soit intérieur ou extérieur.
Mais si cette approche foncièrement paradoxale a le mérite, par une sorte d'épochè, de
suspendre toute projection intentionnelle pour laisser émerger l'enquête psychologique de
Maupassant dans la seule lumière singulière de l'oeuvre et de ses obsessions repérables, elle
suppose sans doute un peu vite, à rebours de sa propre intention, que l'absence de filiation
freudienne annule tout effort théorique : que l'oeuvre de Maupassant soit travaillée,
sourdement, par d'autres paradigmes, ne veut pas dire qu'ils lui soient absolument propres.
Ceux qu'adopte Maupassant ne sont-ils pas justement propres à son siècle, à la psychologie
de son siècle, ce qui expliquerait qu'ils ne correspondent pas à ceux du freudisme ? Avant
d'affirmer le caractère préthéorique de l'oeuvre de Maupassant, encore faudrait-il la
confronter avec les théories psychologiques de son temps, ce qui n'a guère été fait
systématiquement. Ce que démontre cet exemple précis, au-delà du seul cas de
Maupassant, c'est bien la présence d'autres paradigmes, comme celui du volontaire et de Y
involontaire, parfaitement compatible avec ce grand tourment infligé aux héros de
Maupassant comme au tempérament même de l'artiste : le tourment de la lucidité, du
dédoublement réflexif qui ferme l'accès au paradis perdu de la simplicité ; ou encore celui de
l'aliénation, plus prégnant sans doute que tout autre schéma dans l'oeuvre. Si Maupassant
recoupe ainsi une sorte de préhistoire de la modernité, c'est bien parce qu'il y a une
psychologie avant Freud.
Par cette remarque initiale, nous rejoignons le propos même de notre réflexion collective,
dont on pourrait se risquer à formuler comme suit le postulat central : il existerait une
remarquable convergence historique entre, d'une part, l'émergence d'une nouvelle discipline,
qui se cherche entre philosophie et science, science et para-science : l'aliénisme, placé sous
la double tutelle inspiratrice de Pinel et d'Esquirol, et, d'autre part, la révolution dans les
lettres, pour parler comme Hugo, qui aurait nom : romantisme. Hypothèse puissante, mais
qui, comme toute hypothèse globale, n'est pas dénuée de failles secrètes, et qui appelle
donc une discussion nécessairement féconde.
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