Le th´eor`eme de repr´esentation de Riesz
Adjoint d’un endomorphisme en dimension infinie
Julien Baglio
Alg`ebre lin´eaire
Le but de cet article est de d´emontrer le th´eor`eme fondamental dit ”de repr´esentation de
Riesz”, qui permet de montrer l’existence d’adjoint en dimension infinie, pour des endomor-
phismes continues sur un espace hilbertien. Avant d’´enoncer et de d´emontrer le th´eor`eme pro-
prement dit, nous faisons un rappel de d´efinition, ainsi qu’une premi`ere partie sur la projection
d’un vecteur sur un convexe ferm´e d’un espace de Hilbert.
D´efinition 1 Un espace hilbertien (ou de Hilbert) est un espace vectoriel norm´e complet dont
la norme d´erive d’un produit scalaire (g´en´eralement, le corps de base est Rou C).
Dans toute la suite de l’article, Hsera un espace hilbertien de dimension infinie, et (x, y)
H27−< x, y > un produit scalaire sur H.
1 Projection sur un convexe ferm´e
1.1 Le th´eor`eme de projection
Th´eor`eme 1 Soit CHune partie convexe ferm´ee non vide. Pour tout xH, il existe un
unique yCtel que d(x, C) = ||xy||.y=xCest appel´e projet´e orthogonal de xsur C.
D´emonstration
Pour tout zCon a ||xz|| ≥ d(x, C) (qui existe, puisque c’est l’inf d’une partie non vide
de Rminor´ee par 0). Par d´efinition, il existe (xn)nNCNtel que :
d(x, C)≤ ||xxn|| ≤ d(x, C) + 1
nnN
Montrons que (xn) est de Cauchy ; ainsi, H´etant hilbertien c’est un espace complet, donc
on pourra conclure quant `a la convergence de la suite (xn) :
Soit p, q N, et notons δ= d(x, C).
1
H´etant un espace de Hilbert, l’identit´e du parall´elogramme est v´erifi´ee, donc
2(||xxp||2+||xxq||2) = ||(xxp)(xxq)||2+||(xxp)+(xxq)||2
Donc on a 2(||xxp||2+||xxq||2) = ||xpxq||2+ 4||xxp+xq
2||2.
Or Cest convexe, donc xp+xq
2C, donc ||xxp+xq
2||2δ2.
En r´eorganisant, on a donc ||xpxq||22(||xxp||2δ2+||xxq||2δ2). Or il apparaˆıt
par comparaison que lim
p+||xxp|| =δ, donc lim
p+||xxp||2=δ2. D’o`u pour tout ε > 0 il
existe n0Ntel que pour tout pn0| ||xxp||2δ2| ≤ ε2
2.
D’o`u pour p, q n0on a ||xpxq|| ≤ ε, donc (xn) est bien une suite de Cauchy, donc
elle converge vers yCcar Hest complet. Mais Cest ferm´e, donc C=Cet yC. On a
lim
n+||xxn|| =||xy|| par continuit´e de l’application norme, donc par unicit´e de la limite,
||xy|| =δ= d(x, C).
Enfin, si on prend y, z Cerifiant ||xy|| =||xz|| = d(x, C) : on construit une suite
(cn)nNtelle que cn=ysi nest pair, cn=zsi nest impair. Pour tout nNon a ||xcn|| =δ
donc avec le mˆeme raisonnement que ci-dessus, cela implique la convergence de la suite (cn), et
donc y=z. Il y a donc unicit´e du projet´e orthogonal, ce que l’on souhaitait d´emontrer.
Proposition 1 Soit Cun convexe ferm´e non vide de H,xHquelconque. Alors il existe un
unique yCv´erifiant cC, < c y, x y > 0, et y=xCprojection orthogonale de xsur
C(c’est une caract´erisation de xC)
D´emonstration
Si il existe yCv´erifiant l’hypoth`ese de la proposition, pour zCon a :
||zx||2=||zy+yx||2=||zy||2+||yx||22< z y, y x >. Donc l’hypoth`ese
assure que ||zx||2≥ ||yx||2donc cela ´etant vrai pour tout zC,||yx|| ≤ d(x, C) ;
mais yCdonc ||yx|| ≥ d(x, C) donc finalement ||xy|| = d(x, C). Ayant unicit´e du
projet´e orthogonal d’apr`es le th´eor`eme 1, on a bien y=xC.
V´erifions maintenant que xCv´erifie bien l’hypoth`ese de l’´enonc´e.
On a pour tout zC||xz|| ≥ ||xxC|| et
||xz||2=||xxC+xCz||2=||xxC||22< x xC, xCz > +||xCz||2
Donc 2 < z xC, x xC>≤ ||zxC||2. Nous avons presque le r´esultat attendu, mais
il nous faut se d´ebarrasser du membre de droite. Pour cela, on param`etre le probl`eme :
fixons z0C, ayant Cconvexe on a pour tout λ[0,1] z=λz0+ (1 λ)xCC.
D’o`u en appliquant le petit calcul ci-dessus, ayant zxC=λ(z0xC), nous avons
2λ<z0xC, x xC>λ2||z0xC||2. Pour λ]0; 1] cela donne 2 < z0xC, x xC>
λ||z0xC||2. Avec λ0+on a bien le r´esultat attendu.
2
1.2 Applications importantes du th´eor`eme de projection
Lemme 1 Pour toute partie Ade H,Aest un sous-espace vectoriel ferm´e de H.
D´emonstration
Le fait que Asoit un sous-espace est ´evident. Montrons qu’il est ferm´e :
Si on prend yAil existe une suite (yn) d’´el´ements de Aqui converge vers y. La fonction
(x, y)7→< x, y > est continue d’apr`es l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz ; or xA,nNon a
< x, yn>= 0 donc avec n+on a < x, y >= 0 par continuit´e, donc yA:Aest bien
un ferm´e.
Nous avons maintenant deux petites propositions tr`es importantes pour la deuxi`eme section
de cet article, et qui g´en´eralisent des r´esultats d´ej`a vus en dimension finie.
Proposition 2 Soit Fun sous-espace vectoriel ferm´e de H. On a
1. FF=H
2. Pour tout xH, on a xF=pF(x)projection orthogonale sur F; ainsi xxFF
3. F=F
D´emonstration
1+2 : le fait que Fet Fsont en somme directe ne pose aucun probl`eme. Montrons que
pour xHil existe (y, z)F×Ftel que x=y+z.
Fest un sous-espace vectoriel, c’est donc en particulier un convexe ; ´etant de plus ferm´e,
d’apr`es le th´eor`eme 1, il existe un unique xFFtel que d(x, F ) = ||xxF||. Notons y=xxF;
d’apr`es la proposition 1, on a pour tout fF < f xF, y > 0. Soit y0Ffix´e. Comme F
est un espace vectoriel, y0+xFFet y0F: cela implique < y0, y > 0 et <y0, y > 0
donc < y0, y > = 0. Ceci ´etant vrai pour tout y0F, on a bien y=xxFFdonc les
affirmations 1 et 2 sont d´emontr´ees.
3 : On a toujours FF. Montrons l’inclusion inverse.
On a d’apr`es l’affirmation 1 de cette proposition que H=FF. Donc pour xFil
existe un unique couple (xF, xF)F×Ftel que x=xF+xF. Or l’on a ||xF||2=||xxF||2
donc ||xF||2=< x xF, x xF>=< x, x xF>< xF, x xF>.
Ayant xF, x xFFon a < x, x xF>= 0 ; de mˆeme, comme xFFet
xxFF,< xF, x xF>= 0. Donc ||xF|| = 0 donc xF= 0 : xF, ce qu’il fallait
d´emontrer.
Proposition 3 Soit Fun sous-espace quelconque de H. Alors on a :
1. F=F
2. Fdense dans HF={0}
3
D´emonstration
1. On a toujours FF; donc FF. Ainsi, le lemme 1 affirmant que Fest un
ferm´e, on a FF.
On a toujours FF; par orthogonalit´e, on a donc FFdonc en recomposant,
FF
. Or Fest un ferm´e, donc l’affirmation 3 de la proposition 2 nous donne
F=F
. Ainsi, FF. On a donc bien par double inclusion F=F.
2. On a Fdense F=HF=Hd’apr`es ci-dessus.
Or l’affirmation 1 de la proposition 2 nous donne H=FFdonc Fdense F=
{0}.
2 Th´eor`eme de repr´esentation, adjoint en dimension finie
Th´eor`eme 2 (de repr´esentation de Riesz) Soit H0le dual topologique de H(c’est-`a-dire
l’ensemble des formes lin´eaires continues sur H).
Soit aH, on note φa:xH7−< a, x >K,K=Rou C.
Alors φ:aH7−φaH0est bien d´efinie, et c’est un isomorphisme de Hsur H0.
D´emonstration
Tout d’abord, φest bien d´efinie car l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz assure la continuit´e de la
fonction φa(aHfix´e).
φest bien lin´eaire (v´erification ais´ee).
φest injective : si φa= 0 alors en particulier, φa(a) =< a, a >=||a||2= 0 donc a= 0 et
ker φ={0}.
Montrons que φest surjective. Soit LH0. Si L= 0 L=φ(0) et c’est bon ; sinon, notons
E= ker L,Eest un hyperplan de H.
Ayant E=L<1>({0}) et Lcontinue, Eest un ferm´e de H. D’apr`es la proposition 2,
EE=H. Ayant Ldiff´erente de l’application nulle, il existe uEtel que L(u)6= 0. On a en
fait E= Vect a: si on prend xEet si on note w=xL(x)
L(a)aon a L(w) = L(x)L(x)
L(a)L(a)
par lin´earit´e, donc L(w) = L(x)L(x) = 0 : wE. Or wEpar construction, donc
wEE={0}d’o`u x=L(x)
L(a)a:xVect aet par double inclusion (l’autre inclusion ´etant
´evidente) on a bien E= Vect a.
On a donc pour tout xH x =L(x)
L(a)a+xE,xEE. Notons maintenant b=L(a)
||a||2a. On a
4
pour tout xH
< x, b >=<L(x)
L(a)a+xE,L(a)
||a||2>=L(x)
L(a)
L(a)
||a||2< a, a >=L(x)
car xEEet aE. D’o`u l’on a L=φbet φest bien surjective.
En conclusion, φest bien un isomorphisme, il y a donc isomorphisme entre Het son dual
topologique.
Ce th´eor`eme, puissant, nous permet donc de pouvoir d´efinir un adjoint dans un espace de
Hilbert pour les endomorphismes continus, comme le montre la proposition suivante :
Proposition 4 Soit u∈ Lc(H)endomorphisme continu de H.
Il existe un unique v∈ Lc(H)tel que pour tout (x, y)H2on ait
< u(x), y > =< x, v(y)>
vest l’adjoint de u, not´e u, et de plus on a |||u||| =|||u|||.
D´emonstration
Soit u∈ Lc(H). Fixons yH, et notons ψy:xH7−< u(x)|y >. C’est une forme lin´eaire
(ais´e `a d´emontrer) et continue en tant que compos´ee de fonctions continues (le produit scalaire
est bien continu, uest continu par hypoth`ese). Donc ψyH0le dual topologique de H: le
th´eor`eme de repr´esentation de Riesz permet d’affirmer l’existence d’un unique v(y)Htel que
< u(x), y >=ψy(x) =< v(y), x >.
vest bien une application lin´eaire : si on prend y, z H, on a ψy+z(x) = < u(x), y +z >
=< u(x), y > +< u(x), z > donc ψy+z(x) = < x, v(y)>+< x, v(z)>=< x, v(y) + v(z)>.
Par unicit´e dans le th´eor`eme 2, on a bien v(y+z) = v(y) + v(z). De mˆeme, pour λKon a
aussi v(λy) = λv(y) et on a bien v(0) = 0.
Si on notait v0une application de L(H) v´erifiant les hypoth`eses de la proposition 4, `a y
fix´e on aurait ψy(x) =< x, v0(y)>donc l’unicit´e impos´ee par le th´eor`eme de Riesz nous donne
v0(y) = v(y), donc vest unique.
Enfin, vest bien continue : on a < v(y), v(y)>=< y, u(v(y)) >, donc ||v(y)||2≤ ||u(v(y))||.||y||
d’apr`es l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz, et la continuit´e de unous donne
||v(y)||2≤ |||u|||.||v(y)||.||y||
D’o`u pour y6∈ ker von peut diviser par ||v(y)|| et l’on a ||v(y)|| ≤ |||u|||.||y||, in´egalit´e encore
valable pour v(y) = 0. On a donc en particulier pour ||y|| ≤ 1||v(y)|| ≤ |||u||| donc vest born´ee
sur la boule ferm´ee unit´e : ayant vlin´eaire, on a donc vcontinue, et |||v||| ≤ |||u|||.
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