L’Année psychologique
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À la recherche d’une mémoire perceptive pour la forme auditive
des mots : apport des études sur l’amorçage perceptif
Pierre Gagnepain, Karine Lebreton et Francis Eustache
L’Année psychologique / Volume 106 / Issue 04 / December 2006, pp 543 - 566
DOI: 10.4074/S0003503306004039, Published online: 03 June 2009
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Pierre Gagnepain, Karine Lebreton et Francis Eustache (2006). À la recherche d’une mémoire perceptive
pour la forme auditive des mots : apport des études sur l’amorçage perceptif. L’Année psychologique, 106, pp
543-566 doi:10.4074/S0003503306004039
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L’année psychologique, 2006, 106, 543-567
À la recherche d’une mémoire perceptive
pour la forme auditive des mots :
apport des études sur l’amorçage perceptif
Pierre Gagnepain
1
, Karine Lebreton
1
et Francis Eustache*
1, 2
1
Laboratoire de Neuropsychologie Cognitive et de Neuroanatomie Fonctionnelle
de la Mémoire Humaine, Équipe mixte de recherche Inserm-Université de Caen E0218
2
EPHE, CNRS UMR 8581, Université René Descartes, Paris 5
RÉSUMÉ
L’amorçage perceptif est un phénomène mnésique induisant une modifica-
tion dans le traitement de la forme perceptive d’un stimulus, généralement
bénéfique et se produisant en dehors du champ de la conscience. De nom-
breux arguments supportent l’existence d’une mémoire perceptive pour la
forme visuelle des mots sous-tendant les effets d’amorçage perceptif. Dans
le domaine auditif, bien que le postulat d’une mémoire stockant les
représentations de la forme phonologique abstraite des mots et des caracté-
ristiques spécifiques de la voix soit conforté par la plupart des données de
psychologie expérimentale et de neuropsychologie, certaines contractions
émergent au regard des données de neuro-imagerie fonctionnelle. L’évalua-
tion appropriée d’une mémoire pour la forme auditive des mots est discutée
à la lumière des diverses limitations soulignées.
In search of perceptual memory for auditory word form:
Contribution of the studies on perceptual priming
ABSTRACT
Perceptual priming is a memory phenomenon conducting to a modification during the
treatment of a stimulus’ perceptual form, most often beneficial and appearing outside of the
field of the consciousness. There are many arguments claiming for the existence of percep-
tual memory for the visual word form which underlies perceptual priming effects. In the
auditory domain, the postulate of a memory system stocking representations of the phono-
logical abstract form of the words and voice specific information is comforted by most of the
data, coming from experimental psychology or neuropsychology. However, some inconsis-
tencies emerge from functional neuro-imaging data. The appropriate evaluation of
perceptual memory system allocated to the auditory word form is then discussed in the light
of the several limitations pointed out.
*Adresse de correspondance : Inserm-EPHE,Université de Caen/Basse-Normandie, Unité E0218, Laboratoire de
Neuropsychologie, CHU Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex, E-mail : neuropsycho@chu-caen.fr
Note : Cet article a suivi la procédure habituelle d’expertise lorsque Juan Segui était directeur de la revue.
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L’AMORCAGE PERCEPTIF :
CONCEPTS ET MÉTHODES
Définition et positionnement
L’amorçage est généralement défini comme un phénomène induisant une
modification, à l’insu du sujet et le plus souvent bénéfique, dans le traite-
ment d’un stimulus particulier (visage, son, objet, mot, odeur) à la suite
d’une confrontation antérieure avec celui-ci ou avec un
item
apparenté
(de façon perceptive, associative ou sémantique). Du fait qu’ils se mani-
festent en dehors du champ de la conscience du sujet, les effets
d’amorçage sont classiquement considérés comme une mesure privilégiée
de la mémoire implicite. Ce concept a été proposé en 1985 dans sa
version moderne par Graf et Schacter par opposition à la mémoire expli-
cite pour rendre compte des compétences préservées (mémoire implicite)
versus
altérées (mémoire explicite) chez les patients amnésiques. Cette
distinction repose actuellement sur deux principaux critères de défini-
tion : le niveau de conscience (Graf et Schacter, 1985) et l’intentionnalité
du sujet lors de la récupération d’informations (Schacter, Bowers et
Booker, 1989). Ainsi, la mémoire implicite fait référence aux situations
dans lesquelles le sujet ne met pas en jeu volontairement sa mémoire et
n’a pas conscience que sa performance est liée à la rencontre préalable
avec les stimuli, tandis que la mémoire explicite implique une récupéra-
tion intentionnelle et donc consciente des informations antérieurement
traitées (comme dans les tâches de rappel et de reconnaissance). Ces
concepts ne renvoient pas à l’existence de systèmes mnésiques distincts
mais sont des termes descriptifs qui qualifient deux expressions (ou
formes) de la mémoire et qui regroupent diverses habiletés dépendantes
de systèmes et de substrats cérébraux différents (voir par exemple le
modèle de Tulving, 1995).
Une multitude de paradigmes d’amorçage ont été développés dans le
domaine visuel ainsi qu’auditif, utilisant divers types de tâches et de
matériels, ce qui a contribué à préciser la méthodologie d’évaluation de ce
phénomène mnésique et à distinguer différentes formes d’amorçage
(pour revue, voir Lebreton, 2002). La distinction la plus communément
admise différencie l’amorçage perceptif qui repose sur les représentations
perceptives ou physiques du matériel et l’amorçage conceptuel (ou
sémantique) qui implique les représentations sémantiques ou associatives
des stimuli. Cette dichotomie perceptif/conceptuel proposée par Tulving
et Schacter (1990) n’est bien évidemment pas aussi tranchée ; des
Amorçage perceptif et mémoire auditive
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processus de nature sémantique pouvant intervenir dans des épreuves
évaluant l’amorçage perceptif et, inversement, des processus perceptifs
pouvant être mis en jeu dans des épreuves destinées à mesurer l’amorçage
conceptuel.
Cette distinction entre amorçage perceptif et conceptuel nous interroge
sur la nature des processus et des représentations qui sont impliqués dans
les effets d’amorçage pour des mots présentés visuellement ou auditi-
vement. Ces phénomènes reposent-ils sur des représentations et des
processus communs aux deux modalités ? Existe-t-il différentes représen-
tations perceptives participant aux effets d’amorçage, spécifiques à la
modalité sensorielle testée et aux types de stimuli, et donc distinctes des
représentations lexico-sémantiques communément activées par les deux
modalités ? Afin de mieux comprendre l’implication privilégiée de tel ou
tel type de représentations, nous exposerons brièvement dans un premier
temps les différents critères méthodologiques déterminants dans la mise
en œuvre des différentes phases d’une épreuve d’amorçage, ainsi que
l’approche structurale de la mémoire constituant actuellement le modèle
interprétatif le plus puissant pour rendre compte des différents effets
d’amorçage perceptif visuel et auditif.
Cependant, les travaux consacrés à l’amorçage perceptif visuel ont béné-
ficié d’une investigation plus poussée et l’étude des effets d’amorçage
perceptif auditif reste à ce jour moins documentée. Nous présenterons
dans un second temps les différents travaux de psychologie expérimentale
et de neuropsychologie portant sur l’amorçage perceptif auditif de mots,
que nous discuterons à la lumière de nos connaissances dans le domaine
visuel. Enfin, dans un troisième temps les différentes conclusions seront
analysées au regard des données de l’imagerie cérébrale fonctionnelle.
Aperçu des critères méthodologiques d’évaluation
des effets d’amorçage
La méthodologie d’évaluation des effets d’amorçage est relativement
standardisée et repose sur deux principaux critères.
Premièrement,
les
épreuves comportent toujours deux phases successives qui, dans les para-
digmes couramment employés en neuropsychologie, sont classiquement
séparées par un délai de quelques minutes. Lors de la première phase,
nommée phase d’étude, le sujet est confronté à différents stimuli qualifiés
d’
items
cibles (mots, objets…) sur lesquels il opère un traitement qui peut
être de nature variable (par exemple perceptif/superficiel ou sémantique/
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profond). Intervient ensuite le délai inter-phase au cours duquel il peut
être demandé au sujet d’effectuer une ou plusieurs tâche(s) distractrice(s)
afin d’éviter qu’il n’établisse un lien entre les deux phases de l’épreuve
(exemple : compter à rebours de 3 en 3). Enfin, lors de la seconde phase
nommée phase de test, le sujet réalise une tâche identique ou différente de
l’étude et qui porte sur deux types de stimuli : les
items
cibles préalable-
ment étudiés et des
items
dits contrôles qui n’ont pas fait l’objet d’un
traitement antérieur. L’effet d’amorçage est démontré lorsque la perfor-
mance pour les
items
cibles est significativement différente de celle pour
les
items
contrôles dans le sens d’une supériorité en faveur des
items
cibles, par exemple en terme d’exactitude de la réponse ou de rapidité
pour la produire.
La seconde
caractéristique des paradigmes d’amorçage
est que le sujet ne doit pas avoir conscience de se livrer à une activité
mnésique. Ce critère primordial n’en est pas moins le plus difficile à con-
trôler. Il n’est pas garanti en effet que le sujet se conforme exclusivement
aux consignes qui lui sont administrées et qu’il ne mette pas en jeu des
stratégies de récupération explicite ou qu’il prenne conscience tout sim-
plement d’avoir déjà rencontré les
items
(pour une revue évoquant les
différents facteurs expérimentaux entravant la prise de conscience de
l’épisode d’étude, voir Roediger et McDermott, 1993). Plusieurs techni-
ques et procédures ont été développées dans le but, soit d’évaluer
a
posteriori
ce type d’effet potentiel (questionnaire post-expérimental), soit
d’en limiter l’impact (présentation rapide des
items
, nombre important
d’
items
…). Toutefois, cette difficulté semble plus importante lorsque les
représentations mises en jeu dans l’épreuve d’amorçage sont de nature
sémantique ; les épreuves d’amorçage perceptif restent moins entachées de
telles critiques (pour une discussion de ce point voir Butler et Berry, 2001).
La nature des représentations sollicitées dans l’épreuve d’amorçage
dépend principalement de la nature de l’encodage préalable et du type
d’indices proposés lors de la phase de test. Ainsi, l’amorçage perceptif,
aussi appelé parfois amorçage par répétition (
repetition priming
), est clas-
siquement mesuré dans des épreuves qui impliquent un traitement
perceptif des
items
lors de l’étude (par exemple, compter les voyelles d’un
mot ou définir le sens de l’orientation de dessins d’objets) et utilisent lors
du test des indices qui portent sur leurs caractéristiques perceptives, phy-
siques ou de surface (par exemple des dessins dégradés d’objets ou des
mots présentés très rapidement). En revanche, la mesure d’amorçage con-
ceptuel repose sur un traitement préalable des propriétés sémantiques (ou
associatives) des stimuli (par exemple faire une phrase) et sur l’emploi
d’indices de nature sémantique lors du test (par exemple le nom de la
catégorie sémantique de l’
item
). De nombreux paradigmes d’amorçage
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