C’est probablement la prohibition quasi immédiate dans les médias et l’intérêt tout
particulier du gouvernement américain pour la manipulation du public, dans le contexte
éminemment singulier de la guerre froide, qui a contribué au développement d’un
imaginaire populaire fort sur l’efficacité et la puissance de ces télécommandes
mentales.
Pourtant, peu de temps après que ses travaux eurent embrasé les médias et généré un
véritable mythe, James Vicary révélait qu’en réalité ses expériences n’avaient jamais eu
lieu (Strahan, Spencer, & Zanna, 2002). Il s’agissait en fait d’un coup médiatique destiné à
sauver son entreprise de communication sur la voie de la faillite (Karremans, Stroebe, &
Claus, 2006).
Malgré un départ plus que hasardeux, on retrouve à ce jour sur les étagères des
librairies, des ouvrages expliquant comment de subtils indices perçus sans expérience
consciente peuvent exercer un impact considérable sur nos choix et prises de
décisions (Gladwell, 2006). Ceci souligne à quel point les concepts d’amorçage et
d’activation de comportement pénètrent notre raison. Et pour cause, ils touchent à un
problème philosophique fondamental, à savoir le déterminisme de nos
comportements. Est-il réellement possible de déclencher ou d’altérer le
comportement de quelqu’un à l’aide d’indices subtils ? L’idée de Vicary était-elle si
insensée ?
Pendant plus de 50 ans, des générations de chercheurs d’obédiences multiples se
penchèrent sur cette question, la soumettant à l’épreuve d’un examen scientifique et
rigoureux. Peu à peu, ils amoncelèrent les connaissances et démonstrations d’un
phénomène qui sera appelé «!amorçage!». Aujourd’hui, ce domaine de recherche s’est
grandement étoffé et représente un objet d’étude incontournable en psychologie
cognitive. En cognition sociale, il a même dépassé ce statut pour devenir un outil de
prédilection pour l’étude des comportements automatiques.
Pourtant, les processus qui sous-tendent l’amorçage sont loin d’être entièrement
connus et leur description ne fait pas l’unanimité. Près d’un demi-siècle après la
supercherie de Vicary, ce concept divise toujours les communautés de chercheurs. Les
uns soutiennent la faible influence de l’amorçage lors de la détermination de nos
comportements alors que les autres lui prêtent une position centrale. C’est dans ce
débat que s’inscrit cette thèse. En combinant les points de vue des deux camps, mais
aussi leurs méthodes respectives, elle vise à y apporter de nouvelles réponses.
Cette démarche sera présentée en quatre chapitres. Le premier apportera les éléments
nécessaires à la compréhension des notions sur lesquelles se basent les travaux décrits
Note introductive
9