Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
(2013)
61,
154—159
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
ARTICLE
ORIGINAL
Symptomatologie
d’allure
maniaque
chez
l’enfant
:
problèmes
diagnostiques
et
controverse
actuelle
Manic-like
symptoms
in
youths:
Diagnosis
issues
and
controversies
A.
Consolia,,
D.
Cohena,b
aService
de
psychiatrie
de
l’enfant
et
de
l’adolescent,
CHU
Pitié-Salpêtrière,
75013
Paris,
France
bCNRS
UMR
7222,
institut
des
systèmes
intelligents
et
robotiques,
université
Pierre-et-Marie-Curie,
hôpital
Pitié-Salpêtrière,
AP—HP,
47-83,
boulevard
de
l’Hôpital,
75013,
Paris,
France
MOTS
CLÉS
Trouble
bipolaire
;
Manie
juvénile
;
Dysrégulation
émotionnelle
sévère
;
Enfant
Résumé
Le
trouble
bipolaire
pédiatrique
(ou
manie
juvénile)
est
un
concept
qui
s’est
largement
développé
depuis
les
années
1990
avec
l’hypothèse
d’une
sous-estimation
de
sa
prévalence
chez
l’enfant
prépubère.
Bien
qu’il
soit
largement
controversé,
même
Outre
Atlan-
tique,
le
nombre
de
publications
sur
ce
sujet
a
très
rapidement
augmenté.
Au
cœur
de
ce
débat,
les
notions
de
«
dysrégulation
émotionnelle
et
comportementale
sévère
»
(DES)
et
de
«
Temper
Dysregulation
Disorder
With
Dysphoria
»
(TDD)
(en
discussion
pour
le
DSM-5)
ont
fait
preuve
de
leur
intérêt
et
prennent
très
récemment
leur
place
dans
la
littérature.
L’objectif
est
ainsi
de
distinguer
divers
tableaux
cliniques
et
d’éviter
une
confusion
entre
ce
qui
relèverait
davantage
d’une
dysrégulation
émotionnelle
avec
symptômes
d’allure
maniaque
volontiers
chroniques,
en
outre,
ou
d’une
labilité
de
l’humeur
telle
qu’on
la
reconnaît
clairement
aujourd’hui
dans
la
trouble
bipolaire
de
type
I
chez
l’adolescent
avec
un
caractère
épisodique
et
un
épisode
maniaque
bien
circonscrit.
Cela
est
d’autant
plus
important
que
les
enjeux
thérapeutiques
sont
majeurs.
©
2012
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
KEYWORDS
Bipolar
disorder;
Prepubertal
mania;
Severe
mood
dysregulation;
Child
Summary
Juvenile
mania
or
bipolar
disorder
in
child
is
a
concept
which
widely
developed
since
the
1990s
with
the
hypothesis
of
an
under
estimation
of
its
prevalence
in
child.
Although
widely
debated,
even
in
the
United
States,
the
number
of
publications
on
this
subject
very
quickly
increased.
In
the
heart
of
this
debate,
Severe
Mood
Dysregulation
(SMD)
and
‘‘Temper
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(A.
Consoli).
0222-9617/$
see
front
matter
©
2012
Elsevier
Masson
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Tous
droits
réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2012.10.002
Symptomatologie
maniaque
chez
l’enfant
155
Severe
mood
dysregulation;
Child
Dysregulation
disorder
with
Dysphoria’’
(TDD)
(current
discussion
for
DSM
V)
showed
their
inter-
est
and
take
very
recently
their
place
in
literature.
The
objective
is
to
distinguish
two
clinical
phenotypes
and
to
avoid
confusion
between
(1)
what
would
raise
more
of
mood
dysregula-
tion
with
chronic
manic
like
symptoms,
and
(2)
bipolar
disorder
type
I
clearly
established
in
adolescent
with
episodic/acute
manic
episode.
Therapeutic
stakes
are
major.
©
2012
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
Introduction
L’intérêt
exponentiel
concernant
le
trouble
bipolaire
pédia-
trique
depuis
les
années
1990,
au
détriment
de
la
forme
sévère
et
reconnue
de
trouble
bipolaire
de
type
I
de
l’adolescent,
s’inscrit
dans
un
contexte
d’élargissement
du
«
spectre
»
des
troubles
bipolaires
chez
le
sujet
adulte
et
d’enjeux
économiques
majeurs
étant
donné
l’efficacité
reconnue
de
traitements
pharmacologiques
chez
l’adulte.
Ce
concept
est
amplement
controversé
aujourd’hui,
même
Outre
Atlantique
[1—4].
Aux
États-Unis,
en
dix
ans,
la
préva-
lence
sur
une
année
du
diagnostic
posé
de
troubles
bipolaires
chez
le
sujet
jeune
a
été
multipliée
par
40
(de
25
à
1003
pour
100
000)
[5].
De
même,
une
analyse
du
nombre
d’articles
issus
de
Pubmed
mentionnant
le
terme
de
mood
stabilizer
(ou
stabilisateur
de
l’humeur)
entre
1985
et
2005
retrouve
un
nombre
exponentiel
de
publications,
notamment
depuis
la
fin
des
années
1990
[6].
Ces
données
soulèvent
un
cer-
tain
nombre
de
questionnements.
Chez
le
sujet
jeune,
elle
n’est
pas
sans
rappeler
une
évolution
similaire
concernant
le
trouble
hyperactif
avec
déficit
de
l’attention
(TDAH)
aux
États-Unis
dans
les
années
1980,
notamment
avec
un
taux
de
prévalence
qui
a
très
rapidement
augmenté.
Certains
auteurs
ont
alors
dénoncé
le
rôle
des
pressions
économiques
des
laboratoires
pharmaceutiques
étant
donné
l’existence
d’un
traitement
pharmacologique
ayant
fait
preuve
de
son
efficacité
dans
cette
pathologie
[7].
Plus
récemment,
concernant
les
troubles
bipolaires
chez
le
sujet
jeune,
plu-
sieurs
articles
du
New
York
Times
ont
fait
état
des
conflits
d’intérêt
non
déclarés
par
certains
chercheurs
à
qui
de
très
importantes
sommes
d’argent
avaient
été
versées
par
de
grands
laboratoires
pharmaceutiques
[8,9].
Un
article
de
B.
Chamak
apporte
un
éclairage
pertinent
sur
ces
divers
enjeux
aux
États-Unis
[10].
Quid
du
trouble
bipolaire
pediatrique
?
Arguments
de
la
controverse
Rappels
et
données
épidémiologiques
D’un
point
de
vue
historique,
la
rareté
des
épisodes
thymiques
épisodiques
de
type
maniaque
chez
l’enfant
pré-
pubère
a
toujours
été
constatée.
Pour
E.
Kraepelin,
en
1920,
la
psychose
maniaco-dépressive
est
rarissime
chez
l’enfant.
Ce
constat
est
repris
ensuite
par
Anthony
et
Scott
dans
les
années
1960
lors
d’une
large
revue
de
la
littérature,
puis
par
d’autres
plus
récemment
comme
G.
Carlson
[1].
En
1934,
M.
Klein
décrit
pour
la
première
fois
ce
qu’elle
nomme
«
défenses
hypomaniaques
»
chez
l’enfant,
faisant
référence
à
un
état
d’excitation
et
d’agitation
liée
à
une
forte
angoisse
face
à
la
perte
d’objet,
ainsi
qu’à
l’ambivalence
éprou-
vée
dans
ce
lien
à
l’objet
[11].
Ce
n’est
que
depuis
les
années
1990
que
l’intérêt
pour
la
«manie
juvénile
»s’est
lar-
gement
amplifiée
avec
l’idée
d’une
sous-estimation
de
sa
prévalence
et
d’une
large
comorbidité
avec
le
TDAH.
Deux
équipes
américaines,
celle
de
J.
Biederman
et
de
B.
Geller,
soutiennent
fortement
ces
hypothèses.
Sur
le
plan
épidémiologique,
deux
études
font
référence
chez
l’adolescent.
Elles
retrouvent
une
prévalence
de
vie
entière
stable,
concordante
selon
les
études
et
finalement
rare,
de
0,1
%
pour
le
trouble
bipolaire
de
type
I
et
de
1
%
pour
les
TB
I
et
II
[12,13].
Une
méta-analyse
très
récente
incluant
16
222
jeunes
âgés
de
sept
à
21
ans,
principalement
adolescents,
et
vivant
dans
divers
pays
du
monde,
retrouve
une
prévalence
du
TB
I
et
II
de
1,8
%
[14].
Cette
prévalence
est
stable
au
cours
du
temps.
Les
prévalences
chez
l’enfant
uniquement
sont
comprises
entre
0
et
1,1
%
pour
trois
études
européennes
[15—17].
Aux
États-Unis,
la
Great
Smoky
Moun-
tain
Study
retrouve
une
prévalence
chez
l’enfant
de
0
%
pour
le
TB
de
type
I
et
de
0,1
%
pour
l’hypomanie
[18,19].
En
revanche,
une
prévalence
de
3,3
%
est
retrouvée
pour
la
dys-
régulation
émotionnelle
sévère.
Par
ailleurs,
une
importante
cohorte
longitudinale,
la
cohorte
nouvelle-zélandaise
de
Dunedin,
portant
sur
un
échantillon
de
1023
sujets,
montre
que
de
jeunes
adultes
souffrant
de
troubles
bipolaires
pré-
sentent
significativement
plus
d’antécédents
psychiatriques
à
type
de
dépression,
troubles
des
conduites
et
troubles
oppositionnels
mais
aucun
antécédent
dans
l’enfance
de
manie
ou
de
trouble
hyperactif
avec
déficit
de
l’attention
[13].
Le
point
de
vue
des
instances
indépendantes
au
début
des
années
2000
En
2001,
aux
États-Unis,
l’institut
national
en
santé
men-
tale
(NIMH)
conclut
après
avoir
réuni
cliniciens
et
chercheurs
dans
ce
champ
que
«
le
trouble
bipolaire
existe
et
peut
être
diagnostiqué
chez
des
enfants
prépubères
»
[20].
Des
phénotypes
«
étroits
»,
«
intermédiaires
»
et
«
larges
»
sont
alors
décrits.
Le
phénotype
«
étroit
»
correspond
au
trouble
bipolaire
de
type
I
selon
les
critères
diagnostiques
du
DSM
IV-
R.
Les
phénotypes
dits
«
intermédiaires
»
et
«
larges
»,
ou
troubles
bipolaires
non
spécifiés
selon
le
DSM
IV-R,
restent
sujet
à
caution,
que
ce
soit
aux
États-Unis
ou
en
Europe
[1,4,21,22].
Cela
est
par
ailleurs
relayé
par
les
médias
du
fait
notamment
des
enjeux
thérapeutiques
majeurs.
Le
tableau
clinique
de
trouble
bipolaire
pédiatrique
s’avère
être
celui
d’un
trouble
chronique
sans
période
d’euthymie,
avec
une
forte
comorbidité
avec
le
TDAH
et
une
irritabilité
qui
peut
être
au
premier
plan
voire
suffire
au
diagnostic
pour
les
phénotypes
dits
larges.
156
A.
Consoli,
D.
Cohen
Pour
beaucoup
d’auteurs,
la
question
de
la
périodicité
est
essentielle.
Comme
le
rappelle
le
National
Institute
for
Health
and
Clinical
Excellence
(NICE)
en
Grande
Bretagne,
l’impasse
ne
peut
être
faite
sur
le
caractère
épisodique
des
épisodes
thymiques
dans
les
troubles
maniaco-dépressifs.
Le
NICE
rejette
dès
2003
le
point
de
vue
Nord
Américain
et
recommande
de
ne
pas
utiliser
le
diagnostic
de
trouble
bipo-
laire
chez
l’enfant
prépubère.
Aujourd’hui,
pour
certaines
équipes
américaines,
il
peut
être
question
de
cycles
non
seulement
rapides
(plus
de
quatre
par
an)
mais
également
«
ultradian
»
(ou
mini
cycles)
définis
par
la
présence
de
symp-
tômes
pendant
quatre
heures
par
jour
!
L’irritabilité
comme
critère
diagnostique
pose
aussi
question
étant
donné
son
caractère
transnosographique
et
les
résultats
d’une
étude
longitudinale
selon
laquelle
l’irritabilité
dans
l’enfance
conduirait
non
pas
à
la
présence
de
TB
à
l’âge
adulte,
mais
plutôt
de
troubles
anxieux,
de
troubles
dépressifs
et
dys-
thymiques
[23].
La
question
du
diagnostic
différentiel
entre
trouble
bipolaire
et
TDAH
chez
l’enfant
est
aussi
cruciale
[21,24,25].
Pour
G.
Carlson
en
effet,
comment
différen-
cier
un
TDAH
avec
une
irritabilité
sévère
et
une
labilité
émotionnelle
majeure
de
troubles
bipolaires
de
l’enfant
qui
restent
rares
?
[21].
G.
Carlson
insiste
sur
les
risques
d’écueil,
en
mettant
l’accent
sur
la
notion
de
rupture
dans
le
fonctionnement
dans
le
cas
d’un
trouble
bipolaire
et
non
d’une
aggravation
des
symptômes.
Elle
rappelle
combien
il
est
important
d’appréhender
l’ensemble
du
fonctionne-
ment
psychique
de
l’enfant
et
de
ses
difficultés
dans
son
environnement
à
la
fois
familial
et
scolaire
(troubles
des
apprentissages,
du
langage.
.
.).
Ainsi,
G.
Carlson
explicite
:
«
un
nombre
non
négligeable
de
préadolescents
présente
des
symptômes
de
manie,
souvent
sur
fond
de
troubles
dévelop-
pementaux
et
psychiatriques
divers
»
[2].
Les
problèmes
méthodologiques
Un
aspect
majeur
de
ce
débat
concerne
le
manque
de
prise
en
compte
des
aspects
développementaux,
alors
même
qu’ils
peuvent
largement
influer
la
signification
de
critères
diagnostiques.
Les
symptômes
et
les
termes
sémiologiques
employés
chez
l’adulte
comme
les
idées
de
grandeur
n’ont
évidemment
pas
le
même
sens
dans
la
phénoménologie
de
l’enfant
[4].
Peut-on
interpréter
de
manière
similaire
l’euphorie
ou
la
mégalomanie
chez
des
enfants
et
chez
des
adultes
?
Ne
faudrait-il
pas
explorer
la
relation
entre
eupho-
rie
et
âge
?
Entre
mégalomanie
et
âge
?
[2].
Ainsi,
il
est
montré
que
plus
un
enfant
est
jeune,
plus
il
se
montre
hyper-
actif
ou
instable
sur
le
plan
moteur,
agressif
et
euphorique
ou
de
même,
plus
il
est
jeune,
plus
il
est
familier
et
dés-
inhibé
[26].
Une
humeur
instable,
labile
et
changeante
est
normalement
observée
chez
les
enfants
de
moins
de
dix
ans
[27,28].
De
plus,
les
difficultés
méthodologiques
liées
aux
différentes
sources
d’informations
sont
majeures
(parents,
enseignants,
problèmes
de
compréhension
des
items,
pro-
blèmes
liés
à
l’évaluation
d’un
état
psychique
interne
d’un
enfant
par
un
non-professionnel.
.
.)
[4].
Enfin,
les
aspects
psychopathologiques
sont
souvent
mis
de
côté
dans
les
entretiens
diagnostiques
structurés.
L’impact
sur
la
régu-
lation
émotionnelle
de
facteurs
environnementaux,
ou
bien
d’autres
difficultés
propres
à
l’âge
comme
les
troubles
des
apprentissages
sont
souvent
mis
de
côté
dans
ces
entretiens
diagnostiques
[1,29].
Le
Tableau
1
synthétise
les
aspects
Tableau
1Symptômes
maniaques/hyperthymiques
chez
l’enfant
et
l’adolescent
:
problèmes
diagnostiques
et
controverses
actuelles.
Symptômes
maniaques
de
l’enfant
«
Dysrégulation
émotionnelle
sévère
»
Épisodes
maniaques
de
l’adolescent
«
Trouble
bipolaire
de
type
I
(ou
phénotype
étroit)
»
Chronique
et
continu
Épisodique
Comorbidité
élevée
au
TDAH
ATCDs
de
TDAH
marginaux
Symptômes
psychotiques
exceptionnels
30
à
60
%
de
symptômes
psychotiques
ATCDs
familiaux
très
varies
ATCDs
familiaux
de
bipolarité
Facteurs
environnementaux
au
premier
plan
et
troubles
des
apprentissages
fréquents
Fonctionnement
prémorbide
souvent
de
bonne
qualité
D’après
Cohen
et
al.,
L’Encéphale,
2009
[30].
TDAH
:
trouble
déficit
de
l’attention/hyperactivité
;
ATCD
:
anté-
cédent.
cliniques,
familiaux,
environnementaux
des
deux
tableaux
cliniques
(larges
et
étroits)
de
troubles
bipolaires
chez
l’enfant
et
l’adolescent
issus
des
études
réalisées
au
début
des
années
2000.
Le
constat
qu’ils
s’opposent
point
par
point
conduit
à
repenser
la
clinique
de
l’enfant
dans
le
cadre
du
DSM-5
[30]
(Tableau
1).
Garder
une
perspective
développementale
Les
notions
de
dysrégulation
émotionnelle
et
comporte-
mentale
sévère
(DES)
ou
plus
récemment
de
«
Temper
Dysregulation
Disorder
with
Dysphoria
»
(TDD)
paraissent
tout
à
fait
pertinentes
pour
décrire
la
symptomatologie
cli-
nique
présentée
par
ces
enfants
en
souffrance,
étant
donné
les
arguments
de
la
controverse,
la
nécessité
de
distinguer
ces
divers
phénotypes
cliniques
et
de
les
explorer
davan-
tage
(psychopathologie,
devenir,
prise
en
charge.
.
.)
[31,32].
E.
Leibenluft
du
NIMH
est
à
l’origine
de
la
description
des
critères
diagnostiques
des
dysrégulations
émotionnelles
sévères
[32].
Ce
syndrome
concerne
l’enfant
ou
l’adolescent
âgé
de
sept
à
17
ans
avec
un
début
de
symptômes
anté-
rieur
à
l’âge
de
12
ans.
Les
symptômes
comprennent
une
irritabilité
sévère,
non
épisodique,
des
crises
de
colère
(«
rage
outbursts
»),
une
hypervigilance
(«
hyperarousal
»),
une
réactivité
marquée
et
amplifiée
aux
stimuli
négatifs,
avec
bien
évidemment
des
critères
de
durée
et
de
lieux.
Focus
sur
quelques
études
cliniques
Des
études
très
récentes
du
NIMH
vont
dans
le
sens
de
la
pertinence
et
de
la
nécessité
de
cette
distinction
noso-
graphique
sur
les
plans
clinique,
pronostique,
familial
et
thérapeutique.
Ainsi,
les
antécédents
familiaux
d’enfants
Symptomatologie
maniaque
chez
l’enfant
157
et
d’adolescents
présentant
un
trouble
bipolaire
de
type
I
sont
comparés
à
ceux
d’enfants
et
d’adolescents
présen-
tant
une
DES
[33].
Ils
s’avèrent
significativement
différents
:
fréquence
d’antécédents
de
troubles
de
l’humeur
dans
le
groupe
TB
I
(phénotype
étroit)
significativement
supérieur
comparativement
au
groupe
DES
(phénotype
large).
Deux
autres
études
amènent
des
implications
théra-
peutiques
importantes.
Dans
la
première
étude,
l’effet
thérapeutique
des
sels
de
lithium
est
évalué
en
double
insu
chez
des
enfants
souffrant
d’une
DES
[34].
Dans
un
premier
temps,
100
enfants
souffrant
de
DES
sont
hospitalisés.
Du
fait
même
de
l’effet
thérapeutique
de
l’hospitalisation,
40
%
de
ces
enfants
présentent
une
amélioration
clinique,
sans
aucun
traitement
médicamenteux.
Les
60
%
restant,
c’est-
à-dire
les
enfants
non
améliorés
par
l’hospitalisation,
sont
traités
en
double
insu
par
sels
de
lithium
versus
placebo.
Les
résultats
de
cette
étude
montrent
qu’il
n’y
a
pas
de
dif-
férence
significative
quant
à
l’amélioration
clinique
entre
les
deux
groupes
de
sujets,
qu’ils
soient
traités
par
sels
de
lithium
ou
placebo.
On
peut
légitimement
en
conclure
que
pour
traiter
un
enfant
souffrant
d’une
DES
les
sels
de
lithium
classiquement
utilisés
dans
les
troubles
bipolaires
ne
s’avèrent
pas
efficaces.
Dans
la
seconde
étude,
aucune
différence
de
réponse
thérapeutique
n’est
retrouvée
entre
un
groupe
d’enfants
avec
TDAH
et
un
groupe
d’enfants
avec
TDAH
et
dysrégulation
émotionnelle
sévère.
Par
ailleurs,
les
enfants
de
ce
dernier
groupe
cotent
fortement
à
l’échelle
de
manie
(YMRS),
ce
qui
peut
rendre
confuse
leur
symptoma-
tologie.
Les
traitements
amenant
une
amélioration
clinique
chez
ces
enfants
seraient
en
fait
les
mêmes
que
ceux
pré-
conisés
dans
le
trouble
TDAH
sévère
à
savoir
stimulant
au
plan
pharmacologique
et
travail
en
remédiation
cognitive
et
comportementale
au
plan
psychologique
[35].
Enfin,
l’étude
de
l’équipe
de
Pise
paraît
tout
à
fait
perti-
nente
[36]
:
136
patients,
enfants
et
adolescents,
répondant
aux
critères
diagnostiques
du
DSM
IV-R
de
troubles
bipolaires
(I,
II
et
non
spécifiés)
sont
évalués
et
comparés
en
fonc-
tion
de
la
présence
de
signes
cliniques
(chronicité
versus
périodicité
et
irritabilité
versus
élation
de
l’humeur).
Ces
deux
oppositions
cliniques
étant
choisies
du
fait
des
contro-
verses
rappelées
plus
haut.
Les
analyses
distinguent
deux
tableaux
cliniques
:
l’un
caractérisé
par
une
évolution
épiso-
dique
des
troubles
et
une
élation
de
l’humeur
correspondant
au
tableau
classique
de
TB
type
I,
l’autre
caractérisé
par
une
évolution
chronique,
une
irritabilité,
un
âge
plus
jeune,
un
début
plus
précoce
et
des
troubles
externalisés
comme
dans
la
DES.
Le
choix
du
DSM-5
La
terminologie
de
TDD
ou
«
Temper
Dysregulation
with
Dysphoria
»
est
la
terminologie
proposée
par
le
groupe
de
travail
en
vue
du
DSM-5.
Le
tableau
clinique
est
tout
à
fait
semblable
à
celui
proposé
par
Leibenluft
excepté
l’hypervigilance
mais
axant
sur
des
crises
de
colère
sévères
et
récurrentes
(outbursts)
en
réponse
à
des
situations
de
stress
communes.
Ces
crises
de
colère
comprennent
des
manifestations
verbales
et
comportementales
et
des
réac-
tions
qualifiées
de
disproportionnées
en
termes
d’intensité
et
de
durée
par
rapport
à
la
situation.
Ces
crises
doivent
avoir
lieu
trois
fois
ou
plus
par
semaine.
L’humeur
est
quant
à
elle
négative
de
manière
persistante
entre
les
épisodes
(irritabilité,
tristesse
et/ou
colère).
Il
existe
aussi
des
critères
de
durée,
de
fréquence
et
de
lieux.
La
question
de
la
crise
de
colère
ou
de
la
rage
apparaît
tout
à
fait
cruciale
dans
ce
débat
et
chez
ces
enfants
qui,
même
s’ils
ne
présentent
pas
de
trouble
bipolaire,
sont
en
grande
souffrance.
Ces
enfants
méritent
que
la
recherche
se
déploie
dans
ce
domaine
afin
d’améliorer
leur
prise
en
charge
thérapeutique.
À
ce
titre,
une
étude
remarquable
de
l’équipe
de
G.
Carlson
explore
cette
notion
de
crise
de
colère,
si
fréquente
chez
les
enfants
hospitalisés
quel
que
soit
la
psychopathologie
sous-jacente,
et
risquant
d’être
interprétée
de
manière
excessive
comme
un
symptôme
de
manie
[37,38].
Ainsi,
130
enfants
âgés
de
cinq
à
12
ans
hos-
pitalisés
en
psychiatrie
infanto-juvénile
sont
évalués.
Parmi
eux,
la
moitié
(55
%)
présente
des
crises
de
colère
intenses
d’une
durée
d’en
moyenne
une
heure.
Ces
enfants
repré-
sentent
un
groupe
diagnostique
complexe
à
divers
points
de
vue
d’après
les
auteurs.
D’abord
sur
le
plan
diagnos-
tique,
plusieurs
diagnostics
sont
associés
avec
notamment
troubles
des
apprentissages
et
du
langage,
trouble
hyper-
actif
avec
déficit
de
l’attention,
troubles
oppositionnels
et
troubles
des
conduites.
Ces
enfants
sont
plus
jeunes,
leurs
séjours
d’hospitalisation
sont
plus
longs
et
ils
ont
sou-
vent
bénéficié
de
traitements
antérieurs
(antipsychotiques
atypiques).
Pour
50
%
d’entre
eux,
les
crises
se
répètent
sans
qu’une
amélioration
franche
ait
lieu
et
ces
enfants
posent
de
sérieux
problèmes
diagnostiques
et
thérapeu-
tiques.
En
revanche,
50
%
s’améliorent
du
fait
même
de
l’hospitalisation
et
ne
présentent
plus
de
crise
de
colère
au
cours
des
soins
en
hospitalisation,
d’où
les
liens
très
étroits
avec
le
contexte
et
leur
environnement.
Il
est
aussi
tout
à
fait
notable
que
seulement
cinq
d’entre
eux
rec¸oivent
après
une
expertise
clinique
fiable
un
diagnostic
de
manie
(phéno-
type
étroit)
(soit
9
%)
alors
qu’ils
étaient
un
tiers
au
début
de
la
prise
en
charge
à
«
être
diagnostiqué
»
ainsi
par
des
professionnels.
On
voit
ainsi
combien
la
«
rage
»
peut
être
associée
chez
les
cliniciens
au
trouble
bipolaire
[38].
Une
tentative
de
synthèse
diachronique
Garder
une
perspective
développementale
de
la
symp-
tomatologie
maniaque/hyperthymique
de
l’enfant
et
de
l’adolescent
semble
pertinente.
La
Fig.
1
en
présente
une
vision
schématique
distinguant,
outre
l’âge,
le
contexte,
la
présentation
clinique
et
quelques
dimensions
psycho-
logiques
déterminantes
au
débat
comme
l’acquisition
par
l’enfant
au
cours
de
son
développement
d’une
confiance
de
base
suffisante
et
d’une
stabilité
émotionnelle
[30].
L’adolescent
peut
présenter
une
symptomatologie
maniaque
s’inscrivant
clairement
dans
le
cadre
de
la
maladie
maniaco-
dépressive
avec
une
symptomatologie
classique
épisodique
à
laquelle
succèdent
des
périodes
d’euthymie.
Cela
est
pos-
sible
du
fait
de
l’acquisition
d’une
stabilité
émotionnelle
et
d’une
certaine
sécurité
intérieure
au
cours
du
développe-
ment.
Bien
sûr,
des
facteurs
environnementaux
participent
à
l’étiopathogénie
mais
vraisemblablement
pas
avec
le
même
poids
que
chez
les
sujets
plus
jeunes.
Chez
l’enfant
prépu-
bère,
cette
symptomatologie
maniaque/hyperthymique
ne
s’inscrit
manifestement
pas
dans
le
cadre
de
la
maladie
bipolaire
telle
que
décrite
chez
l’adolescent
et
l’adulte.
Cette
symptomatologie
de
l’enfance
serait
davantage
liée
au
contexte
psychosocial,
aux
facteurs
environnementaux
158
A.
Consoli,
D.
Cohen
Bébé
Enfant Adol
escent Adul
te jeune
Clinique
Somatique
Psychomotrice
TDAH
Clinique
classique de
la
PMD
Euthymie possible
quand stabi
lité
émotionnelle acqu
ise
Carences
précoces
Fac
teu
rs
périnataux
Contexte
Fac
teu
rs
sociaux
Apprenssa
ge
Contexte…
mais aussi Manie
inscrite dans
maladie
mentale
Mentalisaon –
Sécurité intérieure
–Stabili
té émoon
nelle
SMD MANIE
Une vue développem
entale de
l’hyperthy
mie de
l’enfant
et de l’adolescent
Figure
1.
Une
vue
développementale
de
l’hyperthymie
de
l’enfant
et
de
l’adolescent.
D’après
Cohen
et
al.,
L’Encéphale,
2009
[30].
au
sens
large,
aux
difficultés
d’apprentissages
et
à
leurs
conséquences
[39].
L’accès
à
la
mentalisation,
à
une
sécu-
rité
interne
suffisante
et
à
une
stabilité
émotionnelle,
faisant
partie
d’un
fonctionnement
psychique
mature,
sont
indispensables
à
l’émergence
du
caractère
épisodique
de
la
maladie
maniaco-dépressive
en
tant
que
telle.
Conclusion
Il
paraît
aujourd’hui
pertinent
de
distinguer
le
trouble
bipo-
laire
de
type
I
de
l’adolescent,
tableau
classique,
clairement
reconnu,
des
tableaux
cliniques
dits
larges
de
troubles
bipolaires
de
l’enfant
(ou
bipolaires
non
spécifiés
selon
le
DSM
IV-R).
Dans
ce
sens,
les
concepts
de
DES
ou
de
TDD
(en
cours
de
discussion
pour
le
DSM
V)
semblent
tout
à
fait
pertinents.
Les
enjeux,
notamment
autour
des
prises
en
charge
thérapeutiques
et
médicamenteuses
sont
majeurs
[40,41].
Le
risque
est
notamment
celui
de
prescriptions
de
traitements
médicamenteux
chez
des
enfants
de
plus
en
plus
jeunes
avec
des
molécules
vraisemblablement
peu
ou
pas
efficaces
et
loin
d’être
anodines
en
termes
d’effets
secondaires
[42,43].
Dans
cette
perspective,
le
NICE
en
Grande-Bretagne
recommande
que
les
critères
diagnos-
tiques
de
troubles
bipolaires
du
sujet
jeune
restent
très
serrés
et
intègrent
l’idée
d’épisode
aigu
ou
de
rupture.
Ce
débat
aujourd’hui
permet
de
rappeler
combien
il
est
néces-
saire,
dans
le
champ
de
la
psychopathologie
de
l’enfant
et
de
l’adolescent,
de
garder
une
perspective
développemen-
tale.
Déclaration
d’intérêts
A.C.
:
financement
pour
participation
à
un
Congrès
interna-
tional
par
BMS.
D.C.
:
interventions
ponctuelles
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