Parmi les images les plus fréquentes concernant autodidactes et autodidaxie, on trouve
« Le livre », le « Combat »,le « Guerrier », « L’Appétit » et le « Temps », le «
Naufragé », « l’Ile au trésor », « l’Autre rivage », le « Phénix », « Prométhée », le «
Héros », etc. De ces images, qui sont amplement détaillées ailleurs (Verrier, 1999, pp.
179-201), nous n’en présenterons que quatre dans cette séquence (le Phénix, le
Naufragé, l’Ile au trésor, Prométhée), à titre d’exemple de la puissance évocatrice de
l’imaginaire concernant l’autodidaxie. Nous essayerons ensuite de comprendre la
signification de cette production d’images en termes éducatifs et sociaux.
2. Le Phénix
L’autodidacte peut-être vu comme celui qui a trahi. En transitant culturellement et parfois
socialement vers un « autre rivage » que celui qui était initialement le sien, la ymbolique
de l’eau traversée est aussi connotée comme puissance purificatrice : « les objets jetés
sont jugés, mais l’eau ne juge pas » (Chevalier, Gheerbrant, 1962, p.378).
Et l’autodestruction, suivie de purification, ne serait qu’un point d’un cycle fantasmatique
de successions d’autocréations-autodestructions, fantasme que repère René Kaes chez
l’autodidacte qu’il nomme Félix, qu’il représente par l’image forte du Phénix
(
http://www.archangelcastle.com/mythologie/creatures/phoenixindex.php)
cet oiseau « rare et
somptueux » qui ne naît pas d’une copulation et est symbole de résurrection.
Le Phénix manifeste « une conduite suicidaire qui provoque sa mort d’où il renaît des
cendres de sa consummation », et dans cette perspective l’auto-apprentissage de
l’autodidacte « n’est pas un engendrement (au sens de la rencontre d’un père et d’une
mère), mais une création perpétuelle, sans origine ni fin, sans rupture ni commencement
» (Kaes, Anzieu, 1973, p. 15), radicalement coupée d‘altérité.
Ce mythe du Phénix, aussi ancien que l’humanité, auquel fait allusion René Kaes en le
ramenant à l’autodidacte connut un grand succès, il fut maintes fois repris dans les
recherches sur l’autoformation, et a certainement contribué à propager une vision «
enfermée », refusant l’altération, occultant l’autre, de l’autodidacte : « Le fantasme
d’autoformation satisfait le besoin d’incorporation orale du bon savoir que Félix tire de
lui-même. Au plus fort de sa lutte contre les tendances autodestructrices c’est lui-même
qu’il incorpore, sans parvenir à s’assimiler (…) Ainsi se boucle le cercle infernal et
fascinant, celui du serpent qui, tel Ourobouros, se mord la queue, celui de l’alternance
perpétuelle de la naissance et de la mort : et le cercle ne peut s’ouvrir que sur la mort
inattendue comme révélation ultime de soi » (Kaes, Anzieu, 1973, p. 16).
3. Le naufragé et l’Ile au trésor
L’autodidacte est un abandonné de ses tuteurs savants, dont il n’a pas reçu la parole.
«Orphelin de la culture », de cette culture qu’il convoite mais qui « l’écrase », envers
laquelle il demeurera toujours marqué d’une sorte « d’infantilisme ». L’autodidacte
inéduqué et devenu inéducable évoque le « garçon sauvage de l’Aveyron, les enfants
loups de l’Inde ». Les bonnes fées de la pédagogie ne se sont pas penchées sur son
berceau, et comme pour les enfants-loups « qui ne peuvent réaliser l’apprentissage du