Th´eorie des nombres/ number theory
Sur un r´esultat de S. Sen
Pierre Colmez
r´esum´e: Nous construisons un anneau permettant de passer d’une repr´esentation
p-adique `a son module de Sen
On a result of S. Sen
abstract: We construct a ring giving a bridge between a p-adic Galois representation
and its Sen-module
Soient pun nombre premier et Gle groupe de Galois de Qpsur Qp. Si nN, soit
Fn=Qp(µpn)Qpet F=Fn. Si KQpest une extension finie de Qp, soit GKle
sous-groupe de Gfixant Ket si nN∪ {∞}, soit Kn=KFnQp. Soient χ:G Z
ple
caract`ere cyclotomique, τ:G Zple caract`ere (additif) de Gd´efini par τ(g) = logpχ(g)
et HK⊂ GKle noyau de χ.
Si Kest une extension finie de Qp, un Qp-espace vectoriel Vde dimension finie sera
appel´e repr´esentation p-adique de GK, si on a un morphisme continu de GKdans Aut(V).
Le th´eor`eme suivant est dˆu `a Sen [Se80 Th.2 et Th.4].
Th´eor`eme 1:Soient KQpune extension finie de Qpet Vune repr´esentation
p-adique de GKde dimension d. Il existe une base e1, . . . , edde CpV, un entier n0et
une application lin´eaire ϕVdont la matrice dans la base e1, . . . , edest `a coefficients dans
Kntels que, si g∈ GKn, alors g(ei) = exp(τ(g)ϕV)ei.
Notre but est de r´einterpr´eter ce r´esultat `a la Fontaine (cf. [Fo82]). Notons DSen(V)
le sous-K-espace vectoriel de CpVengendr´e par les eiet muni de l’op´erateur ϕV.
Nous allons construire un anneau BSen muni d’un germe d’action de Get d’un op´erateur
Θ commutant `a l’action de Gpermettant de passer directement de V`a DSen(V).
Un Qp-espace vectoriel topologique sera dit muni d’une action de GK, s’il existe sur
Mune filtration croissante par des sous-Qp-espaces vectoriels Mnferm´es telle que chaque
Mnsoit muni d’une action continue de GKnet telle que M=n0Mn. Notons que cette
condition est plus forte que de demander que Msoit muni d’une action continue de HK.
On notera alors MGK=n0MGKn
n.
En tant qu’anneau, BSen s’identifie `a l’anneau Cp{{u}} des s´eries formelles `a coeffi-
cients dans Cpdont le rayon de convergence est non-nul. On munit BSen d’une filtration
croissante par les Bn
Sen, pour nN, en identifiant Bn
Sen au sous-anneau des s´erie dont
le rayon de convergence est sup´erieur ou ´egal `a psup(1,n)(si p= 2, il faut remplacer
sup(1, n) par sup(2, n)). On note Θ l’op´erateur Cp-lin´eaire de BSen induit par d
du et on
fait agir Gsur upar g(u) = u+τ(g), ce qui fait de uun analogue p-adique de log 2.
Comme on a τ(g)psup(1,n)Zpsi g∈ GKn, la s´erie P+
i=0 g(ai)(u+τ(g))iest convergente
si P+
i=0 aiuiBn
Sen et g∈ GFn, ce qui munit Bn
Sen d’une action continue de GKnet BSen
d’une action de GK, qui commute de mani`ere ´evidente `a l’action de Θ.
1
Th´eor`eme 2:(i) (BSen)GK=K.
(ii) Si Vest une repr´esentation p-adique de GK, alors on a DSen(V)
=(BSen V)GK,
l’op´erateur ϕV´etant induit par l’action de Θsur BSen.
D´emonstration: (i) Soit x=P+
i=0 aiuiun ´el´ement de Bn
Sen fixe par l’action de
GKn. Comme uest invariant par HK, les aidoivent l’ˆetre aussi; et donc si on note ˆ
K
l’adh´erence de Kdans Cp, on doit avoir aiˆ
Kpour tout iN. Maintenant, si l’on
identifie les coefficients de uidans l’´equation g1(x) = x, on obtient:
ai=X
ki
g1(ak)³k
i´(τ(g))ki,
ou encore, appliquant gaux deux membres,
g(ai) = X
ki
ak³k
i´(τ(g))ki.(1)
Soient mn+ 1, aKet m0mtel que aKm0. On v´erifie facilement que
pmm0T rKm0/Km(a) ne d´epend pas du choix de m0et on note T rml’application lin´eaire de
Ksur Kmainsi d´efinie. On v´erifie facilement que T rms’´etend par continuit´e `a ˆ
K, que
si aˆ
K, alors aest la limite de T rm(a) quand mtend vers l’infini et que, si g∈ GKn,
alors T rm(g(a)) = g(T rm(a)). Appliquant alors T rm`a l’identit´e (1), on obtient
g(T rm(ai)) = X
ki
T rm(ak)³k
i´(τ(g))ki.
Le premier membre de cette ´equation est une fonction localement constante de gtandis que
le second est analytique; on en d´eduit que les deux membres sont des fonctions constantes
de get donc que T rm(ai) = 0 pour tout mnet tout i1. Laissant tendre alors mvers
+, on en tire ai= 0 si i1, c’est `a dire xˆ
K. Le (i) s’en d´eduit ais´ement.
(ii) Soit e1, . . . , edla base de CpVfournie par le th´eor`eme de Sen et soit fi=
exp(V)eiBSen V. On v´erifie facilement que fiest fixe par GKet donc que
(BSen V)GKest de dimension au moins d. D’autre part, le (i) du th´eor`eme permet de
d´emontrer l’autre in´egalit´e, ce qui implique que l’application K-lin´eaire ιenvoyant eisur
fiest un isomorphisme de DSen(V) sur (BSen V)GK. De plus, on a Θ(fi) = ϕV(fi) et
donc par lin´earit´e, on voit que si xDSen(V), alors Θ(ι(x)) = ι(ϕV(x)), ce qui permet de
terminer la d´emonstration.
Remarque 1: Si on appelle p´eriodes de la repr´esentation Vles coefficients de la
matrice de passage de V`a DSen(V), on peut r´einterpr´eter le th´eor`eme en disant que les
p´eriodes de toutes les repr´esentations p-adiques vivent dans BSen. Une question naturelle
est alors de se demander si les p´eriodes varient de mani`ere continue en fonction de la
repr´esentation (cf. Th.3).
Remarque 2: Soit ω:Z
pµp1Z
ple caract`ere de Teichm¨uller envoyant x
sur la racine p1-i`eme de l’unit´e congrue `a xmodulo p. Notons encore ωle caract`ere
2
d’ordre fini de Gdonn´e par la formule ω(g) = ω(χ(g)). Si p3 (resp. p= 2), soit αp
une solution de l’´equation αp1
p=p(resp. α2
2=4). Soit tp=αpuBSen; comme
on a χ(g) = ω(g) exp(τ(g)) si g∈ G et que Gagit sur αppar g(αp) = ω(g)αp, on voit
que Gagit sur tppar multiplication par le caract`ere cyclotomique et donc que tpest un
analogue p-adique de 2. En particulier, BHT s’injecte dans BSen. Notons que la formule
donn´ee pour tpBSen est compatible avec la formule vp(tp) = 1
p1valable dans BDR
(moralement, une exponentielle est une unit´e et a une valuation nulle).
Remarque 3: On obtiendrait les mˆemes conclusions que celles du th´eor`eme 2 en
rempla¸cant BSen par son sous-anneau engendr´e par Cp, u et les exp(αu), o`u αecrit Qp.
L’inconv´enient est que cet anneau est tr`es loin d’ˆetre complet. On peut rem´edier `a cet
inconv´enient en prenant une solution interm´ediaire. Notons Bult le sous-anneau de BSen
engendr´e par B0
Sen et par les exp(αu), o`u αecrit Qp. Comme exp(αu) est alg´ebrique sur
B0
Sen (on a (exp(αu))pn= exp(pnαu)B0
Sen si nest assez grand) et que B0
Sen est muni
d’une action continue de G, on peut munir Bult d’une action d’un groupe ˜
Gextension de
Gpar Gal(Bult/B0
Sen). Mais, le groupe ˜
Gn’est pas un produit semi-direct et on ne peut
donc pas ´etendre l’action de G`a Bult tout entier.
Soit Sun espace topologique. Une famille continue (index´ee par S) de repr´esentations
p-adiques de GKest par d´efinition une application continue (pour la topologie produit)
ρ:S× GKAut(V), o`u Vest un Qpespace vectoriel de dimension finie, telle que pour
tout sSl’application gρs(g) soit un morphisme de groupe de GKdans Aut(V).
Th´eor`eme 3:Soit ρsune famille continue de repr´esentations p-adiques de GKet
s0S. Il existe un voisinage Ude s0et une application continue ssde Udans
Aut(BSen V)telle que, si xV, alors s(x)est stable par GK. En d’autres termes,
les p´eriodes des repr´esentations p-adiques d´ependent continuement de la repr´esentation.
D´emonstration: La continuit´e de l’application (s, g)ρs(g) implique l’existence
d’un sous-groupe d’indice fini H0de HKet d’un voisinage U1de s0tels que l’on ait
ρs(g)1 mod p2. Si on regarde de plus pr`es la d´emonstration du lemme 1 de [Se80], on
s’aper¸coit qu’elle ne fait intervenir que des op´erations qui d´ependent continuement de s. On
en d´eduit l’existence d’une application continue sBsde U1dans Aut(CpV) telle que
si xV, alors Bs(x) est stable par HK. La mˆeme remarque appliqu´ee `a la d´emonstration
du lemme 3 de [Se80] permet de montrer l’existence d’un ouvert U2, d’un entier net d’une
application continue sCsde U2dans Aut((CpV)HK) tels qu’un g´en´erateur γde
GKn/HKagit sur CsBs(V) par multiplication par une matrice Φs`a coefficients dans Kn
(et qui d´epend de mani`ere continue de scar ρs,Cset Bsd´ependent continuement de s).
Quite `a augmenter n, on peut supposer que Φsest congrue `a 1 mod pet alors logpΦs
d´epend continuement de s. Si on pose Ωs= exp( (γ)1logpΦs)CsBs, il existe mn
tel que Ωssoit ´el´ement de Aut(Bm
Sen V) et si xV, alors Ωs(x) est fixe par GKm, ce qui
nous dit que Ωsest la matrice des p´eriodes de ρset permet de terminer la d´emonstration.
Bibliographie
[Fo82] J.-M. Fontaine: Sur certains types de repr´esentations p-adiques du groupe de Galois
d’un corps local; construction d’un anneau de Barsotti-Tate, Ann. of Math. 115, p.529-577,
3
1982
[Se80] S. Sen: Continuous Cohomology and p-Adic Galois Representations, Inv. Math. 62,
p.89-116, 1980
P. Colmez, C.N.R.S.,
D´epartement de Math´ematiques et Informatique,
´
Ecole Normale Sup´erieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris
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