Créé par Muriel Langbour
La mémoire, un lien entre l’auteur, l’acteur et le public
Robin Renucci, acteur
« Au théâtre, la mémoire, c’est essentiel pour l’acteur, évidemment. Mais, c’est essentiel sur plein d’endroits,
bien sûr pour se souvenir de son texte, de ces mots mis en ordre. Mais, c’est surtout être fidèle à la parole
de l’auteur. Car le théâtre n’existe que parce qu’il y a les acteurs qui sont serviteurs d’un auteur. C’est un
texte qui est là, qui fait la mémoire entre nous et le public qui construit son imaginaire avec ces trois
éléments là. C’est à dire, sa présence, le texte de l’acteur que l’auteur a transmis et ce focus qui se fait là, ça
fait le théâtre. Donc, la mémoire est essentielle. Pas d’un point de vue de la mécanique de la mémoire, mais
du fait qu’on retrace la pensée de quelqu’un. Je prends l’exemple de Molière, de Sophocle même pour aller
encore plus loin, puisque c’est un grand thème grec, cette question de la mémoire, sur la liberté, sur la
mémoire rend l’homme libre. Si je prends un texte de Sophocle ou de Platon, mise en scène la République
par exemple, et bien je vais me souvenir de ce que Platon a écrit, il y a de cela 2 500 ans et ce travail qui
nous relie à travers les époques, dans le temps, les hommes les uns avec les autres, aujourd’hui nous fait
ensemble exister dans le souvenir et dans la présence du mental imaginaire de quelqu’un qui a écrit ça
2 500 ans avant cet instant ci, qui est le temps T qui nous réunit public, auteur, acteur que je citais tout à
l’heure. Donc, c’est un acte essentiel. Un grand acte de liberté.
Dans le métier de comédien, c’est un point essentiel. Le langage, voilà. Ce qui nous relie les uns avec les
autres par les mots. Alors, il peut y avoir un théâtre sans mot. Il en existe. Le mime, par exemple. Mais, le
verbe avec ce qu’il a de singulier, c’est à dire l’idiome qui rend tout à fait singulier la voix de quelqu’un, le
souffle de quelqu’un. Avec un mot qui est une parole couchée qui est relevée par l’acteur qui va jusqu’à
l’oreille de celui qui reçoit cette information, qui n’est pas un signe, d’ailleurs. Ca n’est pas quelque chose
que l’on montre, c’est quelque chose qui se partage. C’est quelque chose qui d’un émetteur parvient à un
récepteur et cette sensation fait symbole. C’est un échange symbolique. C’est là, qu’il n’est pas un échange
du signe simplement. Le signe n’est pas un symbole. Montrer quelque chose, ça peut être pris, accepté par
l’un ou par l’autre, ou pas. Mais, le geste de proférer quelque chose à l’autre, crée la liberté de notre
imaginaire commun qui se construit. »