail de vignettes cliniques rencontrées dans notre pratique pédopsychiatrique. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 16/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels CORRESPONDANCES DES TERMES ET ABREVIATIONS Pour la suite de notre travail, nous avons usé des sigles suivants. En français ou en anglais. Association académique américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent American Academic Association of Child and Adolescent Psychiatry (AACAP) Association américaine de psychiatrie American Psychiatric Association (APA) Durée de psychose non traitée Duration of Untreated Psychosis (DUP) Dysrégulation sévère de l’humeur Severe Mood Dysregulation (SMD) Électroconvulsivothérapie (ECT) Episode dépressif majeur (EDM) Schizophrénie à début précoce (SDP) Schizophrénie (SCZ) Trouble bipolaire non-spécifié (TB-NS) Bipolar Disorder Non-Specific (BD-NOS) Trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) Trouble disruptif de la régulation de l’humeur Disruptive Mood Dysregulation Disorder (DMDD) Trouble oppositionnel avec provocation (TOP) Troubles bipolaires Opposition Defiant Disorder (ODD) (TB) Bipolar Disorder (BD) Troubles bipolaires à début précoce (TBDP) Early-onset Bipolar Disorder (EOBD) Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 17/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 1 PREMIERE PARTIE : CRITERIOLOGIE 1.1 Historique du concept 1.1.1 Origines Les troubles de l’humeur sont connus depuis l’antiquité. Ce n’est qu’en 1854 que J.-P. FALRET décrit une maladie qu’il dénomme « Folie circulaire », caractérisée par la reproduction successive et régulière de l’état maniaque, de l’état mélancolique et d’un intervalle lucide plus ou moins prolongé (1). BAILLARGER décrit presque en même temps la « Folie à double forme », caractérisée par la succession de deux périodes, l’une d’excitation, l’autre de dépression. A partir de 1899, en Allemagne, KRAEPELIN s’attelle à l’analyse minutieuse de l’affection dont le nom devient « la psychose périodique ». Il se penche plus spécifiquement sur les états de transition et des intrications entre les crises maniaques et les crises mélancoliques. Kraepelin réalise un volumineux travail de recensement des psychoses dites « intermittentes, circulaires, périodiques, à double forme, alternes, mixtes » et les regroupe dans le cadre d’une « folie maniaco-dépressive », qu’il considéra comme endogène. En 1921, KRAEPELIN conclue ses observations en considérant que ce trouble était rare chez l’enfant et que sa prévalence augmente significativement après l’adolescence (2). Bien que quelques chercheurs notent l’existence de psychose maniaco-dépressive chez les enfants (3) (4) (5). L’existence du trouble chez l’enfant fut longtemps et âprement discutée. Avant les années 1990, les signes cliniques relatifs à une variabilité thymique chez ces derniers, étaient usuellement rattachés à un trouble schizo-affectif débutant, comme on peut le voir dans le manuel de psychiatrie d’Henri EY, Paul BERNARD et Charles BRISSET, pourtant révisé en 1989 (1). Les années 90 représentent une période charnière pour ce trouble, qui devient un nouveau centre d’intérêt en psychiatrie. Quelques articles préalables à cette époque ouvrent la réflexion en suggérant qu’un certain nombre d’enfants qu’on diagnostiquait comme schizophrènes étaient en fait atteints de maladie maniaco-dépressive (6) (7). En 1994, CARLSON et al. publient un article en estimant que 50% des diagnostics seraient erronés. Mettant ainsi en lumière le manque de donnée pour partager les deux troubles (8). Ainsi, les années 90 voient croître le nombre d’articles sur le sujet. A titre d’exemple, nous avons entré les termes « Bipolar Disorder in Children and Adolescents » et « Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) » dans la base « PUBMED ». Puis nous avons réalisé la courbe par année du nombre de publications traitant de ces termes (voir Figure 1). Cette courbe illustre parfaitement que l’intérêt croît à partir de 19901. Au total, il y a environ 2200 articles sur le TBDP, alors que le TDAH est le sujet d’environ 22000 articles. 1 (Précisons que le site « PUBMED » associe systématiquement les anciennes nomenclatures aux nouvelles. Ainsi, le terme ancien « manic-depressive illness » sera systématiquement considéré comme « bipolar disorders ». A titre de comparaison, nous avons réalisé la même pour l’ADHD, ses résultats sont systématiquement dix fois plus nombreux. Précisons aussi que le site « PUBMED » a été créé en 1994, il se peut que des études préalables n’aient pas toutes été intégrées à la base de donnée, et qu’il a fallu un certain temps avant d’inclure les articles de manière systématique.) Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 18/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Dans les chiffres, il n’y eut que 189 articles sur le sujet entre 1960 et 1969 alors qu’on en recense 1733 entre 2000 et 2007. Il n’est pas possible d’expliquer l’origine de l’intérêt nouvellement porté sur le sujet à la fin du XXe siècle, mais nous pouvons nous contenter de reprendre quelques événements clefs. Il est fort intéressant de relire les différentes classifications internationales de psychiatrie de manière chronologique pour y retracer l’histoire du concept. Avant de le faire, il est utile de rappeler les buts des classifications et les exigences scientifiques qu’on doit en attendre. Une classification a plusieurs vocations. La première est d’établir des normes, des critères diagnostiques afin d’uniformiser les études pour la recherche. Un certain nombre d’auteurs tels que SPITZER ou BERNER, rappellent que théoriquement, elle n’a pas pour but de servir de manuel d’enseignement ou pour la clinique. CARPENTER va préciser que « de tels outils ne peuvent se substituer au jugement du praticien dans la prise en charge des patients. » (9). Pourtant, les classifications sont très régulièrement utilisées en pratique. Elles permettent ainsi de distinguer un diagnostic psychiatrique d’un autre, afin que les cliniciens proposent le traitement le plus efficace. Et particulièrement dans les cas difficiles. Leur dernière fonction est d’harmoniser le langage entre les professionnels de santé. Reprenons les dernières classifications à partir des années 1990. 1.1.2 1987 : DSM-III-R Le manuel nord-américain « diagnostic et statistique des troubles mentaux », troisième édition révisée (DSM-III-R) (10) présente une catégorie spécifique pour la pédopsychiatrie. Il s’agit des « Troubles apparaissant habituellement durant la première et la deuxième enfance, ou à l’adolescence ». On y retrouve : les troubles du développement, les comportements perturbateurs, les troubles anxieux de l’enfance et de l’adolescence, les troubles de l’alimentation, les troubles de l’identité sexuelle, les tics, les troubles de conduites excrémentielles, les troubles de la parole non classés ailleurs, Et enfin, les autres troubles de de la première et de la deuxième enfance ou de Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 19/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels l’adolescence. (dont le « Trouble déficitaire de l’attention, indifférencié ») Nous pouvons remarquer que le DSM-III-R ne contient aucune catégorie spécifique de trouble de l’humeur pour l’enfant ou l’adolescent, l’excluant ipso facto de la pédopsychiatrie. Lorsqu’on se penche sur le chapitre « Troubles thymiques », il contient les descriptions des épisodes maniaques, hypomaniaques, dépressifs majeurs, des troubles bipolaires et des troubles dépressifs (récurrents). Dans l’absolu, aucun critère d’âge n’est signalé. Cependant, à la lecture des précisions, il est noté : Pour l’épisode maniaque et hypomaniaque : « L’âge moyen de survenue se situe entre 20 et 25 ans. » Pour l’épisode dépressif majeur : « L’âge moyen de début survient peu avant l’âge de trente ans mais un épisode dépressif majeur peut commencer à tout âge, même dans les premières années de la vie. » Pour les troubles bipolaires : «L’épisode initial qui conduit à l’hospitalisation est habituellement de type maniaque ». Ce qui sous-tend un âge de survenue entre 20 et 25 ans. Une précision intéressante est portée pour la cyclothymie, sous-catégorie du trouble bipolaire. La durée minimum nécessaire à la pose du diagnostic passe de deux ans pour les adultes à un an pour les enfants et les adolescents : « La caractéristique essentielle est un trouble chronique de l’humeur durant au moins depuis 2 ans ( 1 an pour les enfants et les adolescents). ». Il est précisé en plus que le trouble commence plus tôt, dès l’adolescence ou chez de jeunes adultes. Pour la dépression récurrente, l’âge de survenue n’est pas précisé. On peut supposer qu’il se calque sur celui de l’épisode dépressif majeur. Par contre, pour la dysthymie (ou névrose dépressive), il existe une diminution de la durée nécessaire à la pose du diagnostic, à l’instar de la cyclothymie : « La caractéristique essentielle de cette perturbation consiste en un trouble chronique de l’humeur à type d’humeur dépressive (ou chez l’enfant ou l’adolescent éventuellement à type d’humeur irritable) présente pratiquement toute la journée, la majeure partie du temps, pendant au moins 2 ans (1 an pour les enfants et les adolescents). » En résumé, il semble que pour le DSM-III-R, le trouble bipolaire n’a pas sa place en pédopsychiatrie. Cependant, par des moyens détournés, il y a une reconnaissance possible de l’existence de trouble de l’humeur chez les enfants sous d’autres appellations, c’est-à-dire sous la cyclothymie et la dysthymie. 1.1.3 1992 : CIM-10 La classification internationale des troubles mentaux et du comportement (CIM-10) (11) nous propose quelques différences par rapport au DSM-III-R. Si l’on se penche sur les troubles spécifiques de pédopsychiatrie, à savoir les items F90 à F98 : « Troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement durant l’enfance et l’adolescence », on y retrouve : Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 20/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels F90- « Les troubles hyperkinétiques ». F91- « Les trouble des conduites ». F92- « Les troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels ». F93- « Les troubles émotionnels apparaissant spécifiquement dans l’enfance ». F94- « Les troubles du fonctionnement social apparaissant spécifiquement durant l’enfance et l’adolescence ». F95- « Les tics ». F98- « Les autres troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement durant l’enfance et l’adolescence ». Attardons-nous sur les définitions des différents troubles pour permettre quelques remarques. D’une part, à la différence du DSM-III-R, la catégorie F92- « Troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels » permet d’identifier dans le registre de la pédopsychiatrie un trouble contenant une dimension émotionnelle voire thymique. Concernant le « Trouble hyperkinétique (F 90-)», il est précisé : « Groupe de troubles caractérisés par un début précoce (habituellement au cours des cinq premières années de la vie), un manque de persévérance dans les activités qui exigent une participation cognitive et une tendance à passer d’une activité à l’autre sans en finir aucune, associés à une activité globale désorganisée, incoordonnée et excessive. Les troubles peuvent s’accompagner d’autres anomalies. Les enfants hyperkinétiques sont souvent imprudents, impulsifs, sujets aux accidents, et ont souvent des problèmes avec la discipline à cause d’un manque de respect des règles, résultat d’une absence de réflexion plus que d’une opposition délibérée. Leurs relations avec les adultes sont souvent marquées par une absence d’inhibition sociale, de réserve et de retenue. Ils sont mal acceptés par les autres enfants et peuvent devenir socialement isolés. Ces troubles s’accompagnent souvent d’une altération des fonctions cognitives et d’un retard spécifique du développement de la motricité et du langage. Ils peuvent entraîner un comportement dyssocial ou une perte de l’estime de soi. A l’exclusion de : Schizophrénie (F20-) ; Troubles anxieux (F41-) ; Troubles envahissants du développement (F84-) ; Troubles de l’humeur (F30-F39-). » Il est important de reprendre toute la description pour identifier que la CIM-10 exclut tout lien entre les troubles hyperkinétiques et les troubles de l’humeur. Même si cette définition peut faire suggérer une composante thymique au trouble hyperkinétique, elle serait secondaire à l’hyperkinésie et non concomitante. Il est aussi intéressant de noter que la CIM-10, laisse tout un chapitre entier pour les troubles hyperkinétiques par rapport au DSM-III-R. Concernant « Les troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels (F92-)». Il est intéressant de reprendre la description : « Groupe de troubles caractérisés par la présence d’un comportement agressif, dyssocial, ou provocateur, associé à des signes patents et marqués de dépression, d’anxiété ou d’autres troubles émotionnels. Pour un diagnostic positif, le trouble doit répondre à la fois aux critères d’un trouble des Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 21/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels conduites de l’enfant (F91-) et d’un trouble émotionnel de l’enfant (F93-) ou d’un trouble névrotique de l’adulte (F40-F48) ou d’un trouble de l’humeur (F30-F39). » Les troubles émotionnels de l’enfant (F93-) contenant entre autre les troubles anxieux tels que l’angoisse de séparation, et les anxiétés sociales de l’enfant, la composante thymique est acceptée par l’intermédiaire des critères diagnostiques des adultes, par renvoi au trouble névrotique de l’adulte ou du trouble de l’humeur. (F40-F48 et F30-F39). Lorsque l’on suit ces renvois vers « troubles de l’humeur (émotionnels) », les aides descriptives sont assez frustres concernant les critères d’âges. Cependant, dans l’introduction de la section : il est précisé : « La caractéristique essentielle de ce groupe de troubles est un changement des affects ou de l’humeur. […] Les troubles de l’humeur décrits dans cette section s’appliquent à toutes les classes d’âge ; ceux qui surviennent dans l’enfance ou l’adolescence doivent donc être classés également ici. » (12) De plus, concernant les catégories « F30- Manie, et hypomanie » il n’est précisé qu’une fois : « Le premier accès (maniaque) survient habituellement entre 15 et 30 ans, mais le trouble peut débuter à tout âge, de la fin de l’enfance à la septième ou huitième décennie de la vie » Le fait est, qu’en pratique, les diagnostics différentiels proposés ne sont que des diagnostics différentiels de l’adulte. Nous pouvons nous interroger quant au fait qu’aucun différentiel n’est une pathologie de l’enfance ou de l’adolescence. Pourquoi la CIM-10 ne propose-t-elle pas le TDAH comme diagnostic différentiel d’un TB de l’enfance ou de l’adolescence ? Vraisemblablement parce que l’éventualité d’un TB chez les mineurs est suffisamment rare ou contestable pour ne pas avoir à discuter des différentiels dans les troubles spécifiques de l’enfant. Ce parti pris est d’autant plus visible lorsqu’on reprend les descriptions des diagnostics précis. Il existe des précisions quant aux éléments fins : F30.0 Hypomanie : « Le trouble est caractérisé par la présence d’une élévation légère mais persistante de l’humeur (au moins pendant plusieurs jours), de l’énergie et de l’activité, associée habituellement à un sentiment intense de bien-être et d’efficacité physique et psychique. Il existe souvent une augmentation de la sociabilité, du désir de parler, de la familiarité, ou de l’énergie sexuelle et une réduction du besoin de sommeil. […] L’euphorie et la sociabilité sont parfois remplacées par une irritabilité ou des attitudes vaniteuses ou grossières. Le trouble peut s’accompagner d’une distractibilité et de difficultés de concentration, interférant avec le travail ou les activités de détente ou de loisir.[…] Une hypomanie avec irritabilité doit être distinguée d’une dépression agitée, en particulier chez les sujets à l’âge moyen de la vie. » Quid d’un différentiel qui serait formulé ainsi : « Une hypomanie chez l’enfant ou l’adolescent doit être distinguée d’un trouble attentionnel avec hyperactivité. » ? Dans aucune déclinaison du groupe de F30-F39-, il n’existe de diagnostic différentiel avec le Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 22/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels trouble hyperkinétique F90. En retournant vers ce dernier, on peut lire pourtant : « Si les critères d’un trouble de l’humeur sont réunis, on ne doit pas faire un diagnostic additionnel de trouble hyperkinétique sous prétexte qu’il existe des troubles de la concentration et une agitation psychomotrice. Un double diagnostic n’est justifié que si le trouble hyperkinétique est manifestement présent séparément, ses symptômes étant indépendant du trouble de l’humeur. » En résumé de la lecture du CIM-10, il faut retenir plusieurs points intéressants pour notre sujet. D’une part, il n’y pas de reconnaissance officielle d’un trouble de l’humeur spécifique dans l’enfance. Ensuite, il est précisé que les troubles affectifs de l’humeur peuvent débuter à tout âge mais que la majeur partie des cas, ils débutent chez l’adulte jeune. En termes de diagnostic différentiels, la CIM-10 ne propose pas un renvoi bijectif. C’est-àdire qu’à partir du trouble hyperkinétique, il est possible de discuter le diagnostic de TBDP à condition qu’il existe une composante humorale. Par contre, à partir d’un TB suspecté chez un enfant, la CIM-10 ne renvoie pas vers un possible TDAH. Cette absence de précision est possiblement expliquée par le fait que rares sont les cas où l’on peut suspecter un TB chez un enfant. En cela, la CIM-10 reste donc globalement sur des notions classiques. Le TB est une pathologie d’adulte, le TDAH est une pathologie de l’enfant. 1.1.4 1992 : Troisième édition de la classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent Nous nous permettons de présenter la classification française de 1992, mise en parallèle de la CIM-10 dans l’ouvrage présenté par le Pr. R. MISES et le Dr. N. QUEMADA (13), pour suggérer que certaines classifications admettent plus aisément et plus directement la possibilité de l’existence d’un trouble de l’humeur chez les enfants ou les adolescents. En l’occurrence, la classification française propose : 1.06 « Les psychoses dysthymiques ». Dont la définition est la suivante : « Psychoses où les troubles de l’humeur occupent une place centrale. Les manifestations peuvent apparaître à partir de 3, 4 ans ou sous la forme d’expressions symptomatiques appartenant à la dépression et à l’excitation. L’envahissement par des affects dépressifs, le repli sur soi ; le ralentissement idéique, le vide de la pensée, s’associent ou alternent avec des phases d’excitation de type hypomaniaque, des accès d’agitation ou des phénomènes de débordement idéique. Aux alentours de l’adolescence, les psychoses dépressives ou maniaques peuvent déjà apparaître avec les aspects et la signification des formes de l’adulte. Inclure les formes de même nature mais qui ont été décrites sous une autre dénomination : psychoses affectives et troubles thymiques de structure psychotique. » Il est notable que cette classification établit très clairement que ce type de trouble peut apparaître dès l’âge de trois ans, sous forme symptomatique usuelle ou alternative en raison de l’âge enfantin. Cette description permet aussi d’identifier qu’au moment de l’adolescence, la clinique prend la forme de celle des adultes. Enfin, cette classification tente un travail de Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 23/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels regroupement des diagnostiques en y associant les anciennes dénominations. Cet exemple illustre bien le fait que dès 1990, pour certains experts, ce qu’on appellera plus tard trouble bipolaire, peut exister sous une forme infantile, avec une éventuelle continuité à l’âge adulte, tout en subissant possiblement une mutation symptomatique à l’adolescence. Cette même classification propose aussi une autre catégorie : 6.08 « Hyperkinésie, instabilité psycho-motrice ». Dont la définition est : « Classer ici les troubles décrits en France par l’expression « instabilité psycho-motrice » et aux USA par l’expression « trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (ou hyperkinésie) » Cet ensemble, du point de vue symptomatique, est caractérisé par : Sur le versant psychique : des difficultés à fixer l’attention, un manque de constance dans les activités, et un certain degré d’impulsivité ; Sur le plan moteur : une hyperactivité ou une agitation motrice incessante. Ces troubles, en décalage et par rapport à l’âge et au niveau de développement mental de l’enfant, sont plus importants dans les situations nécessitant de l’application, en classe par exemple. Ils peuvent disparaître transitoirement dans certaines situations, par exemple, en relation duelle ou dans une situation nouvelle. Inclure : Les troubles de l’attention sans hyperactivité motrice proprement dite. Exclure : L’activité excessive liée à l’âge (chez les petits enfants notamment) ; l’instabilité psycho-motrice liée à un déficit mental ou à des troubles de la personnalité ; les manifestations à type d’excitation maniaque. » Remarquons la finesse et la précision de la description clinique quant à ce trouble. Remarquons aussi que les excitations maniaques sont là aussi un critère d’exclusion. L’ouvrage de R.MISES, propose une mise en relation des diagnostics de la classification française avec ceux de la CIM-10. Attardons-nous sur cette présentation afin de constater la non-congruence des classifications. Selon ces auteurs, la « psychose dysthymique (1.06) », pourtant identifiée comme potentiellement infantile, est rattachée à des diagnostics CIM-10 de l’adulte : F 30.2 Manie avec symptômes psychotiques F 31 Trouble affectif bipolaire F 32.3 Episode dépressif sévère avec symptômes psychotiques F 33.3 Trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques. Et non pas, comme on aurait pu l’envisager avec F 92 « troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels », pourtant plus spécifique de l’enfance et contenant une composante reconnue de dysthymie. Ainsi, il nous a semblé utile de faire remarquer qu’une classification nationale, à savoir la classification française de 1992, proposait déjà des notions assez modernes concernant le TB. Qui plus est, d’autres concepts en rapport avec les troubles de l’humeur semblent avoir préexistés dans la culture psychiatrique française avant leur reconnaissance par l’APA, Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 24/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels comme semble l’avoir fait remarquer HAUGSTEN dans son article. (14) Ainsi, en surcroît de la reconnaissance de la possibilité du TB chez des mineurs, la classification française reconnaissait qu’il pouvait y avoir un continuum pathologique longitudinal, tout en suggérant une transformation ou une évolution des symptômes apparents lors du passage de la puberté. Cette notion est très proche des notions évoquées et analysées par les études ultérieures. Cette classification ne semble pas être élaborée à partir de critères statistiques ou athéoriques, comme le sont les DSM et CIM. Au contraire, cette classification semble avoir été élaborée à partir de notions psychodynamiques, et selon des observations empiriques et nonexpérimentales. En conséquence, nous pouvons peut-être soulever la question des limites des démarches dites athéoriques ou validées par l’expérimentation, par l’intermédiaire de cet exemple. Nous reviendrons sur cette question dans notre discussion. 1.1.5 Les années 90 : « The Broad Phenotype » (BrP), « The Narrow Phenotype » (NaP) and « The Intermediate Phenotype » (InP) L’article de Peter PARRY et Stephen ALLISON reprend bien l’histoire récente des hypothèses de recherche concernant les troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent (15). A partir des années 1990, le regain d’intérêt pour les signes cliniques d’une pathologie de l’humeur chez l’enfant, entraîne plusieurs équipes à émettre des hypothèses. En acceptant la possibilité d’un trouble bipolaire chez l’enfant, il reste à identifier les spécificités symptomatologiques. Trois dimensions sont identifiées par trois équipes de référence aux États-Unis. L’irritabilité, la cyclicité des phases, et une forme mixte contenant les deux premiers éléments. En 1995, l’équipe de BIEDERMAN et WOZNIAK, à Boston, s’intéresse particulièrement à l’irritabilité. L’irritabilité serait une présentation infantile spécifique liée à l’âge de la manie. Ainsi, un certain nombre de cas de TDAH, de trouble oppositionnel avec provocation (TOP) ou de trouble du comportement seraient en fait des TB chez l’enfant. Pour permettre de valider cette hypothèse, cette équipe élabore le « Broad Phenotype Bipolar Disorder»(BrP) que l’on pourrait traduire par “Trouble Bipolaire de phénotype indéfini” ou” Trouble du spectre bipolaire”. Il s’agissait d’une catégorie hypothétique élargie, dans laquelle il faut placer les enfants dont le statut vis-à-vis du TB était peu clair. C’est-à-dire des patients dont le signe clinique cardinal était l’irritabilité, avec une éventuelle composante thymique, mais dont l’importance ne permettait pas de les relier avec des signes typique de TB. (16) En 1997, l’équipe de GELLER à Saint Louis, argumente en faveur de la reconnaissance du « Narrow Phenotype (NaP)», traduit par « Phénotype étroit, resserré. ». Pour eux, il est important de circonscrire les manifestations à analyser, en identifiant les spécificités au sujet de la cyclicité des phases du TB chez l’enfant. Notamment parce qu’elles n’ont pas du tout la même rythmicité que celle de l’adulte. Ils proposent donc des nouveaux critères dont les « complex cycling », « ultrarapid cycling » (5 à 364 cycles par an) et les « ultradian cycling » (>365 cycles par an avec une durée d’au moins 4 heures) (17). Ces deux propositions sont soutenues et reprises dans les recommandations du « National Institute of Mental Health »(NIMH) en 2001. Afin d’inciter d’autres équipes à poursuivre les Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 25/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels explorations scientifiques (18). En établissant la possibilité du BrP, ou du NaP, les comités d’experts favorisent les travaux pour l’analyse de ces dimensions. En 2005, PAVULINI et al. (19) complète ces propositions en suggérant l’ « intermediate phenotype (InP)», regroupant les deux premiers, aux fins de la recherche. A nouveau, ces propositions sont soutenues par une des premières tables rondes des sections rédactionnelles du futur DSM-V, présidées notamment par le Pr LEIBENLUFT. Ces conférences préliminaires reconnaissent alors qu’il est nécessaire d’établir de nouveaux critères diagnostiques pour identifier les troubles bipolaires chez l’enfant : « NIMH panel of experts states new criteria for juvenile-onset bipolar disorder are being considered for DSMV » (20). Cependant, une autre conférence préliminaire en 2007, toujours présidée par le Pr. LEIBENLUFT, conclut qu’il est impératif de réaliser d’autres recherches pour inclure quoi que ce soit dans le futur DSM-V. Il semble tout à fait prématuré de vouloir introduire ces hypothèses comme catégorie nosologique dans le DSM-V: « there has been definitely no agreement that they will be incorporated into DSM-V [and it is] premature to make any prediction [as it is] early in the DSM process. » (21) En résumé, la décennie 1990-2000 voit l’ouverture de nouveaux axes de recherche fondamentaux au sujet du TBDP. Quelques équipes s’engagent dans des orientations particulières que ce soit au sujet des variabilités quantitatives des symptômes (notion de « Broad Phenotype ») ou de variabilité qualitative (notion de « Narrow Phenotype »). En parallèle, ces années voient apparaître le DSM-IV et sa révision le DSM-IV-R. 1.1.6 1994 : DSM-IV et 2000 : DSM-IV-R A la rédaction de cette thèse, les deux classifications en cours d’usage en France sont la CIM10 et le DSM-IV-R (22). Le DSM-IV-R (2000) classe les troubles mentaux en 17 catégories principales, qui regroupent plus de 400 maladies. Le volet pédopsychiatrique est dénommé : « Troubles habituellement diagnostiqués pendant la première enfance, la deuxième enfance ou l’adolescence ». Il contient les grands syndromes suivants (entre crochets le code DSM-IV-R) : Retard mental. [317-319] Troubles des apprentissages [315.x] Trouble des habiletés motrices [315.x] Trouble de la communication [315.x et 307.0] Troubles envahissants du développement [299.x] Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 26/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Troubles : déficit de l’attention et comportement perturbateur [312.x-314.x] Troubles de l’alimentation et troubles des conduites alimentaires de la première ou de la deuxième enfance [307.x] Trouble du contrôle sphinctérien [787.6 et 307.x] Autres troubles de la première enfance, de la deuxième enfance ou de l’adolescence. Immédiatement, nous pouvons constater que le DSM-IV et le DSM-IV-R ne contiennent aucun item en rapport avec un trouble de l’humeur chez l’enfant. Les troubles de l’humeur sont une grande catégorie en soi qui concerne principalement les adultes. Si l’on s’attarde à la catégorie « Troubles de l’humeur »°[296.x-300.x] ; ils contiennent : Troubles dépressifs Troubles bipolaires Autres troubles de l’humeur. Cependant, les critères de ces troubles contiennent certaines précisions concernant la symptomatologie chez les mineurs. 1.1.6.1 Critères de dépression adaptés pour les mineurs : « L’humeur dépressive est présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (se sent triste ou vide…) ou observée par les autres (pleure…). N.B. : Eventuellement irritabilité chez l’enfant ou l’adolescent. » (23). Permettons-nous d’insister sur la tournure de la précision qui, au lieu de spécifier une symptomatologie particulière, l’élargit au contraire en signalant que l’irritabilité peut éventuellement être l’équivalent dépressif de la tristesse chez les mineurs. Ce qui est déjà redondant avec d’autres critères de la définition. Il est alors possible d’extrapoler que l’humeur dépressive soit remplacée totalement par une irritabilité chez les mineurs. Elle ne serait donc plus le symptôme cardinal de dépression dans cette population. L’autre précision concerne la perte de poids : « Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (modification du poids corporel en un mois excédant 5%...) ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. N.B. Chez l’enfant prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue (par la croissance). » (23) Le manuel de psychiatrie de KAPLAN et SADDOCK, ouvrage de référence élaboré à partir du DSM-IV-R précise une section concernant les caractéristiques liées à l’âge : « La dépression peut se traduire par des tableaux cliniques différents selon l’âge : a) Avant la puberté : Plaintes somatiques, agitation, hallucinations auditives (à une seule voix) troubles anxieux et phobies. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 27/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels b) A l’adolescence : Abus de substance, comportement antisocial, agitation, délits, difficultés scolaires, promiscuité, sensitivité, négligence de l’hygiène corporelle. » Rejoignant en cela les connaissances usuelles concernant le trouble dépressif chez les mineurs, c’est-à-dire la très grande variabilité des signes cliniques. Il est précisé au sujet de l’épisode dépressif majeur : « Non rare chez l’enfant. Même symptomatologie que chez l’adulte. Les fugues, la phobie scolaire, l’abus de substance peuvent masquer une dépression. Risque de suicide. » 1.1.6.2 Concernant la manie, l’hypomanie et le trouble bipolaire : Les critères du DSM-IV-R ne contiennent aucun addendum au sujet des manifestations chez les mineurs (24). Il n’existe qu’une petite précision dans le KAPLAN et SADDOCK concernant la manie chez l’adolescent : « L’abus de substance, l’alcoolisme, un comportement antisocial peuvent masquer un épisode maniaque ». Remarquons là encore l’absence totale de spécificité de la clinique adolescente. Puisque la même clinique peut relever soit de l’épisode maniaque soit de l’épisode dépressif. Par contre le DSM-IV-R conserve la même catégorie nosologique « dysthymie » que son précurseur le DSM-III-R. Il y est précisé : « Auparavant dénommé névrose dépressive. […] Le trouble débute en général entre 20 et 35 ans, bien qu’il existe une forme à début précoce, avant 21 ans. » En somme, le DSM-IV-R s’aligne donc sur son précurseur. Il y a bien la possibilité d’une pathologie de l’humeur chez les adolescents ou les enfants. Mais avec une absence de connaissance approfondie sur le sujet. La clinique est polymorphe, sans certitude aucune concernant l’épidémiologie. Il n’y a aucune reconnaissance de l’existence d’épisode maniaque avec critères spécifiques chez les mineurs mais conserve une « porte de sortie » indirecte sous la dénomination vague de la dysthymie. A contrario, le DSM-IV et sa révision, mettent pour la première fois en avant le trouble déficitaire de l’attention. Au sein du groupe particulier « Troubles : déficit de l’attention et comportement perturbateur. » Cette évolution signe la reconnaissance officielle d’une liaison symptomatique entre le TDAH et les comportements perturbateurs. Ceci ouvre une porte de réflexion phénoménologique concernant ces derniers. En effet, par définition, cette classe de trouble est établie par rapport à l’environnement du sujet. Le comportement est dit perturbateur par rapport à un certain nombre de notion de régularité. (A titre d’exemple, couper la parole peut-être un comportement perturbateur dans un certain cadre éducatif, alors que dans un autre, ce n’est pas forcément le cas.) Le DSM-IV et DSM-IV-R inclut alors une catégorie mixte contenant à la fois un trouble étayé Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 28/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels par une hypothèse fonctionnelle (déficit de l’attention) et un trouble relevant du jugement contextuel (comportement perturbateur). Ceci permet d’envisager les comportements perturbateurs variés comme un corrélat éventuel d’une cause fonctionnelle, et non comme un jugement de valeur. C’est une évolution intéressante. Mais ceci signe par-là que le DSM-IV-R perd de son caractère athéorique, au profit d’une dimension fonctionnelle, même si ce n’est pas flagrant. La relative quiétude des équipes de chercheurs va être bousculée au cours de la décennie suivante par l’influence des médias américains. 1.1.7 Les années 2000, premières polémiques En reprenant le constat que le trouble bipolaire chez l’enfant et chez l’adolescent a suscité de plus en plus d’articles de recherche, il est avéré que l’incidence du trouble semble avoir particulièrement augmenté depuis les années 90. Cependant, c’est vraisemblablement à partir des années 2000, que le sujet s’est démocratisé en suscitant des interrogations, voire des inquiétudes dans la population générale. Des journaux de forte audience américains (25) ainsi que des ouvrages de grand tirage (26), semblent avoir relayé ces inquiétudes et alimenté la polémique. Nous nous permettons de citer ces sources non-médicales, car elles ont été régulièrement citées dans les articles médicaux reprenant l’histoire du TBDP (27) (28). Les auteurs de ces historiographies attestent de l’impact de ces articles destinés au grand public par le fait que le nombre de consultations pour suspicion de bipolarité chez l’enfant aurait fortement augmenté au cours de ces années. Certains auteurs ont même émis l’hypothèse que l’inquiétude diffuse de la population comme des praticiens aurait pu être une cause partielle de l’augmentation de la prévalence. En effet, une étude épidémiologique de 2004 montre qu’en une décennie aux Etats-Unis, la prévalence du trouble passe de 0.01% en 1994/1995 à 0.44% en 2002/2003 (29). A tel point que le diagnostic de TB en est devenu le premier motif d’hospitalisation en pédopsychiatrie pour les moins de 12 ans aux USA. (30) Cette inflation est l’objet de controverse et plusieurs hypothèses sont émises que nous reprenons : Il s’agit d’une authentique augmentation du nombre de cas par une augmentation de la fréquence de la maladie (évolution de la population). Un changement de critères diagnostiques aurait entraîné une surcote du nombre de cas. Parce que les critères sont trop larges ou trop flous. C’est-à-dire que leur sensibilité est trop grande pour une spécificité trop faible (Faux positifs). Un changement de critères diagnostiques entraîne un meilleur diagnostic par rapport aux outils préalables. Le nombre de cas absolu n’augmente pas mais on les détecte mieux. C’est-à-dire une amélioration de la sensibilité sans forcément avoir une spécificité trop faible. D’une certaine manière il s’agit d’un meilleur dépistage. En réalité, passé l’effet de souffle de cette surprenante « explosion » du nombre de cas, des Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 29/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels études ultérieures de prévalence chez l’adolescent, modérèrent ces données par le fait que la prévalence sur la vie entière pour les TB type I reste à 0,1% et de 1% pour les TB type I et II. Ce qui rejoint en fait les données antérieures de la littérature, selon lesquelles les troubles bipolaires restent rares chez l’enfant pré-pubère (3) (31) (32). Les études comparatives, en particulier au Royaume-Uni (33) (32), en Allemagne (34) en Corée (35) ou en Hollande (36) (37), établissent des données presque similaires dans l’ensemble. En l’occurrence, une augmentation légère mais présente de la prévalence du trouble bipolaire chez l’enfant. Pour autant, la plupart de ces études n’arrivent pas à attribuer leurs résultats à une augmentation réelle, mais possiblement là encore à un biais de mesure. A titre d’exemple, la belle cohorte hollandaise, à 5 ans de recul établit une possible augmentation, pour finir par considérer à 12 ans de recul qu’elle est sensiblement liée à une amélioration du dépistage, donc une amélioration de la mesure et non une augmentation du nombre de cas. Rares sont les études françaises. On doit citer COHEN et al. (38) qui réalisent une étude de suivi chez 80 sujets âgés de 12 à 20 ans qui font un premier épisode psychotique. Selon cette équipe, sans arriver à fournir des données fiables, le diagnostic reste assez rare, mais il peut être redressé vers un trouble schizo-affectif. Ce qui signifie que le nombre de patients purement bipolaires reste rare. Dans tous les cas, les experts insistent sur de nombreuses difficultés quant au dépistage et à l’élaboration des études épidémiologiques à cause de l’absence de critères unifiés et validés à l’échelle internationale (33). En 2003, CARLSON et al. pointaient précisément ces difficultés, et mettaient en garde les tentatives de rédaction de recommandation (39). Il était alors souligné que certaines questions n’étaient pas résolues et qu’elles resteraient des limites sérieuses à tout travail de grande ampleur : « Le trouble bipolaire chez l’enfant ou l’adolescent doit-il être diagnostiqué avec les critères stricts du DSM-IV-R ou autrement ? Quelle est l’importance d’identifier les épisodes inter-critiques ? Comment faire pour interpréter les symptômes transverses, les variantes ou les comorbidités ? Et comment adapter les symptômes en fonction de l’âge et des phases de développement ? » Dans un effort d’unicité, la plupart des leaders de la communauté scientifique insistent alors particulièrement sur l’impératif de garder comme standard les critères du DSM-IV-R, bien qu’ils fussent développés et testés principalement sur des adultes. Sur le terrain, un grand nombre de cliniciens n’adhèrent pas à cette démarche, et argumentent pour une révision des critères diagnostiques (40). 1.1.8 Catégorie « indifférenciée » Il est utile de rappeler que les deux principales classifications conservent toujours aussi une catégorie indifférenciée : Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 30/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels « Trouble de l’humeur non spécifié (TB-NS)» Codée F.39 pour la CIM 10 et [296.90]. En anglais : Bipolar Disorder Non-Specific (BD-NOS) » Ceci a pour but d’y placer les formes atypiques d’un trouble de l’humeur. Ce type de catégorie reste utile au praticien, lorsque tous les critères ne sont pas remplis. Il ne semble pas exister d’étude quant à la fréquence d’usage de ce type de catégorisation pour le diagnostic de TBDP. Par contre, quelques auteurs ont suggéré que l’identification du « Severe mood Dysregulation » prenait sa source dans cette catégorie (41). En effet, le caractère indifférencié du TB-NS, était souvent utilisé pour catégoriser des patients souffrant d’irritabilité chronique, et continuelle, avec explosions d’humeur. Les symptômes cardinaux contiennent ceux de registre maniaque tels que la diminution du temps de sommeil, des idées de grandeur voire une hyperactivité motrice (42) (43). 1.1.9 2003 : Identification du « Severe Mood Dysregulation » En 2003, LEIBENLUFT et al. (42) proposent une nouvelle catégorie diagnostique pour les enfants appelée « Severe Mood Dysregulation (SMD)» ou « Dysrégulation sévère de l’humeur ». Cette proposition se définit par les critères suivants : Humeur anormale, anxiété ou tristesse, présente au moins la moitié du temps quotidien, la plupart du temps et suffisamment importante pour être remarquée par les personnes de l’environnement de l’enfant. Augmentation significative de la réactivité aux stimulations émotionnelles négatives. Par exemple, les enfants répondent à la frustration par des crises de colères, de la rage, des comportements agressifs envers eux-mêmes ou les autres. Ces évènements doivent survenir au moins trois fois par semaine sur les quatre dernières semaines. Hyperexcitation, définie par au moins deux des éléments suivants : o o o o o o Insomnie Baisse du temps de repos physique Distractibilité Pensées accélérées ou diffluentes Discours pressé Intrusion Il est nécessaire d’avoir au moins un symptôme prévalent additionné avec des symptômes atténués dans une seconde catégorie. Cette nouvelle catégorie est sensée répondre à un vide nosologique laissé par des enfants consultants pour des troubles mais dont les critères vis-à-vis d’un trouble bipolaires ne sont pas clairs. LEIBENLUFT et al. sont parfaitement conscients de la fragilité de leur proposition théorique et la proposent afin de la tester en étude clinique. C’est ce que fait l’équipe de BROTMAN en 2006 qui reprend la cohorte de la GSMD (Great Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 31/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Smoky Mountains Study) et reprennent les éléments de 1420 cas cliniques afin de tester les critères du SMD face aux critères DSM-IV R de trouble bipolaire (44). Selon BROTMAN, il y a indépendance des syndromes. Ce travail conclut que le SMD n’est pas une variante du trouble bipolaire, adapté aux jeunes, mais qu’il représente une entité nosologique en soi. Cette équipe propose une prévalence de 3,3% sur la vie entière, c’est-àdire bien plus élevée que le TBDP et semble révéler que le SMD serait un facteur pronostic d’une évolution vers une dépressivité chez les adultes, et non vers une évolution maniaque. En mettant ces données en parallèle avec le diagnostic de TB-NS, LEWINSOHN et son équipe identifie le même type d’évolution. C’est-à-dire vers une dépressivité, possiblement sous-tendue par un TB type II et non un vers un TB type I (45). Ces travaux argumentent l’indépendance critériologique entre le SMD et le TBDP. Mais, là encore, d’autres équipes n’arrivent pas à de telles conclusions. En effet, l’étude prospective de BIRMAHER, identifie que plus de 25% de ses 92 adolescents diagnostiqués TB-NS évoluent vers un TB Type I ou II (46), avec une augmentation à 30% s’ils sont issus d’une famille aux antécédents de bipolarité (47). 1.1.10 2013 : Inclusion du « Disruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD) dans le DSM-V A la suite de l’identification du SMD, la cinquième version du DSM (DSM-V), éditée en mars 2013, propose une entité nosologique nouvelle dénommée « Disruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD), que l’on pourrait traduire par « Trouble disruptif de la régulation de l’humeur. . 1.1.10.1 Définition du DMDD (circulaire DSM-V de l’APA) (48) (voir annexe I) : Nous citons la circulaire APA : « This disorder is called Disruptive Mood Dysregulation Disorder (DMDD), and its symptoms go beyond describing temperamental children to those with a severe impairment that requires clinical attention. Far beyond temper tantrums, DMDD is characterized by severe and recurrent temper outbursts that are grossly out of proportion in intensity or duration to the situation. These occur, on average, three or more times each week for one year or more. Between outbursts, children with DMDD display a persistently irritable or angry mood, most of the day and nearly every day, that is observable by parents, teachers, or peers. A diagnosis requires the above symptoms to be present in at least two settings (at home, at school, or with peers) for 12 or more months, and symptoms must be severe in at least one of these settings. During this period, the child must not have gone three or more consecutive months without symptoms. The onset of symptoms must be before age 10, and a DMDD diagnosis should not be made for the first time before age 6 or after age 18. » Que nous traduisons ainsi : « Le trouble est dénommé trouble disruptif de l’humeur (DMDD) et a des symptômes allant plus loin qu’une manifestation de l’humeur. Il est caractérisé par de sévères et récurrentes explosions de l’humeur qui dépassent les manifestations normales Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 32/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels usuelles en intensité ou en durée pour une situation donnée. Ceci se produit au moins trois fois par semaine pendant au moins un an. Entre les crises, les enfants atteints de DMDD présentent une humeur maussade ou irritable la plupart de la journée et presque tous les jours. Ceci a été remarqué par les parents, les enseignants ou les pairs. Pour poser le diagnostic, il est nécessaire qu’il soit constaté par au moins deux intervenants différents (à la maison, à l’école ou avec les pairs) depuis au moins 12 mois. Et les symptômes doivent être constatés comme sévères par au moins un des trois observateurs. Durant cette période, les enfants ne doivent pas avoir été asymptomatiques pendant trois mois ou plus. L’âge de survenue des symptômes est inférieur à 10 ans, et le diagnostic ne doit pas être posé avant l’âge de 6 ans ou après 18 ans. » Il semble en fait que cette définition soit une version tronquée des critères du SMD de LEIBENLUFT. En effet, elle ne tient pas compte de l’hyperexcitation associée. Ce nouveau diagnostic suscite une assez grande polémique dont plusieurs équipes font échos. L’équipe de David A. AXELSON du département de psychiatrie de PITTSBURGH ont publié en 2011 un manuscrit très à charge contre l’inclusion du « Temper Dysregulation Disorder » (TDD) (qui n’est autre qu’une version préalable du DMDD) dans le DSM-V (49). En l’occurrence, ils expliquent une très nette insuffisance de travaux préalables pour se permettre d’identifier une nouvelle catégorie indépendante. Dans leur article, ils rappellent l’utilité première du SMD. A savoir une définition arbitraire propice à vérifier la solidité de l’hypothèse nosologique, et non une catégorie admissible de facto comme entité. AXELSON et al. considèrent qu’en tronquant la définition de base du SMD, elle devient trop floue pour conserver la moindre pertinence clinique. Cet article reprend aussi des considérations économiques et sociales pour mettre en garde contre une possibilité de surmédicalisation en pédopsychiatrie étant donné qu’un des motifs de consultation les plus fréquent est l’irritabilité et les crises de colères. Ces auteurs pensent qu’après avoir sur-diagnostiqué des TB chez les enfants par l’intermédiaire des critères diagnostiques trop larges du DSM-IV-R, le comité de rédaction du DSM-V tente de réduire le problème de sur-prescription et de coût auprès des organismes de mutuelles en créant le TDD (ex-DMDD), trop rapidement, sans étayage scientifique valable. Ce qui ne ferait que transformer le problème en un autre. Qui plus est, AXELSON et al. soulignent le revirement paradoxal du groupe de travail du DSM-V en citant le compte-rendu officiel du groupe de travail en charge de la rédaction du paragraphe concernant les troubles de l’humeur : « The work groups acknowledged that a stronger case could be made, based purely on the scientific evidence, for placing the TDD syndrome within the diagnosis of ODD, as a specified, as opposed to adding a new, free-standing, TDD diagnosis, since virtually all youths who meet criteria for TDD will also meet criteria for ODD. Specifically, data analyses performed by the Childhood and Adolescent Disorders Work Group, using data sets from both community-based and clinic-based samples including more than 10,000 children, suggest that approximately 15% of patients with ODD would Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 33/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels meet criteria for TDD; by definition, essentially all youths meeting criteria for TDD would also meet criteria for ODD. In that sense, it is clear that, from a pathophysiological perspective, TDD is unlikely to be categorically distinct from ODD. » (50) Que nous traduisons ainsi : « Les groupes de travail sont d’accord pour considérer qu’une catégorie plus solide doit être uniquement élaborée à partir de preuves scientifiques, pour extraire le TDD du diagnostic de TOP, comme catégorie autonome, étant donné que virtuellement, tous les jeunes qui présentent les critères de TDD présentent ceux du TOP. Plus spécifiquement, l’analyse des données issues d’échantillons cliniques et de population, incluant plus de 10 000 enfants suggèrent qu’approximativement 15% des patients avec TOP auraient des critères de TDD ; ainsi, par définition, tous les jeunes ayant les critères de TDD remplissent les critères de TOP. Dans cette considération, il est clair que du point de vue physiopathologique, le TDD n’est pas apte à être distinct du TOP. » Il semble alors étonnant qu’après avoir considéré que les critères du TDD soient une réduction de ceux du trouble oppositionnel avec provocation (TOP) (« Opposition Defiant disorder » (ODD)), les mêmes groupes s’accordent à permettre au TDD de rester en tant que redondance partielle d’un TOP. Pourtant, le TDD, sous la nouvelle nomenclature du DMDD entre dans le dans le DSM-V. L’APA répond aux critiques dans son communiqué officiel au sujet du DMDD (48). Que nous reproduisons dans son intégralité en annexe. Nous proposons de critiquer ce communiqué. 1.1.10.2 Critique de la forme En premier lieu, il semble immédiatement très ancré dans une culture de la médiatisation. En effet, bien qu’il soit un communiqué d’experts scientifiques, à destination d’experts scientifiques, il fait immédiatement référence à un article du « Wall Street Journal » en guise d’introduction. Nous pouvons nous étonner de cette référence non-scientifique. Ceci nous semble peut-être faire preuve d’une méprise partielle entre médiatisation et annonce fondamentale, ce qui n’est peut-être pas le plus indiqué. Ensuite, l’introduction de ce communiqué s’appuie sur un cas clinique unique, peut-être un peu dramatisé, afin de justifier à postériori une démarche qui se veut scientifique : “for an 11year-old boy who, although diagnosed with bipolar disorder at age 4, has never been successfully treated for his extreme, explosive rages.” Traduit par : “L’histoire d’un enfant de 11 ans, pourtant diagnostiqué bipolaire, et qui n’a jamais été traité avec succès pour ses crises clastiques extrêmes.” Nous nous étonnons de l’inscription d’un exemple unique et empathique dans une démarche scientifique qui se voudrait neutre. Dans le paragraphe « Process for New Diagnosis », l’APA retrace les éléments et liste les groupes de discussion à l’origine de la proposition. Mis à part qu’ils sont à l’évidence et par essence, tous américains, nous nous interrogeons un peu quant à la pertinence de la démarche théoriquement universaliste du DSM. Quid d’un comité de relecture international ? Dans le paragraphe, « Improving Diagnosis and Care. », le communiqué insiste sur la Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 34/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels légitimité d’un nouveau diagnostic en argumentant l’impératif d’une catégorie diagnostique à part par rapport aux données actuelles scientifiques concernant les modalités de prise en charge : « Defining this disorder as a distinct condition will likely have a considerable impact on clinical practice and thus treatment. For example, the medication and psychotherapy treatment recommended for BD is entirely different from that of other disorders, such as depressive and anxiety disorders. The unique features of DMDD necessitated a new diagnosis to ensure that children affected by this disorder get the clinical help they need. » Que nous traduisons par : « Définir un trouble, avec des critères différents, aura un impact considérable en pratique courante et sur les traitements associés. Par exemple, les psychotropes et les psychothérapies recommandés pour le trouble bipolaire sont entièrement différents de ceux d’autres troubles, tels que la dépression ou les troubles anxieux. L’unique but du DMDD comme nouveau diagnostic est d’assurer aux enfants atteints de ce trouble d’avoir l’aide qu’ils requièrent. » Sur la forme, c’est donc la troisième fois en deux pages que ce communiqué utilise l’argumentaire de l’impératif à mieux diagnostiquer pour mieux traiter. Il peut s’agir d’un non-argument, possiblement sophisme. En effet, toute démarche scientifique médicale a semble-t-il pour but d’améliorer les diagnostics pour une meilleure prise en charge. Il est alors étonnant que ce type d’argument soit autant réutilisé dans un tel communiqué. Enfin, le texte se termine par les définitions du DSM et de l’APA, ceci peut sembler utile si le lecteur n’est pas un scientifique psychiatre. N’est-ce pas pour autant argument fallacieux indirect ? En effet, en précisant : « APA is a national medical specialty society whose more than 36,000 physician members specialize in the diagnosis, treatment, prevention and research of mental illnesses, including substance use disorders. », l’APA semble utiliser un argument de poids, c’est-à-dire celui du nombre, ce qui n’est pas forcément le mieux étayé. 1.1.10.3 Critique du fond Au-delà du style, peut-être un peu pompeux, le communiqué nous semble insuffisamment étayé sur le fond. Dans le paragraphe « Characteristics of the Disorder », il est parfaitement précisé la nécessité de la continuité du trouble, en dehors des périodes clastiques. A l’évidence, le DMDD est une reprise de l’identification du SMD par LEIBENLUFT. Sans prendre en compte la composante « hyperexcitabilité ». Alors que le communiqué remarque très justement les empiètements symptomatiques entre la définition du DMDD, et celle des troubles oppositionnels avec provocation (TOP ou ODD) ainsi que celui du TB, l’APA précise alors : « ODD (Opposing defiant disorder) is an ongoing pattern of anger-guided disobedience, hostilely defiant behavior toward authority figures that goes beyond the bounds of normal childhood behavior. While some of its symptoms may overlap with Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 35/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels the criteria for DMDD, the symptom threshold for DMDD is higher since the condition is considered more severe. To avoid any artificial comorbidity of the two disorders, it is recommended that children who meet criteria for both ODD and DMDD should only be diagnosed with DMDD. » « Le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) se manifeste par une volonté de désobéissance, un comportement hostile de défiance à l’égard des figures d’autorité, au-delà des limites d’un comportement normal chez l’enfant. Même si certains de ses symptômes recouvrent les critères du DMDD, les traits du DMDD sont plus importants et considérés comme plus sévères. Pour éviter une prévalence artificiellement augmentée en cas de comorbidité entre les deux troubles, il est recommandé de ne pas tenir compte du TOP lorsqu’un enfant est atteint des deux, et de ne diagnostiquer que le DMDD. » Le DSM-V reconnaît donc fondamentalement l’imprécision des symptômes à cause de leur recoupement avec un TOP. Pourtant, nous nous étonnons de la proposition visant à nier l’existence du TOP en cas de comorbidité, et ce pour éviter une surcote artificielle. En effet, accepter ce compromis, c’est accepter que le TOP doive se plier à la présence d’un DMDD. Ce qui met en doute la solidité du diagnostic du TOP au bénéfice de celui du DMDD. Le DSM-V semble alors poursuivre l’évolution entreprise par le DSM-IV-R c’est-à-dire tenter d’expliquer par une défaillance fonctionnelle, un diagnostic descriptif comme le celui du TOP. Ceci n’est pas sans rappeler l’évolution du DSM-III au DSM-IV-R avec l’émergence du TDAH en « remplacement » des troubles des conduites (voir supra). Lors du DSM-IV-R, les comportements perturbateurs sont inclus dans la même catégorie que le déficit de l’attention. Lors du passage au DSM-V, le TOP doit céder la place au DMDD en cas de comorbidité. Est-ce la fin annoncée d’un diagnostic descriptif dépendant de l’environnement tel que le TOP au profit d’un diagnostic possiblement étayé par une dimension autonome, telle que la rupture brutale de l’humeur ? Par un tel positionnement, Le DSM-V ne nous semble plus se positionner sur une orientation athéorique. Dans le même paragraphe, le communiqué précise aussi : « BD also has similar symptoms. And while clinicians may have been assigning a BD diagnosis to these severely irritable youth to ensure their access to treatment resources and services, these children’s behaviors may not present in an episodic way as is the case with BD. In an effort to address this issue, research was conducted comparing youth with severe non-episodic symptoms to those with the classic presentations of BD as defined in DSM-IV. » Que nous traduisons ainsi : « Le trouble bipolaire a des symptômes similaires. Et de nombreux praticiens ont assigné le diagnostic de bipolarité à ces jeunes, sévèrement irritables, pour leur assurer des soins et des traitements. Les comportements de ces enfants ne se manifestent pas de manière épisodique comme dans un trouble bipolaire. Pour résoudre cette situation, la recherche fut conduite pour distinguer les cas de symptômes pérennes, de ceux affiliés à une présentation classique de trouble bipolaire tel que défini par le DSM-IV. » Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 36/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Ce paragraphe nous semble très peu défendable. D’une part, le comité semble expliquer que les praticiens furent obligés de poser des diagnostics abusifs en rapport avec une carence du système de santé (voir infra). Pour autant, nous l’avons vu, ces diagnostics abusifs ont été portés possiblement par les propres insuffisances du DSM-IV-R (40). Qui plus est, au lieu de modifier la définition du TB afin de pouvoir y faire rentrer une présentation adaptée à la population pédopsychiatrique, le DSM-V marque alors une césure profonde entre les deux troubles. Il nous semble que c’est oublier les travaux argumentant la possibilité de formes infantiles de trouble bipolaire (voir infra). Qui plus est, ces travaux précisent bien souvent l’absence de période de stabilité dans les formes prépubères de bipolarité (51) (52). En conséquence, l’argument majeur du DSM-V pour établir un distinguo entre TBDP et DMDD, ne semble pas tenir. Pour les experts du DSM-V, le TBDP évolue par période, à l’instar du TB de l’adulte. Alors que le DMDD est pérenne. Cet argument semble très critiquable. Notre dernière remarque est qu’en 2003, LEIBENLUFT (membre du comité rédactionnel du DSM-V) proposait à la critique le « Sever Mood Dysregulation ». La démarche était claire. Afin de vérifier la solidité du trouble, il fallait l’identifier pour vérifier ses intrications éventuelles avec le trouble bipolaire. Aujourd’hui, l’identification du DMDD ne tient plus compte de cette mesure, mais comme le précise trois fois le communiqué, afin de mieux traiter les patients. Etant donné que le DSM-V semble avoir repris les mêmes critères pour le DMDD, cette démarche nous semble relever d’un réel passage en force, puisque les travaux n’ont vraisemblablement pas permis de faire la part des choses entre un SMD et un TBDP. Il nous semble alors que le positionnement du DSM-V efface trop rapidement les travaux antérieurs dont le sujet déclaré est le trouble bipolaire et ses formes infantiles. Nous pensons que puisque la question quant à l’identification d’un TBDP reste d’actualité, pourquoi persister à en faire un autre trouble ? Pourquoi ne pas définir clairement un TBDP et le proposer à la recherche en expliquant qu’il reste à être validé ou contesté ? Enfin, nous nous interrogeons quant à la position officielle de l’association académique américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (AACAP) qui publiait en 2007 le seul guide diagnostique au sujet du TBDP (53). Quel va être son positionnement aujourd’hui au sujet du DMDD ? 1.1.11 2013 : Etat des lieux 1.1.11.1 Episodes maniaques ultra-courts Il ressort de la nouvelle mouture du DSM, une précision particulière concernant les épisodes maniaques très courts, inférieurs à 2-3 jours. L’APA propose donc de les catégoriser dans les troubles bipolaires indifférenciés. (« BP-Not Elsewhere Classified » (BP-NEC)) (54). Il ressort de l’expérience clinique que ce type de changement risque de modifier la prévalence Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 37/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels des troubles. Et particulièrement pour les TBDP dont le tempo semble bien plus rapide que celui des adultes (55) (56). Nous nous interrogeons là encore sur la pertinence de cette mesure. Elle risque en effet de brouiller les cartes et de proposer les enfants bipolaires dans une catégorie d’exclusion. 1.1.11.2 Imprécision du DMDD Des études très récentes, portées par des experts opposés à cette démarche donnent des arguments assez forts dans le sens de l’insuffisance de de précision. Une étude pluri-équipes de 2012, sous l’égide d’AXELSON reprend la cohorte LAMS (Longitudinal Assessment of Manic Symptoms), de 706 enfants de 6 à 12 ans, de 2005 à 2008. En établissant une comparaison rétrospective entre le diagnostic de DMDD, de ceux du TOP et de trouble des conduites (57). Leur conclusion est très nette : « In this clinical sample, DMDD could not be delimited from oppositional defiant disorder and conduct disorder, had limited diagnostic stability, and was not associated with current, future-onset, or parental history of mood or anxiety disorders. These findings raise concerns about the diagnostic utility of DMDD in clinical populations. » « Dans cet échantillon clinique, Le DMDD ne peut pas être distingué correctement des troubles des conduites et du ODD. Le DMDD n’a qu’une stabilité diagnostic limitée et ne peut être associé à aucun facteur présent, futur ou familial de quelque trouble anxieux ou de l’humeur. Ces données soulèvent des inquiétudes quant à l’utilité du diagnostic de DMDD en usage clinique. » En plus d’une analyse comparative, une autre équipe s’intéresse à la prévalence possible du DMDD dans une population donnée (58). Les conclusions sont là encore inquiétantes : « Disruptive mood dysregulation disorder is relatively uncommon after early childhood, frequently co-occurs with other psychiatric disorders, and meets common standards for psychiatric "caseness." This disorder identifies children with severe levels of both emotional and behavioral dysregulation. » « Le DMDD est relativement peu fréquent après la prime jeunesse, est souvent cooccurrent avec d’autres troubles psychiatriques, et rejoint des standards communs pour les cas atypiques. Ce trouble identifie des enfants avec des degrés élevés de dérégulation émotionnelle et comportementale. » Enfin, même si le DMDD semble issu des considérations sur le SMD, les mêmes équipes travaillant sur le SMD (LEIBENLUFT, STRINGARIS et al.) rappellent que l’irritabilité, en tant que symptôme cardinal du SMD ne devrait pas être utilisée catégoriellement mais au travers d’une approche dimensionnelle : « An alternative solution would be to treat irritability as a dimension, rather than a category. » (59). 1.1.11.3 Poursuite des recherches, l’apport du SMD. Et l’irritabilité ? A la lecture de la polémique autour du DMDD, nous pouvons pourtant nous réjouir en Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 38/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels constatant qu’elle a au moins eu le bénéfice de faire sortir de la pénombre la question du TBDP. Nous suggérons que l’inclusion du DMDD ne semble pas une proposition judicieuse de la part du DSM-V en l’état actuel des connaissances. Premièrement parce que cette démarche n’est pas suffisamment étayée scientifiquement, et nous proposons dans la suite de notre travail d’autres points de vue pouvant expliquer l’inscription du DMMD dans le DSM-V. Notamment en regard de l’économie de la santé américaine. Deuxièmement, l’inclusion du DMDD, risque d’être confondante sur deux plans. L’utilité diagnostique du DMDD semble faible ou nulle. Soit comme redondance catégorielle, soit comme isolée de toute réalité clinique. Ensuite, il va probablement falloir du temps et des efforts aux équipes de chercheurs, pour réfuter fermement l’absence d’étayage de cette proposition « arbitraire ». Moyens qui auraient sans doute mieux été réemployés à la recherche concernant l’hypothèse princeps du trouble bipolaire chez l’enfant. Pourtant, il est tout de même possible que la polémique engendrée par cette mesure face office de catalyseur en replaçant les troubles de l’humeur au centre des intérêts et de la curiosité scientifique. Mis à part la possible perte de temps, la médiatisation a possiblement joué en faveur de la reconnaissance du trouble. C’est ce qui semble se produire. D’autres équipes semblent ne pas désirer entrer dans la polémique et poursuivre des travaux de recherche fondamentale concernant les troubles de l’humeur chez les mineurs. Particulièrement sur la dimension de l’impulsivité. A titre d’exemple, AMBROSINI et al. viennent de publier un article au sujet de l’irritabilité dans le trouble attentionnel avec ou sans hyperactivité (TDAH) (60). Leurs conclusions semblent suggérer que l’irritabilité n’est pas forcément un signe de trouble de l’humeur. Ceci complète l’avis d’autres équipes suggérant que l’irritabilité est un symptôme suffisamment autonome pour être en soi un symptôme cardinal d’un trouble spécifique (61) (59). D’autres chercheurs, tels que LEIBENLUFT, se démarquent aussi en perpétuant leurs travaux dans leur direction originelle. Ainsi LEIBENLUFT insiste toujours sur la démarche initiale du SMD, à savoir une enveloppe élargie, à tester avant son inclusion dans une classification (62). Après avoir proposé à l’expérimentation le SMD, en se démarquant du TBDP, LEIBENLUFT continue de former une nouvelle génération de chercheur qui s’attelle particulièrement sur l’impulsivité et l’irritabilité. Nous allons voir que par cette mesure, elle contribue indirectement à la découverte de nouvelles notions au sujet du TBDP, car la comparaison des deux troubles permet in fine, de mieux les comprendre tous les deux. 1.2 Discussion : facteurs non-médicaux influençant les critériologies Le coût de la santé n’est plus une donnée secondaire dans les considérations médicales modernes. En dépit du fait que les troubles bipolaires à début précoce n’en sont qu’au stade de la recherche et non-encore une entité directement applicable en clinique quotidienne, il est possible tout de même d’envisager les TBDP dans un cadre d’économie de la santé. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 39/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Nous constatons que les Etats-Unis sont les premiers promoteurs de la recherche. En conséquence, il n’est pas inutile de rappeler en quelques lignes le système de santé américain. 1.2.1 Système de soin américain L’histoire du système de soin américain actuel commence en 1973, à la rédaction du « Health Maintenance Organization Act ». Cette loi a requis des entreprises employant plus de 25 salariés qu'elles offrent à ces derniers la possibilité de souscrire gratuitement à une HMO (Health maintenance organization). Outre les HMO, les systèmes d'assurance maladie comprennent aussi les PPO (Preferred provider organization). Les HMO restreignent les soins à l'intérieur d'un réseau spécifique, tandis qu'avec un PPO, plus coûteux, il est possible de consulter où l’on veut. En dehors des HMO et des PPO, il est possible de s’assurer à des systèmes privés. Mais le coût des soins demeure prohibitif, en particulier en raison des franchises imposées par de nombreuses assurances. Selon une étude récente (63), 62 % des faillites personnelles de 2007 ont été provoquées par le coût des soins de santé. En 2001 cette proportion était de 46 %. Le nombre de faillites induit à cause de problèmes de santé a donc augmenté de 50 % entre 2001 et 2007. Peu d'États (Massachusetts, Hawaii) ont leur propre système de santé universel. Depuis 2000, l'Arizona a institué après un référendum d'initiative populaire une mesure de couverture médicale minimale pour les pauvres (64). Il faut savoir que c’est à partir du DSM que les agences gouvernementales ou les autres systèmes privés, établissent les critères de remboursement. En conséquence, le DSM sert de référence administrative pour les remboursements de soin (65) (66). Plus spécifiquement pour notre sujet, une étude judicieuse au sujet de l’individualisation des assurances santé pour les adolescents a été réalisée en 2003 aux USA. Le travail « inventait » des prototypes d’adolescents atteints de certains troubles et modélisait le parcours de soin selon qu’ils bénéficient à titre personnel (ou non) des enveloppes types des HMO ou PPO. Pour l’adolescent modélisé avec une dépression, il semble que ce dernier puisse profiter correctement des avantages proposés par ces formules. Pour les adolescents modélisés avec des troubles alimentaires, ou un trouble bipolaire, il semble que ces derniers n’obtiennent pas l’opportunité d’avoir un parcours de soin adapté à leurs troubles (67). Un certain nombre d’auteurs ont relayé ce type de considération pour estimer que la nécessité de faire inclure trop largement des patients dans des diagnostics particuliers afin de leur permettre d’être soutenus par les organismes de santé a potentiellement eut pour conséquence une inflation artificielle du nombre de cas (27) (68). Qui plus est lorsque ces notions sont relayées par les médias (25). Même si les praticiens tombent tous d’accord pour conserver une rigueur dans la pose du diagnostic, les failles du système de soin entraîneraient fatalement des biais de diagnostic. Il est donc clair qu’il faille réviser ces considérations afin de mieux aider une population d’enfants en souffrance, n’entrant pas forcément dans les catégories diagnostiques formelles. Sans oublier qu’un certain nombre d’entre eux ont identifié que le bas niveau socio-économique des familles semble être un facteur prédictif d’une mauvaise prise en charge à long terme (46). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 40/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 1.2.2 Eclatement nosologique, conflits d’intérêts et « disease mongering » Pour les industriels pharmaceutiques, élargir les critères diagnostiques entraîne une augmentation de la prévalence et donc le nombre de personnes à traiter. Ainsi, toute modification catégorielle vers l’élargissement ou vers la réduction, va modifier les volumes des marchés. En conséquence, il est possible que la pression de grands groupes puisse jouer directement ou indirectement sur des domaines aussi importants que la critériologie. Ce phénomène a été dénommé « disease mongering ». Il désigne le façonnage des maladies. Il s’agirait d’une manifestation des conflits d’intérêts entre firmes pharmaceutiques et recherche. Selon plusieurs auteurs, la psychiatrie serait une des disciplines les plus opaques et les plus atteintes par une collusion entre l’élaboration de nouveaux diagnostics, et la prescription de traitements. Un livre fait office de référence sur le sujet dès 1992 (69). Le « disease mongering » consisterait à « psychiatriser » à outrance des comportements normaux, afin d’élargir le champ des prescriptions. S’ajoute à cela une médiatisation des diagnostics, voire une « publicisation » de la psychiatrie par l’intermédiaire de spots publicitaires. Ces derniers, plus ou moins offerts par des grandes firmes, afin de sensibiliser les populations à un dépistage précoce des troubles, seraient des moyens indirects pour augmenter les prescriptions de psychotropes, par l’intermédiaire de messages alarmistes. « Puisque la maladie est un terme tellement flou et politique [dépendant de la politique sanitaire d’un pays, donc de son économie et de sa culture], les prestataires de services de santé peuvent créer le plus gros de la demande pour leur offre de soin, en élargissant la définition des maladies de façon à inclure la plupart des gens et en inventant/façonnant des maladies nouvelles » écrivait Lynn PAYER, dans son ouvrage de 1992. Sans extrapoler jusqu’à un complot, ce phénomène semble bel et bien exister puisque des psychiatres de renom ont récemment critiqué très fermement ce type de manœuvre ainsi que l’absence de transparence des comités d’élaboration du DSM. En France, Boris CYRULNIK explique en 2011 dans une vidéo disponible en ligne : (70) « Lorsqu’on crée un nom, on rend un phénomène visible, on a l’impression de comprendre, mettre des mots sur des maux, reconnaître une souffrance. A noter que la traduction langagière, juste ou erronée, a été promue par une vulgarisation extrême de la psychanalyse, extrême aussi parce que les idées véhiculées par la culture psy sont la plupart du temps des interprétations sauvages, très éloignées des thèses psychanalytiques. Donner un nom à ce qu’on ne comprend pas aide à se situer dans le monde, en éclaire un segment, ce qui a pour effet de réduire l’anxiété, etc. Mais on peut donner des noms qui ne correspondent en rien à une réalité psychique complexe et qui ne servent qu’à légitimer la consommation de médicaments (antidépresseurs, tranquillisants et autres). Or c’est la vente des médicaments, donc des impératifs commerciaux en fin de compte, qui entraîne des théories visant à légitimer ce commerce après coup : des molécules seraient en mesure de corriger des déséquilibres psychiques... » Aux Etats-Unis, la polémique est encore plus vive, relayée dans la population générale par des articles du « New-York Time » de 2008 (71) (72). Ils critiquent très fortement le lobbying des laboratoires. Ces dossiers reprennent un certain nombre de contestations d’équipes de chercheurs en pharmacologie ou en économie de la santé, qui dénoncent une collusion Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 41/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels inacceptable entre laboratoires privés et chercheurs, voire experts, voire revues (73). L’argument principal réside dans le mode de financement des travaux par les laboratoires pharmaceutiques. Ou bien même de très importantes sommes d’argent versées directement aux chercheurs (74) (75) (76) (77) (78) (79) (80). Même si ces enquêtes (qu’elles soient du journalisme d’investigation ou des études scientifiques) restent peu nombreuses, il est très vraisemblable qu’elles expriment des inquiétudes légitimement fondées. Selon ces articles, on peut s’inquiéter que le DSM-IV-R contienne 283 items psychopathologiques, alors que la première édition de 1952 en a mois de 100, soit un triplement de leur nombre. Cet éclatement nosologique est-il simplement dû à un affinement des critères diagnostiques ? Les soins se sont-ils enrichis pour autant ? L’histoire se répétant, nous pourrions peut-être comparer l’explosion des catégories du DSM avec celle de la psychiatrie du XIX et XXe siècle. Il semble paradoxal de rappeler qu’un des objectifs affirmés de la démarche catégorielle, était d’éviter les éclatements nosologiques, comme cela avait pu se produire auparavant. Au XIXe siècle puis au début du XXe, il était usuel de donner son nom à une présentation clinique (ex : Syndrome de Briquet, syndrome de Cotard, syndrome de Clérambault, anémie de Lasthénie Ferjol…). Ce qui entraina l’apparition d’un éclatement partiel des nosologies, peu utile à la pratique courante. Sommes-nous face à un autre éclatement inutile ? Motivé par d’autres raisons ? D’autres questionnements éthiques sont inquiétants quant à la clause de confidentialité tenant au secret les membres leaders de l’APA et les groupes d’experts chargés de la révision du DSM. Ces experts justifient la clause de confidentialité en expliquant qu’elle vise à empêcher que des détails soient rendus publics, avant d’être discutés par les équipes. Avant que les modifications soient retenues ou non pour la version finale. En 2008, le directeur de la première équipe rédactionnelle du DSM-III, critiquait énergiquement cette mesure. Robert SPITZER, s’est insurgé contre cette opacité en déclarant : « Ça m’a rendu dingue d’entendre parler de cet accord. La transparence est nécessaire si l’on veut que le Manuel soit crédible ; et puis des rédacteurs vont forcément se plaindre, avec le temps, de ne pas avoir eu l’occasion de remettre en cause quoi que ce soit. »[…] « Si l’on ne sait pas ce qui se passe lors de certaines réunions, les participants prêtent tous le flanc à la suspicion de conflits d’intérêts » (81). Son action ne s’est pas limitée à cela, il a même rédigé une lettre ouverte à l’ensemble des chercheurs qui appelle à cette transparence. Elle est disponible en ligne : « DSM-V : Open and Transparent ? » (82). Il nous semble fortement contrariant que des discussions scientifiques, dont les résultats vont orienter les évolutions de recherches pour les années à venir ne soient pas rendues publiques. D’autant plus parce que les collusions entre laboratoires pharmaceutiques et financement de la recherche sont extrêmement présentes. Il n’est pas obligatoire de suspecter une manipulation de masse, il est même possible de Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 42/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels penser que les conflits d’intérêts sont incontournables dans l’économie de la science du XXIe siècle, mais il nous semble requérir alors une transparence totale. Dans ce débat éthique et philosophique, d’autres journalistes et chercheurs n’hésitent plus à donner les noms des experts susceptibles de partialité. Ainsi, Elena PASCA (83) n’hésite pas à accuser ouvertement : « Ainsi, le très réputé pédopsychiatre Joseph BIEDERMANN a oublié de déclarer, parmi d’autres sommes reçues, la bagatelle de 1,6 million de dollars payés par des firmes pour faire avancer leurs intérêts. L’affaire a été révélée par l’infatigable sénateur Charles GRASSLEY et médiatisée par le New York Times, par exemple dans l’article "Researchers Fail to Reveal Full Drug Pay" (Des chercheurs omettent de déclarer la totalité de leur bulletin de salaire). Et ce cher, très cher docteur BIEDERMANN a rempli sa mission de promotion du trouble bipolaire chez les enfants, puisque le diagnostic, toujours controversé d’un point de vue scientifique, a augmenté de 40% entre 1994 et 2003, nous dit un article du New York Times de septembre 2007 : “Bipolar Illness Soars as a Diagnosis for the Young” (La montée en flèche du diagnostic de trouble bipolaire chez l’enfant). Or le groupe d’experts chargés de la révision doit décider de l’inclusion ou non du diagnostic de trouble bipolaire infantile dans le DSM. Les conséquences seraient énormes pour le commerce pharmaceutique, puisque le remboursement par les assurances ferait exploser les ventes. Il est question d’autres sujets épineux, parmi lesquels figure la reconnaissance d’une entité très vague appelée "trouble du traitement sensoriel", désignant des difficultés particulières d’intégration sensorielle chez certains enfants. Des associations de malades, des chercheurs et d’autres parties en présence veulent une reconnaissance de cette entité, afin d’obtenir une couverture par les assurances de certains traitements très chers et d’obtenir de l’argent pour les recherches. Effectivement, si les firmes y verront un débouché commercial, elles financeront sans attendre toute recherche… » Avec circonspection, on ne peut que constater les ravages annoncés sur la crédibilité scientifique, vraisemblablement alimentés par l’attitude de défiance opaque que conservent les experts rédacteurs du DSM-V. Ce positionnement nous semble d’autant plus intenable que l’OMS, en cours de revue de la CIM-10 pour une CIM-11 adopte un positionnement opposé et met en ligne chaque rapport de séance et les minutes de ces dernières pour ce sujet (84). Au-delà d’une simple polémique de principe, des travaux scientifiques et universitaires ne permettent aucunement un apaisement des tensions liées à la suspicion. Des études ou articles variés concernant l’impact des conflits d’intérêts sur l’issue comme sur les résultats des études commencent à voir le jour (85) (86). Enfin, d’autres articles s’intéressent même à l’influence des conflits d’intérêts sur les recommandations d’experts, théoriquement en charge de vérifier ce type de biais (87) (88) (89) (90). Ces inquiétudes soulevées depuis les années 90 ont même entraîné l’obligation faite aux Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 43/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels chercheurs de déclarer les conflits d’intérêts. Cette obligation n’a fait que mettre en lumière la « Uneasy Alliance » vraisemblablement omniprésente et inhérente du système de recherche américain (91). A savoir le financement privé d’une grande part des recherches scientifiques. La question ne semble plus être si les conflits d’intérêts sont présents, mais plutôt de savoir jusqu’où et comment ils peuvent influencer les décisions. En l’occurrence, l’étude de Lisa COSGROVE et al. (65) est une des rares à tenter de mesurer ce phénomène, et en particulier entre l’APA et les industries pharmaceutiques. La psychiatrie semble encore plus atteinte que les autres disciplines (92). Cette équipe de recherche a passé au crible 170 experts directement concernés dans la révision du DSM-V au DSM-V-R sur la période de 1989 à 2004. Les types de liens concernés ont été de plusieurs types : honoraires, actions dans une entreprise pharmaceutique, initiateur d’une start-up, membre du bureau ou conseiller scientifique d’une entreprise pharmaceutique, expert en litige pour une compagnie pharmaceutique, rédacteur ou propriétaire d’un copyright, consultants. Ont été aussi vérifiés les cadeaux reçus tels que : voyages, subventions et matériel de recherche. Pour autant, ce travail distingue très clairement les intérêts financiers, du terme conflit d’intérêt. Ce dernier suppute en soi une conséquence sur les prises de décisions de l’existence des intérêts financiers. Cette étude montre que plus d’un chercheur sur deux (95 sur les 170, soit 56%) a des intérêts financiers avec l’industrie pharmaceutique. Dans les sous-groupes de chercheurs attelés à réviser les « troubles apparaissant usuellement durant l’enfance et l’adolescence » ainsi que ceux des « troubles de l’humeur » le taux est respectivement de 61.9% et 100%. Les principaux liens retrouvés entre les experts et l’industrie pharmaceutique relèvent de fonds de recherche ou être consultant ou membre du bureau administratif de l’entreprise (42%, puis 22% puis 16% des experts). Les auteurs précisent qu’aucune conclusion ne peut être tirée au sujet des conséquences des conflits d’intérêts retrouvés. Pourtant, il semble nécessaire de rappeler que les psychotropes sont parmi les traitements les plus prescrits au monde. Aux USA, les antidépresseurs arrivent en 4e position, suivis par les antipsychotiques. Ils représentent respectivement plus de 20 et 14 milliards de dollars de vente en 2004 (93). En conséquence, les requêtes en faveur d’une plus grande transparence au sujet des conflits d’intérêts dans les revues comme dans les groupes d’experts, peuvent paraître tout à fait légitimes. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 44/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 1.3 Résumé historique et avis personnel 1.3.1 Tableau historique (Tableau 1) Tableau 1 (Adapté d'après PARENS & JOHNSTON) (27) Références 1854 FALRET identifie et dénomme la "Folie circulaire" (1) 1921 KRAEPELIN publie "La folie maniaco-dépressive et la paranoïa". Il constate que le trouble est rare chez l'enfant. (2) début des années 1980 CARLSON et al. remarquent que la symptomatologie bipolaire chez les enfants et les adolescents peut inclure une irritabilité importante et une forte labilité émotionnelle. Le DSM III-R ne contient pas de catégorie pédopsychiatrique pour le TB, mais accepte l'existence possible de cyclothymie et de dysthymie chez les enfants et adolescents. La CIM-10 contient la catégorie F-92 "troubles mixtes des conduites et troubles émotionnels" en psychiatrie de l'enfant, contenant une dimension thymique, avec un renvoi possible vers la clinique du trouble de l'humeur pouvant donc exister chez l’enfant. La troisième édition de la classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent possède une catégorie spécifique 1.06 "Psychoses dysthymiques" acceptant clairement la possibilité du trouble à partir de l'âge de 3/4 ans. Faisant un distinguo catégorique avec la catégorie 6.08 "Hyperkinésie, instabilité psychomotrice" relevant du TDAH. GELLER et al. notent qu'un épisode dépressif majeur chez l'enfant se convertit en TB pour 32 % d'entre eux à l'âge adulte. (94) 1987 1992 1992 1994 (10) (11) (12) (13) (17) 1995 BIEDERMAN et al. proposent un nouveau syndrome "The broad phenotype bipolar disorder" dans le but avoué d'élargir les critères d'inclusions afin de le tester par études. (95) 1995 GELLER et al. Suggèrent que des enfants ou adolescents avec des cycles rapides, et ou une inflation de l'humeur soient atteint de TB. Ils récusent l'irritabilité comme critère du TBDP puisqu'il est aussi présent dans le TDAH. (17) 1998 KLEIN et al. dénoncent l'hypothèse attribuant l'irritabilité chronique comme forme de manie. Publication de l'ouvrage de D. et J. PAPOLOS entraînant une augmentation de consultation pour suspicion de TBDP (96) 2000 Le DSM IV et DSM IV-R ne contiennent toujours aucune notion concernant la possibilité d'un TB chez l'enfant. (24) 2002 « Time magazine » fait la une sur les enfants atteints de TBDP (25) 2003 LEIBENLUFT et al. proposent un nouveau syndrome le "Severe mood dysregulation (SMD)" dans le but de le tester à la critique. (42) 2005 KOWATCH et al. proposent le premier guide pour le TBDP dans le JAACAP. Ils précisent nettement le manque de données concernant la continuité avec le TB de l'adulte et critiquent les imprécisions dans l'interprétation de certains symptômes. JAACAP publie la recommandation de réévaluer régulièrement les diagnostics de TBDP devant les incertitudes scientifiques pérennes. (97) 2007 L'étude de BLADER et CARLSON décrit une augmentation par 40 du taux de TBDP aux USA. Celle-ci s’avérera en réalité surévaluée. (30) 2008 Les conférences préliminaires pour l’élaboration du DSM-V reconnaissent qu’il est prématuré d’inclure le SMD dans le DSM-V. Un certain nombre d’experts mettent en accusation la clause de confidentialité des groupes de révision du DSM. Le « Time Magazine » relaie les inquiétudes suscitées par un possible « disease mongering » Le DSM-V inclut le "Disruptive Mood Dysregulation Disorder (DMDD)" comme catégorie diagnostique, en reprenant des critères tronqués du SMD. Ceci suscite de nombreuses critiques quant à l'insuffisance de preuves scientifiques. (50) 2000 2007 2008 2013 Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. (26) (53) (71) (72) (48) Page 45/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels En résumé de notre présentation historique des principales étapes quant à l’identification d’un trouble bipolaire à début précoce, nous garderons quelques points clefs en tête. D’une part, même si le TB reste une pathologie touchant essentiellement l’adulte jeune, les fondateurs de la psychiatrie clinique moderne avaient identifié des manifestations cliniques similaires chez un petit nombre d’enfants ou d’adolescents. Tout en précisant très clairement que ces cas étaient exceptionnels. La symptomatologie décrite, bien que frustre et se rapprochant des formes cliniques de l’adulte ne permet pas d’argumenter suffisamment pour préciser un continuum. Les cas présentant des accès maniaques chez l’enfant relevaient alors d’un trouble schizo-affectif. Dans les années 80 et 90, l’évolution du DSM et de la CIM, permettent la reconnaissance d’une nouvelle catégorie de trouble en rapport avec les difficultés comportementales : les troubles hyperkinétiques et les troubles des conduites. Alors que la classification française identifie très clairement une frange de patients maniaco-dépressifs débutants avant l’âge adulte, les classifications internationales ne reconnaissent pas ouvertement cette possibilité. Nous pensons qu’il est possible que l’adjonction de la catégorie des troubles hyperkinétiques dans les DSM-III et CIM-10 a potentiellement suscité suffisamment d’interrogations et de débats avant sa reconnaissance officielle (débat toujours actif aujourd’hui). Par contre, la recherche au sujet des troubles bipolaires chez les mineurs n’est restée que minoritaire et dans des milieux restreints. Il est significatif que le nombre de publications au sujet du TBDP reste systématiquement dix fois inférieur à celui du TDAH, tout en calquant son évolution régulièrement croissante (voir figure 1). La révision du DSM-IV puis DSM-IV-R en 2000 n’installe toujours pas l’éventualité d’un TB débutant possiblement dans l’enfance, bien qu’un certain nombre d’études parfois très correctement étayées suggèrent fortement cette possibilité. En parallèle, les travaux menés sur le sujet prennent cohérence et organisation, y compris entre équipes et moyens de recherche. Notons cependant que le nombre de chercheurs que nous avons régulièrement retrouvés impliqués sur le sujet reste vraisemblablement inférieur à une centaine, voire moins (voir les auteurs de notre bibliographie) et que dans l’extrême majorité, ils sont Nord-Américains, travaillant sur des populations Nord-Américaines. Ce qui en soit est une limite fondamentale pour l’extrapolation des travaux. Parmi les chercheurs les plus impliqués, citons BIEDERMAN et LEIBENLUFT, qui proposent à l’essai, et à l’expérimentation deux syndromes : « The Broad Phenotype » (BIEDERMAN) puis le « Severe Mood Dysregulation » (LEIBENLUFT). La démarche est expérimentale pure. En délimitant arbitrairement des catégories diagnostiques comme prédicat de réflexion, on permet de tester puis de valider ces hypothèses. Cette démarche n’a toujours pas permis d’apporter des résultats suffisants. De plus, elle a possiblement amené à confusion, car tous les spécialistes n’ont pas forcément relayé l’utilité de nommer différemment une hypothèse à tester ; alors qu’il semble se dégager un continuum psychopathologique entre un trouble bipolaire à manifestation pédiatrique vers l’adulte. Par ailleurs, l’impact d’évènements médiatiques (livre, dossier de journaux…) a régulièrement alimenté un débat quant à l’existence de la bipolarité chez les enfants, en suscitant parfois des peurs infondées dans la population générale américaine. Enfin, plus récemment, et vraisemblablement plus troublant, le tout nouveau DSM-V publié Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 46/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels en 2013 a reconnu l’existence du « Dysruptive Mood Dysregulation Disorder » DMDD, en reprenant la majorité des critères du « Severe Mood Dysregulation ». Hélas, le positionnement du DSM ne peut plus vraisemblablement prétendre relever d’une démarche expérimentale scientifique, mais plutôt d’un passage en force, entrainant de facto une reconnaissance internationale, pour une entité nosologique encore très contestée. Ce qui ne manque pas d’attiser des débats qu’ils soient scientifiques ou, comme nous l’avons vu, médiatiques voire financiers. 1.3.2 Avis personnel 1.3.2.1 Les limites de l’approche expérimentale ? Ce travail « biographique » d’un trouble psychiatrique s’est révélé particulièrement intéressant pour nous permettre la lecture la plus complète possible des données cliniques des travaux scientifiques en rapport avec le TBDP. Tirer une chronologie de l’évolution d’un concept va ainsi nous permettre de comparer les données expérimentales aux références d’une époque donnée. En sus de ce référencement, un tel travail d’analyse permet d’apercevoir les dynamiques évolutives de la recherche scientifique dans un sens plus large. Cette dernière ne semble plus pouvoir se limiter à l’axiome « hypothèse, expérimentation, conclusion ». Particulièrement en psychiatrie, la recherche ne peut se concevoir que dans son contexte historique. C’est-à-dire sensible à l’environnement. Ce qui peut paraître paradoxal par rapport à l’universalité requise en science expérimentale. En reprenant les éléments les plus marquants de ce travail historique, nous sommes un peu dubitatifs quant à l’identification du TBDP. En effet, dès KRAEPELIN, des formes très précoces de bipolarité sont identifiées et décrites dans les manuels (2). Pourtant, ces données semblent tomber dans l’oubli relatif et ces patients reçoivent des diagnostics de trouble schizo-affectif ou de psychose infantile. Ces réorientations diagnostiques sont vraisemblablement à attribuer aux contextes scientifiques et psychiatriques majoritaires entre 1900 et 1980. Ce qui laisse supposer des traitements non-pharmacologiques et possiblement inadaptés. Nous nous permettons de faire le parallèle avec les réticences encore très nombreuses, à proposer des traitements psychotropes aux enfants dans le cadre d’un TDAH. Réticences étayées possiblement sur certains dogmatismes voire sur un principe de précaution inadapté, Nous pourrions nous satisfaire que le diagnostic de trouble bipolaire à début précoce ressorte de l’oubli à partir des années 1990. Cependant, le contexte et la méthodologie scientifique a changé entre temps en passant à l’ « Evidence Based Medicine » (Médecine fondée sur des preuves). L’impératif scientifique à devoir tout prouver (sous réserve du risque alpha de 5%...) nous semble avoir trop bien fonctionné. En l’occurrence, à devoir tout démontrer, l’impératif moral des sciences reposant sur le principe « ceci est vrai jusqu’à preuve du contraire. » relevant du schéma paradigmatique « observation-hypothèse-expérience-validation-corrolaire-application », a nous semble-t-il Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 47/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels desservi la cause de ce diagnostic. En effet, faire ressortir des archives les cas de TBDP décrit par les maîtres fondateurs ne s’est pas fait en partant du principe que leur observation était juste et qu’il fallait l’approfondir, mais en la mettant en doute et qu’il fallait la prouver. Ceci ne nous semble pas relever des mêmes attentes philosophiques et théoriques. Entrainant alors depuis plus de vingt ans, de 1990 à nos jours, des tentatives de démonstration scientifique pour prouver l’existence de quelque chose qui, selon nous, existe par état de fait et d’observation. C’est un parfait exemple pour illustrer un possible dogmatisme de l’expérimental sur l’empirisme. Plus contrariant, il nous semble que le niveau d’exigence de démonstration scientifique requis pour valider les travaux expérimentaux est tel que désormais, la faisabilité en devient illusoire. Pour illustrer ce propos, nous avons vu qu’étant donné la très faible prévalence du TBDP, l’exigence statistique requiert des cohortes d’un nombre considérable de patients. Sans biais de sélection. Est-ce encore matériellement réalisable ? Dans le cadre du TBDP, les travaux les mieux étayés à partir sont ceux des grandes cohortes LAM (~700 cas) (57), de la cohorte GSMD (Great Smoky Mountains Study) (~1400 cas) (44) voire de cohorte nationale (37). Et malgré les grands nombres de patients, ces dernières peuvent être remises en cause par des biais de sélection. Certains chercheurs appellent aux méta-analyses, mais se retrouvent limités par l’absence de correspondance dans les critères d’études (33) (40). Il n’est sans doute pas anodin que le seul pays à pouvoir financer des études de cette ampleur soit les USA. Dans notre recherche bibliographique, l’extrême majorité des articles sont nordaméricains. Est-ce que parce que le sujet n’intéresse que cette population ? Vraisemblablement pas. Mais peut-être parce que les chercheurs des autres pays n’ont pas les moyens de prouver, ou de fournir des arguments scientifiques très solides, non par errance conceptuelle, mais par manque de fonds2. En conséquence, il est possible de se demander si l’exigence requise par le système de publication scientifique reposant sur l’EBM, n’est pas un paradigme américain, conçus par les américains, pour les américains, jugé par des américains3, et ne pouvant être correctement relevé que par des américains… ou les chinois, selon le volume du PIB4. 2 Au-delà de notre sujet, de 2001 à 2011, les USA publiaient à eux-seuls plus de trois millions de publications scientifiques (toutes disciplines incluses) soit quatre fois plus que le second (RP de Chine avec ~836 000 articles, qui est passée de la 5e à la 2e place entre 2009 et 2011) et il faut cumuler les publications des second jusqu’au sixième pour arriver à équivaloir ce chiffre américain (3 e : Allemagne avec ~784 000 / 4e Japon avec ~771 000 / 5e GB avec ~697 000 / 6e France avec ~557 000 articles pour l’année). Notons de plus que ce classement semble corrélé au classement des PIB en 2011 (410). 3 Voir classement des revues de psychiatries américaines et internationales par « impact factor » en 2012 (411). 4 Notons que le contexte social, moral et religieux en Chine, ne prédispose possiblement pas à l’émergence d’une psychiatrie à l’occidentale étant donné l’absence de distinguo entre soma et psyché dans les conceptions religieuses, sociales et médicales les plus répandues… Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 48/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels En revenant à notre sujet de thèse, 20 ans de recherche pour obtenir le débat sur le DMDD nous semble dommageable pour les patients. Nous ne pouvons éviter de nous poser la question en termes de perte de temps, effet pervers du système de recherche actuel ? Qui plus est, nous nous interrogeons toujours sur l’évitement à nommer TBDP ce qui semble être un TBDP afin de définir clairement les questions posées. Certaines équipes ont justifié de ne pas devoir prendre le même nom par le fait qu’il n’y aurait pas suffisamment de preuve (sous forme de marqueurs biologiques) pour considérer la continuité entre TBDP et le TB. (98). Ce qui signifierait, que malgré une présentation partiellement similaire, le TBDP et le TB sont distincts. D’autres au contraire, affirment la continuité entre les deux (41). Nommer ces cas par le nom qui leur revient le plus simplement nous semblerait être un pas en avant pour éviter les débats catégoriels. Ces débats nous apparaissant désormais superflus, au détriment de discussion entre les équipes de chercheurs afin, non pas d’entrer en rivalité, mais de se répartir des tâches. Est-ce illusoire ? Enfin, nous avons vu que dans ce modèle de production scientifique, c’est-à-dire principalement dépendant des ressources financières, les questions éthiques se posent quand il existe un manque évident de transparence, comme l’ont parfaitement soulevé les experts euxmêmes au sujet du « disease mongering ». Cette corrélation reste-t-elle sans conséquence ? Ou bien peut-on craindre qu’elle entraîne des effets secondaires inquiétants, voire contreproductif ? En étant fortement « incité » à un financement privé pour aboutir aux résultats, que devient l’indépendance du chercheur ? (65). 1.3.2.2 Vers une « neurologisation » de la psychiatrie ? Notre travail historiographique nous permet de dégager une autre orientation de l’évolution psychiatrique. En l’occurrence une « neurologisation » de la discipline. L’exemple patent concerne les « troubles des conduites » ayant été entamés par la mise en avant du trouble hyperkinétique renommé TDAH (voir supra). Il est intéressant de constater qu’un diagnostic tel que les « troubles des conduites », initialement établi sur des critères comportementaux par rapport aux normes sociales en vigueur, puisse évoluer vers une dimension presque biologique, c’est-à-dire athéorique, relativement indépendante du milieu. En replaçant l’origine des troubles dans une dysfonction neurologique, il est possible de se dégager d’une causalité interactionnelle univoque. L’effet positif permet de déresponsabiliser voire déculpabiliser les patients comme leurs proches. Mais c’est aussi prendre aussi le risque de tomber sous un certain déterminisme. En considérant l’origine comme vraisemblablement génétique ou neurologique, c’est aussi accepter de facto « l’impératif » biologique. Mais aussi l’absence de traitement curatif, à la seule solution des traitements symptomatiques. Quelle portée morale prendrait alors l’annonce des diagnostics ? Par analogie avec l’évolution du trouble des conduites, nous nous interrogeons quant à l’évolution des connaissances pour un trouble comme le TBDP. Depuis 1982 (invention de l’IRM), la science possède enfin un outil d’exploration fonctionnelle du système nerveux Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 49/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels central. Cet outil technologie ne fait que s’améliorer au cours des années5. Ainsi, il n’est peut-être pas utopique d’espérer identifier, non seulement la neuro-anatomie cérébrale fine (et pourquoi pas à l’échelle du neurone, voire de la synapse), mais aussi la neurophysiologie fine à cette même échelle. Il semble même que ce soit déjà le cas sur modèles animaux : « 29 Mai 2013 : Grace à un IRM à haut champ, les chercheurs du CEAI2BM ont suivi la dynamique des échanges ioniques dans les neurones, moteur de la propagation de l’influx nerveux. Leur modèle : l’aplysie, un mollusque marin très utilisé en neurosciences pour des études sur la mémoire et l’apprentissage. » (99). Dès lors, nous supposons que les années futures vont être le siège de profonds remaniements dans l’organisation des sciences et vraisemblablement voir la fin de la césure entre psychiatrie et neurologie6. Ce manque initial ouvrait possiblement la porte sur un grand nombre d’hypothèses impossibles à valider, mais aussi à réfuter. La psychiatrie future reprendra alors son rôle de neurologie de l’encéphale. En conséquence, il est possible que les systèmes de classification actuels, élaborés à partir des manifestations symptomatiques, par statistique de fréquence, risquent de se trouver totalement obsolètes puisque les paradigmes vont possiblement changer. Il nous semble vraisemblable qu’une psychiatrie élaborée non plus sur les manifestations symptomatiques s’élaborera sur des regroupements physiopathologiques7. Etant donné l’évolution conjointe des modes de traitements, de plus en plus ciblés et spécifiques (ex : neuro-localisation dans les protocoles RTMS, stimulation intracérébrale profonde dans la maladie de Parkinson, d’Alzheimer ou même les TOC (100)), il est possible de croire au succès d’une future classification neuro-physiologique, dimensionnelle. Devant un tel bouleversement, quid de l’intérêt de discuter l’importance de tel ou tel symptôme comportemental ? De la même manière que le diabète est passé d’anciennes nomenclatures telles que « diabète sucré » (où les critères diagnostiques étaient des symptômes visibles tels que le goût sucré à la dégustation des urines…) à une nomenclature actuelle élaborée sur de la physiologie telle que « diabète de Type I », « diabète de Type II », « insulino-dépendant ou non »… Nous pensons que la psychiatrie est à la veille de bouleversements similaires. L’ensemble des troubles sera revu à la lecture de la neurophysiologie. Certaines dénominations semblent déjà évoluer en ce sens. Ainsi, le « trouble hyperkinétique » est désormais appelé « trouble 5 De la même manière que le télescope de Galilée lui a permis d’étayer sa théorie de l’héliocentrisme par l’observation, nous supposons que l’IRM fonctionnel (et ses dérivés) permettront d’étayer par l’observation et l’expérimentation les théories neurobiologiques (comme nous le verrons dans la suite de notre travail). Le développement technique de ces outils étant quasi-exponentiel, il est vraisemblable que les imprécisions de mesure et les limites actuelles seront régulièrement repoussées plus loin. 6 Césure que nous supposons provoquée essentiellement par l’incapacité initiale d’observer le fonctionnement cérébral en temps réel. 7 Ceci avait déjà été tenté dans les années 50, où l’apport des neuroleptiques avait permis d’oser des tentatives de classifications par champ pharmaceutique. Ce qui, dans l’absolu, se rapprochait d’une classification neurophysiologique. Cependant, il est vraisemblable que les échecs thérapeutiques, encore fort nombreux hier et aujourd’hui, n’avaient pas permis d’étayer formellement ce type de démarche. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 50/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels déficitaire de l’attention ». Attestant par là un changement de référentiel. Il ne s’agit plus d’un constat symptomatique mais d’une hypothèse fonctionnelle, ouvrant la porte aux explications neuro-physiologiques. Ainsi, qu’en est-il de l’évolution des connaissances sur le trouble bipolaire ? Ne vont-elles pas évoluer à l’identique ? C’est ce que nous supposons, comme nous allons l’apercevoir en deuxième partie de ce travail. En effet, dans le débat concernant le TBDP, les manifestations psychotiques ou bien l’irritabilité ne sont désormais plus considérées comme des observations cliniques mais comme des dimensions étayées par les connaissances neurophysiologiques (voir infra). Les travaux de recherche les plus prometteurs, ne sont plus les travaux d’épidémiologie statistique, mais ceux qui proposent des pistes d’exploration d’un support neuro-anatomique, neuro-physiologique, voire neuro-génétique. Ainsi, nous pourrions proposer d’avoir de nouveaux outils d’évaluations qui permettraient de décrire les patients non plus à l’aide de critères diagnostiques, mais sur des échelles dimensionnelles étayées sur des travaux physiologiques. Ce type d’approche semble d’ailleurs en voie d’expansion et propose de nouveaux moyens d’évaluation des manifestations cliniques (101). Nous nous permettons alors d’en proposer une représentation visuelle en figure 2. Au final, nous pensons que la profonde remise en question des paradigmes psychiatriques, par l’approche dimensionnelle, risque de faire des discussions critériologiques autours d’un diagnostic comme le DMDD, un « coup d’épée dans l’eau » ; une discussion futile issue d’un système de pensée à la veille de son effondrement par révolution paradigmatique. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 51/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 2 DEUXIEME PARTIE : SYNTHESE DES CONNAISSANCES CLINIQUES ET THEORIQUES Après avoir présenté l’évolution historique du concept, de son émergence formelle, jusqu’à nos jours, il est nécessaire de présenter une synthèse générale la plus consensuelle possible quant au TBDP. 2.1 Prévalence La prévalence estimée sur la vie entière pour un TB dans la population générale est estimée entre 0,4 et 1,6% (22) ; dont environ 0,5% représentés par les TB type 2. A noter cependant que des études réalisées par d’autres instances officielles majorent ce chiffre à 2,6% (TB type I et TB type II) (102). Concernant la prévalence du TBDP, plusieurs études peinent à la mesurer. Celle de COSTELLO sur des enfants ruraux de 9, 11 et 13 ans, ne trouve aucun cas de manie (103). Celle de LEWINSOHN sur une cohorte de 14-18 ans, l’estime à 1% (mais avec seulement 0,1% de manie) (104). Celle de CARLON et KASHANI sur une cohorte de 12 à 16 ans, l’estiment à 0,6% (105). Enfin, celle de STRINGARIS, estime le TBDP dans sa forme pure à 0.1% dans la population des mineurs, soit dix fois moins que la prévalence du TB (55). Les premières études rétrospectives, portant sur la présence de symptômes pathologiques dans l’enfance d’adultes bipolaires, estimaient qu’environ 0.5% d’entre eux présentaient des troubles avant l’âge de 10 ans. Faisant suggérer une extrême rareté (106) (5). Des études plus récentes, toujours rétrospectives, semblent suggérer que les adultes bipolaires ont présenté des manifestations infantiles plutôt sur un registre dépressif, ce qui n’exclut pas un TBDP de forme dépressive, bien que les études sur le TBDP s’intéressent principalement aux présentations maniaques (notion que nous développerons plus tard) (107) (108). Les rares études prospectives, contenant possiblement un biais de sélection, montrent malgré tout une augmentation progressive du nombre de cas. Comme nous l’avons vu, la question de savoir s’il s’agit d’une augmentation authentique ou artificielle reste présente. Prenons comme exemple l’étude de ZITO et al. de 2000 qui précise que des enfants en âge préscolaire commencent à être diagnostiqués TBDP (109) ou bien celle de HELLANDER qui précise en 2002 que dans la cohorte « Child and Adolescent Bipolar Foundation » 24% des correspondants ont posé un diagnostic avant l’âge de 8 ans, parfois à 1 an (110). En définitive, certains experts estiment la prévalence du TBDP à environ 1% (17), c’est-à-dire similaire au TB. Mais cette prévalence reste très sujette à caution. En effet, il est possible qu’à cause de la « jeunesse » du concept, un grand nombre de cas aient pu être régulièrement nondiagnostiqués, ou que d’autres présentations cliniques puissent être incluses dans ces dénombrements. 2.2 Facteurs de risques 2.2.1 Aspects familiaux et génétiques Alors que la littérature au sujet du TB chez l’adulte est très fournie au sujet de la composante génétique, les recherches concernant la génétique du TBDP sont évidemment encore assez rares. Mais quelques études ont permis de mettre en évidence certaines caractéristiques Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 52/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels particulières. Familles dysfonctionnelles Quelques équipes ont constaté des corrélats entre le fonctionnement familial et la possibilité de survenue d’un TBDP. En particulier GELLER (111) et ESPOSITO (112). Ces constatations ne permettent cependant pas d’établir s’il s’agissait de corrélats génétiques, ou para-génétiques, par le contexte éducatif notamment. L’étude de GELLER proposait de comparer le contexte psycho-social de TBDP avec celui de TDAH. Elle proposait ainsi de considérer avec importance le contexte psycho-social. En effet, il semblait que ce dernier était particulièrement dysfonctionnel dans les cas de TBDP et non dans les cas de TDAH ou de témoin. Les dysfonctions retrouvées étaient notées dans l’impossibilité de contrôler l’hypersexualité des TBDP. Parmi eux, environ 1% rapportait des abus sexuels, ce qui en ferait un indice relativement spécifique de TBDP. Sur le champ de la dynamique familiale, il semble qu’elle ait surtout une influence sur le taux de rechute et la compliance (113). Des thérapies axées sur la famille peuvent s’axer sur le stress familial, l’importance du traitement, les relations intrafamiliales et la communication (114) (115) (116). Concernant l’étude d’ESPOSITO, plus récente, elle confirme que la qualité de fonctionnement familial est statistiquement corrélée à des troubles de l’humeur présents chez la mère et chez les enfants. Ainsi, elle confirme le principe d’agrégation familial des troubles de l’humeur, mais suggère le rôle potentiel d’un héritage non-génétique. Globalement, l’analyse des contextes éducatifs reste difficile. Les interactions intrafamiliales, par leur essence même, sont difficilement évaluables. La famille est donc à prendre en compte surtout par le support génétique qu’elle peut constituer. Hélas, l’absence de marqueur indépendant et autonome, rendra toujours difficile de faire la part des choses entre des facteurs externes favorisant la survenue des troubles (par exemple : carence éducative, abus sexuels, famille nombreuse, niveau socio-culturel bas, carence affective…) et des facteurs internes (par exemple : génétiques, neurodéveloppementaux, toxicité fœtale…). La question de la causalité primaire reste donc en suspens. Est-ce la pathologie de l’individu (ou des individus) qui occasionne les dysfonctionnements familiaux, ou ceux-ci qui révèlent la vulnérabilité génétique ? Ou bien, plus vraisemblablement, ces mécanismes entreraient-ils en synergie ? Nous serions alors en face d’une intrication complexe entre un héritage génétique, un héritage communicatif et un héritage comportemental. Sous-groupes en fonction de l’âge de début. Les études visant à la caractérisation du trouble bipolaire en fonction de l’âge de début sont relativement récentes. Les premières études semblent avoir démontré que les patients ayant débuté leur maladie avant l’âge de 30 ans, présenteraient plus souvent un alcoolisme comorbide et des troubles des conduites (117) (118). Les études ultérieures semblent avoir mis en évidence la plus grande fréquence d’épisodes psychotiques au cours des épisodes thymiques, en particulier chez les filles (119) (7) (120) Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 53/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels (121) (122). Un certain nombre d’équipes ont tenté de faire ressortir des sous-groupes biologiquement distincts en fonction de l’âge de début. Par définition, le TBDP survient chez des patients de moins de 18 ans (TBDP pour les adolescents), et de moins de 10 pour les enfants (TBDP chez les enfants, ce que certains ont même nommés TBDTP (Trouble bipolaire à début très précoce). Intuitivement, ces bornes d’âge ne semblent pas les mieux adaptés. Etant donné les remaniements neurologiques et psychologiques de l’adolescence, certains ont supposé placer le curseur du TBDP autour de la puberté et de parler de « pre-pubertal bipolarity » et de « post-pubertal bipolarity » (41). Leur argument réside dans le fait que certains adolescents entre 15 et 18 ans ont déjà des manifestations de bipolarité de forme adulte (104). A contrario, d’autres adolescents, y compris post-pubères, n’ont pas les mêmes manifestations que celles des adultes (c’est un des arguments des chercheurs qui réfutent la thèse de la continuité). Ou bien, il est possible d’envisager que le degré de maturation cérébrale et/ou psychologique, n’est pas colinéaire avec la maturation somatique de la puberté. Un décalage permettant alors de considérer des adolescents post-pubères avec des manifestations « infantiles »8. En réalité, les chercheurs semblent avoir identifié des âges charnières, indépendants de la puberté, dans le but d’identifier des périodes de vulnérabilité dans lesquelles le risque de développer une certaine forme de TB est majoré. L’équipe de F. BELLIVIER a tenté de modéliser une distribution multimodale de l’âge de début dans un échantillon de 211 patients (123). Ils l’ont confirmé dans un autre échantillon de 368 patients (124). Ce travail a permis de proposer un bornage cohérent qui se valide par des caractéristiques communes, et qui mérite de plus amples développements. Selon cette équipe, on distingue alors : Un groupe précoce avec un âge moyen de début à 17 ans. Un groupe intermédiaire avec un âge moyen de début à 27 ans. Et un groupe tardif avec un âge moyen de début à 46 ans. L’étude du profil clinique de ces sous-groupes théoriques a permis de confirmer que le TBDP était caractérisé par un risque familial accru, une plus grande fréquence des signes psychotiques, et un risque suicidaire accru. La comparaison avec des germains atteints de troubles bipolaires montre qu’ils appartiennent beaucoup plus souvent que ne le voudrait le hasard (p=0,0001) au même sous-groupe ce qui suggère que ces sous-groupes sont sous-tendus par des facteurs de vulnérabilité familiaux spécifiques, vraisemblablement génétiques. Il est à noter que ces travaux permettent de placer des jalons pour une exploration plus complète des sous-groupes. En supposant leur existence, il est vraisemblable que chacun 8 Pour explorer cette voie, il pourrait être intéressant de s’intéresser à la maturation endocrinologique, où les effets apparents peuvent parfois survenir plusieurs mois après l’activation des axes endocriniens. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 54/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels d’entre eux se répartisse selon une courbe de Gauss. Il faut alors soulever que même en acceptant un groupe précoce avec un âge moyen de 17 ans, la possibilité d’un TB chez les enfants reste très faible. Ainsi, même si les travaux de l’équipe de F. BELLIVIER supportent l’existence du TB chez des non-adultes, ils s’inscrivent en prolongation de l’idée que le TB touche des post-pubères et non des enfants. Ce qui, in fine, n’appuie pas la thèse du TBDP Mode de transmission. La littérature est nombreuse concernant la transmissibilité du TB chez les adultes. Le risque d’avoir le trouble est usuellement considéré comme multiplié par quatre à six chez les apparentés au premier degré (125). Le risque familial accru est d’autant plus vrai pour les formes précoces, en témoigne de nombreuses études (126) (127) (128) et confirmé par méta-analyses (129) (130). Le risque morbide pour des apparentés de premier degré de sujets ayant débuté avant l’âge de 15 ans (qui est estimé entre 18 et 29,4%) est plus de deux fois supérieur à celui observé chez les apparentés de premier degré de patients ayant débuté tardivement leur maladie (121) (131). L’étude de F. BELLIVIER atteste fortement une prédisposition génétique complexe, s’appuyant sur d’autres travaux d’analyse de ségrégation qui ont démontré l’implication d’un gène majeur non mendélien combiné à une composante polygénique dans les formes à début précoce. Concernant les formes à début plus tardif, elles seraient compatibles avec un modèle multifactoriel (132). Parmi les travaux antérieurs, il faut citer l’étude de BARON en 1990. Ce travail avait montré que dans le sous-groupe de patients bipolaires issus des familles qui montraient une liaison avec le chromosome X, on retrouvait des caractéristiques particulières dont un âge de début précoce (133). Plus récemment, des associations avec le TBDP ont été mises en évidence pour l’allèle ε4 du gène de l’apolipoprotéine E (134) (135) et le variant court du gène promoteur de la sérotonine (136) (137). Une étude non répliquée a mis en évidence une association entre le trouble bipolaire à début tardif et le polymorphisme du gène de la tyrosine hydroxylase (134). D’autres gènes candidats semblent influencer l’âge de début dans le trouble bipolaire tels que celui codant pour la « glycogen synthase kinase 3-β » (138) ou le « Brain Derivated Neurotropic Factor (BDNF) » (139). 2.2.2 Prédispositions cliniques Sur le plan phénotypique, d’autres travaux s’intéressent aux signes cliniques périphériques non inclus dans le cadre strict du TB. Présents chez l’enfant, ils seraient potentiellement annonciateurs d’un trouble bipolaire à l’âge adulte, comme par exemple des tempéraments cyclothymiques, dysthymiques ou « hyperthymiques » (140). Citons encore les troubles disruptifs, l’irritabilité et les troubles comportementaux plus larges (141) (142) (143) (144) (145). A l’inverse, les descendants de parents bipolaires seraient plus souvent touchés par une Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 55/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels variabilité de l’humeur, de l’anxiété, des troubles de l’attention, une excitabilité accrue, une ou plusieurs dépressions, par des plaintes somatiques, ou des troubles scolaires (146) (147) (148). Enfin, quelques études proposent que l’épisode dépressif majeur (EDM) à l’enfance ou l’adolescence induit plus fréquemment une évolution vers un TB de l’adulte que dans le cas des EDM chez l’adulte (149) (150) (151) (152) (149) (153). Environ 20% des adolescents subissant un EDM ont un virage maniaque dans les 4 ans (153). Reste à savoir s’il s’agit d’un EDM « entraînant » une évolution vers le TB, ou s’il ne s’agissait pas en fait du premier épisode d’un TBDP mais sur un versant dépressif. Ceci semble aller dans le sens des recherches au sujet des troubles anxieux de l’enfance qui pourraient être prodromiques de TB chez l’adulte (154). Ainsi, en dehors d’épisodes facilement attribuables à un trouble de l’humeur, il semblerait exister des mini-clusters symptomatiques plus fréquents chez des enfants de patients bipolaires. Entre autre : de l’anxiété, des difficultés de concentration ayant un impact sur les résultats scolaires, une baisse d’énergie, une grande excitabilité, une hyper-vigilance, et autre… (155). Il semblerait donc exister un cortège assez vaste de signes cliniques, plus ou moins discrets, pouvant élaborer des syndromes particuliers, à considérer comme prodromiques d’un TB. Cependant, ces travaux ont été effectués sur une population Amish américaine, donc avec un biais de sélection. Citons enfin les études familiales comparant les patients SMD et TBDP (156) (157). Selon ces travaux, les parents de patients TBDP sont plus souvent atteints de TB (14/42 ;33.3%) que ceux des patients SMD(1/37 ;2.7%). Argument supplémentaire pour une différence entre TBDP et SMD. Enfin, d’autres travaux attestent que certains parcours de bipolarité peuvent n’avoir aucun signe prodromique (158) (159) (143). 2.2.3 Facteurs neuro-anatomiques, neuro-fonctionnels et neuro-physiologiques Quelques études ont suggéré l’existence d’anomalies neurodéveloppementales dans le TB, en particulier dans les formes à début précoce (160). Plusieurs études anatomiques ont mis en évidence des anomalies de l’amygdale, du cortex préfrontal, du thalamus, ou des régions hypocampiques (161) (162). Dans le cas des dépressions juvéniles, une diminution du volume du cortex subgénal gauche a été mise en évidence (163) (164). D’autres données semblent confirmer que l’irritabilité est un symptôme différent de la variabilité de l’humeur. Même si les patients SMD et TBDP partagent des difficultés à la reconnaissance des émotions (165) (166), il semblerait que des zones cérébrales différentes soient à l’origine des deux troubles. Concernant le SMD, l’activité de l’amygdale semble inférieure que dans le cas d’un TBDP, ressemblant plus à l’hypoactivité amygdalienne retrouvée dans les dépressions (expliquant alors possiblement l’orientation des SMD vers une dépressivité et non vers un TB) (167) (168) (169). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 56/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Dans les études fonctionnelles d’attention sélective ou de résistance à la frustration, couplées à des mesures en IRM fonctionnelles, les travaux récents tentent de montrer que les jeunes atteints de TBDP seraient atteints plus sévèrement dans leurs fonctions exécutives que les patients SMD (170) (171) (172). Ces mêmes travaux suggèrent alors que le SMD se démarque du TBDP par le fait que ce dernier soit impacté un déficit attentionnel, ce qui correspond aux données préalables, à savoir qu’il existe des anomalies d’activités dans le gyrus frontal supérieur (SFG) dans le cas du TBDP, une région impliquée dans la régulation des fonctions exécutives attentionnelles (173). 2.3 Spécificités cliniques 2.3.1 Tableau usuel de TBDP La plupart des recherches menées sur le TBDP se heurtent aussi aux difficultés concernant la forme particulière que prend la manie chez l’enfant. Etant donné son caractère « protéiforme », la symptomatologie peut se chevaucher avec d’autres diagnostics tels que le trouble oppositionnel avec provocation (TOP), le TDAH et le SMD. Le guide AACAP (53) est très explicite sur cette notion: « Premorbid psychiatric problems are common in early-onset bipolar disorders, especially difficulties with disruptive behavior, irritability and behavioral dyscontrol. » (146) (147). « Les problèmes psychiatriques prémorbides sont fréquents dans le TBDP. Et spécialement les difficultés en rapport avec un comportement disruptif, l’irritabilité et les troubles du contrôle comportemental. » Ils précisent aussi que l’histoire clinique des patients varie en fonction de l’âge de début. La plupart des auteurs s’accordent pour identifier certaines spécificités : L’état maniaque durant l’enfance n’est pas rare. Et sa présentation semble inclure une plus grande fréquence d’accès psychotique. L’explication de ce phénomène n’est pas encore connue. L’accès maniaque s’accompagne de signes d’irritabilité, d’une importante instabilité comportementale, et d’anxiété. Enfin il existe une importante comorbidité avec le TDAH (174) (94). A. CONSOLI (28), rappelle que cette comorbidité pose de nombreux problèmes en citant CARLSON (175) et GALLANTER (176). Nous développerons ce point en troisième partie. Une des propositions de ces auteurs, est de souligner un phénomène de rupture avec l’état antérieur (et non une aggravation lente) dans le cas du TBDP, mais ceci reste encore à caution. De plus, ces formes sont caractérisées par la fréquence des états mixtes, ou de cycles rapides ou ultra-rapides (7) (119) (120) (122) (177). Lors des périodes inter-critiques, la présence de signes résiduels est plus importante, avec un retour à un état asymptomatique plus difficile (51) (52). Enfin, alors que la réduction du temps de sommeil est un marqueur clinique fort concernant l’état maniaque chez l’adulte (178) (106), il semble que la réduction du temps de sommeil ne Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 57/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels concerne que moins d’un mineur sur deux atteint de TBDP (179) (180). C’est pourquoi le guideline de l’AACAP insiste sur le débat entre le TBDP et les diagnostics différentiels possibles (53). Particulièrement sur le TDAH (42) (98) (181) (182), ou bien pour la personnalité borderline (183), ou bien sur le risque accru de l’usage de toxiques (184). Cependant, même si les cliniques se chevauchent, ce sont des axes de recherche spécifiques, pouvant amener à des résultats intéressants… Ainsi, comme nous l’avons évoqué en première partie, les équipes qui s’intéressent au TDAH, au TOP ou au SMD, vont faire progresser les connaissances sur le TBDP par le fait que ce sera des études comparatives. 2.3.2 L’irritabilité, signe clinique de TBDP ? Ainsi, pour les chercheurs s’attelant à l’identification du SMD9; l’irritabilité ne semble pas être un critère de TBDP. L’hypothèse de travail de LEIBENLUFT, semble présenter en fait un syndrome plus particulier de l’enfance où le symptôme cardinal n’est pas la variabilité de l’humeur, mais l’irritabilité. STRINGARIS et al. (59) (59) (185) (156), à la suite de LEIBENLUFT et en reprenant les données de BROTMAN et al. (44) réalisent une étude de suivi de 20 ans en s’intéressant particulièrement à l’évolution des mineurs « irritables ». Selon cette équipe, sur les 84 patients SMD suivis, seul un présenta un épisode maniaque. La question d’une continuité entre irritabilité et bipolarité, semble être définitivement une voie de recherche pertinente (142). 2.4 Spécificités évolutives Intuitivement, il semble que le TBDP, non traité, se poursuive à l’âge adulte. Par analyse rétrospective, environ 50 à 60% des TB auraient eu des signes de TBDP avant l’âge de 19 ans. D’autres études rétrospectives arguent même qu’environ 15 à 28 % des TB type I auraient débuté avant l’âge de 13 ans (108) (186) (187). Ceci ne coïncide pas vraiment avec les données classiques au sujet du TB, mais il semble que l’intérêt accru pour le TBDP ait engendré une relecture plus fine des antécédents des patients bipolaires (41). 2.4.1.1 Stabilité du diagnostic Sur la cohorte de GELLER et al. de 86 patients prépubères remplissant les critères de TB type I, ayant un âge moyen de 10,8 ans, suivie pendant 4 ans, tous les sujets deviennent TB type I à l’adolescence, avec 87,2% de récidive d’épisode maniaque (188). GELLER et al. réalisent une autre étude prospective pendant 8 ans de 2000 à 2008 (115 patients) (189), et argumentent pour la continuité. Ils soutiennent en particulier, qu’au cours de la croissance des patients bipolaires, il semble que le risque de développer un TB chez l’adulte soit multiplié par 13 à 44 par rapport à la population générale : « In grown-up subjects with child BP-I, the 44.4% frequency of manic episodes was 13 to 44 times higher than 9 C’est-à-dire une irritabilité persistante, teintée d’anxiété dépressive, hyperréactive aux stimulations négatives ;entrainant et émaillant le tableau d’explosions de l’humeur sur le registre de crise clastiques (62). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 58/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels population prevalences, strongly supporting continuity. The rate of substance use disorders in grown-up child BP-I was similar to that in adult BP-I. » Une autre étude prospective de 171 adolescents bipolaires (âge moyen 13,2 ans) a montré que le diagnostic était stable deux ans plus tard avec 68% d’entre eux recommençant des épisodes (44). A l’inverse, d’autres équipes semblent soutenir que le suivi évolutif n’est pas le même et que le diagnostic peut être modifié au cours de la vie de ces patients (38). Ce qui argumente pour une différence de diagnostic entre TBDP et TB. BIERMAHER semble s’être particulièrement penché sur le sujet. Son étude prospective de 2006, sur 2 ans (46), ainsi que celle de 2009 sur 4 ans (190), semblent argumenter que le trouble bipolaire chez l’enfant ou l’adolescent ne serait qu’un trouble non pérenne. Ce qui le distingue d’un TB : « Bipolar spectrum disorder in youth is an episodic disorder characterized by subsyndromal and, less frequently, syndromal episodes with mainly depressive and mixed symptoms and rapid mood changes. » « Le trouble du spectre bipolaire chez les jeunes est un trouble épisodique, caractérisé comme sous-syndrome et, moins fréquemment, par des épisodes syndromiques contenant principalement de la dépression, des symptômes mixtes et des changements d’humeur rapides. » En définitive, les difficultés rencontrées pour analyser la continuité du trouble entre les enfants et les adultes lors d’études prospectives, ou bien la difficulté pour établir l’origine des troubles des adultes pendant l’enfance semblent encore très présentes. L’ACAAP préconise alors : « Les jeunes avec un TBDP suspecté doivent être soigneusement évalués sur les autres problèmes, entre autre la suicidalité, les abus de substances, les facteurs de stress psychosociaux et les pathologies somatiques. Le diagnostic de TBDP chez les adolescents est accepté, mais il doit être posé avec une extrême précaution chez les enfants d’âge préscolaire. Dans le cadre d’un TBDP, le traitement de première intention est le traitement pharmacologique. La plupart des jeunes avec un TBDP de type I doivent recevoir une pharmacothérapie pour prévenir la rechute sur une période d’au moins 12 à 24 mois. Quelques individus requièrent une thérapie sur la vie entière.» En parallèle de cette position « sécurisée », beaucoup d’auteurs s’accordent à dire que seuls des travaux appuyés sur des marqueurs biologiques permettraient de conclure. 2.4.1.2 Pronostic Comme toute pathologie multifactorielle complexe, le TBDP serait de moins bon pronostic avec des épisodes plus sévères, une moins bonne réponse aux régulateurs de l’humeur et une évolution plus fréquemment chronique (7) (120) (174) (191). Le handicap conféré par ces formes précoces parait également en rapport avec les Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 59/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels conséquences des épisodes majeurs sur le développement scolaire et affectif. Il se manifeste plus fréquemment que lorsque le trouble apparaît plus tard, par des troubles des conduites, des perturbations dans les relations interpersonnelles, des conduites suicidaires ou une addiction (192) (193). Enfin, le cours évolutif est volontiers chronique et continu, plutôt qu’épisodique. (7) (94) (194). Concernant l’hypothèse du SMD, ce dernier orienterait plutôt vers une dépressivité chronique et non un tableau comprenant des phases maniaques (44). Il semble donc qu’il existe encore un grand nombre d’interrogations concernant les spécificités évolutives des différents syndromes, que nous avons schématisé dans la figure 3. 2.5 Réponses aux traitements 2.5.1 Prise en charge des états aigus Les réponses aux traitements ont été étudiées à partir des traitements connus chez l’adulte. L’article de KOWATCH et al. du « Journal of the American Academy of Child and Adolescent Psychiatry » de 2005 propose la recommandation suivante pour un épisode maniaque pour des enfants de 6 à 17 ans (97). Ceci est très similaire aux recommandations pour un adulte : « S’il n’y a pas d’élément psychotique, le traitement aigu doit être une monothérapie avec un stabilisateur de l’humeur tel que le lithium, le divalproate ou la carbamazépine. Ou par un antipsychotique tel que l’olanzapine, la rispéridone ou la quétiapine, pendant 4 à 6 semaines (ou 8 pour le lithium). Si la réponse est médiocre, un second traitement doit être ajouté. L’association de deux stabilisateurs de l’humeur est préférée à la combinaison avec un antipsychotique et un thymorégulateur. S’il existe des éléments psychotiques, la double thérapie antipsychotique plus régulateur de l’humeur est recommandée. Si la réponse est partielle, l’association de trois produits est argumentée avec deux régulateurs plus un antipsychotique. Enfin, si la tolérance est mauvaise ou s’il n’y a pas de réponse, la sismothérapie (seulement chez les adolescents) ou l’usage de la clozapine sont permis. ». Nous avons résumé ceci dans la figure 4. Un certain nombre de critiques ont été faites à l’encontre de cet algorithme. Notamment l’absence de discrimination par rapport aux différents âges (98). En 2006, l’équipe française de CONSOLI, publie une revue de la littérature au sujet des traitements pour le TBDP (195). Cet article très complet précise dès l’ouverture, la difficulté pour établir les différences de présentation entre une première manifestation psychotique d’un TBDP et une schizophrénie débutante, ce que nous reverrons par la suite. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 60/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Le grand intérêt de ce travail réside dans la mise en perspective des effets des molécules en fonction de l’âge et des effets secondaires. 2.5.1.1 Concernant le lithium Il semble que son efficacité soit moins forte pour les enfants en bas âge, c’est-à-dire inférieur à 12 ans (121). Et particulièrement lorsque un TDAH est présent en comorbidité (196) (197). C’est aussi pourquoi il n’a pas d’autorisation de prescription pour des âges inférieurs à 12 ans par l’autorité de surveillance américaine la « Food and Drug Administration » (198) (199). A contrario, c’est le seul officiellement accepté pour les troubles de l’humeur chez les 12-18 ans, par cette même agence (du fait de son efficacité reconnue chez l’adulte). Les quelques études en double aveugle, expliquent un effet positif, mais leur petite ampleur ne donne pas de conclusion formelle, mais aussi par le fait qu’il est régulièrement associé à des antipsychotiques et/ou qu’il y a des ruptures de traitement (200) (201) (202) (203) (204) (205). Les travaux KAFANTARIS et al. sur le lithium semblent préciser que ce dernier est efficace en tant qu’adjuvant d’un autre traitement, et particulièrement sur le risque d’usage de toxique associé. Suggérant par-là que l’effet thérapeutique du lithium agit sur une autre dimension que celle de l’humeur (206) (207) (208) (209). Sur le plan des effets secondaires, le lithium est éliminé plus rapidement chez les enfants (210), semble moins bien toléré pour les enfants inférieurs à 12 ans, avec plus d’énurésie, d’asthénie et d’ataxie (211). A l’adolescence, la prise de poids et l’acné induites par le lithium, sont souvent mal vécues par les patients. Enfin, le risque tératogène est à prendre en compte, particulièrement en cas de désinhibition sexuelle (195). 2.5.1.2 Concernant les anticonvulsifiants Diverses études préconisent particulièrement le divalproate de sodium (212) (213). L’étude de référence de WAGNER et al. concerne ce dernier. Il semble qu’il permette une amélioration dans 61% des cas avec comme échelle de mesure la « Mania Rating Scale (MRS) » (213). L’étude de KOWATCH, évaluant des patients de 8 à 18 ans, avec l’échelle YMRS estiment une amélioration de 53% pour le divalproate, 38% pour le lithium et 38% pour la carbamazépine (212). Les effets secondaires les plus fréquents sont la somnolence, des troubles de la coordination, et des vertiges. Des effets secondaires plus dangereux sont en lien avec la toxicité hépatique et sanguine. La contraception hormonale n’est pas adéquate chez les jeunes femmes fertiles étant donné que la carbamazépine est un inducteur enzymatique. La FDA refuse la carbamazépine comme stabilisateur de l’humeur, qu’importe l’âge (199) (214). La lamotrigine a été testé sans démontrer une efficacité plus importante (215). Concernant le divalproate de sodium, d’autres effets secondaires chez les jeunes ont été notés : nausée, vomissement, ataxie, trémulations, alopécie, faim et prise de poids, et toxicité hépatique parfois létale. Un syndrome métabolique associant obésité, hyperinsulinisme, ovaires polykystiques, et hyperandrogénisme a été décrit chez les jeunes femmes (216). Les études sur les femmes Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 61/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels bipolaires prenant du divalproate de sodium ont donné des résultats contradictoires (217) (218). Pendant la grossesse, un suivi régulier est nécessaire, avec un risque d’anomalie de la fermeture du tube neural, particulièrement au premier trimestre. 2.5.1.3 Concernant les antipsychotiques Il n’y a que peu d’études de référence concernant l’efficacité des antipsychotiques dans le cadre des états maniaques ou mixtes chez les enfants ou les adolescents. Pourtant, une étude montre que 17% d’entre eux en reçoivent (219). Il est connu que les antipsychotiques agissent sur les signes psychotiques, et l’agitation psychomotrice. L’étude de MASI et al. ouverte et n’ayant que 10 cas, évalue l’efficacité de la clozapine dans les cas sévères. L’amélioration clinique a été mesurée par la CGI (220). L’étude de DELBELLO est en double-aveugle et évalue l’association divalproate et quétiapine face à divalproate et placebo (221). Le succès thérapeutique passe de 53% à 87% (p=0.05) par l’adjonction de quétiapine (222). Concernant la rispéridone, en évaluation CGI et en monothérapie, elle semble améliorer les symptômes maniaques pour 82% des cas et les symptômes psychotiques dans 69% des cas (223). L’olanzapine semble efficace pour les épisodes maniaques et mixtes, en monothérapie (224) (202) (225). Récemment, l’équipe de PAVULIRI réalisa une des premières études prospectives randomisées concernant l’efficacité des traitements et conclut que globalement, les doubles thérapies avaient un taux de succès d’environ 80%, argumentant ainsi pour un traitement de première intention par thymorégulateur (226). Usuellement, les effets secondaires des antipsychotiques de nouvelle génération sont moindre qu’avec d’autres traitements. Les dyskinésies tardives sont plus fréquentes chez les adolescents et les enfants que chez les adultes (227) (228) (229). La somnolence diurne et des épisodes de fatigue sont fréquents (229). Même si il apparaît qu’in fine, la tolérance neurologique est meilleure que la tolérance métabolique. Enfin, les jeunes patients prennent usuellement plus de poids sous antipsychotique que les adultes, avec une moyenne entre cinq et sept kilogrammes (220) (224) (229). 2.5.1.4 Concernant la sismothérapie Même si l’usage de la sismothérapie est toujours controversé chez les patients mineurs, il semble qu’un certain nombre de nouvelles études argumentent en faveur d’icelle. L’étude française de COHEN et al. en 2005, argumente pour les ECT, particulièrement dans les cas difficiles ou ceux présentant des syndromes catatoniques (230). Pour l’instant, il ne semble pas exister d’étude concernant les effets des électroconvulsivothérapies (ECT) à moyen et long terme chez les enfants. En France, il n’y a pas de recommandation officielle concernant son usage à l’adolescence. Aux Etats-Unis, l’AACAP a édité des recommandations (231). Là-bas, les ECT sont illégales en dessous de 14 ou 16 ans dans certains états. Il est nécessaire d’avoir l’avis d’un psychiatre extérieur à la prise en charge, avec une évaluation des capacités mnésiques avant, après, et de 3 à 6 mois après la dernière cession. Trois paramètres sont cités dans le guideline pour prendre la décision : Le diagnostic, la sévérité des symptômes et la résistance au traitement pharmacologique. Une revue de la littérature entre 1942 et 1996 a dénombré 396 enfants ou adolescents ayant reçu des ECT (232). Dans 72% des cas il s’agissait de troubles de l’humeur. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 62/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Une amélioration clinique voire la disparition des symptômes ayant été retrouvée pour 53% des cas, et pour 70% des cas de troubles de l’humeur. Depuis 1993, les études rétrospectives ont donné des résultats encore plus encourageants avec environ 90% d’amélioration clinique en cas d’épisode maniaque (233) (234). Les effets secondaires des ECT sont rarement étudiés. Aucun mort n’a été relevé (232). Le risque théorique est celui de l’anesthésie générale. Les effets secondaires usuels contiennent des troubles mnésiques transitoires, des épisodes épileptiques prolongés (plus fréquents chez les adolescents que chez les adultes) et des troubles mineurs (maux de tête, confusion, nausée, douleurs musculaires) (235) (236) (237). Sur le plan de la mémoire, une autre étude française tend à faire penser que les troubles occasionnés disparaissent avec le temps (238). Enfin, même si les ECT gardent une très mauvaise réputation, les enfants et les parents semblent satisfaits des résultats, même si ils n’y étaient pas favorables (239) (240). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 63/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 2.5.1.5 Tableau 2 : traitement de la manie chez le mineur selon A. CONSOLI (195) Tableau 2 d'après A. CONSOLI (195) Spécialités dans le traitement de la manie, chez le mineur DCI Spécialités ContreEffets secondaires Références indications particuliers spécifiques Thymorégulateur lithium … Age < 12 énurésie, asthénie, (121) (196) ans. ataxie, prise de (197) (198) Irritabilité poids, acné, risque (199) (211) ou TDAH tératogène (195) (241) Anticonvulsifiants divalproate de sodium depakote Somnolence, (212) (213) troubles de la (216) (217) coordination, (218) vertiges. Toxicité carbamazépine tegretol Refusée (199) (214) par la FDA hépatique et (242) (243) sanguine. Syndrome des ovaires polykystiques. Antipsychotiques olanzapine zyprexa Majoration des (224) (202) dyskinésies tardives. (225) Somnolence diurne risperidone risperdal (223) (220) et fatigabilité. Prise (229) de poids majorée. quetiapine xeroquel (221) (227) (228) Electroconvulsivothérapie Age< 14 Troubles mnésiques (230) (231) ans plus transitoires. (232) (233) (234) (235) (236) (237) (238) (239) (240). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 64/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 2.5.2 Traitements à long terme, prophylaxie Il nous parait utile de préciser que si les traitements semblent les mêmes et tout autant utilisés chez les mineurs que chez les adultes, cette donnée ne suffit pas pour pouvoir considérer les deux troubles comme étant les mêmes. Par contre, une grande différence de réponse à un traitement donné sera plutôt un argument en faveur d’une différence. Une causalité neurologique sous-jacente étant à l’origine de la différence de réponse. Les articles parus dans les journaux généralistes, au cours des années 2000, ont suscité un tollé médiatique concernant les enfants bipolaires. Au cours de ce débat étaient mélangés diverses notions, diverses craintes, dont celle d’un abus de prescriptions, ou la crainte des manœuvres des laboratoires pharmaceutiques, sous couvert d’un « disease mongering ». Au-delà de ces débats, on peut perdre de vue que la principale finalité à l’identification du TBDP est de commencer un traitement précoce. En effet, si des efforts doivent être portés en clinique afin d’isoler un TBDP, c’est essentiellement pour orienter le plus rapidement possible les patients en souffrance. Nous proposons ici les principaux arguments en faveur d’un traitement précoce. Et à l’inverse les principaux arguments en faveur d’une abstention thérapeutique médicamenteuse. 2.5.2.1 Première hypothèse : un traitement précoce favorise une meilleure évolution à moyen et long terme Etant donné que de nombreux arguments attestent de l’évolution du TBDP vers un TB chez l’adulte de forme particulièrement sévère (41), un traitement précoce améliorera-t-il le pronostic ? Voire est-ce qu’un traitement précoce peut-il entraver l’évolution de la maladie, jusqu’à l’éteindre et obtenir une guérison réelle, et non plus seulement asymptomatique ? En effet, le développement cérébral continue tout au long de la vie, particulièrement dans l’enfance et l’adolescence. Ainsi, il est peut-être possible de réorienter l’évolution d’un trouble vers son extinction ? Cette proposition s’expliquerait à partir de deux principes neurodéveloppementaux connus. Le premier est qu’il existe un remaniement neurologique et synaptique important dans l’enfance et à l’adolescence (hypothèse dite du « pruning »). Dès 1983, FEINBERG et MAC GLASHAN ont même proposé des modèles mathématiques pour le cas de la schizophrénie (244). Le second principe est l’inverse du principe d’emballement (hypothèse dite du « kindling ») des troubles psychiatriques. C’est-à-dire que plus les troubles psychiatriques sont instables, plus il y de probabilité qu’ils décompensent. Ainsi, chaque épisode aigu entraine une diminution des capacités endogènes de rester stable (245). A l’inverse, plus le trouble est stable, plus la probabilité de le rester est importante. Dans les études prospectives en double-aveugle, les délais de suivi sont relativement courts. L’objet d’étude étant bien souvent l’efficacité dans le cadre d’un épisode maniaque. Peu d’études sont réalisées sur le suivi à moyen et long-terme. En 2005, une revue de la littérature par FINDLING expliquait le statut général des traitements Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 65/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels pour le TBDP. Selon ce travail, les traitements appliqués chez les enfants et les adolescents entrainaient une amélioration à moyen et long terme, mais se révélaient souvent insuffisants en monothérapie (246). La même revue en 2009, concluait encore à l’absence de données suffisantes pour des recommandations en dehors des épisodes maniaques (247). Paradoxalement, une autre étude montrait que sur le long-terme, une double thérapie n’apportait pas mieux qu’une monothérapie, en particulier chez des adolescents ayant un EDM et ayant un haut risque génétique de développer un TB (248). Ce qui suggérerait l’absence d’effet des traitements pour « corriger » le cursus évolutif. 2.5.2.2 Deuxième hypothèse : un traitement précoce entraine une aggravation à moyen et long terme A contrario, dans d’autres cas de figure, l’instauration d’un traitement ne pourrait-il pas entrainer des vulnérabilités, voire aggraver à moyen et long terme le pronostic ? En effet, quelques auteurs ont souligné une corrélation entre l’augmentation des prescriptions de psychostimulants et d’antidépresseurs chez les enfants et l’émergence de cas de manie chez l’enfant. Cette émergence pourrait être attribuée à un mauvais diagnostic (de la même manière qu’un certain nombre de TB chez l’adulte peuvent être révélés par un virage maniaque sous antidépresseurs, comme dans le cadre d’un TB type III). D’où l’importance d’un meilleur dépistage (249) (250) (251). Mais il n’est pas impossible de supposer, à l’inverse de la première hypothèse, que les psychotropes prescrits pendant l’enfance ou l’adolescence orientent la maturation cérébrale vers une pérennisation du trouble. En d’autre terme, supplémenter une carence fonctionnelle, entrainerait un « enkystement » du trouble, maintenu à l’âge adulte après maturation de l’enfance et de l’adolescence, par des phénomènes de résistance ou d’échappement au traitement par exemple. Très rares sont les études de cohortes à long terme. Il ne semble pas y avoir beaucoup d’étude en double-aveugle contre placebo sur l’efficacité prophylactique d’un traitement thymorégulateur débuté dans l’enfance ou l’adolescence. Cependant, quatre études prospectives ont été retrouvées. Les études de STROBER et al. (252) (193), explorent le lien entre la durée du traitement et la fréquence des rechutes. Un groupe de 37 adolescents a reçu un traitement prophylactique par lithium pour un TB I pendant 18 mois. Les résultats expliquent qu’un arrêt précoce du traitement augmente la probabilité de rechute. Ceux qui le continuent ont un taux de rechute de 37% pour 92% de ceux qui l’arrêtent (p=0,05). Les auteurs argumentent en faveur d’un traitement prophylactique pendant toute l’adolescence couvrant aussi les premières années de la majorité. La deuxième étude comptabilise le nombre d’actes délictueux de 31 adolescents sévèrement atteints de TB I, pendant un an, tout type de traitement confondu. Le nombre d’actes délictueux est bien plus faible chez les patients observant face aux patients nonobservant. Une autre étude rétrospective portant sur 15 enfants de 4 à 18 ans tout type de TBDB explicite le fait d’améliorer la stabilité à 18 mois par un traitement prophylactique (253). La quatrième étude notable concerne 139 enfants et adolescents entre 5 et 17 ans TBDP des deux types. Ils ont été initialement traités par lithium et divalproate pendant 4 semaines ou jusqu’à la rémission clinique. Seuls 60 ont nécessité de poursuivre un traitement par monothérapie. Ils ont été inclus dans une évaluation randomisée en double aveugle pendant Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 66/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 18 mois. Selon cette étude, il n’y a aucune différence significative entre le lithium et le divalproate pour la prévention des rechutes. Cependant, seuls deux enfants n’ont pas eu de rechute (254). Nous le voyons, les travaux concernant l’intérêt prophylactique de traitements sur une longue période sont rares. Ceux qui ont été retrouvés souffrent de failles méthodologiques. Peu de cas, rarement en prospectif, rarement en double-aveugle. Enfin, les patients inclus dans les études sont très hétérogènes, avec des âges entre 5 et 18 ans. Sans oublier que les critères diagnostiques ne sont pas les mêmes d’une étude à l’autre (certaines établies sur des critères CIM-10, d’autres DSM-IV, et d’autres avec des critères plus anciens… voir notre première partie). Ceci reste une limitation capitale, étant donné que la présentation clinique du TBDP n’est pas uniforme et que beaucoup d’auteurs pointent le fait que de nombreux cas cliniques ne relèvent pas d’un trouble bipolaire (98) (255) (32) (196). A titre d’exemple, nous avons vu que le TBDP semble présenter moins de périodes intercritiques que le TB. Ainsi, certains cas de TBDP, ayant des périodes inter-critiques plus marquées ne seraient pas forcément inclus dans des études sur des sujets hospitalisés. L’autre exemple de difficulté diagnostique concerne le débat sur la comorbidité TBDP et TDAH (voir infra). En conséquence, le chevauchement des critères diagnostiques, pourrait possiblement entrainer des biais dans les études (256). Dans ces études, la période de suivi ne dépasse jamais 18 mois. Pourtant, elles argumentent toutes vers un intérêt de traitement prophylactique. Il ne sera donc pas possible de conclure quant à l’éventuel risque de traiter « trop tôt ». Par contre, nous nous permettons de rappeler des données dans le suivi à long terme des patients adultes. Les traitements préventifs avec thymorégulateur sont très clairement bénéfiques dans la prévention des récidives chez l’adulte (257). Tout en gardant à l’esprit que les effets secondaires à court, moyen et long terme induisent des risques non-négligeables. Les travaux chez les enfants montrent qu’en général, les effets secondaires sont plus fréquents, possiblement plus sévères, avec des traitements dont le temps d’exposition sera vraisemblablement plus long. C’est particulièrement le cas pour les effets secondaires neurologiques du lithium (258), ou bien métabolique des antipsychotiques (229). 2.5.3 Iatrogénie Un certain nombre d’auteurs proposent à la réflexion que l’augmentation de la prescription d’antidépresseurs et de stimulants chez les enfants pourrait être une des raisons de l’augmentation du nombre de cas de manie chez les enfants. Expliquant alors ces dernières par le virage maniaque sous antidépresseur, déjà connu chez l’adulte (249) (251) (250) (259). Ou bien par le mauvais respect des contre-indications des psychostimulants ou des antidépresseurs. Cette réflexion est née de l’observation de l’augmentation du nombre de cas dans les cohortes nées entre 1940 et 1959 aux Etats-Unis (260), alors qu’elle n’existerait pas dans une cohorte similaire aux Pays-Bas (251). 2.5.3.1 Psychostimulants, méthylphénidate La question de l’iatrogénie ne doit pas être mise en marge des débats, et particulièrement par Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 67/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels le fait que la clinique du TBDP reste en chevauchement d’autres troubles. Nous avons déjà vu que l’irritabilité, symptôme cardinal de l’hypothèse du SMD était vraisemblablement une différence majeure entre le SMD et le TBDP. A contrario, nous verrons par la suite que les déficits attentionnels, sont à cheval entre le TDAH et le TBDP. Dans ce cas, alors que le TDAH se traite par méthylphénidate, psychostimulant (261), le guideline de l’ACAAP du TBDP ne se positionne que très prudemment par rapport à cette prescription (53). Bien qu’il ne semble pas y avoir d’effet à long terme des stimulants dans le cadre d’un TDAH, un certain nombre d’auteurs rappellent que le risque qu’ils entraineraient dans le cadre de patients à risque de TB n’est pas connu (200) (262) (263). Il semble y avoir eu des reports de cas où les stimulants peuvent aggraver (264) ou révéler des signes maniaques (265) (voir notre 2nd cas clinique). L’étude de DELBELLO et al. (266) portant sur 34 adolescents hospitalisés pour manie semble montrer que l’âge moyen de survenue du premier état maniaque est diminué, passant de 13,9 ans à 10,7 ans, (p=0.03) chez des adolescents ayant eu un passif de traitement contenant au moins deux psychostimulants. L’âge étant aussi réduit pour un seul psychostimulant, mais moins significativement. Notons que le risque induit par la comorbidité de TDAH était pris en ligne de compte. La même équipe réédita une étude similaire en 2002, portant sur 80 adolescents. Là encore, la comorbidité TDAH n’expliquait pas à elle seule le rajeunissement de l’âge (267). DELBELLO et al. ont alors proposé un modèle où l’exposition à des stimulants joue le rôle d’un facteur de stress environnemental sur une population à risque génétique entrainant une aggravation progressive de leur TBDP10. D’autres études proposent au contraire que les stimulants n’ont pas d’effet sur le risque maniaque (268), voire qu’ils devraient tout à fait être utilisés dans cette indication (269). CARLSON propose un suivi de 75 garçons âgés de 6 à 12 ans ayant un risque de TB étant donné la présence de signe psychotiques, et ne relèvent pas d’exacerbation maniaque sous méthylphénidate. De même, les travaux de FINDLING et al. ont retrouvé que sur 90 jeunes entre 5 et 17 ans souffrant de manie ou d’hypomanie, 71% d’entre eux avaient aussi le diagnostic de TDAH et que le méthylphénidate avait été prescrit comme adjuvant d’un thymorégulateur dans 52 % des cas avec une amélioration dans toutes les catégories de symptômes (p=0.0001) (270). En 1999, BIEDERMAN et al. suggèrent que la meilleure approche serait de proposer un stabilisateur de l’humeur et d’y adjoindre de manière séquentielle des période de psychostimulants en cas de besoin. L’efficacité de ces derniers permettrait de réduire par 7 à 8 fois les symptômes (271). L’étude la plus récente de 2005, prospective et contre placebo, de SCHEFFER et al. propose une synthèse des effets thérapeutiques. Les normothymiques permettraient la stabilisation du trouble. Les psychostimulants permettraient de l’atteindre (la stabilisation) plus rapidement (272). 10 Ceci pourrait être remis en question par le simple fait que la population d’étude, ayant déjà bénéficié d’au moins un psychostimulant, est vraisemblablement déjà en soi une population avec des manifestations sévères de TBDP. Comparer deux groupes hospitalisés, l’un natif de traitement et l’autre en ayant déjà eu signifie vraisemblablement que l’un est déjà plus sévère que l’autre… Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 68/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels En reprenant les recommandations de l’ACAAP (53), le débat clinique entre les formes atypiques de TBDP et le TDAH n’est pas résolu (voir notre analyse des diagnostics différentiels). Pourtant ce guideline cite deux études de 2000 et de 2003, où il ne semble pas que le méthylphénidate suscite de complication sur le registre de la manie. En conclusion, il semble écarté que la prescription de psychostimulant en cas de TDAH associé à un TBDP soit néfaste (273) (274) (268). 2.5.3.2 Antidépresseurs Concernant les antidépresseurs, traitement de seconde intention dans le TDAH (23), en particulier s’il existe une composante anxieuse ou dépressive, il est évidemment possible de craindre un virage de l’humeur en cas de TBDP. Risque bien connu chez l’adulte. Mais il nous semble utile de rappeler que ce cas de figure résulte possiblement d’une mésestimation du trouble psychiatrique par le clinicien. En effet, le virage sous antidépresseur se voit principalement en cas de surdosage ou d’une méconnaissance des antécédents du patient. Les rares cas de prescription d’un antidépresseur sur un trouble bipolaire de première présentation dépressive semblent suffisamment anecdotiques pour ne pas les craindre. Une analyse clinique précise des antécédents personnels de vie d’un patient adulte, ainsi que des traitements déjà usités chez lui, permettent le plus souvent d’obtenir une prudence médicale suffisante pour éviter cet écueil. Cependant, dans le cadre de notre analyse, nous constatons plusieurs paramètres qui compliquent cette évaluation. Antécédents personnels courts. D’une part, les antécédents de vie d’un patient âgé de moins de 18 ans, ou parfois de 3, 4 ou 5 ans, ne sont pas forcément assez longs pour obtenir des indices de vulnérabilité thymique. En ce cas, nous proposons qu’une recherche des antécédents familiaux puisse suffire pour suspecter un trouble thymique. Présentation « agitée », pouvant masquer un épisode dépressif chez l’enfant La présence de signes psychotiques quels qu’ils soient, doit suffire par principe à écarter la prescription d’antidépresseur. Nous serions encore dans le doute entre un TDAH et TBDP avec une préférence pour le TBDP, le traitement de première intention serait alors un antipsychotique atypique. Dans le cadre d’une présentation confuse entre TDAH et TBDP, là encore, les antécédents familiaux seraient d’une grande aide pour valider l’orientation du diagnostic. L’analyse du fonctionnement de base doit pouvoir orienter le diagnostic. Un fonctionnement stable, sans aucune cyclicité (y compris une variabilité ultra-rapide dans la journée) oriente vers un TDAH. Les antidépresseurs seraient alors permis après l’échec des psychostimulants. Nous serions alors dans le cas d’un TDAH résistant. Présentation contenant des affects dépressifs, ou des somatisations ? Ici se pose une question primordiale. Quid des manifestations dépressives ? Nous avons vu que la clinique de l’enfant était très polymorphe. La présence de signes dépressifs nous Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 69/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels propose plusieurs cas de figure. En effet, les signes dépressifs peuvent être princeps, ou secondaire au trouble. La chronologie doit pouvoir aider. Dans le cadre d’un TDAH, il est usuel d’avoir secondairement des manifestations dépressives. Dans le cadre d’un TBDP, les présentations dépressives seraient primitives. Lorsque c’est impossible à identifier, là encore, la recherche des antécédents familiaux doivent aider. Présentation avec irritabilité première. Sur le plan de l’irritabilité, autre symptôme du TDAH, il est intéressant de noter que le lithium, traitement de première intention dans le cadre du TB et du TBDP chez l’adolescent a été démontré comme peu efficace voire inefficace sur l’irritabilité retrouvée dans le SMD (241). Ceci semble argumenter encore en faveur d’une nouvelle dimension pathologique. Si la clinique retrouve peu de difficulté attentionnelle, l’irritabilité pourrait être considérée comme un SMD ou secondaire à un EDM. Dans ce cas de figure, un traitement par antidépresseur est à discuter. S’il existe des difficultés attentionnelles, le traitement par psychostimulant devrait être envisagé dans l’hypothèse d’un TDAH de forme « silencieuse ». 2.6 Principaux « guidelines » retrouvés. En pratique courante, le médecin confronté à une suspicion de TBDP doit se référer aux recommandations nationales puis, si elles n’existent pas, prendre celles des références internationales. Nous avons recherché les documents édités par les plus hautes instances médicales internationales à ce sujet. Nous nous sommes arrêté sur les recommandations de la haute autorité de santé (HAS) pour la France, ceux de l’association américaine de psychiatrie (APA) et enfin ceux de l’association américaine académique de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (AACAP). 2.6.1 Guide HAS « ald 23 Troubles bipolaires ». Mai 2009 (275) En France, le guide de référence est celui de l’HAS. Il est régulièrement mis à jour et permet aux professionnels d’unifier leurs démarches afin d’améliorer les prises en charge des troubles. Explicitement, il ne traite pas des troubles bipolaires chez l’enfant ou l’adolescent : Page 8 : « Les troubles bipolaires de l’enfant et de l’adolescent ne sont pas abordés dans ce guide. ». L’HAS ne s’engage donc pas en 2009 dans la discussion concernant le TBDP. Même si en évitant d’aborder la question dans le guide, l’HAS reconnaît son existence implicitement. La position officielle semble donc être une certaine forme d’attentisme. Comme il n’y a pas de guide français de l’HAS concernant les troubles bipolaires chez les enfants ou adolescents, il n’est pas possible au clinicien d’avoir une référence française officielle. 2.6.2 Guide de l’ « American Psychiatric Association (APA) » « Treating bipolar disorder : quick reference guide » (276) Aux USA, le guideline de référence est le guide APA « Practice Guideline for the Treatment of Patients with Bipolar Disorder » et sa version abrégée. Ces deux guides ne font nulle part notion d’une quelconque prise en charge spécifique des troubles bipolaires chez l’enfant ou l’adolescent. On remarquera que ce n’est pas Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 70/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels obligatoirement par un refus de le faire comme pour les recommandations HAS françaises, mais possiblement parce qu’il n’est pas utile de le préciser. En effet, il est vraisemblable que l’APA établisse son diagnostic à partir des critères DSM. En conséquence, ces derniers acceptant la possibilité d’un TBDP, il n’était pas forcément nécessaire de le préciser dans le guideline. C’est possiblement à dessein. En effet, même si le DSM-IV-R reconnaît l’existence de formes précoces de TB, il n’est pas très précis sur le sujet, comme nous l’avons vu en première partie. En conséquence, le positionnement de l’APA reste cohérent. Puisqu’il n’existe pas assez de données sur le sujet au moment de la rédaction des guidelines, autant ne pas s’y aventurer. 2.6.3 Guide AACAP « Practice Parameter for the Assessment and Treatment of Children and Adolescents With Bipolar Disorder » 2007 (53) A défaut de guide fourni par la psychiatrie générale, qu’elle soit française ou américaine, le « guideline » qui semble le plus solide et le mieux documenté est celui de l’association académique américaine de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (AACAP). Il permet de faire la synthèse des différents travaux pour tirer une idée claire des éléments pertinents au sujet du TBDP. Ce guide propose une série de recommandations, que nous allons reprendre. L’ACAAP (53) se positionne sur une politique neutraliste et consensuelle pour la prise en charge du TBDP : « Recommendation 1. Psychiatric Assessments for Children and Adolescents Should Include Screening Questions for Bipolar Disorder. Recommendation 2. The DSM-IV-TR Criteria, Including the Duration Criteria, Should Be Followed When Making a Diagnosis of Mania or Hypomania in Children and Adolescents. Recommendation 3. Bipolar Disorder NOS Should Be Used to Describe Youths With Manic Symptoms Lasting Hours to Less Than 4 Days or for Those With Chronic Manic-Like Symptoms Representing Their Baseline Level of Functioning. Recommendation 4. Youths With Suspected Bipolar Disorder Must Also Be Carefully Evaluated for Other Associated Problems, Including Suicidality, Comorbid Disorders (Including Substance Abuse), Psychosocial Stressors, and Medical Problems. Recommendation 5. The Diagnostic Validity of Bipolar Disorder in Young Children Has Yet to Be Established. Caution Must Be Taken Before Applying This Diagnosis in Preschoolchildren. Recommendation 6. For Mania in Well-Defined DSM-IV-TR Bipolar I Disorder, Pharmacotherapy Is the Primary Treatment Recommendation 7. Most Youths With Bipolar I Disorder Will Require Ongoing Medication Therapy to Prevent Relapse; Some Individuals Will Need Lifelong Treatment Recommendation 8. Psychopharmacological Interventions Require Baseline and Follow-up Symptom, Side Effect (Including Patient`s Weight), and Laboratory Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 71/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Monitoring as Indicated Recommendation 9. For Severely Impaired Adolescents With Manic or Depressive Episodes in Bipolar I Disorder, Electroconvulsive Therapy (ECT) May Be Used If Medications Either Are Not Helpful or Cannot Be Tolerated Recommendation 10. Psychotherapeutic Interventions Are an Important Component of a Comprehensive Treatment Plan for Early-Onset Bipolar Disorder. Recommendation 11. The Treatment of Bipolar Disorder NOS Generally Involves the Combination of Psychopharmacology With Behavioral/Psychosocial Interventions. » Que nous traduisons et commentons ainsi : « Recommandation 1 : L’évaluation psychiatrique d’un enfant doit contenir des items au sujet du trouble bipolaire. Recommandation 2 : Les critères du DSM-IV-R, y compris ceux de durée, doivent être appliqués pour la pose du diagnostic de manie et d’hypomanie chez l’enfant et l’adolescent. » Il est alors très clair que seul le consensus sur les critères du DSM-IV-R puisse apporter l’uniformité nécessaire pour les études de prévalence et de suivi. C’est à partir de cette référence qu’il faudra se tenir pour le suivi des enfants. Le guide précise qu’il sera utile d’interroger les parents et les tiers (ex : instituteurs), d’avoir des échelles d’évaluations (ex : K-SADS ou WASH-U-KSADS) adaptées et un carnet de suivi pour apprécier l’évolution du trouble, le type et la fréquence des épisodes et la réponse aux traitements, comme les travaux de YOUNGSTROM et al. l’ont précisé (277) (278) (279) (280). « Recommandation 3 : Le diagnostic de « trouble bipolaire indifférencié » doit être utilisé pour décrire les jeunes avec des symptômes maniaques durant moins de quatre jours ou pour ceux ayant des signes pseudo-maniaques chroniques représentant leur fonctionnement de base. » Par cette recommandation, l’ACAAP reste sur une position neutraliste. Il n’est pas précisé de données concernant les travaux au sujet des cycles rapides ou de l’hypothèse du SMD. Dans ces conditions, l’ACAAP semble alors camper sur des coutumes de diagnostic en rappelant alors aux cliniciens que la catégorie trouble bipolaire indifférenciée permet d’y placer les cas cliniques particuliers. En l’absence de preuve suffisante concernant une évolution différente, ou la nécessité d’adapter l’algorithme de traitement, il n’est pas reconnu utile de préciser la clinique au-delà. « Recommandation 4 : Les jeunes avec une suspicion de TBDP doivent être évalués avec précision sur les problèmes associés. En particulier sur la suicidalité, les comorbidités (dont l’usage de toxique), les stress psychosociaux et les problèmes somatiques. » L’ACAAP rappelle le haut taux de suicide mis en évidence par STROBER et al. en 1995 (193), ainsi que la fréquence accrue des usages de toxique(s) (281) (282) (283). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 72/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels « Recommandation 5 : La validité du diagnostic de trouble bipolaire chez les adolescents est établie. Des précautions doivent être prises pour son application aux enfants d’âges préscolaires. » Cette recommandation permet de prendre en compte le risque de créer des faux positifs et d’inclure à tort des sujets dans des protocoles de traitement agressifs. Les rapports au sujet de l’usage des psychotropes dans cette tranche d’âge (284) (285) (286) (287) (288) précisent que leurs effets à moyen et long terme sont encore incertains. Pour cette tranche d’âge, l’ACAAP insiste sur l’identification des facteurs environnementaux à intégrer comme axe principal de la prise en charge. « Recommandation 6 : Pour une manie d’un trouble bipolaire de type I selon les critères du DSM-IV-R, le traitement de première intention sont les psychotropes. » En suivant les travaux de KOWATCH (289) (97) (212) et de SUPPES (290), l’ACAAP rappelle que le choix du traitement doit prendre en compte : La preuve de son efficacité, la phase de la maladie, la présence de signes spécifiques (ex : cycles rapides, symptômes psychotiques) les effets secondaires du traitement, l’histoire de la maladie et des réponses aux traitements, les préférences des patients et de son entourage. Il semble que l’histoire des traitements puisse avoir un intérêt prédictif de réponse au traitement actuel (291). « Recommandation 7 : La plupart des jeunes avec un trouble bipolaire de type I requièrent un traitement pour éviter les rechutes, certains d’entre eux pour le reste de la vie. » A partir des études citées, l’ACAAP précise que la rechute est particulièrement fréquente dans les six mois suivants le premier épisode. La raison principale semble du fait d’une mauvaise compliance (252) (292) (293). Le temps de traitement estimé est de 12 à 24 mois. L’autre point particulièrement intéressant souligné par l’ACAAP est qu’en cas de comorbidité avec un TDAH, l’usage de méthylphénidate ou de psychostimulant ne semble pas influencer le risque de récidive : « The use of stimulants for comorbid ADHD did not affect relapse rates. ». Hélas, ce guideline ne fournit pas de référence pour cette assertion. « Recommandation 8 : L’usage de psychotrope requiert une évaluation et un suivi du fonctionnement de base du patient, des symptômes, des effets secondaires (dont le poids du patient) et des examens de laboratoire. » Il est noté qu’il est nécessaire de suivre attentivement le patient pendant les 6 à 8 premières semaines de traitement, afin d’évaluer l’efficacité de ce dernier. Les examens requis avant l’initiation du traitement par lithium contiennent : une numération formule sanguine, une évaluation de la fonction thyroïdienne, une évaluation de la fonction urinaire (urée, sodium créatinine) une biochimie sanguine contenant le calcium, et un test de grossesse si la patiente est en âge de procréer (289). Une fois la lithémie en fourchette thérapeutique, le suivi biologique est préconisé tous les 3 à 6 mois. Pour le divalproate de sodium, une évaluation de la fonction hépatique est nécessaire, à la même chronologie. Sans oublier le risque de syndrome des ovaires polykystiques (voir supra) (294). Le suivi du poids, de l’indice de masse corporel, de la circonférence abdominale, de la Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 73/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels pression sanguine, de la glycémie à jeun et des lipides sanguins est nécessaire tous les mois pendant 3 mois puis une fois par an afin de surveiller l’apparition d’un syndrome métabolique ou d’une intolérance hépatique. Sans oublier le nombre de globules blancs en cas de traitement par la clozapine, et les effets extrapyramidaux éventuels. « Recommandation 9 : Pour les adolescents en état maniaque ou dépressif sévère d’un trouble bipolaire de type I, l’électroconvulsivothérapie doit être proposée si les médicaments préalables sont inefficaces ou mal tolérés. » En sus de cette assertion, l’ACAAP précise que les ECT sont généralement considérés comme le traitement de choix pour les situations cliniques suivantes : Jeune fille enceinte, catatonie, syndrome malin des neuroleptiques, ou toute autre situation médicale où les traitements médicamenteux usuels sont inadaptés. « Recommandation 10 : Les psychothérapies sont une composante importante dans un protocole de traitement adapté pour le TBDP. » Les retentissements sur le fonctionnement psychosocial sont très importants (97). Les psychothérapies prenant en compte la psychoéducation, la famille, les interactions interpersonnelles et l’environnement social ont été démontrées comme les meilleurs adjuvants du traitement (295). Il semble que la dynamique familiale ait une influence modérée sur le taux de rechute et la compliance (113). Des thérapies axées sur la famille doivent s’axer sur le stress familial, l’importance du traitement, les relations intrafamiliales et la communication (114) (115) (116). Prendre en compte le rythme de vie et les facteurs stressants de ce dernier semble aussi apporter des bénéfices substantiels dans l’effet thérapeutique (296) (297). « Recommandation 11 : Le traitement d’un trouble bipolaire indifférencié contient généralement une combinaison de psychotropes avec des interventions psychosociales ou comportementales. » L’ACAAP reconnaît que les procédures de prise en charge des TBDP atypiques ne sont pas encore bien précisées, étant donné la variabilité des présentations. Il semble clair que chaque présentation doit avoir un traitement adapté à sa spécificité. Mc CLELLAN et KATZ semblent avoir mis en évidence l’intérêt d’une approche comportementale et dialectique (298) (299). Dans son guideline, L’ACAAP rappelle dans sa onzième recommandation que le flou de la frontière entre TDAH et TBDP suscite encore des controverses. Ce qui prouve qu’en 2007, la question n’est toujours pas résolue : « Perhaps the most common dilemma is whether and when to use stimulants in children when there is a question of whether one is dealing with mania/hypomania or ADHD with mood lability and low frustration tolerance. » Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 74/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 2.7 Conclusion Les données commencent à s’accumuler au sujet du trouble bipolaire de l’enfant et de l’adolescent. Même si le diagnostic n’est pas encore officiellement reconnu, le nombre de travaux en rapport avec ce dernier ne cesse d’augmenter (voir figure 1). Ces derniers souffrent des difficultés usuelles dans la démarche scientifique. Mais possiblement plus encore par le fait qu’il s’agisse de troubles étudiés chez l’enfant et l’adolescent. Les études retrouvées semblent être en difficulté pour recruter un nombre de cas suffisamment élevé. Lorsque le nombre devient conséquent, les cas semblent disparates. En effet, peut-on réellement assimiler dans les mêmes cohortes des enfants en bas âge de quatre ou cinq ans, avec des adolescents de quinze ou seize ans ? De surcroît, l’absence de consensus concernant les critères d’inclusion entraîne de grandes difficultés lors de méta-analyses. Enfin, les études sont majoritairement des études rétrospectives, et la réalisation d’études prospectives, randomisées et en double aveugle se double de difficultés supplémentaires par le fait que les sujets soient mineurs. Par contre, il nous semble utile de souligner que la plupart des travaux traitant du TBDP le font en s’étayant sur la présence d’un état maniaque chez l’enfant ou l’adolescent. C’est possiblement mettre de côté que les troubles bipolaires existent aussi sous d’autres présentations. En effet, quid des épisodes dépressifs récurrents ? Il semble plus aisé de poser le diagnostic de trouble bipolaire à partir de la présentation maniaque, plus manifeste et peut-être plus spécifique, que la présentation dépressive. Or les épisodes dépressifs existent aussi chez l’enfant. Etant donné les incertitudes concernant le cortège de signes anxieux et les symptômes dépressifs chez les enfants ou les adolescents, il reste un grand nombre d’interrogations concernant la prédisposition anxio-dépressive et le trouble bipolaire. Il ne semble pas encore envisagé que le TBDP puisse commencer par des signes anxio-dépressifs. A titre d’exemple, quelques études prospectives récentes, de 2009 et 2012, suggèrent que les troubles fonctionnels somatiques chez l’adolescent augmentent le risque de psychopathologie sévère chez l’adulte (300) (301). Comment interpréter ces constatations ? Seraient-elles des formes spécifiques de TBDP ? Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 75/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3 TROISIEME PARTIE : DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS ET COMORBIDITES 3.1 Trouble : déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) Le trouble vraisemblablement le plus souvent étudié en parallèle du TBDP est le trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH). De nombreux travaux tentent d’identifier les liaisons de toute nature entre les deux pathologies. Il nous semble important de présenter les différents questionnements sur ce sujet. Pour trier les paramètres de ces deux syndromes, et expliquer le haut taux de comorbidité, l’équipe de SINGH (302), propose et quatre approches : Une hypothèse clinique, une lecture évolutive, des facteurs de causalité externes (iatrogénie) et enfin des facteurs de causalité internes (neurophysiologiques). 3.1.1 Approche clinique : Première hypothèse : les symptômes du TBDP chevauchent ceux du TDAH. L’article de L. KENT de 2003 (181) met bien en évidence les chevauchements symptomatiques entre les deux troubles. A partir des critères DSM-IV-R et CIM-10, il est possible d’identifier trois catégories de symptômes. Que nous présentons dans la figure 5. Ce chevauchement clinique entraîne une grande difficulté pour la pose du diagnostic et l’élaboration d’une prise en charge (303) (304). Il faut proposer deux paradigmes pour expliquer ce phénomène : soit il existe une différence dans les symptômes parce-ce qu’ils sont qualitativement différents (différence dimensionnelle) soit il s’agit de symptômes similaires, mais manifestes à des degrés différents en quantité (différence d’intensité au sein d’une même dimension). 3.1.1.1 Les symptômes seraient différents par leur qualité dimensionnelle (différence qualitative)? Beaucoup d’auteurs ont proposé que le TDAH est très fréquent dans les populations TBDP puisque les l’inattention, la distractibilité, l’impulsivité, l’agitation psycho-motrice et le sommeil réduit sont partagés par les deux troubles. Si ce prédicat est correct, on peut supposer que la prévalence du TDAH est dépendante de l’état de présentation du TBDP. Et qu’en somme, le TDAH se manifeste différemment si le patient est maniaque, euthymique ou déprimé. MILBERGER et al. (305) ont essayé de soustraire les symptômes non-spécifiques chez des patients TBDP en vérifiant ce qu’il restait. Sur les 15 patients inclus, et après correctif, le diagnostic de TDAH semble être maintenu par la persistance de symptômes spécifiques du TDAH. La méthode inversée, en s’intéressant à la proportion de TBDP après soustraction des signes non-spécifiques ne permet de maintenir que 80% des diagnostics. Cette équipe en tire l’hypothèse que le TDAH est plus « vaste » que le TBDP et que la présence d’un TBDP chez un enfant TDAH n’est peut-être qu’un artéfact, alors qu’un TDAH chez un TBDP ne l’est pas. Cette étude est conceptuellement intéressante, mais révèle des failles méthodologiques Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 76/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels mettant en doute sa validité. Entre autre, le faible nombre de patients, et le correctif appliqué rationalisant le nombre de symptômes nécessaires pour l’établissement du diagnostic. GELLER et al. (306) ont montré que les signes mégalomaniaques (humeur élevée, idées de grandeur, hypersexualité, tachypsychie et diminution du besoin de sommeil) semblent plus présents chez les TBDP que chez les TDAH. Ils proposent alors de tenir le diagnostic de TDAH si et seulement si l’âge de début reste inférieur à 7 ans avec l’absence d’élément psychotique ou d’euphorie (256). Par contre, CONSOLI rappelle que la phénoménologie de l’enfant n’est pas univoque (28). Comment interpréter de manière similaire l’euphorie ou la mégalomanie chez des enfants ou des adultes ? (32) (258). Il semble effectivement que plus un enfant est jeune plus il est « naturellement » instable ou hyperactif, familier et désinhibé (307). Une humeur instable, labile et changeante est normalement observée chez les enfants de moins de 10 ans (32) (308). Enfin, les équipes issues des travaux de LEIBENLUFT, semblent avoir démontré que le TDAH et le TBDP partagent un handicap fonctionnel dans les tâches d’attention, sous-tendu par des modifications neuro-physiologiques partiellement communes (170) (171) (172) (173). 3.1.1.2 Les symptômes seraient différents par leur intensité (différence quantitative) ? En se référant à des échelles validées, telles que la « Young Mania Rating Scale », d’autres équipes (309) (310), semblent réussir à placer un seuil différentiel entre les scores moins élevés (TDAH) et les scores plus élevés (TBDP). Ces travaux sont intéressants car ils permettent de mettre en parallèle un outil de mesure reproductible sur un axe de continuité des symptômes. Ce que ne peut pas faire une évaluation critériologique standard. Si l’on ajoute à cela que la « Young Mania Rating Scale » est usuellement considérée comme sous-évaluant les cas de TBDP (311) (158), la différence symptomatique entre TDAH et TBDP se manifeste plutôt comme une différence d’intensité des symptômes et non une différence qualitative. C’est aussi une différence d’intensité de symptôme qui mérite d’être recherchée entre les différentes phases du TBDP. D’une part lors des épisodes maniaques, ensuite dans les épisodes dépressifs, enfin en inter-critique, théoriquement euthymique. Si le taux de comorbidité varie entre les différents états de présentation d’un TBDP alors il est licite de supposer qu’il existe une relative indépendance entre le TDAH et le TBDP. C’est ce qu’ont étudié WINOKUR et al. (312). Malheureusement, ce travail réalisé en comparant la prévalence du TDAH entre deux groupes (TBDP bipolaire et unipolaire) ne semble pas avoir été réédité. Enfin, la plupart de ces travaux concernent une liaison entre TBDP dans sa version maniaque, et rarement dans les présentations dépressives. Seules deux études, se sont focalisées sur les cooccurrences entre troubles disruptifs de l’enfance et les phases d’un TBDP (249) (313). De plus, ce n’était pas l’objectif primaire de ces travaux. Au final, quid d’une liaison entre un déficit attentionnel non-hyperactif et une dépression chez l’enfant, qu’elle soit sous-tendue par un TBDP ou pas ? Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 77/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels En somme, même s’il émerge l’idée d’une distinction fondamentale entre les deux troubles que ce soit par la qualité des symptômes ou leur intensité, il n’est pas encore possible d’affirmer cette notion. Entre autre parce que le sujet d’étude le plus fréquent reste l’association entre les états maniaques et les manifestations d’un TDAH principalement hyperactif (305) (258). Les associations entre les phases inter-critiques ou dépressives d’un TBDP et les formes mixtes et silencieuses d’un TDAH restent encore insuffisamment étudiées à l’heure actuelle. Ceci semble être une limitation majeure à la compréhension des deux troubles. D’autant plus importante que d’autres travaux ont suggéré que la dépression chez l’enfant était bien plus fréquemment prodromique d’un TB que chez les adultes (140). Nous avons illustré ces questionnements dans la figure 6. 3.1.2 Etudes de suivi : Deuxième hypothèse, le TDAH pourrait être une manifestation prodromique d’un TBDP. (Figure 7) Cette hypothèse s’appuie sur le fait que les individus ayant eu un âge de début précoce de leur TB auraient un taux de TDAH dans l’enfance plus important que pour ceux l’ayant débuté tardivement. L’autre argument est la réciproque : la présence d’un TDAH associé à un TB semble favoriser une précocité de ce dernier. WOZNIAK et al. (145) ont trouvé que 90% des enfants bipolaires avaient un TDAH associé, alors que 57% seulement des adolescents n’étaient touchés. FARAONE et al. (314) argumentent dans le même sens en présentant une décroissance progressive des TDAH en fonction d’un âge plus tardif de survenue du TB. Ainsi, il est possible de supposer que ce phénomène pourrait être attribué à un glissement d’une symptomatologie TDAH vers un TBDP, expliquant ainsi le croisement des courbes de prévalence. Une autre équipe, celle de PERLIS et al. (108), démontre qu’un trouble bipolaire ayant débuté avant la puberté est comorbide avec un TDAH pour 20,4% alors qu’un TB émergeant à l’adolescence est comorbide avec un TDAH pour 7,6% puis, pour un TB adulte à 5,7%. Si l’on considère un TDAH comme prédictif d’un TBDP, alors les adultes étant atteints d’un TB et d’un TDAH, devraient être atteints plus précocement que les autres. C’est ce qu’ont vérifié SACHS et al. dans une étude rétrospective de 56 adultes (315). De même, les travaux de NIERENBERG et al. ont permis de montrer que la comorbidité du TDAH avec le TB était de 9,5% sur la vie entière avec une diminution de l’âge de survenue d’environ 5 ans pour ceux qui avaient un TDAH (316). Deux études s’intéressent à l’émergence du TB après un TDAH. BIEDERMAN et al. (95) en réalisant une étude prospective sur 140 enfants pendant 4 ans, estiment que 23% des enfants TDAH développent un TB par la suite, alors que le taux naturel est de 11%. Ils en concluent que le TDAH favorise l’émergence d’un TB. Au contraire, GITTLEMAN et al. ne retrouvent pas de différence (317). 3.1.2.1 Modalités évolutives : Il semble être admis qu’usuellement, le TDAH persiste à l’âge adulte, avec une décroissance progressives des symptômes hyperkinétiques (318). Concernant le TBDP, il semble prouvé que le trouble persiste à l’âge adulte. Les épisodes Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 78/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels tendent à devenir plus fréquents et entrainent une mortalité par suicide d’environ 15% (106). Les auteurs spécialisés proposent que le TDAH semble permanent, alors que le TB évolue par épisodes (306). Ce qui en ferait un critère diagnostic majeur. WILENS et al. (319) ont réalisé une étude portant sur les adultes et les interactions entre TDAH et TB. Même s’il persiste un grand nombre de symptômes non-spécifiques entre les deux troubles, il semblerait que pour les patients présentant les deux troubles, d’autres troubles seraient présents. Le fonctionnement global serait faible, les comorbidités seraient en plus fréquentes. Ce qui étaye la thèse de deux troubles distincts, même si les présentations cliniques se chevauchent. Plus récemment, BIEDERMAN et al. ont réalisé une étude prospective sur une longue période de 7 ans. Alors que le TDAH semble être un risque majeur d’épisode dépressif chez l’enfant (95) (320) (321) (322) (323) (324) (325), cette étude s’intéresse au rôle que peut avoir le TDAH dans la survenue d’un virage maniaque chez l’enfant. Selon ce travail, après avoir subis un EDM dans l’enfance, les patients atteints de TDAH ont un risque majoré par 8 de voir leur EDM se convertir en TB-I (27,6% vs 4% p=0.005). Cependant, il faut préciser que le communiqué de l’APA du DSM-V au sujet du TDAH présente un correctif important (326). Ce correctif est majeur, car il établit que le TDAH se poursuit à l’âge adulte. Le correctif repousse aussi le critère d’âge de survenue maximal de 7 à 12 ans. Le DSM-V semble être plus souple et repousse cette limite à 12 ans. Ceci suppute que le TDAH n’est plus une pathologie de l’enfant, mais une pathologie pérenne : « Using DSM-5, several of the individual’s ADHD symptoms must be present prior to age 12 years, compared to 7 years as the age of onset in DSM-IV. This change is supported by substantial research published since 1994 that found no clinical differences between children identified by 7 years versus later in terms of course, severity, outcome, or treatment response. […] The ADHD diagnosis in previous editions of DSM was written to help clinicians identify the disorder in children. Almost two decades of research conclusively show that a significant number of individuals diagnosed with ADHD as children continue to experience the disorder as adults. Evidence of this came from studies in which individuals were tracked for years or even decades after their initial childhood diagnosis. The results showed that ADHD does not fade at a specific age. Studies also showed that the DSM-IV criteria worked as well for adults as they did for children but that a lower threshold of symptoms (five instead of six) was sufficient for a reliable diagnosis. In light of the research findings, DSM-5 makes a special effort to address adults affected by ADHD to ensure that they are able to get care when needed. » « En utilisant le DSM-V, un certain nombre de symptômes individuels du TDAH doivent être présents avant 12 ans, à la différence des 7 ans précisés dans le DSM-IV. Cette modification est argumentée par des recherches importantes publiées depuis 1994 qui ne retrouvent pas de différence clinique entre les enfants identifiés avant l’âge de 7 ans et ceux identifiés plus tard aussi bien en terme d’évolution, de sévérité, de devenir ou de réponse aux traitements. Le diagnostic de TDAH dans les versions précédentes du DSM fût écrit pour aider les Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 79/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels cliniciens à identifier ce trouble chez les enfants. Presque deux décennies de recherche concluent qu’un nombre significatif d’individus diagnostiqués avec un TDAH continuent le troublent en tant qu’adultes. Les preuves de ceci sont issues d’études dans lesquelles les individus furent suivis des années ou des décennies après leur diagnostic à l’enfance. Les résultats montrent que le TDAH ne s’éteint pas à un âge particulier. Les études montrent aussi que les critères DSM-IV sont tout autant valides chez les adultes que pour les enfants, mais que la diminution du nombre de symptômes (cinq au lieu de six) reste suffisante pour un diagnostic valable. A la lumière des découvertes scientifiques, le DSM-V fait un effort spécifique pour s’adresser aux adultes touchés par un TDAH afin de leur assurer d’obtenir les soins qu’ils requièrent. » En conséquence, ces données remettent en question l’hypothèse que le TDAH se mute en TBDP. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 80/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3.1.3 Iatrogénie : Troisième hypothèse, un TDAH associé à d’autres facteurs (iatrogéniques), favorise l’évolution vers un TB (Figure 8). Cette hypothèse rejoint l’idée de l’iatrogénie que nous avons développé plus haut. Etant donné qu’un grand nombre de TBDP sont initialement traités par psychostimulants (179), l’hypothèse qu’ils aient un effet sur le développement de la maladie est possible (327). Mais, comme nous l’avons vu précédemment (voir 2.5.3), les dernières études s’orientent bien au contraire vers un effet positif du méthylphénidate sur la survenue et le contrôle des accès maniaques (268) (272) (273). Comme le rappelle officiellement le guide de l’ACAAP (53). 3.1.4 Epidémiologie, génétique, neurophysiologie : Quatrième hypothèse, TDAH et le TBDP partagent des facteurs communs du registre biologique, par exemple familiaux, génétiques ou neuro-physiologique. Dans ce cas de figure, nous nous rapprochons d’une approche dimensionnelle des manifestations cliniques. En effet, supposer qu’il existe un ou plusieurs supports communs du registre biologique ou autre entre les deux troubles nous fait réfuter implicitement l’approche catégorielle. Le ou les points communs entre les deux troubles seraient d’une autre dimension que celle du registre symptomatique, et ne pourrait donc pas être catégorisé dans les classifications internationales. C’est ce que nous allons développer par la suite. 3.1.4.1 Epidémiologie. (Tableau 3) L’ouvrage de référence de GOODWIN et JAMISON estime la prévalence du TBDP à environ 0,3% (106). L’étude de SWANSON et al. (328) propose une prévalence pour le TDAH d’entre 5 et 9% avec trois fois plus de garçon que de fille. Concernant les comorbidités, des études plus récentes montrent que les deux troubles sont régulièrement associés. GELLER et al. (306), WEST et al. (329), et FARAONE et al. (314), argumentent que parmi les enfants atteints de TBDP, 57 à 100% d’entre eux sont aussi atteints de TDAH. Ils précisent que l’âge de survenu est un critère important pour déterminer les sous-types. A contrario, SACHS et al. (315) ne retrouvent un TDAH que lorsque les patients bipolaires débutent leur trouble avant 19 ans. Ces équipes soutiennent l’idée d’un sous-type de trouble bipolaire, associé au TDAH. Ce dernier se présenterait différemment du TB classique. Lorsqu’on prend les enfants TDAH, le taux de TBDP est lui aussi majoré (330). Les études de cooccurrence mettent en avant que les deux troubles sont corrélés au-delà d’un aléa statistique (145) (330) (315) (191). Même si le ratio varie, dépendant notamment de l’échantillon d’étude (315) (305) (108). L’équipe de FARAONE et al. réalise deux grosses études en 1997 et 1998. Ils sélectionnèrent 140 enfants TDAH et leurs 822 parents de premier degré pour en faire 140 familles testées. En 1997, ils les comparèrent à 120 familles contrôles. Ils identifièrent que le risque d’avoir un TB dans un membre des familles testées était plus élevé si les enfants TDAH étaient aussi TBDP. Par contre, en cas de TDAH seul, le risque n’augmente pas. Ce dernier semble élever le risque qu’un membre de la famille soit un TDAH seul ou sujet à une évolution vers des épisodes dépressifs majeurs. Selon ces auteurs, il est alors possible de considérer que le Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 81/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels TDAH représente un sous-type de trouble bipolaire (191) (331). Voir figure 9. Une étude plus récente (332), reporte que 28% de la descendance de parents TB présente un TDAH. Lorsque la descendance de parents bipolaire est atteinte de bipolarité, ces travaux suggèrent que 88% d’entre eux ont aussi un TDAH. Par contre, cette équipe montre que les parents bipolaires ayant eu un passif de TDAH, ont un risque majoré d’avoir des enfants bipolaires (plus ou moins associés à un TDAH) mais pas pour un TDAH seul. L’ensemble des études traitant de la double liaison statistique est résumé dans le tableau 3. Année Etudes de référence Tableau 3. D'après Singh et al. (302) Trouble Nombre Taux de d'inclusion de cas TBDP chez les TDAH Taux de TDAH chez les TBDP Ref. 1995 BUTLER et al. TDAH 270 22% (333) 1995 WOZNIAK et al. TDAH 262 20% 2003 DILSAVER et al. TDAH 104 60% (334) 2004 WOZNIAK et al. TDAH 280 15% (335) 2005 BIEDERMAN et al. TDAH 121 7% (336) 2005 KESSLER et al. TDAH (adultes) 3197 8,40% (337) 1993 WINOKUR et al. TB (adultes) 1995 WEST et al. 2000 2000 98% (145) 900 21,30% (312) TB (adolescents) 14 57% (329) CHANG et al. TBDP 60 28% (332) KOWATCH et al. TBDP 42 71% (212) 2002 SOUTOLLO et al. TB (adolescents) 80 61% (249) 2003 FINDLING et al. TBDP 90 71% (268) 2004 PERLIS et al. TB (adultes) 1000 20.4% (108) 2004 DELBELLO et al. TB (adolescents) 10 20 et 40% (338) 2005 NIERENBERG et al. TB (adultes) 1000 9,5% (316) 2005 PATEL et al. TB (adolescents) 27 22% (313) Une reprise de ces travaux argumente fortement pour une liaison statistique, sans rapport avec un biais (339) (340). Pour autant, ces travaux ne semblent pas permettre d’apporter une preuve irréfutable quant à la sur-prévalence de l’association. Des équipes différentes précisent que ces travaux sont toujours réalisés par les mêmes équipes, avec une sélection possiblement trop large (les critères diagnostiques étendus), ou bien dans des centres spécialisés ayant une trop grande tendance à diagnostiquer ces troubles (181). De plus, la variabilité des chiffres obtenus (s’échelonnant entre 7 et 60% dans un sens et 21 à 70% dans l’autre sens) est tellement importante, que cela pose la question d’une surcote artificielle (96). Le TDAH est reconnu comme hautement familial. Les parents au premier degré ont un risque de développer le trouble multiplié par cinq. Les études de jumeaux ont démontré que le risque pour les monozygotes est de 51 à 82% alors que pour les dizygotes le risque n’est que de 0 à 40%. L’ensemble de ces données suggèrent que la part génétique du TDAH est de l’ordre de 80% (341) (342). Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 82/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Concernant le TB, c’est aussi un trouble hautement familial. Les apparentés au premier degré ont un risque majoré par sept à huit. (343). Pour les études de jumeaux, le risque est majoré par au moins huit fois pour les monozygotes. L’héritabilité est estimée aussi à 80%. WOZNIAK et col. en 1995 (344), et en 2012 (méta-analyse de 239 cas) continuent d’explorer cette piste. Selon eux, des parents bipolaires I ont un risque d’avoir des enfants bipolaires I pour 59 à 87%. Par contre, le risque d’avoir un enfant bipolaire I lorsque les parents sont atteints de TDAH n’est pas augmenté. En somme, la bipolarité induirait de la bipolarité plus ou moins un TDAH, par contre le TDAH ne semble pas suffisant pour induire du TBDP à la descendance (345). Ceci pourrait être interprété comme un argument supplémentaire en faveur de l’hypothèse que le TDAH soit une forme mineure de TBDP. Pour autant, ces résultats ont été mis aussi en cause pour les mêmes raisons que précédemment, en l’occurrence dans le choix des critères d’évaluations et un biais éventuel du groupe d’étude. Même si les études de coagrégation peuvent expliquer la comorbidité entre le TBDP et le TDAH, les études de génétique vont être nécessaires pour affirmer ces données. 3.1.4.2 Génétique. Il y a quelques études préliminaires de liaison génétique afin d’identifier les loci et allèles à risque concernant le TDAH (346) (347). Le polymorphisme des gènes DAT1 et DRD4 (gènes codant pour un récepteur dopaminergique) a été associé avec le TDAH (348) (349) (350). Bien que ces recherches soient des pistes prometteuses, nous n’avons pas retrouvé d’étude spécifique sur l’association génétique entre TDAH et TBDP. 3.1.4.3 Imagerie fonctionnelle Quelques études d’imagerie fonctionnelle semblent suggérer qu’il existe des points communs entre TDAH et TBDP. En l’occurrence, la réduction du volume global cérébral (plus spécifiquement du corps calleux, du noyau caudé, du corps pallidum et du cervelet) a été retrouvée chez des enfants atteints de TDAH (351) (352). Comparativement aux zones impliquées dans le TBDP (voir 2.2.3), on constate qu’il y a des similarités (353). A l’opposé, il semble que les jeunes TBDP ont un volume amygdalien plus faible (354) et une augmentation du volume du striatum qui ne sont pas retrouvés dans le TDAH (355) (356). Des études d’imagerie fonctionnelles plus récentes semblent identifier des activations dysfonctionnelles similaires entre TDAH et TBDP. En particulier dans le cortex préfrontal (357) (358) (359), le cortex cingulaire antérieur (360), le putamen (361). Une étude d’ADLER et al. propose une analyse par IRM fonctionnelle entre des patients TBDP avec ou sans TDAH (362). Selon ces travaux, les zones cérébrales Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 83/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels impliquées dans une cooccurrence entre TBDP et TDAH sont nombreuses, et il n’est pas encore possible de départager très spécifiquement ces dernières. D’autres travaux sont à réaliser. 3.1.5 Conclusion du différentiel entre TBDP et TDAH Il faut retenir de toutes ces données que le TDAH est le principal diagnostic différentiel avec le TBDP. Il semble que le TDAH soit bien plus fréquent que le TBDP, et qu’il est nécessaire de s’appuyer sur les antécédents familiaux pour poser le diagnostic. En l’état actuel des connaissances l’analyse clinique reste complexe. Beaucoup de signe cliniques sont présents dans les deux troubles ce qui réduit le nombre de signes spécifiques. Il n’est même pas possible de trancher entre des différences cliniques dimensionnelles ou des différences cliniques d’intensité. Même le critère de stabilité temporelle du déficit attentionnel peut être rediscuté étant donné le fait que le TBDP est reconnu comme « accéléré » et ayant rarement des phases intercritiques. Auparavant, l’âge de survenue des troubles était un critère diagnostic fort, mais de nouvelles données (persistance du TDAH à l’âge adulte) brouillent encore un peu plus les cartes. Les éléments les plus pertinents et les plus solides restent la présence de l’élation de l’humeur, avec les éventuels signes productifs psychotiques (délire, hallucinations…). Hélas, ils peuvent parfois survenir secondairement à la prescription de psychostimulants (voir notre 2e cas clinique). Quant à l’irritabilité, nous avons vu qu’elle pourrait être une dimension autonome. De plus, nous avons proposé à la discussion l’intérêt que pouvait avoir l’exploration de deux pistes particulières. Le trouble attentionnel sans hyperactivité et son rapport au TBDP ainsi que le syndrome anxio-dépressif récurrent et son rapport au TDAH. L’un comme l’autre pourrait proposer de nouveaux éléments afin d’aider au diagnostic. Mais ces pistes semblent actuellement mises de côté. De plus en plus de travaux usent de critères de validation externes (génétiques, neuroimagerie) proposant des pistes prometteuses, mais leurs conclusions sont parfois contradictoires ou insuffisantes. En conclusion, il nous semble que notre discussion nous présente un bel exemple d’une déstructuration progressive des éléments catégoriels des troubles, au profit de l’émergence d’une nouvelle approche dimensionnelle, pour l’instant en développement. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 84/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3.2 Schizophrénie débutante Avant 1990, les manifestations aiguës d’un TBDP orientaient le diagnostic vers une psychose infantile (schizophrénie, ou trouble schizo-affectif) (1). Vraisemblablement parce que l’épisode maniaque du TBDP, est particulièrement riche en signes du registre psychotique (174) (94). Les travaux des années 90 à 2000 ont permis de reconnaître formellement la possibilité qu’un TB puisse survenir avant 20 ans. En conséquence, il nous semble utile de revenir sur le diagnostic différentiel de schizophrénie (SCZ) à début précoce (SDP). Face à un enfant en état d’agitation aigu d’allure maniaque, la première interrogation du clinicien est de savoir quel est le trouble sous-jacent à cette manifestation. Mais ce n’est pas la seule qui se présente à nous lorsque nous irons discuter des intrications différentielles entre un TBDP et une schizophrénie à début précoce (SDP). En effet, il ne faut pas s’arrêter à la présentation maniaque très fréquente chez l’enfant. Même si cette clinique interpelle par son caractère urgent, peut-être que les critères différentiels les plus utiles ne se retrouveront pas dans la clinique « bruyante », mais dans une clinique plus fine. Cette approche va nous permettre de mettre en perspective les notions de phase prodromiques dans les deux troubles. En effet, la schizophrénie est reconnue comme ayant trois phases évolutives. Une phase prémorbide qui s’étend de la naissance à l’apparition des premiers signes de la maladie. Une phase prodromique qui est marquée par les premiers signes de la maladie. Ces prodromes déterminent le début de la maladie. Et enfin, une phase psychotique qui est marquée par la survenue des symptômes psychotiques et qui marque le début de la psychose. Cette évolution n’est pas sans rappeler nos observations dans le cadre du TBDP. Il nous semble se dégager que le TBDP (dans l’hypothèse où il est continu à un TB de l’adulte) présente une période blanche, puis une période prodromique que l’on pourrait associer aux manifestations confuses du TBDP, puis une évolution vers sa forme adulte. Après cette réflexion, nous nous attarderons sur les données épidémiologiques et les critères de validation externe entre les deux troubles. Enfin, nous ouvrirons la discussion sur la dimension de la désorganisation bien étudiée par ANDREASEN qui nous semble un élément particulièrement judicieux dans une réflexion entre TBDP et SDP. 3.2.1 Clinique du premier épisode. 3.2.1.1 Spécificités cliniques A l’instar des premiers épisodes aigus psychotiques chez l’adulte, les premiers épisodes aigus peuvent être confondus entre l’amorce d’un trouble bipolaire et celle d’une schizophrénie. Particulièrement avec la haute fréquence de manifestation psychotiques dans les états maniaques chez les enfants (17) (106) (363). Les critères diagnostiques utilisés la CIM-10 contiennent des symptômes qui ne sont pas pathognomoniques, mais qui apparaissent de façon caractéristique au cours de la maladie. Le diagnostic n’est accepté que si ces symptômes persistent au moins un mois. Dans la CIM-10, Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 85/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels il n’y a pas notion de prodrome. Dans le DSM-IV-R, il est nécessaire d’observer une association de symptômes caractéristiques qui se manifestent de façon active pendant au moins un mois sur une durée globale de six mois. Ainsi, il existe deux critères de temps : une période d’observation de six mois au cours de laquelle on observe des signes permanents de perturbations et durant ces six mois au moins un mois de symptômes dits de la phase active (364). Les critères diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM-IV-R sont : Tableau 4 : Critères diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM-IV-R A Symptômes caractéristiques Deux ou plus des manifestations suivantes : Idées délirantes (Si bizarres ; suffisant) Hallucinations (Si voix internes ; suffisant) Discours désorganisé Comportement grossièrement désorganisé ou catatonique Symptômes négatifs B Dysfonctionnement social C Durée (voir supra) D Exclusion d'un trouble schizo-affectif ou de l'humeur E Exclusion d'un trouble médical ou de l'usage de substance F Relation possible avec un trouble autistique préalable Il est intéressant de constater que le DSM-IV-R exclu les troubles schizo-affectifs et les troubles de l’humeur. Il n’y est pas précisé de critères prodromiques. Il n’y est pas précisé non plus de critères quant au retentissement de l’activité délirante. Un délire très productif, avec une forte participation émotionnelle ou thymique, peut tout à fait se confondre avec la description d’un premier épisode maniaque. L’agitation psychomotrice « secondaire » à l’activité délirante dans le cadre de cet épisode psychotique est très clairement similaire à l’hyperactivité psycho-motrice retrouvée dans un premier épisode maniaque (8) (174). En somme, il ne semble pas possible actuellement de proposer des critères différentiels sur la base du premier épisode, même si la présence d’une agitation orientera plus vers un TBDP Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 86/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels que sur une SDP. Il faudra obligatoirement prendre en compte l’environnement du sujet, ses antécédents personnels et familiaux. Toutefois, de nombreux auteurs prennent en compte l’existence de perturbations dans d’autres dimensions. Pour KESHAVAN et SCHOOLER (365), on devrait en fait identifier six catégories d’évènements pour identifier un premier épisode psychotique : Déclin du fonctionnement social Apparition de trouble du comportement Apparition de signes positifs Apparition de signes négatifs Premier traitement médicamenteux Première hospitalisation En effet, la survenue de ces évènements n’est pas forcément concomitante. Immédiatement, on peut constater qu’en dehors des signes négatifs, cette définition du premier épisode psychotique peut tout à fait servir à la définition du premier épisode d’un TBDP. 3.2.1.2 Eléments de pronostic Si l’on s’intéresse aux éléments de pronostic de SCZ usuellement proposés (23), nous remarquerons : Que l’âge de survenu précoce est péjoratif. Dans notre cas de figure, cet élément est commun entre le TBDP et le SDP. Qu’un mode de survenu aigu, de clinique « positive » c’est-à-dire productrice, est meilleur qu’une survenue insidieuse. Dans le cadre d’une SCZ, une évolution d’emblée lentement déficitaire est considérée comme de moins bon pronostic. Or, nous verrons par la suite que cette présentation clinique de la schizophrénie est vraisemblablement sous-diagnostiquée, car elle se présente sous la forme de syndrome anxio-dépressifs atypiques souvent rebelles au traitement par antidépresseur. Etant donné qu’il n’y a que très peu de données concernant le TBDP de forme dépressive, que pourrait partager en réalité un TBDP se présentant comme une dépression chronique, avec une SDP ? Nous nous permettons même de pousser la réflexion jusqu’à cette interrogation : Un TBDP de forme dépressive, n’est-il pas une SDP ? Ainsi, il pourrait y avoir collusion entre les deux troubles dans les formes infantiles. Si jamais le TBDP se manifeste secondairement par des épisodes maniaques pourrait-il que ce soit un échappement à l’évolution vers une SCZ ? Voire même, se pourrait-il que l’évolution vers la manie soit « protectrice » vis-à-vis des signes déficitaires de la SCZ ? Ceci semble pouvoir possiblement s’argumenter car la présence d’éléments thymiques lors du premier épisode psychotique d’une SCZ est considérée comme élément de bon pronostic (23). De même le caractère soudain du premier épisode est lui aussi considéré comme de bon pronostic. Ce n’est pas sans rappeler le possible déclanchement aigu de l’état maniaque. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 87/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Enfin, précisons que le sexe féminin, est plutôt de bon pronostic pour la SCZ, nous nous permettons de le mettre en rapport avec la possible disparité entre les garçons et les filles dans le cadre d’un TDAH (328)11. En conclusion, la clinique seule du premier état aigu, particulièrement chez l’enfant, est insuffisante, en l’état actuel des connaissances pour départager l’étiologie d’un épisode psychotique (366). Les éléments connus de pronostics, semblent tout à fait partagés entre les deux troubles. Cette similarité a une grande conséquence sur la pratique courante, car il faudra que le clinicien fasse preuve d’une prudence extrême lors du diagnostic en s’appuyant sur d’autres éléments que la clinique, en particulier les antécédents personnels et familiaux. 3.2.2 Profil évolutif, phase prodromique 3.2.2.1 Critères cliniques de la phase prodromique de la schizophrénie. En dehors du premier épisode psychotique, l’évolution des deux troubles pourrait être utile pour affiner le diagnostic. Il est aussi nécessaire d’évaluer le contexte, les éléments personnels et les antécédents familiaux du patient. L’âge de survenue des premiers épisodes de la schizophrénie se situe entre 15 et 35 ans, (50% avant 50 ans). Rare avant l’âge de 10 ans ou après 40 ans. Le début est plus précoce chez l’homme que chez la femme (23). En l’état actuel des connaissances, la SCZ est considérée comme un trouble évoluant en trois phases (367) (368) (369): Une période prémorbide qui s’étend de la naissance jusqu’à l’apparition de la maladie. Une phase prodromique qui est marquée par l’apparition des premiers signes de la maladie. Ces prodromes déterminent le début de la maladie. Une phase psychotique qui est marquée par la survenue des symptômes psychotiques et qui marque le début de la psychose. La notion de prodrome a fait l’objet de nombreux travaux dans le cadre de la SCZ (370). Pour certains auteurs, les prodromes font partie intégrante de la maladie. Pour d’autres, ils ne sont pas assez spécifiques et leur valeur prédictive est trop faible (371) (372). Ainsi, HAFNER et al. considèrent qu’elle débute avec l’apparition des premiers signes négatifs, plus spécifiques (373) (374). Enfin, certains auteurs considèrent, que même si les signes cliniques de la phase prodromique de la SCZ sont aspécifiques et faiblement prédictifs, ils représentent en soi une population clinique en raison des handicaps conférés (en particulier le retentissement cognitif), de la souffrance engendrées et de la demande de soin de ces patients (375). Les critères définissant cette phase sont en perpétuels remaniements. Ainsi, alors que le DSMIII-R contenait des critères prodromiques, ils sont exclus du DSM-IV et des suivants (376). 11 Ceci nous ouvre peut-être une voie de réflexion quant à une composante commune entre SCZ et TDAH, supporté génétiquement sur le chromosome Y. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 88/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels La phase prodromique reste définie dans la CIM-10. C’est la période durant laquelle s’installe une détérioration nette du fonctionnement, par rapport au niveau de fonctionnement antérieur. C’est vraisemblablement sur cette définition que s’accordent la majorité des auteurs (377) (378). Etant donné l’absence de consensus, sa durée estimée est très fluctuante. Pour certains auteurs, elle durerait en moyenne deux ans (379). Pour d’autres, elle pourrait s’étaler sur deux à cinq ans, voire sept (368) (380). Dès 1909, KRAEPELIN identifiait des signes avant-coureurs tels que de légères modifications de la vie émotionnelle, une irritabilité, une perte d’intérêt et de capacité à éprouver le plaisir, une hyperactivité ainsi qu’une diminution des capacités d’attention et de concentrations. Immédiatement, nous constatons les points communs avec d’autres troubles infantiles tels que le TDAH (hyperactivité, trouble de l’attention et de la concentration) et le TBPD (modification de la vie émotionnelle, irritabilité (SMD), perte d’intérêt et de capacité à éprouver le plaisir). Les signes prodromiques reconnus de la schizophrénie sont très insidieux (381). L’école de BONN a identifié des signes subjectifs purs, internes au sujet et inaccessibles à l’observation extérieure. De plus, ils sont fluctuants dans le temps et selon l’environnement (374). Il s’agit entre autre : D’un syndrome « cénesthésique » : associant des désordres neuro-végétatifs avec troubles hypochondriaques (sensation de mouvement, de tiraillement, de pression, d’électricité, de chaleur). D’un syndrome « asthénique » : associant épuisement, fatigabilité à l’effort, diminution de la résistance au stress, des capacités de récupérations et d’endurance. D’un syndrome dépressif. Ceci n’est évidemment pas sans rappeler les manifestations somatiques de l’anxiété que l’on peut retrouver dans les syndromes dépressifs de l’adolescent, que nous avons vu comme facteurs prédisposant au TB (300) (301). Le DSM-III-R définissait la phase prodromique par la présence simultanée de deux des symptômes prodromiques suivants : Une détérioration nette du fonctionnement par rapport au niveau antérieur. Des affects émoussés ou inappropriés. Des difficultés de concentration. Une idéation bizarre. Des expériences perceptives inhabituelles. Un changement dans la personnalité du sujet. Toutefois, ces critères donnaient lieu à un nombre important de faux positifs puisque MCGORRY et al. (382) ont montré dans une étude portant sur un échantillon de 657 étudiants (âge moyen = 16,5 ans) que presque 50 % remplissaient les critères DSM-III-R de phase prodromique. Ce taux restait élevé même après inclusion d’un critère d’évolution de six à douze mois. YUNG et MCGORRY (378) (370) définissaient de manière rétrospective, pas moins de sept catégories de symptômes prodromiques : Des symptômes névrotiques (anxiété, impatience, irritabilité, colères, phénomènes Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 89/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels obsessifs et compulsifs, voire hystériques). Des symptômes thymiques (humeur dépressive, oscillation de l’humeur, culpabilité et idéation suicidaire). Des modifications de la volition (réduction pulsionnelle et motivationnelle, sensation d’ennui, perte d’intérêt, fragilité et anergie). Des troubles cognitifs (diminution des capacités d’attention et de concentration, troubles de la mémoire et phénomènes de blocage de la pensée). Des symptômes physiques (plaintes somatiques, troubles du sommeil, perte de poids et d’appétit). Des modifications comportementales (retrait social, détérioration du fonctionnement scolaire ou professionnel, impulsivité, agressivité, comportement perturbateur ou bizarres) Enfin, une catégorie résiduelle (phénomènes dissociatifs, suspicion, méfiance, distorsions des perceptions, anomalies motrices et du langage). Dans une étude rétrospective, MOLLER et HUSBY (383) ont évalué la perception de signes prodromiques par des patients souffrant d’un premier épisode schizophrénique (N=19, âge moyen = 22,4 ans) et par leur famille à l’aide d’un entretien semi-structuré. Les auteurs mettent en évidence deux dimensions. Une en rapport avec les expériences et les perceptions : perturbation de la perception de soi, envahissement par des pensées prégnantes, perturbations « neurotoniques » (anxiété, agitation, instabilité, dépression), troubles du cours de la pensée, prémisses d’idées délirantes, perturbation du contrôle mental, élaboration de stratégies d’adaptation et troubles des perceptions usuelles. Une en rapport avec les modifications du comportement : quitter l’école ou le travail, modification durable et marquée des intérêts, passivité sociale marquée et durable, comportement d’évitement social extrême et changement marqué et durable du comportement et/ou de l’apparence. Ainsi, la phase prodromique de la schizophrénie et très clairement polymorphe, reprenant des signes dans à peu près tous les champs de la clinique psychiatrique. De plus, même si les symptômes retrouvés dans la phase prodromique semblent accessibles par un interrogatoire de l’entourage ou de manière rétrospective (383) (370), les auteurs mettent en garde au sujet de la fiabilité de ce type d’interrogatoire (384) : « Le rapport de manière rétrospective des origines des psychoses et du tableau prémorbide est sujet à distorsion. » 3.2.2.2 Le TBDP, phase prodromique d’un TB ? En comparant le profil évolutif de la schizophrénie à celui du TB, nous sommes étonnés d’un certain nombre de ressemblances. Premièrement, les deux troubles semblent présenter une phase prémorbide, « blanche » de tout symptôme. Cette période est-elle réellement dénuée de tout symptôme ou bien le sujet Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 90/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels n’est pas en mesure de les manifester, ou de les ressentir ? Deuxièmement, les deux troubles présentent une phase préalable à l’installation du trouble. Nous proposons que le TBDP soit un équivalent de phase prodromique. Si l’on se place dans l’hypothèse de la continuité entre TBDP et TB, pourquoi ne pas considérer que la clinique polymorphe du TBDP, puisse être une phase prodromique du TB ? En effet, même si le TBDP peut se manifester par d’authentiques état maniaques, nous avons vu que les cas la présentation la plus courante relevait d’une clinique polymorphe, mal définie12, à l’instar des manifestations polymorphes de la phase prodromique de la SCZ. Enfin, nous avons vu que la bipolarité puisse être « masquée », lors de présentations anxiodépressives ou somatisées. Et nous constatons qu’il manque un certain nombre de données sur l’hypothèse de la dépression chronique comme manifestation princeps d’un TBDP. Sur ces arguments, nous proposons à la réflexion que les manifestations polymorphes de TBDP soient en réalité des manifestations prodromiques d’un TB de l’adulte sévère. « Dans l’attente » d’une symptomatologie de l’adulte sévère, mais plus classique, le TBDP serait, à l’instar de la phase prodromique de la SCZ, un TB de forme « brouillonne », possiblement parce que tous les paramètres génétiques, neuronaux et développementaux ne sont pas encore entrés en ligne de compte, ou « activés » pour présenter la clinique de l’adulte. Sur cette considération, nous nous permettons de continuer le parallèle conceptuel, mais aussi clinique entre TBDP et SCZ. Effectivement, les deux troubles partagent une phase psychotique, à partir du moment où des signes cliniques plus précis et plus manifestes ont éclos. La présentation « usuelle » apparaît donc dans une forme plus « pure ». Nous proposons la figure 10 pour illustrer notre réflexion. 3.2.2.3 TBDP de type II et phase prodromique de schizophrénie ? Un autre questionnement est possible lorsque l’on garde en tête que la phase prodromique de la SCZ présente une clinique du registre de la dépressivité atypique. La phase prodromique est donc une association discrète de retrait sur soi, de retrait social, et de prémices de trouble du cours de la pensée, notamment sur le registre de la discordance. Ceci peut aider le clinicien à faire la part des choses dans les antécédents du patient. Cette présentation orientera alors vers un possible diagnostic de SDP, alors que des antécédents d’agitation orienteront vers un TBDP. Mais ceci uniquement avec une très grande prudence. Pourtant, nous avons déjà remarqué et nous le répétons particulièrement ici, que la plupart des travaux au sujet du TBDP se focalisent particulièrement sur la présentation et les signes du registre maniaque. Rares sont les travaux sur le suivi des TBDP, encore plus rares sont les travaux sur le suivi des patients TBDP de présentation dépressive principale. Il manque très clairement des travaux pour explorer cette facette du TBDP type II, et ses liens avec les prodromes schizophréniques. 12 Etats maniaques avec signes psychotiques de forte intensité, cyclicité « perturbée », cycles rapides, ultrarapides, rareté des phases inter-critiques… Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 91/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Ce que nous pouvons remarquer, c’est qu’en marge des signes maniaques, quelques études soulignent les déficits cognitifs et le handicap fonctionnel des fonctions supérieures présentes dans le TBDP (192) (193) (170) (171) (172). C’est avec circonspection et grande prudence que nous portons à la réflexion qu’étant donné la possibilité théorique, (suggérée fortement par quelques travaux cités) que toute une frange de patient puisse être à la marge entre TBDP et SDP. Il semble dommageable que les études se focalisent plus souvent sur les signes cliniques les plus manifestes que sur les signes cliniques les moins parlants. Encore une fois, quid de la dépression récurrente chez l’enfant et l’adolescent ? 3.2.2.4 Concernant le trouble schizo-affectif. La troisième voie, intermédiaire, à savoir l’usage du diagnostic de trouble schizo-affectif ne nous semble pas permettre d’avancer sur la question. Au contraire. Ce diagnostic est défini comme toute psychose contenant des signes de schizophrénie et de signes de trouble de l’humeur mais ne remplissant pas tous les critères de l’un ou de l’autre pris isolément. Un certain nombre d’auteurs sont très critiques quant à ce diagnostic, étant donné son caractère particulièrement commode pour catégoriser les patients atypiques. Ainsi, comment comprendre que COHEN et al. ont estimé que presque 20% des cas de TBDP, puissent être « redressés » vers un trouble schizo-affectif lors du passage à l’âge adulte (174). Comment comprendre ces données ? Est-ce une évolution naturelle du TBDP ou bien est-ce dû à une erreur de diagnostic initial ? Comment comprendre le trouble schizoaffectif dans ce cas de figure ? En replaçant ce type de travail dans son contexte historique et critériologique, nous pouvons mieux comprendre. Notons qu’avant les années 70, le trouble schizo-affectif n’existait pas comme catégorie en soi (385). Citons SARFATI : « C’est ainsi qu’à côté du trouble schizophrénique et du trouble de l’humeur, constituant 2 catégories dans les années 70, apparaît le « trouble schizo-affectif » destiné à acceuillir tous les patients qui ont des signes et une évolution ni purement schizophréniques, ni purement thymiques : Les années 1980 en font 3 catégories. Considérée par la suite comme un regroupement symptomatique et évolutif pour le moins hétéroclite, cette dernière est secondairement divisée en « sous-type affectif » et « sous-type schizophrénique », aboutissant à 4 catégories dans les années 90.. Compte tenu de l’hétérogénéité rebelle de ces derniers recoupements, une persévération dans cette logique conduirait à créer 5 ou 6 nouvelles catégories supplémentaires (386), portant à 10 les catégories émanant de l’initial découpage dichotomique. […] C’est pourquoi en l’état actuel des connaissances et de l’avis de beaucoup, le diagnostic de trouble schizo-affectif devrait être tout à fait exceptionnel, ce que son caractère « commode » et fourre-tout et ce que le mésusage des instruments diagnostiques critériologiques l’empêchent, en pratique, de rester. » Nous partageons cette critique. Nous avons vu la logique critériologique se dirige vers un nouvel éclatement nosologique, à l’inverse de sa motivation initiale. Nous considérons alors Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 92/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels le trouble schizo-affectif comme une manifestation très claire d’un glissement contreproductif de la logique statistique et catégorielle. Un tel diagnostic « fourre-tout » répond probablement trop facilement aux situations cliniques. A l’extrême, pourquoi ne pas le poser systématiquement devant toute agitation psychotique et traiter par principe tous ces cas de figure par une association de neuroleptique atypique avec un thymorégulateur ? 3.2.3 Mise en place du traitement, Notion de durée de psychose non traitée En fait, derrière la notion de phase prodromique, existe la notion des traitements précoces. La prise en charge des états maniaques chez le mineur insiste en faveur du traitement précoce (voir 2.6.3). A l’évidence, la clinique de l’état maniaque oblige de facto à traiter. Concernant la phase prodromique de la SCZ, la controverse est toujours d’actualité. Dans cette réflexion, une notion nouvelle de « durée de psychose non traitée » (DUP : Duration of Untreated Psychosis) fait son apparition. Plusieurs études ont montré que cette période pouvait être très longue, entre quelques semaines et plusieurs années, et variable d’un sujet à l’autre. Notamment en fonction de l’environnement et de son accès aux soins (387). Or, pour certain auteurs, c’est la rapidité de mise en œuvre du traitement qui conditionne le pronostic ultérieur. Les conséquences d’un retard seraient alors très délétères : rémission plus lente et moins complète, augmentation des rechutes et de la résistance (381). Pour JOHNSON et al. (388) si cette durée de psychose non traitée est supérieure à un an (en association avec un début insidieux et un score élevé de signes négatifs), le taux de rechute est beaucoup plus important. Le DUP semblerait corrélé aux taux de dépression, de suicide et d’altération du fonctionnement social. Cette considération, relayée par d’autres études (389), peut-être mise en parallèle avec les recommandations concernant le TBDP. A savoir l’importance d’un traitement précoce (voir 2.5.2) A l’inverse, nous rappelons deux remarques déjà vues en première partie du mémoire. La première est l’influence possiblement forte des conflits d’intérêts en faveur de la prescription de psychotropes. La seconde est l’absence de prédictivité des signes de la phase prodromique. Si 50% des patients SCZ ont eu une phase prodromique, les 50% autres n’en ont pas eu. De même pour le TB, un grand nombre d’entre eux n’ont eu aucune manifestation préalable (158) (159) (143). Devant le taux important de faux positifs, des interventions précoces sont toujours sujettes à caution. Pourtant, un certain nombre d’études suggèrent que les antipsychotiques atypiques apportent un bénéfice sur l’amélioration des fonctions cognitives. Autant dans les phases précoces que les phases avancées de la maladie (390) (391) (392). Dans un essai thérapeutique randomisé sur une période de six mois, MCGORRY et al. (393) ont évalué l’impact d’un traitement antipsychotique dans une population à haut risque (N=38). Les taux d’émergence étaient plus faible chez les sujets ayant reçu de petites doses de rispéridone (dose moyenne = 1,3mg) et une thérapie cognitive (10%) que ceux qui étaient uniquement pris en psychothérapie de soutient (36%) (p=0.026). Le nombre de sujet qu’il fallait traiter pour prévenir l’émergence d’un premier épisode était de 4. Ce qui est Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 93/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels relativement faible si l’on compare aux 13 personnes qu’il faut traiter contre l’hypertension artériel pour prévenir un accident vasculaire cérébral (394). Un quart des sujets ont donc véritablement bénéficié d’un traitement précoce. Mais il faut aussi souligner que trois-quarts des patients ont pris de la rispéridone sans aucun bénéfice, et que 21 sujets ont été considérés à tort comme étant à risque, alors que ce n’était pas le cas. Ceci peut mettre en question la légitimité des interventions. Surtout vis-à-vis du risque de traiter à tort des patients avec des psychotropes dont les effets secondaires sont importants (voir 2.5.1). Cependant, les études préliminaires concernant l’effet protecteur et préventif des traitements précoces, argumentent en faveur de ce dernier et dans les deux cas de figure, que ce soit pour la SDP comme pour le TBDP. En conclusion, nous constatons que les formes précoces de psychopathologie sont difficiles à diagnostiquer. Le caractère insidieux de la SDP se démarque sensiblement des manifestations maniaques du TBDP. Pour autant, il n’est pas encore possible de distinguer les formes dépressives d’un TBDP, possiblement confondues avec les formes insidieuses de SDP. 3.2.4 Epidémiologie, prédispositions génétiques, âges de début 3.2.4.1 Epidémiologie La prévalence de la schizophrénie est estimée entre 1 et 1,5% sur la vie entière. La répartition semble égale entre les hommes et les femmes. D’autres paramètres entrent en ligne de compte, tels qu’une augmentation de la prévalence pour des statuts socio-économiques modestes ou défavorables. La prévalence semble être plus forte chez les individus d’origine africaine ou hispanique. Mais ceci reste à caution en regard des corrélats avec le statut économique. La saison de naissance est une donnée reconnue comme corrélée avec le risque de SCZ. Ceci ne semble pas exister pour le TB (23). Concernant la phase prodromique de la SCZ, sa fréquence varie d’une étude à l’autre, possiblement par le fait que ses critères ne sont pas consensuels. Son taux varie entre 30% (374) et 50% (382). La prévalence du TBDP, est de l’ordre de 1% (102) (voir 2.1). Dans les études rétrospectives, plus de la moitié des patients TB auraient débuté leur trouble avant la majorité, et possiblement 20 à 30% avant l’âge de 15 ans (108) (186) (187). Ces données ne permettent pas de tirer une quelconque conclusion. Nous n’avons pas retrouvé de travaux spécifiques sur la cooccurrence et les liaisons épidémiologiques entre SCZ et TBDP. Plusieurs raisons peuvent être invoquées. D’une part, les travaux sur le TBDP sont dans l’ensemble peu nombreux. De plus, la clinique des deux troubles n’est pas consensuelle. Si bien qu’ils n’existent ni l’un ni l’autre dans la classification américaine (DSM-IV-R et DSMV). Enfin, l’existence du trouble schizo-affectif englobe toute présentation atypique et empêche probablement artificiellement toute analyse croisée reprenant des critères catégoriels. Seuls des travaux reprenant des critères de validation externe pourraient voir le jour. Ou bien par l’approche dimensionnelle. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 94/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3.2.4.2 Gènes candidats Il n’est pas de notre ressort de reprendre l’ensemble des données connues et s’étoffant chaque jour au sujet de la biologie moléculaire de la schizophrénie. Nous nous contenterons de citer quelques pistes précises qui auraient été mises en évidence communément entre TB et SCZ. Deux régions ont été récemment mises en commun entre les TB et la SCZ. La première se situe sur le chromosome quatre et contient trois marqueurs de la région 4q24-q34 (395) (396). L’autre se situe sur le chromosome 18 (397) (398). Ceci permet d’évoquer que dans le cadre de l’hypothèse neuro-développementale de la SCZ, les origines sont multicentriques et polygéniques. Certains semblent être communs entre les TB et la SCZ. Mais, la recherche génétique en psychiatrie, malgré son développement est toujours limitée par les divergences cliniques et étiologiques. De nombreux auteurs ont insisté sur la nécessité de privilégier les études d’association testant des gènes candidats. Mais de très grands échantillons sont nécessaires pour avoir une puissance suffisante (399). 3.2.4.3 Ages de début La SCZ, comme le TB partagent le fait d’être à déterminisme multifactoriel. L’âge de début de la SCZ semble avoir aussi permis d’identifier des sous-groupes plus homogènes. Ce démembrement s’est avéré fécond en permettant de séparer les formes à forte composante familiale des autres. Un âge précoce semble être particulièrement associé au risque familial (400). Il existe une forte corrélation pour l’âge de début de la maladie chez les germains atteints, variant de 0,2 à 0,4, et chez les jumeaux monozygotes, variant entre 0,5 à 0,8 (401). De plus, la diminution d’âge de début de la schizophrénie de génération en génération semble être en accord avec un phénomène d’anticipation génétique (402). L’équipe de M. LEBOYER a réalisé des travaux similaires sur les âges de début dans la SCZ que pour le TBDP. Selon cette équipe, il existerait une distribution bimodale (trimodale comme dans le TB) avec deux pics d’âges de début. Le premier serait à 19,9 ans et le second à 33,4 ans. Le groupe précoce serait composé de plus d’hommes, avec des symptômes négatifs prédominants. Le groupe tardif serait composé de plus de femmes avec des symptômes délirants prédominants. Le risque familial y serait aussi plus faible (403) (404) (405). 3.2.5 La désorganisation, une nouvelle dimension ? Une des approches plus fine retourne au paradigme triple de la schizophrénie et à une approche similaire à celle de BLEUER (406). C’est-à-dire s’axant sur un mécanisme source entrainant les symptômes visibles, et non une approche statistique comme celle des classifications modernes. BLEUER identifie les « quatre A » et s’en sert comme symptômes cardinaux : association, affect, autisme et ambivalence (23). Cette approche est très similaire à une approche dimensionnelle. Pourtant, l’approche dichotomique positive/négative fut un temps l’approche prééminente pour la compréhension de la schizophrénie, les auteurs classant alors les signes de la désorganisation soit comme conséquence des signes productifs, soit comme manifestations de Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 95/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels la dimension déficitaire négative. Dans les années 80, ANDREASEN reprend le paradigme de BLEUER et place le relâchement des associations comme axe cardinal de la schizophrénie : « E. BLEUER met au centre de la symptomatologie schizophrénique et ne semble pas trouver indispensable au diagnostic la présence de délire ou d’hallucinations. Peutêtre que le DSM nous a-t-il éloigné de la « réelle maladie » schizophrénique, en mettant en exergue deux symptômes qui ne sont pas nécessairement les plus pertinents pour comprendre cette maladie et en proposer un modèle. […] Le modèle que l’on peut proposer n’est pas défini par des symptômes psychotiques mais par une altération fondamentale de la fonction cognitive neuronale, c’est-à-dire la capacité à penser, à sentir…, qui est la caractéristique partagée par tous les patients schizophrènes. » (407) Ainsi, ANDREASEN se démarque de l’approche classique car elle propose une triple lecture. Ces dernières contiennent : les signes positifs, usuellement les productions délirantes, les signes négatifs, usuellement les altérations du fonctionnement des fonctions supérieures, l’axe de la dissociation/désorganisation. De nouveaux travaux sur la schizophrénie (SCZ) argumentent fortement comme dimension autonome du relâchement des associations (408) (409). Cet axe symptomatique risque là encore de poser de nouvelles questions quant aux liaisons entre la clinique d’un TBDP et celle d’une SDP. En effet, comment interpréter la clinique confuse du premier état aigu ? En particulier les signes de discordance, la présence des signes résiduels en inter-critique (51) (52), ou bien la présence de handicap fonctionnel dans les épreuves cognitives (170) (171) (172) ? 3.2.6 Conclusion du différentiel entre SCZ et TBDP Ainsi, nous avons vu que la SCZ en tant que diagnostic différentiel TBDP n’est pas le plus manifeste. A la source de ce questionnement est évidement la difficulté pour attribuer à l’un ou l’autre un épisode maniaque sévère chez un enfant ou un adolescent. Particulièrement lorsque c’est le premier. Le suivi de l’évolution permet d’avoir d’autres arguments pour l’établissement du diagnostic. Et particulier la présence de signes déficitaires. Cependant, étant donné l’absence de données fiables concernant un TBDP de forme principalement dépressive, il reste un champ mal exploré de possible relations entre les signes prodromiques de la SCZ et le TBDP. Dans la même optique, nous avons même proposé à la réflexion que le TB puisse partager une évolution similaire à celle de la SCZ, c’est-à-dire une évolution en trois étapes. Dans cette hypothèse, le TBDP pourrait être considéré comme une phase prodromique de TB, avec des Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 96/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels symptômes complexes, donc mal délimités, « dans l’attente » d’une maturation définitive du trouble, rejoignant alors une présentation clinique plus conventionnelle. Proposer cette analogie permet alors de faire ressortir un ensemble de questions (voir figure 10) et met en avant l’importance de la phase de maturation dans l’histoire des deux troubles. Au-delà des similarités entre premier épisode et profil évolutif, nous avons proposé une dernière piste de réflexion : la désorganisation. Cette composante dimensionnelle permettrait d’envisager d’autres points communs : la désorganisation psychique dans les phases maniaques (subséquentes à la tachypsychie par exemple) mais aussi la désorganisation psychique « princeps » (que l’on peut aussi retrouver dans les phases dépressives ou résiduelles). Qu’il ne faut pas confondre avec les signes déficitaires du déclin cognitif, lui aussi commun aux deux troubles. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 97/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3.3 Présentation de cas clinique 3.3.1 Cas typique de TBDP : Valentin, né le 27/12/93 Pour illustrer notre travail, nous présentons le cas de Valentin, que nous avons croisé dans notre pratique. 3.3.1.1 Antécédents personnels Grossesse et accouchement normaux. Malformation gastrique qui impose un fractionnement des repas jusqu’à 3 ans. Otites séreuses passées inaperçues jusqu’à l’âge de 4 ans. Paracentèse et adénoïdectomie. Rhinite allergique. Taille et poids normaux 3.3.1.2 Antécédents familiaux Ainé d’une fratrie de 2. Un frère cadet. Parents mariés. Mère : 30 ans, agent technique spécialisé en école maternelle. A un frère ainé. Père : 30 ans, technicien. Grand-mère maternelle décédée par suicide en 95 (l’enfant avait 14 mois). Le frère à 3 frères et 2 sœurs. Pas d’antécédent familial psychiatrique retrouvé mis à part le suicide de la grand-mère. 3.3.1.3 Histoire des troubles Scolarisé à 2 ans et 8 mois. Pas de manifestation anxieuse. Assez instable, avait du mal à suivre les consignes. Pouvait être agressif avec ses pairs. Mordait, difficultés à s’intégrer, possiblement en rapport avec le retard de langage. Redoublement de la grande section. Passage au CP : pas de difficultés pour l’acquisition de l’écriture. Maîtrise l’orthographe, mais a des difficultés graphiques. Ecriture peu soignée, repasse plusieurs fois. CE2 : année très difficile. Perte des acquis en technique opératoire. CM1 : récupération progressive, mais baisse les bras face aux difficultés, peu persévérant. Bon niveau en orthographe et en français. Difficultés dans les raisonnements opératoires. Pas de sport : n’aime pas les règles. Suivi en rééducation orthophonique à partir de la moyenne section. Première consultation en mars 99 (5 ans, grande section de maternelle) pour problèmes d’intégration à l’école, agressivité avec les pairs et avec son frère. Suivi individuel avec infirmier. Bilan psychomoteur de 99 : schéma corporel mal intégré ; difficultés d’organisation et de structuration spatiale ; difficultés graphiques et de motricité fine. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 98/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Poursuite rééducation psychomotrice jusqu’en décembre 2001. 2002 : Apparition de tics vers 8 ans et demi. A type de raclements de gorge. Puis tics de flairage puis tics moteurs complexes : sent ses doigts, lance ses bras en l’air, écarte les jambes, regarde sous ses chaussures, secousses de tête. Ne pouvait prendre une bouchée qu’après l’avoir flairée, et ce pendant plus d’un an. Plusieurs consultations somatiques et neuro-pédiatriques. Sans origine retrouvé. Nouveaux tests psychomoteurs en 2004 : troubles des coordinations fines, résultats surprenants : meilleurs résultats en non-verbal qu’en verbal. Difficultés attentionnelles. Echelle de CONNERS enseignant et parents de 2004 très significative. 2004 : changement de psychiatre. Initiation d’un traitement par méthylphénidate (Concerta 18mg) (poids=34kg). Bonne tolérance, bonne efficacité du traitement sur l’attention et le comportement. Augmentation à 36mg six mois plus tard. Pas de majoration des tics. Restent nombreux mais fugaces. Se majorent en cas de stress. 2005 (âge=12 ans) : apparition de la variabilité de l’humeur. Cyclicité diurne. Elation de l’humeur en fin de journée. L’anxiété de fond se majore, nombreuses somatisations récalcitrantes. Arrêt du méthylphénidate pour cause de perte de poids. Reste relativement stable. Beaucoup plus de difficultés scolaires à l’entrée en 6e. Manque de motivation. Désintérêt. Persistance de l’impulsivité et de la distractibilité. 2006 : Année de 6e médiocre/basse. Réinstauration du traitement. Passage à Ritaline LP 40mg. Début 2007 : Aggravation de l’impulsivité et du caractère « sensitif » de l’enfant. Ajout de rispéridone (risperdal) 1mg le soir. Efficacité sur le comportement en classe et sur ses rapports à autrui. Juin 2007 : Arrêt du méthylphénidate. Pour une « drug holidays ». Poursuite du risperdal. Septembre 2007 : Hypomanie à l’entretien médical : logorrhée, familiarité, désinhibition, propos sexualisés, gestes déplacés. Passage au divalproate de sodium (dépakote) 250mg deux fois par jour. Efficacité immédiate du traitement (en 48h). Action sur la cohérence de la pensée, disparition des digressions. Mais persistance d’une labilité de l’humeur. Augmentation du dosage à 500mg deux fois par jour. Octobre 2007 : Plus stable mais reste irritable. Augmentation du risperdal. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 99/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Janvier 2008 : Résultats scolaires moyens. Discours souvent diffluent. Réinstauration du méthylphénidate. Bonne efficacité. Juillet 2008 : passage à Abilify 5 mg. Est mieux. Novembre à mai 2009 : altération du comportement : quelques vols pour un début d’addiction aux jeux de hasard. Oppositions ponctuelles. Résurgence des tics. Octobre 2009 : arrêt du méthylphénidate. Moins d’angoisse, disparition des tics. 2010 : mauvais résultats scolaires. Réorientation vers une filière professionnelle. Fait un stage dans la police municipale : excellentes appréciations. Améliorations du comportement, plus de vols ni de jeux de grattage. 2011 : thymorégulation insuffisante : dépakinémie insuffisante. Augmentation de la posologie puis passage à la quétiapine (Xeroquel) à 600mg/ jour. Très bonne efficacité globale. Moins impulsif, moins irritable. Stabilité depuis 2011. 3.3.1.4 Critique du cas Ce cas est intéressant car il va nous servir d’exemple pour rappeler plusieurs notions. En premier lieu, notons le retard à la prescription médicamenteuse encore très souvent présent dans les suivis pédopsychiatriques : Premiers troubles patents en 1999, première prescription en 2004 soit un retard thérapeutique de presque 5 ans. Phénomène assez souvent en rapport avec les orientations des thérapeutes. Concernant le contexte familial, il semble bon. Le seul antécédent suspect est le suicide de la grand-mère paternelle. Le noyau familial est stable, les parents sont impliqués dans la prise en charge. Ils remarquent vite les troubles et s’organisent en conséquence (en témoigne les consultations somatiques de 2002), même s’il y a une relative errance médicale. Ce qui est possiblement révélateur d’une carence informative au sujet des troubles pédopsychiatriques dans la population générale. La présentation initiale du trouble est en rapport avec des difficultés scolaires dont l’étiologie est difficile à départager. Est-ce en rapport avec un retard de développement psychomoteur ? Est-ce secondaire des troubles auditifs ? Est-ce déjà en rapport avec un trouble attentionnel ? En 2002, notons l’apparition de tics (qui peuvent se retrouver dans le TDAH, comorbidité fréquente). Les tics peuvent aussi exister dans le développement normal d’un enfant. Quoiqu’il en soit, ils compliqueront la prise en charge, notamment pour la prescription du méthylphénidate, qui risque de les majorer. C’est ce qui justifie un début de prescription à demi-dose, avec une augmentation très progressive. Remarquons aussi que la variabilité de l’humeur semble apparaître après les signes de TDAH, à l’âge de 12 ans, alors que le TDAH est apparu vraisemblablement à l’âge de 4 ou 5 ans. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 100/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Qui plus est, la cyclicité des troubles de l’humeur peut être méprise avec la variabilité comportementale liée au TDAH traité. En effet, la spécificité médicamenteuse du méthylphénidate est d’avoir une action rapide avec un temps d’action court à très court (de 4h pour la ritaline à 12h pour le concerta). En conséquence, il est usuel de voir les signes d’agitation d’un TDAH traité s’amender 30 à 45 min après la prise médicamenteuse du matin, pour ressurgir dès la fin de dose (effet « on/off »), en fin de journée. Ce qui pourrait mimer un cycle rapide de TBDP. L’anxiété de fond concomitante à l’apparition de l’élation de l’humeur ne permet pas de certifier le TBDP, de nombreux TDAH se compliquent d’anxiété. En 2005, nous noterons l’obligation d’un arrêt thérapeutique pour perte de poids. Suite à cet arrêt, et en concomitance avec le passage en 6e, les performances scolaires semblent s’effondrer, bien que le comportement puisse rester relativement stable, malgré l’impulsivité et l’irritabilité. On note la démotivation. Remarquons la similarité avec de possibles signes dépressifs. En 2007, à l’âge de 14 ans, la sensitivité de l’enfant devient manifeste, avec une tendance à l’interprétation, et des troubles comportementaux qui se majorent. Nous sommes en présence d’un signe clinique vraisemblablement « psychotique » mais qui pourrait s’expliquer par un phénomène de « bullying scolaire ». En effet, les enfants atteints de troubles psychiques entrent souvent dans un cercle vicieux avec leurs pairs. Leur comportement entraîne une exclusion par les autres qui renforce leur comportement inadapté. La persécution subie pourrait expliquer une certaine sensitivité du patient. Notons le vraisemblable effet de la puberté pour la révélation des symptômes. Notons enfin l’efficacité modérée du méthylphénidate, même combiné à la rispéridone, sur l’impulsivité. Rappelant la possible autonomie dimensionnelle de l’irritabilité. L’année 2007 est très riche d’un point de vue clinique. L’arrêt du méthylphénidate au cours des congés d’été (justifié par l’épisode de perte de poids en 2005) entraine vraisemblablement la majoration de la dysthymie. La consultation de rentrée de septembre 2007 est particulièrement révélatrice. La présence des signes d’hypomanie entraîne la prescription immédiate du divalproate de sodium. Dont l’action est spectaculaire, notamment sur la variabilité de l’humeur. Le diagnostic de TBDP est alors posé. L’irritabilité quant à elle n’est contrôlée qu’avec l’augmentation du risperdal. En 2008, nous pouvons remarquer qu’il persiste une diffluence du discours. Le caractère tangentiel du raisonnement sera sensible à la réinstauration du psychostimulant. En 2009, un phénomène paradoxal se présente. Il existe une opposition, des menus larcins et une tendance addictive aux jeux de hasard. Les tics reviennent. Ces phénomènes sont interprétés comme en rapport avec une anxiété irritée, parfois secondaire au méthylphénidate. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 101/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels L’arrêt de ce dernier semble faire diminuer l’anxiété de fond, et on constate un amendement relatif des tics, des oppositions et des compulsions. En 2010, les résultats scolaires moyens peuvent témoigner de plusieurs phénomènes. Soit il s’agit des conséquences neuro-physiologiques du trouble neuropsychiatrique. Soit il s’agit des conséquences de la scolarité perturbée au long court, soit il s’agit d’une décompensation du trouble. Quoiqu’il en soit, nous remarquerons que malgré ce phénomène l’enfant peut être réorienté vers une filière plus adaptée à son niveau. Remarquons de plus sa très bonne adaptation dans son stage à la police municipale. Exemple intéressant pour illustrer la sensibilité des troubles psychiatriques au contexte, particulièrement chez les mineurs. Paradoxalement, alors que des manifestations puissent relever des troubles oppositionnels, la mise en situation dans un milieu cadré et cadrant (hiérarchisation et formalisme des institutions policières), se révèle particulièrement bénéfique pour le patient13. En 2011, notons enfin un nouvel exemple de l’impératif à maintenir une efficacité médicamenteuse. La dysthymie manifeste est liée à un dosage insuffisant. D’où l’importance d’un suivi régulier contrôlant la biologie, le dosage médicamenteux, et l’adaptation médicamenteuse aux évolutions du patient notamment le gain de poids lié à la croissance. Le changement de molécule, passage à la quétiapine, à un dosage adapté, permet de simplifier l’ordonnance. Regroupant ainsi l’effet thymorégulateur et antipsychotique. Le méthylphénidate ne semble plus utile. Le patient est régulièrement suivi depuis, s’est intégré socialement, a trouvé un travail et semble avoir une vie « normale ». En conclusion de notre analyse, nous mettrons en avant deux points forts de ce cas. Premièrement nous remarquons l’efficacité du « style » thérapeutique. Cette prise en charge témoigne d’une réactivité importante du thérapeute, en temps réel, qui adapte régulièrement la prescription en fonction des présentations symptomatiques. Le thérapeute agit rapidement, mais sans précipitation, à toute modification par une lecture dynamique du patient. Ce qui sous-entend une excellente connaissance de la clinique fine et des effets attendus ou craints des molécules. Pour réussir une telle composition thérapeutique, adaptée en temps réel et évolutive, il est incontournable d’établir une excellente communication avec le patient et ses parents. La confiance et la participation mutuelle médecin-malade est capitale. Le méthylphénidate est instauré, arrêté, réinstauré, modifié… Pour obtenir une telle adhésion et compliance, il aura obligatoirement fallu expliquer les troubles, les intrications de ces derniers dans les comportements et leurs conséquences. Ce style réactif nous semble définitivement la clef pour la prise en charge de tout patient psychiatrique. Reconnaître l’importance du traitement, le timing de son instauration, mais 13 Ce qui pourrait justifier possiblement le fait que de nombreux patients TDAH arrivés à l’âge adulte se retrouvent dans des milieux professionnels hiérarchisés, formels et dynamiques tels que l’armée, la médecine hospitalière (service des urgences particulièrement) et les professionnels de la restauration/hôtellerie… Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 102/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels aussi le timing de son arrêt. Ne pas se laisser prendre au piège de possibles positionnements dogmatiques. La deuxième remarque sur ce cas, est que ce style de prise en charge est conceptuellement reposé sur une lecture neurologique et dimensionnelle du trouble. Nous remarquerons qu’une approche critériologique, appuyée sur des critères comportementaux n’aurait sans doute pas permis une réactivité médicale aussi performante. Le patient semble avoir été « lu », non pas au travers de cases critériologiques mais au travers d’un prisme dimensionnel. Les symptômes présentés ne sont pas intégrés dans une liste, en rapport avec des critères relatifs (tels que la résurgence des tics et l’opposition de 2009). Ils sont en fait interprétés dans leur dimension diachronique et synchronique. C’est ainsi que l’anxiété « opposante » ainsi que les tics et même les compulsions de 2009, sont mis en lien avec le possible effet paradoxal du méthylphénidate. Son arrêt permet une amélioration. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 103/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 3.3.2 Signes délirants sous méthylphénidate : Kevin, né le 03/03/2005 Notre deuxième cas clinique nous permet d’approfondir les notions de vulnérabilité, et l’importance de la maîtrise pharmacologique. 3.3.2.1 Antécédents personnels Grossesse et accouchements normaux. Allergie à l’amoxicilline. Pas d’autre antécédent. A des lunettes et est gaucher. 3.3.2.2 Antécédents familiaux Un grand frère plus âgé de 10 ans. Un petit frère moins âgé de 3 ans. Mère : 29 ans, niveau seconde. En recherche d’emploi. Une sœur. Un demi-frère placé en famille d’accueil pour retard mental et agitation. Grand-père maternel suivi en psychiatrie pour dépendance à l’alcool et dépression chronique. Grand-mère maternelle suivie en psychiatrie pour dépression. Décédée en 2003. Mort naturelle. Père : 35 ans, peintre en bâtiment. Un frère et une sœur. Grands-parents paternels sans particularité. Parents vivant en concubinage. Stabilité du couple. 3.3.2.3 Histoire du trouble Septembre 2012 : Enfant adressé par l’école à l’âge de 7 ans (redoublement de CP) pour troubles du comportement. Troubles déjà présents en premier CP. Pouvait être agressif, tapait la maîtresse. L’enfant ne « tient pas en place, remue sur sa chaise ». Niveau requis non acquis, entraînant le redoublement. Sommeil agité, lit « sans dessus-dessous ». Ronflements. L’enfant est décrit par sa mère comme agressif, intolérant à la frustration. Il est très différent de ses autres frères. Il peut faire des colères impressionnantes quand on le prive. Jusqu’à se taper la tête contre le mur. Il peut être agressif envers lui-même, peut menacer de se poignarder dans les colères. La prise en charge débute par la réalisation d’un bilan biologique (bilan martial) de routine ainsi que par la réalisation de questionnaires de CONNERS parents et enfants. Il pèse 25kg. Il n’y a pas de retard staturo-pondéral. Le bilan martial est normal. On l’adresse Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 104/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels à une consultation d’ORL pour les ronflements. Le questionnaire de CONNERS est hautement significatif. Fin Octobre 2012 :Un traitement d’essai est débuté par méthylphénidate (QUAZYM 30) Cinq jours après le début du traitement, l’enfant est vu en consultation urgente. Il présente un rash cutané du visage et des avant-bras. De plus, il y a réduction drastique du temps de sommeil. Dans la nuit du 30 octobre (J+2 du traitement et week-end d’halloween) il présentait une tachypsychie avec agitation anxieuse. L’enfant était halluciné. Il voyait des citrouilles dans la maison, et croyait être poursuivi par un « méchant avec une tronçonneuse ». Il n’a presque pas dormi. Le traitement est immédiatement arrêté par les parents. Au cinquième jour, lors de la consultation, il est possible qu’il ait encore quelques hallucinations floues, dont il est difficile d’établir la présence. Il est revu à J+7, les troubles sont amendés, le rash cutané est en cours de résolution. Le grand père est présent à la consultation. En aparté, il explique avoir lui aussi déjà eu des hallucinations lors de traitement psychotrope, mais dont il ne se souvient plus duquel. Il se déclare hyperactif, et semble être suivi depuis l’âge de 16 ans. Il complète en parlant de son épouse défunte. Qui, selon lui, était dépressive depuis toujours. L’entretien est occupé à réassurer les parents. Expliquer les troubles et l’imputabilité du QUASYM. Suite à discussion collégiale, il est organisé de prendre l’enfant en hôpital de jour pour surveillance et pour observation. Avant cette hospitalisation, l’enfant bénéficie d’une adénoïdectomie pour végétations. Le sommeil s’améliore rapidement. La clinique de l’enfant reste très en faveur d’un TDAH. Décembre 2012. Il est décidé de réaliser un nouvel essai thérapeutique par méthylphénidate, sous surveillance médicale en hôpital de jour. La ritaline, de faible durée de vie, est choisie. Le dosage de début est de 10mg le matin. Le traitement est modérément supporté. Une petite diarrhée est retrouvée. En fin de dose (midi), on note l’apparition d’une logorrhée secondaire. Il n’y a pas de phénomène allergique. Très progressivement le dosage est augmenté avec passage sous concerta pour arriver à la dose de concerta 18mg plus ritaline 10mg à 8h du matin. La croissance progressive du traitement a permis une meilleure tolérance et une adaptation à Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 105/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels la clinique. Il présenta une anorexie secondaire à midi qui disparut progressivement. Par contre, l’endormissement resta difficile, ce qui justifia un traitement par mélatonine le soir (3mg) Janvier 2013 : l’enfant est stabilisé sous traitement, son comportement a radicalement changé. Il est apte à suivre le temps de classe, il n’y a plus de crise clastique. Cependant, il présente quelques tics (onychophagie) et une anxiété latente. L’ajout de risperdal 1mg, permet le correctif. L’évolution est satisfaisante. Seul le soir reste un peu difficile avec persistance des conflits dans la fratrie. Une prise en charge paramédicale (psychothérapie familiale) permet d’aider à la gestion de sa place à la maison, vraisemblablement altérée initialement par son trouble. 3.3.2.4 Critique du cas Ce cas est intéressant car il nous permet de développer plusieurs notions. Il s’agit essentiellement d’une présentation usuelle de TDAH. Nous rappelons dans ce cas quelques facteurs confondants qu’il est important de prendre en ligne de compte dans l’exploration du trouble. En l’occurrence la bonne qualité de sommeil ou la carence martiale. Initialement, les antécédents familiaux ne pouvaient pas fondamentalement permettre de craindre l’explosion psychotique sous traitement. L’instauration du traitement fut vraisemblablement trop brutale. Il est recommandé de faire une instauration progressive. Cependant, lorsque le traitement est sous-dosé, il peut majorer les troubles et présenter d’abord les effets secondaires sans bénéfice, ce qui est difficile à gérer en pratique. Ainsi, l’instauration à dose efficace pleine est, dans la majorité des cas, parfaitement tolérée. Elle est même vraisemblablement mieux tolérée car les effets positifs immédiats compensent les effets négatifs qui apparaissent à dose insuffisante, en témoigne la logorrhée lors de la décroissance pharmacologique. Il est difficile de départager les effets du traitement lors de l’épisode du 30 octobre 2012. Le rash cutané est vraisemblablement dû aux excipients du QUASYM (enveloppe pelliculée) qu’au méthylphénidate. Par contre les hallucinations sont à mettre en rapport avec ce dernier. La présence du grandpère à la consultation a permis d’obtenir des éléments pouvant argumenter une possible vulnérabilité psychotique, notamment sur la production hallucinatoire. Il est difficile d’attribuer ce phénomène à un trouble bipolaire latent. Même si les deux grands-parents maternels semblent relever d’un possible TB type II. Remarquons de plus que cette éclosion délirante est de très courte durée. Moins d’une semaine. Ceci nous permet de souligner la vraisemblable concordance avec le méthylphénidate, mais aussi le caractère rapide des variabilités neuropsychiatriques que nous supposons lié à l’âge du sujet. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 106/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels L’enfant n’a jamais présenté de signes dysthymiques. Il est intéressant de noter que l’éclosion hallucinatoire, même si elle fut très impressionnante pour la famille, n’a pas remis en question la pertinence du traitement par psychostimulant. Il a fallu adapter l’initiation du traitement, sous une surveillance plus dense qu’en ambulatoire. Secondairement, l’adjonction de rispéridone permet une « couverture » de sûreté, ainsi que le contrôle de l’anxiété endogène. Ainsi, les troubles comportementaux furent parfaitement amendés. L’enfant pouvant ensuite poursuivre une scolarité normale. Il est évident qu’il faut poursuivre le suivi de cet enfant. Là encore une approche dimensionnelle fût appliquée pour la prise en charge du cas, plus adaptée qu’une approche catégorielle qui aurait possiblement entraîné une perte de temps et une discussion diagnostique infructueuse. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 107/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 4 CONCLUSION GENERALE Notre travail de thèse au sujet du TBDP a tenté une synthèse des connaissances sur le sujet. Il n’est évidemment pas exhaustif. C’est pourquoi nous nous sommes attachés à reprendre les éléments les plus pertinents. D’une part, il était impératif de retracer l’histoire de la notion. Nous avons vu qu’elle suscite toujours en 2013 un certain nombre de débats scientifiques. Son existence n’est même toujours pas officialisée, bien que de nombreux travaux en font une réalité indiscutable. L’origine du concept remonte à l’origine de la psychiatrie, mais il a fallu attendre les années 90 pour assoir son existence. Les recherches sur le sujet sont rares en regard d’autres sujets (par exemple TDAH). De plus, elles sont limitées par la méthode (rareté des cas, études nécessitant de grandes cohortes, difficultés d’inclusions…). Elles ont pourtant permis de préciser les caractéristiques particulières du TBDP, sans toutefois permettre de répondre à la question de la continuité avec le TB de l’adulte. Indirectement, elles ont permis d’appréhender de nouvelles perspectives de recherche, en particulier sur la composante de l’irritabilité, en témoigne l’hypothèse du SMD et son successeur le DMDD. Grâce à cette discussion critériologique, nous comprenons mieux l’état des lieux des recherches actuelles, et la source des polémiques. Hélas, nous restons sceptiques quant à la justification de l’inclusion du DMDD dans le tout nouveau DSM-V. Nous nous sommes permis de changer de point de vue pour mieux comprendre ce diagnostic controversé. Même si l’identification d’un trouble disruptif, dont le symptôme cardinal serait l’irritabilité nous semble pertinent pour la poursuite des recherches, un aperçu des dynamiques sociales et financières du système de soin et de recherche américain nous a semblé particulièrement inquiétant. En l’occurrence la dépendance de la recherche aux fonds privés et le possible phénomène de « disease mongering ». L’autre dynamique évolutive révélée par notre travail historiographique est celle d’une neurologisation de la psychiatrie. Avec l’aide des nouvelles technologies (imagerie, génétique, thérapeutique) notre discipline semble pouvoir se réorganiser en mettant en parallèle le substrat biologique, les manifestations comportementales et les conséquences environnementales. Ainsi, l’approche catégorielle et critériologique nous semble à la veille d’une révolution paradigmatique au profit d’une approche dimensionnelle. En conséquence, l’approche statistique soutenant les classifications internationales, semble révéler de plus en plus de limites, possiblement inadaptée par essence à l’évolution de la Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 108/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels discipline. Notre deuxième partie s’est attelée à faire une synthèse la plus consensuelle possible des connaissances sur le trouble. Et ce afin d’aider tout lecteur à dépister le trouble. Nous avons vu qu’il est difficile de la réaliser, vraisemblablement parce que les travaux sont encore trop disparates sur la question. Le TBDP aurait donc quelques spécificités, notamment son caractère « protéiforme ». Les manifestations cliniques rencontrées font état de la rapidité des cycles, parfois au quotidien, de la fréquence des signes psychotiques, du peu de retour à l’état basal. Ceci va être très utile pour proposer rapidement un traitement adapté lors d’état maniaque chez l’enfant et l’adolescent, comme le recommande l’unique guideline du sujet, édité en 2007 par l’AACAP. Malheureusement, nous avons été confrontés à un vraisemblable manque de données quant à l’éventualité du TBDP de présentation essentiellement dépressive. Les travaux sur la dépressivité chronique chez l’enfant et l’adolescent sont plus que rares, rarissimes. Il faut pondérer ceci par le fait que le TBDP n’est l’objet que de 2200 articles dans PUBMED comparativement au 22000 du TDAH. Ainsi, il nous a été strictement impossible de fournir des données fiables quant à l’anxiété et la dépression (ainsi que tout le cortège des signes périphériques tels que les somatisations…) qui s’inscriraient dans un éventuel TBDP. Ceci pour rappeler au lecteur qu’un TBDP est déjà difficile à diagnostiquer lorsqu’il se présente sous la forme reconnue de manie, mais qu’il en sera encore plus ardu si jamais l’hypothèse d’une présentation dépressive première se révèlerait confirmée. Notre troisième partie relève d’une discussion autour des diagnostics différentiels. Le questionnement le plus fréquemment retrouvé est celui des intrications entre le TBDP et le TDAH. De nombreuses questions restent en suspens. Certaines équipes pensent que ce sont des pathologies parfaitement distinctes, d’autres qu’elles sont intriquées, d’autres équipes ont des hypothèses plus complexes… Quoiqu’il en soit, l’élément qui serait le plus utile pour départager les deux troubles est la présence de signes psychotiques. Mais même ceci peut être remis en question comme nous l’avons vu dans notre 2e cas clinique. A savoir qu’une vulnérabilité à l’hallucination ne signe pas forcément un trouble psychotique avéré. L’autre diagnostic différentiel est celui de la schizophrénie. Il se pose particulièrement lors du premier épisode maniaque. Nous avons vu qu’il entraina vraisemblablement un retard dans la recherche sur le TBDP. Pendant longtemps, la présence des signes psychotiques relégua la possibilité du TBDP dans le diagnostic de psychose infantile. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 109/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Aujourd’hui encore, la catégorie diagnostique « trouble schizo-affectif » est vraisemblablement « de trop » et joue un rôle facilitateur pour catégoriser des patients à cheval entre des manifestations schizophréniformes et des manifestations dysthymiques. Nous avons proposé une analogie des profils évolutifs de la SCZ et du TB, pour porter à la réflexion que les signes confus du TBDP puissent être similaires à ceux de la phase prodromique de la SCZ. En effet, il nous semble que dans les deux cas, le caractère indifférencié des signes cliniques pourrait être en lien à une immaturité cérébrale générale, liée à la jeunesse du patient. Ainsi, nous supposons valide le fait que le TBDP soit en linéarité avec le TB. Mais, l’analogie pourrait se poursuivre par l’étude des dépressions chroniques chez l’enfant. En effet, la phase prodromique de la SCZ semble particulièrement liée à une présentation dépressive atypique. Quels sont les liens qu’il reste à découvrir en explorant cette voie ? Peutêtre des notions pertinentes si l’on s’attarde sur la dimension de désorganisation. Dans tous les cas, nous sommes heureux de constater que les recherches actuelles, pour tous les troubles psychiatriques, pédiatriques ou non, proposent de nouveaux outils et de nouvelles méthodes qui apportent quotidiennement de nouvelles données. L’apport de la génétique, de l’IRM fonctionnel, des analyses d’agrégations, mais aussi les meilleurs suivis et traitements, annoncent des bouleversements profonds, même s’ils sont lents, dans la compréhension générale du psychisme. La crainte de rendre « déterministe » le comportement humain est à exclure de toute considération. En effet, les données actuelles et celles qui restent à découvrir sont suffisamment complexes et multifactorielles pour considérer que les dynamiques retrouvées relèveront d’un modèle chaotique, c’est-à-dire imprédictible. En conséquence, tout psychisme, même pathologique, garde une part de libre arbitre, et tout psychiatre, même talentueux, sera toujours surpris par ses patients. C’est cette imprédictibilité irréductible qui fait l’Homme… …et ses Enfants. Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 110/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5 FIGURES 5.1 Figure 1 : Nombre de publications par année et par sujet Figure 1 : Nombre de publications par année et par sujet 250 Nombre de publications 200 150 Bipolar Disorder in Children and Adolescents 100 ADHD (x10) 50 2011 2008 2005 2002 1999 1996 1993 1990 1987 1984 1981 1978 1975 1972 1969 1966 année 0 5.2 Figure 2 :Présentation graphique pour une évaluation dimensionnelle ; proposition personnelle. Figure 2 : Présentation graphique pour une évaluation dimensionnelle ; (proposition personnelle) Irritabilité ("réactance") 10 9 8 Production délirante Inflation (de l'humeur) 7 6 5 4 3 2 1 Désorganisation Dépressivité 0 Capacité d'Attention/Focalisation Anxiété Instabilité psycho-motrice Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 111/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.3 Figure 3 : Questions non-résolues actuellement concernant l’évolution des troubles présentés. 5.4 Figure 4 : Algorithme de prise en charge de l’état maniaque chez un individu de 6 à 17 ans. (Selon KOWATCH et al. 2005) Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 112/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.5 Figure 5 : Catégorisation des symptômes entre TDAH et TBDP selon L. KENT (181) Figure 5 : Catégorisation des symptômes entre TDAH et TBDP selon L. KENT Symptômes non spécifiques Symptômes spécifiques TDAH Oublis d’activités quotidiennes. Parle trop. Difficultés pour attendre son tour. Facilement distractible. Saute d'une activité à une autre. Difficultés pour s’organiser. Difficulté à rester assis Pertes d’objets. Court ou grimpe de manière inadaptée Difficultés pour des tâches d’attention soutenue. Difficultés pour suivre les tâches requises. Echecs pour finir son travail. Nombreuses erreurs d’attention, oublis des détails. Parle plus que d'habitude. Est distractible et change constamment d'activité ou de projet Activité accrues ou absence de fatigue physique. Va droit au but dans les activités. Fuite des idées. Diminution du besoin de sommeil. Agît en dépit des éventuelles conséquences néfastes. Difficulté à jouer calmement. Reste actif comme s'il était motorisé. Symptômes spécifiques TBDP Inflation de l'égo. Idées de grandeur. Perte des inhibitions sociales. Augmentation de la libido avec possible désinhibition. Interrompt ou coupe la parole. Réponses précipitées 5.6 Figure 6 : Questions non-résolues entre les formes de TDAH et les phases de TBDP Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 113/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.7 Figure 7 : Le TDAH pourrait être prodromique du TBDP 5.8 Figure 8 : Des facteurs externes (iatrogéniques) induisent-ils une évolution du TDAH vers un TBDP ? Ou l’amélioreraient-ils ? Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 114/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.9 Figure 9 : Le TDAH est-il un sous-groupe de TBDP ? Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 115/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels 5.10 Figure 10 : Comparaison des profils évolutifs entre TBDP et SCZ ; questionnements proposés Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 116/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels ANNEXE : COMMUNIQUE APA/DSM-V AU SUJET DU DMDD « Disruptive Mood Dysregulation Disorder ; Finding a Home in DSM The road to mental health begins with an accurate diagnosis. Consider a recent Wall Street Journal article describing nearly a decade of suffering for an 11-yearold boy who, although diagnosed with bipolar disorder at age 4, has never been successfully treated for his extreme, explosive rages. Too many severely impaired children like this are falling through the cracks because they suffer from a disorder that has not yet been defined. A new diagnosis in the fifth edition of the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5) aims to give these children a diagnostic home and ensure they get the care they need. Characteristics of the Disorder This disorder is called Disruptive Mood Dysregulation Disorder (DMDD), and its symptoms go beyond describing temperamental children to those with a severe impairment that requires clinical attention. Far beyond temper tantrums, DMDD is characterized by severe and recurrent temper outbursts that are grossly out of proportion in intensity or duration to the situation. These occur, on average, three or more times each week for one year or more. Between outbursts, children with DMDD display a persistently irritable or angry mood, most of the day and nearly every day, that is observable by parents, teachers, or peers. A diagnosis requires the above symptoms to be present in at least two settings (at home, at school, or with peers) for 12 or more months, and symptoms must be severe in at least one of these settings. During this period, the child must not have gone three or more consecutive months without symptoms. The onset of symptoms must be before age 10, and a DMDD diagnosis should not be made for the first time before age 6 or after age 18. Process for New Diagnosis A new DSM diagnosis is included only after a comprehensive review of the scientific literature; full discussion by Work Group members; review by the DSM-5 Task Force, Scientific Review Committee, Clinical and Public Health Committee; and, finally, approval by the American Psychiatric Association’s Board of Trustees. The DMDD diagnosis, like every other new disorder, also received review and feedback from other mental health clinicians and advocacy organizations during three open-comment periods facilitated through the DSM-5 website, www.DSM5.org. Throughout this rigorous process, considerable discussion about DMDD focused on the need for developmentally appropriate diagnostic criteria for severe irritability in children and adolescents. DSM-IV provided no guidance on an appropriate diagnosis for children with such severely impairing symptoms. Improving Diagnosis and Care While DSM does include two diagnoses with related symptoms to DMDD, Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 117/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels oppositional defiant disorder (ODD) and Bipolar Disorder (BD), the symptoms described in DMDD are significantly different than these two diagnoses. ODD is an ongoing pattern of anger-guided disobedience, hostilely defiant behavior toward authority figures that goes beyond the bounds of normal childhood behavior. While some of its symptoms may overlap with the criteria for DMDD, the symptom threshold for DMDD is higher since the condition is considered more severe. To avoid any artificial comorbidity of the two disorders, it is recommended that children who meet criteria for both ODD and DMDD should only be diagnosed with DMDD. BD also has similar symptoms. And while clinicians may have been assigning a BD diagnosis to these severely irritable youth to ensure their access to treatment resources and services, these children’s behaviors may not present in an episodic way as is the case with BD. In an effort to address this issue, research was conducted comparing youth with severe non-episodic symptoms to those with the classic presentations of BD as defined in DSM-IV. Results of that extensive research showed that children diagnosed with BD who experience constant, rather than episodic, irritability often are at risk for major depressive disorder or generalized anxiety disorder later in life, but not life-long BD. This finding pointed to the need for a new diagnosis for children suffering from constant, debilitating irritability. The hope is that by defining this condition more accurately, clinicians will be able to improve diagnosis and care. Defining this disorder as a distinct condition will likely have a considerable impact on clinical practice and thus treatment. For example, the medication and psychotherapy treatment recommended for BD is entirely different from that of other disorders, such as depressive and anxiety disorders. The unique features of DMDD necessitated a new diagnosis to ensure that children affected by this disorder get the clinical help they need. DSM is the manual used by clinicians and researchers to diagnose and classify mental disorders. The American Psychiatric Association (APA) will publish DSM-5 in 2013, culminating a 14-year revision process. For more information, go to www.DSM5.org. APA is a national medical specialty society whose more than 36,000 physician members specialize in the diagnosis, treatment, prevention and research of mental illnesses, including substance use disorders. Visit the APA at www.psychiatry.org and www.healthyminds.org. » Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 118/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels BIBLIOGRAPHIE 1. Ey, H., Bernard, P. et Brisset, C. Manuel de psychiatrie. 6e édition. Paris : Masson, 1960,1989. pp. 204-205. 978-2-294-71158-9. 2. Kraepelin, E. Manic-Depressive Insanity and Paranoia. Edinbugh : Livingstone, 1921. 3. Anthony, E.J. et Scott, P. Manic-depressive psychosis in childhood. J. Chlid Psychol. Psychiatry. 1960, Vol. 1, pp. 53-72. 4. Carlson, G.A., Davenport, Y.B. et Jamison, K. A comparison of outcome in adolescent and late-onset bipolar manic-depressive illness. Am J Psychiatry. 1977, 134, pp. 919-922. 5. 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Page 145/146 Troubles bipolaires chez l’enfant et l’adolescent : critériologie et diagnostics différentiels Académie d’Orléans – Tours Université François-Rabelais Faculté de Médecine de TOURS STEHLE Pierre Thèse n° Nombre de PAGES : 146 TABLEAUX : 4 FIGURES : 10 RESUME : Les troubles bipolaires (TB) chez l’enfant et l’adolescent, dénommés troubles bipolaires à début précoce (TBDP) sont actuellement au cœur de nombreuses polémiques. Retracer l’historique (depuis 1990) des critères diagnostiques du TBDP des classifications internationales CIM et DSM, nous permet de comprendre les sources des débats présents. Ainsi, le tout nouveau DSM-V propose le « Disruptive Mood Dysregulation Disorder » (DMDD) à partir des critères du « Severe Mood Dysregulation » (SMD), essentiellement en regard de l’irritabilité, possiblement sans rapport avec le TBDP. Mais cette proposition entraine de sévères polémiques, notamment en regard de son imprécision, de possibles conflits d’intérêts et excluant encore le TBDP de toute reconnaissance officielle. Cliniquement, le TBDP peut émerger dès l’âge préscolaire. Il reste très polymorphe entre état maniaque et état mixte. Il faut noter la rapidité des cycles, parfois quotidiens (« ultradians cycles »), la forte composante familiale, la fréquence des productions délirantes, le peu de retour ad integrum entre les phases, et bien-sûr la sévérité du pronostic. De plus, les diagnostics différentiels posent de grosses difficultés. Les intrications entre le TBDP et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) semblent nombreuses, surtout sur la dimension de l’agitation, des cooccurrences familiales, et des possibles supports neuropsychiatriques. Enfin, il semble que les manifestations dépressives du TBDP, restent insuffisamment explorées, alors qu’elles pourraient avoir des corrélats avec les phases prodromiques des schizophrénies (SCZ), surtout en rapport avec les déficits cognitifs ou la désorganisation. MOTS CLES : TROUBLE BIPOLAIRE ; ENFANT ; ADOLESCENT ; DEBUT PRECOCE ; HISTOIRE ; CRITERIOLOGIE ; SMD ; DMDD ; TDAH ; HYPERACTIVITE ; SCHIZOPHRENIE Président de Jury : Membres du Jury : JURY : Monsieur le Professeur GAILLARD Monsieur le Professeur CAMUS Monsieur le Professeur BONNOT Monsieur le Docteur ROUYER (Directeur de Thèse) Date de la soutenance : 11 Octobre 2013 Pierre STEHLE. Oct. 2013. Faculté de médecine de Tours. Page 146/146