Notes du cours

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Histoire de la France révolutionnaire
Septième cours :
De la révolution de juillet à la Seconde république
(1830-1852)
1 – Les Trois glorieuses
— Après que les élections consécutives à la dissolution de la Chambre qui eurent lieu en juin eurent donné
une majorité de députés (270 contre 181) à l’opposition, Polignac convainc Charles X de l’impossibilité de
former un gouvernement et donc, de la nécessité de gouverner par ordonnance, comme le prévoit la Charte.
— À compter du début du mois de juillet, les ministres préparent les ordonnances dans le plus grand secret,
ce qui accroît d’autant la tension, car libéraux et radicaux s’attendent à un coup de force.
— Celui-ci est confirmé le 26 juillet, avec la publication du texte des ordonnances, qui suppriment une
grande partie de ce qui reste des institutions libérales du pays : suspension de la liberté de la presse et
instauration de la censure, dissolution de la chambre (qui ne s’est pas encore réunie), modification à la loi
électorale supprimant la patente pour le calcul de l’impôt, réduction du nombre de députés de 428 à 258,
convocation des collèges électoraux pour septembre et nominations d’ultras au Conseil d’État.
— La population parisienne, de même que l’opposition, commence à réagir dès la publication, même si une
grande partie de ses membres ne sont pas présents pour cause de vacances en campagne (d’où le moment
choisi par le roi). Les libéraux préparent une adresse à la nation dans la presse et tentent de s’organiser,
pendant que la population, aiguillonnée par des organisations telles que la Société de Janvier, commence à
manifester.
— Le 27 juillet, l’émeute, à laquelle prend part une partie importante de la population, même si les historiens
ne s’entendent toujours pas aujourd’hui sur l’origine sociale des insurgés, prend de l’ampleur. Sans doute
trouve-t-on parmi la foule insurrectionnelle tout autant de victimes de la situation économique que des
membres de la petite bourgeoisie parisienne (artisans, boutiquiers et petits employés), dont plusieurs étaient
membres de la Garde nationale avant sa dissolution en 1827, auxquels se mélangent aussi des bonapartistes.
Ils sont dirigés par des étudiants et des meneurs politiques de la gauche radicale.
— Pendant que les libéraux délibèrent et cherchent à éviter un effondrement du régime, puisqu’ils craignent
autant les débordements de la population que les réactionnaires du gouvernement, surviennent les premiers
heurts entre les manifestants et la police, alors que Paris se couvre peu à peu de barricades. Les premiers
coups de feu tirés par la troupe forcent la population à se mettre en quête d’armes et les premiers morts
tombent, suscitant une colère qui transforme l’émeute en insurrection.
— Le 28 au matin, c’est plus de 10 000 personnes qui participent directement à l’insurrection, alors que le
gouvernement ne sait répondre que par la force : Charles X décrète la capitale en état de siège et donne
l’ordre à la garnison de 8 000 hommes d’écraser l’insurrection par tous les moyens. La guerre urbaine qui se
déchaîne alors n’est pas à l’avantage des troupes régulières, qui manœuvrent difficilement dans les rues
étroites. D’intenses combats ont lieu autour de l’Hôtel de Ville, dont les insurgés parviennent à se rendre
maîtres.
— Les libéraux délibèrent toujours et cherchent le compromis. Ils tentent de convaincre le roi de faire des
concessions, en annulant par exemple les ordonnances du 26 juillet, mais Charles X se montre intraitable. La
Fayette se joint alors aux délibérations des députés et propose de passer outre le roi pour obtenir un cessez-lefeu entre la troupe et les manifestants.
— De même, l’un des députés libéraux suggère d’adopter une déclaration faisant porter la responsabilité de la
crise aux seuls ministres, coupables d’avoir trompé le roi. Ces démarches resteront aussi sans succès, alors
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que le roi continue d’exiger la reddition des insurgés comme préalable à toute démarche politique et ordonne
l’arrestation de certains libéraux et de La Fayette.
— Voyant l’impossibilité d’en arriver à un compromis avec le roi, un groupe de libéraux approche alors le
duc d’Orléans pour sonder ses intentions dans le cas où la monarchie serait renversée, mais celui-ci tergiverse
d’autant plus que le château de Neuilly où il réside est étroitement surveillé par les troupes royales.
— L’insurrection franchit une étape supplémentaire le matin du 29, alors que deux des régiments impliqués
dans la répression font défection et passent du côté des insurgés. Au soir du 29, toute la capitale sera aux
mains des insurgés. Politiquement, les tractations se poursuivent au sommet toute la journée, le roi acceptant
finalement de renvoyer Polignac et de retirer les ordonnances, mais il est alors trop tard, puisqu’il a perdu le
contrôle de Paris.
— Mais il est bien sûr hors de question pour les libéraux de laisser les émeutiers, qui réclament la fin de la
monarchie et la proclamation de la république, de s’imposer politiquement. Ils parviendront d’autant plus
facilement à imposer un compromis qu’une part importante de la population parisienne s’inquiète des
débordements et que les républicains sont eux-mêmes très divisés et n’ont pas de forces politiques capables
de s’opposer à des libéraux expérimentés.
— Deux jours de tractations permettront d’imposer le compromis libéral : maintien de la monarchie, avec
cependant des concessions importantes pour les libéraux, avec à sa tête Louis-Philippe d’Orléans, dont on
commence à vendre la candidature à la population à partir du 28 juillet. Le principal intéressé finit lui-même
par se rallier à cette solution, après que Charles X, le 31 juillet, cédant à la peur et comprenant que toute
résistance est devenue vaine, se soit enfui de la capitale.
— Les républicains furieux s’opposent d’abord à ce qu’ils voient, avec raison, comme un vol des fruits de
leurs efforts, mais la population préférera suivre la voie indiquée par les modérés. Le 31 juillet, La Fayette,
dont la popularité demeure immense, donne l’accolade au duc d’Orléans sur le balcon de l’hôtel de ville,
entérinant symboliquement le choix de Louis-Philipe comme monarque de remplacement.
— La monarchie de juillet débute officiellement le 7 août, avec l’adoption d’une révision de la Charte et la
proclamation officielle, consécutivement au vote de 219 députés contre 33 (près de 200 députés étaient
absents) en faveur de cette solution. La branche cadette des Bourbons, avec à sa tête un homme populaire, qui
a combattu dans les armées républicaines, prend la tête de la France. Si les radicaux enragent, ils n’ont
d’autre choix que de se soumettre à la volonté de la majorité. Une fois encore, les libéraux tirent les marrons
du feu.
— Ainsi, même s’il jouit d’une grande popularité au centre du spectre politique et que le reste de la France
acceptera sans grande difficulté son règne, Louis-Philippe, « roi des barricades » pour la droite, « roi de
pacotille » pour la gauche, sera toujours contesté.
2 – La monarchie de Juillet
2.1 – Les institutions
— Si la Charte de 1814 demeure le fondement constitutionnel de l’État après l’arrivée au pouvoir de LouisPhilipe, le changement du personnel politique, constitué essentiellement par l’ancienne opposition libérale de
la Restauration, de même que les modifications substantielles apportées à la Charte constitutionnelle
modifient sensiblement le caractère du régime.
— Ainsi, le caractère parlementaire de la monarchie est accentué par la suppression de l’article 14 sur les
ordonnances et du préambule de la Charte et l’association des Chambres à l’initiative des lois, relevant
auparavant de l’exécutif.
— Des changements symboliques accompagnent ce changement fondamental et permettent l’ajout de certains
éléments de la tradition républicaine. C’est ainsi que le drapeau tricolore remplace le drapeau blanc de la
monarchie. De même, alors que Charles X était roi de France, Louis-Philipe règne en tant que roi des
Français. Enfin, le fait que le catholicisme perde son statut de religion d’État, lequel redevient alors
clairement laïc, témoigne clairement du retour à une conception étatique s’appuyant sur le principe de la
souveraineté nationale.
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— Une série de réformes vise de même à accroître le pluralisme et le régime représentatif, en élargissant la
base électorale. Même si le système demeure élitiste, une loi de mars 1831 qui accorde l’élection du conseil
municipal aux plus imposés de chaque commune, permet d’impliquer plus de 2 millions de personnes dans le
processus. Cependant, les maires et les adjoints sont toujours nommés par les préfets ou, dans les villes, par le
roi.
— En avril 1831, la loi électorale est modifiée de façon importante, sans bien sûr permettre la mise en place
d’un système véritablement démocratique : les électeurs devaient dès lors avoir vingt-cinq ans au moins et
payer deux cent francs d’impôts directs et les éligibles devaient avoir trente ans et payer cinq cent francs
d’impôts. Quant aux députés, ils étaient désormais élus par quatre cent cinquante-neuf collèges électoraux,
dans le cadre d’un scrutin uninominal direct.
— Ainsi, le nombre d’électeurs de députés passa à 166 000 en 1831, mais progressa lentement par la suite,
sans parvenir à atteindre 250 000 à la fin du régime.
— Même si la Chambre des pairs, très impopulaire, car très aristocratique, n’est pas abolie, son importance
politique est réduite par l’abolition de l’hérédité de la pairie et les modifications concernant le processus de
nominations, ses membres étant désormais désigné par le roi. De sorte que le parlement prenait une plus
grande importance dans le système politique.
2.2 – Les forces politiques
— Dans ce contexte, et même s’il n’y a d’abord pas de partis politiques proprement dits, les députés étant
élus surtout en fonction de leur influence personnelle et familiale et dans une moindre mesure, de leurs idées,
les débats en chambre acquièrent une grande importance, même si les diverses tendances politiques se
manifestent aussi à l’extérieur de la chambre, dans la société civile et les journaux.
— Compte tenu du caractère encore largement élitiste du système, il va de soi que même les courants de la
« gauche radicale » demeurent très posés, ce qui va contribuer au développement de forces politiques extraparlementaires et par voie de conséquence, à un retour marqué de l’agitation révolutionnaire au fil du temps,
les classes populaires ne pouvant compter sur une représentation politique adéquate.
— Quatre tendances politiques peuvent être distinguées au cours de la période. D’abord, dans l’opposition, à
droite, on compte bien sûr les légitimistes, partisans de Charles X, réfugié en Angleterre puis en Autriche, qui
rejette un nouveau régime qui les confine à un rôle nettement diminué. Après la mort de Charles X, ils
reportent leur fidélité aux Bourbons sur le duc de Bordeaux, qu’ils nomment Henri V.
— Frappés de stupeur par l’effondrement rapide du système de 1814, ils ont d’autant plus de difficultés à
jouer un rôle politique qu’ils sont eux-mêmes divisés, alors que beaucoup s’abstiennent de toute participation
à la vie publique, pendant que d’autres tentent de s’organiser et de réagir en renouant avec la pratique de
sociétés secrètes, songeant sans toujours passer à des actes concrets à susciter des conspirations intérieures
ou, comme dans les années qui suivirent la révolution, à nouer des liens à l’extérieur, afin d’obtenir un appui
des cours européennes conservatrices.
— Un troisième groupe de légitimistes intègre cependant l’action politique, occupant le terrain légal contre le
nouveau régime et contre la personne de Louis-Philippe, vu comme un usurpateur du trône.
— Quoique leur influence politique diminue grandement, les légitimistes demeurent puissants et très capables
de se projeter dans l’opinion publique, entre autres grâce à leurs richesses, et ils disposent de nombreux relais
de presse à Paris (La Quotidienne ou la Gazette de France) et en province, où l’on assiste à une multiplication
de titres qui rappellent les anciennes provinces de France, rejetant jusque dans leur dénomination la France
départementale et la Révolution.
— Le légitimisme ne s’appuyait cependant pas que sur les membres de l’aristocratie, car si tel avait été le cas,
le courant aurait été très minoritaire. Son aire géographique d’influence est désormais traditionnelle pour lui :
l’ouest et le Midi. Dans cette première zone, il s’appuie sur une part significative d’un clergé catholique qui
reste méfiante envers les innovations politiques de la capitale, d’autant que de nombreux membres du
nouveau régime s’étaient illustrés au cours de la Restauration par la promotion d’un anticléricalisme virulent.
— Dans le Midi, le légitimisme a une clientèle populaire qui, par-delà le rejet de la nouvelle dynastie,
exprime la résistance de l’ancienne société aristocratique, rurale et artisanale, contre une société plus
moderne, individualiste et urbaine. En d’autres termes, il s’agit ici de la bonne vieille opposition régionale
nord-sud.
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— L’autre grande force d’opposition se situe bien sûr à l’autre extrême du spectre politique. On y trouve les
républicains convaincus, qui au début de la monarchie de juillet comprennent aussi les bonapartistes. Ce
courant est aussi très éclaté, comme en témoigne sa distribution géographique, essentiellement à Paris et dans
l’est de la France, ainsi que dans la ville de Lyon.
— Le courant républicain se décompose aussi en plusieurs tendances. Les plus modérés, qui défendent une
république s’inspirant du modèle américain, se montrent d’abord favorables à une collaboration avec la
monarchie de Juillet, mais au fil des années, en fonction du conservatisme croissant du système, ils s’en
détournent peu à peu.
— Le jacobinisme n’est pas mort et peut compter sur une certaine représentation à la chambre des députés.
Le programme jacobin se situe clairement dans la tradition égalitariste de la révolution, comme en témoignent
les revendications de retour au suffrage universel. Centralistes, les jacobins rejettent dans leur majorité les
méthodes extra-légales et s’en tiennent à la lutte parlementaire et strictement légaliste pour faire valoir leurs
opinions.
— Malgré leurs dissensions, les républicains partagent certaines orientations communes, en politique
étrangère, entre autres, où ils critiquent le refus du gouvernement de venir en aide aux mouvements nationaux
polonais et italiens, d’essence républicaine.
— Les républicains disposent de nombreux leviers pour assurer la diffusion de leurs points de vue, surtout
dans un cadre associatif qui renoue avec la tradition très jacobine des clubs politiques. Certaines de ses
associations sont antérieures à 1830, mais la plupart sont nouvelles, comme l’Association libre pour
l’éducation du peuple ou l’Association républicaine pour la défense de la liberté de la presse patriote et de la
liberté individuelle.
— La plus importante, solidement jacobine, fut la Société des droits de l’homme et du citoyen, très influente
en 1832-1833, qui avait recours à l’action légale, mais aussi violente, et était très populaire auprès de la
jeunesse estudiantine et des ouvriers.
— Au centre de ces deux tendances extrême se rassemblent les députés de la majorité, que l’on nomme les
partis dynastiques (car ils appuient le régime), que l’on peut diviser en deux groupes, qui seront les premiers à
s’organiser en formation politique partisane.
— À gauche d’abord, le Parti du mouvement vers la démocratie est légaliste et voit dans la révolution de
Juillet un point de départ pour de nouvelles réformes. Sans défendre le suffrage universel, les députés de cette
tendance souhaitent une extension du droit de vote et rejoignent les républicains dans leur réclamation d’une
politique d’aide aux peuples révoltés.
— Le principal appui de cette gauche modérée se trouve dans la petite bourgeoisie parisienne et de l’est du
pays. Très anticléricale et très méfiante envers les légitimistes, elle aura l’occasion de diriger le
gouvernement au début du régime et devra s’employer à freiner le mouvement révolutionnaire, avant d’être
rejeté dans l’opposition. C’est elle qui est à l’origine des lois visant à étendre le régime représentatif.
— Enfin, le Parti de la résistance (au mouvement révolutionnaire) formera le gouvernement à partir de 1831
et presque tout au long du régime de Juillet et conséquemment, il s’est rapidement identifié lui-même au
régime.
— Composée en premier lieu de libéraux opposés à la restauration, de hauts fonctionnaires ayant servi tous
les régimes et de gens promus à des fonctions politiques par la révolution de Juillet, cette tendance de centre
droit, tenant de la « loi et l’ordre », identifie les intérêts de la bourgeoisie dont elle issue et qui forme le pays
légal, c’est-à-dire le corps électoral, et ceux de l’ensemble de la nation. Elle mène une politique dite du
« juste milieu » entre le danger légitimiste et les nuances républicaines.
— Ces libéraux traditionalistes soutiennent l’idée d’un régime parlementaire limitant les interventions de
l’État et cherchant à garantir les initiatives individuelles. Cependant, se retrouvant à la tête du gouvernement,
ils seront contraints à l’opportunisme et à faire passer au premier plan le rétablissement de l’ordre et la
répression légale.
2.3 – Évolution politique
— Le même problème qu’en 1789 se pose aux nouveaux détenteurs des pouvoirs politiques. Après avoir
utilisé la pression populaire pour renverser Charles X, ils doivent freiner l’agitation révolutionnaire des
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masses, d’autant que nombreux parmi elles sont ceux qui soutiennent qu’encore une fois, la bourgeoisie a
volé les efforts du peuple.
— L’agitation révolutionnaire qui se poursuit pendant plusieurs mois après l’avènement du nouveau régime
se trouve favorisée par une liberté complète de la vie politique, en raison de l’affaiblissement de l’autorité et
de la situation souvent délicate des nouveaux administrateurs provenant de l’opposition libérale.
— Autre point commun avec le récent passé révolutionnaire, mais avec la période 1792-1794 cette fois, le
décalage entre Paris et la province, entre les aspirations des insurgés de Juillet et les nouvelles institutions.
D’autant que la crise économique est relancée par la révolution, qui a entraîné un ralentissement de la
consommation des classes dirigeantes urbaines et entravé le commerce extérieur en raison des craintes de
guerre, car la réaction des puissances européennes au renversement des bourbons inquiète. Le prix du blé et
du pain augmente grandement au printemps 1832, alors que le chômage sévit : les revenus baissent et le coût
de la vie augmente, conjonction funeste pour un pouvoir politique encore mal assis.
— À ces difficultés économiques s’ajoute un problème sanitaire important, alors qu’une épidémie de choléra
frappe le pays en 1832 et fait 20 000 morts à Paris seulement, surtout dans les quartiers populaires surpeuplés.
Mais les victimes ne se limitent pas qu’à la capitale, la maladie touchant surtout les villes ouvrières, dont
Lille, mettant ainsi en évidence un autre aspect de l’inégalité sociale, celle de l’individu devant la mort, même
si des membres de la haute société sont aussi touchés.
— Ainsi, l’agitation ne retombe pas. Si parfois elle est avant tout causée par la situation économique (comme
à Lyon à l’automne 1831, où une grève dégénère en insurrection, violemment réprimée par les pouvoirs
publics), la propagande républicaine, par les journaux et les clubs, attise bien souvent le mécontentement
populaire. Ce fut le cas au début juin 1832, alors que les funérailles du général Lamarque, député de la
gauche radicale, provoquent deux journées d’émeute dans les quartiers ravagés par le choléra.
— De sorte que rapidement, le gouvernement est contraint de serrer la vis et de réduire les libertés publiques
en promulguant des lois liberticides, comme celle d’avril 1834, encadrant les organisations de la société civile
et restreignant leurs activités, loi qui provoquera par ailleurs une autre émeute à Lyon, alors qu’une action de
police musclée parviendra à étouffer le feu insurrectionnel qui couvait à Paris.
— À l’opposé, les légitimistes aussi posaient problème, même si bien sûr leurs actions tournaient autour de
conspirations plutôt que de révoltes ouvertes. La plus grave d’entre elles concerna la duchesse de Berry,
belle-fille de Charles X, débarquée secrètement en avril 1832 sur les côtes de Provence, d’où elle gagna
l’Ouest pour tenter de soulever sans grand succès les paysans bretons et vendéens, avant d’être capturée et
emprisonnée. Pour le reste, leurs actions, déstabilisantes, mais peu efficaces, visaient à affaiblir le régime en
attaquant la légitimité du roi.
— Les élections de 1831 et 1834 avaient donné une majorité favorable au régime et aux partisans du maintien
de l’ordre, car l’opinion publique s’inquiétait de la persistance de l’agitation populaire. Dans ce contexte,
l’attentat de juillet 1835 contre le roi (qui causa la mort de 18 personnes) servi de prétexte à un tour de vis
sécuritaire. La loi de septembre 1835, réprimant les délits de presse et la propagande anticonstitutionnelle,
favorisa la stabilisation politique et ouvrit la porte à une décennie plus calme, malgré quelques crises.
— La période 1835-1840 étant moins dominée par le souci de l’ordre, les partisans du régime se divisent en
plusieurs tendances, rendant difficile la gouvernance de l’État. Les ministères Thiers (1836) et Molé (18361839) furent le théâtre d’une constante recomposition des forces gouvernementales, alors que le roi lui-même
se mêlait de plus en plus fréquemment de la gestion gouvernementale.
— Les élections de février 1839 sanctionnèrent la classe politique dominante et cette implication jugée trop
importante du monarque, sans parvenir à donner en chambre une majorité cohérente et il fallut encore une
menace sociale (l’émeute du 12 mai 1839 provoquée par les blanquistes) pour mettre fin à la crise
ministérielle en faisant taire les dissensions de la classe politique.
— Thiers reprend le poste de président du conseil en 1840 et mène une politique très nationaliste, dont
l’illustration la plus remarquable est le retour des cendres de Bonaparte en 1840. Cependant, le ressort
nationaliste ne fonctionne pas très longtemps et c’est encore une fois la reprise de l’agitation qui vient à bout
de Thiers. Grèves et manifestations de la gauche radicale inquiètent l’opinion bourgeoise, qui craint la
révolution et la guerre, alors que des tensions internationales opposent la France et la majorité des États
européens sur la question d’Orient.
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— Le prochain cabinet, formé en octobre 1840, devait être un cabinet de transition, mais il dura jusqu’en
1848. Il est d’abord dirigé par le maréchal Soult, même si c’est Guizot qui dirige en fait, avant de remplacer
officiellement le maréchal en 1847.
— Après avoir apaisé la situation internationale, et malgré des difficultés financières récurrentes, la mort
accidentelle du duc d’Orléans en 1842, le regain de l’opposition légitimiste et les lenteurs de la conquête
d’Algérie, le gouvernement Guizot parvient peu à peu à stabiliser sa position. Il est aidé en cela par l’appui du
roi, de même que celui des Chambres, en dépit de la faible majorité dont il dispose jusqu’en 1846, mais aussi
par la prospérité économique. Dans ce contexte, l’opposition est trop divisée pour s’unir sur un programme
positif et se contente de dénoncer la politique extérieure.
— Guizot gouverne en opportuniste, plus admiré qu’aimé et ne tenant compte que de l’opinion du pays légal.
Vue généralement comme un moindre mal, son autorité tient à l’impossibilité de mener une autre politique
sans modifier la constitution. Pour s’assurer ses majorités, il recourt au clientélisme, accordant des avantages
aux départements qui votent du bon côté, entraînant une augmentation de la corruption.
— Le vent se lève à partir de 1846, alors que les élections d’août voient l’opinion se diviser en deux
tendances : d’un côté, les conservateurs, qui ont bénéficié d’une croissance économique qui satisfait la
bourgeoisie provinciale et qui a profité aussi des pressions administratives et de l’autre, les opposants, de
droite comme de gauche.
— Le premier groupe demeure pourtant majoritaire, avec 291 députés contre 168 opposants de toutes
nuances. Mais Paris est surtout représenté par des députés du second groupe, solidement situés à gauche,
traduisant un divorce menaçant entre la capitale et le gouvernement. Cela étant, sa forte majorité permet à
Guizot de réduire l’opposition à la Chambre des députés, où tous les projets de réforme échouent. Exclue du
jeu politique, l’opposition s’exprime alors davantage hors du parlement.
— Dans ce contexte, les intérêts locaux ou personnels dominent de plus en plus et le ministère, qui ne tient
pas compte de l’opinion, transforme la stabilité en immobilisme, ce qui exaspère l’opposition, d’autant plus
que la stabilité du ministère lui permet de demeurer en place longtemps.
— Devant l’échec de différents projets de réformes présentés devant les Chambres en 1846 et visant à élargir
l’assisse populaire des institutions politiques, les opposants au régime décident de changer de tactique,
comprenant l’impossibilité de parvenir au pouvoir par la voie électorale sans modifier le régime des élections.
— Les radicaux acceptent d’atténuer leurs revendications afin de mener avec l’opposition dynastique et le
centre gauche une campagne en faveur de la réforme électorale. À partir de juillet 1847, des banquets
réunissent, dans les grandes villes du Nord et de l’Est, des électeurs, des membres des professions libérales,
autour de journalistes et de députés d’opposition, afin de faire abaisser le cens à cent francs. Même si de cette
façon le corps électoral ne comprendrait qu’un demi-million d’électeurs, la petite bourgeoisie libérale y
jouerait désormais un rôle majoritaire.
— Se déroulant d’abord selon les formes légales, ces banquets dégénèrent après celui de Lille, en novembre
1847, qui voit des radicaux exiger le suffrage universel, alors que de son côté, le ministère refuse toute
concession. Et craignant des débordements, il interdit le banquet de clôture prévu pour le 22 février 1848 à
Paris.
— Les radicaux organisent une manifestation pour protester contre l’interdiction du banquet, fournissant ainsi
aux sociétés secrètes une occasion d’agir. Le 22 février, tandis que 155 députés déposent à la Chambre une
mise en accusation des ministres, quelques accrochages se produisent entre gardes municipaux et étudiants ou
ouvriers. Des barricades s’élèvent et la base de revendication s’accroit : ce n’est pas seulement le
gouvernement que les manifestants critiquent, mais le régime lui-même.
— Sous la pression de son entourage, le roi demande à Guizot sa démission, mais personne ne parvient à
constituer une majorité gouvernementale, pendant que l’émeute se développe à la suite d’une fusillade qui fait
52 morts. Le 24 février, l’émeute devient révolution et l’on compte près de 500 barricades dans Paris.
— Le maréchal Bugeaud, commandant les troupes, lance une offensive contre les manifestants, puis ordonne
de cesser le feu, car le roi a abdiqué en faveur de son petit-fils et abandonné les Tuileries, occupé et saccagé
par la foule. Il a désigné la duchesse d’Orléans comme régente, mais lorsque celle-ci se présente à la
Chambre des députés avec ses fils, les insurgés s’y rendent, suivis par la foule, obligeant la duchesse et la
majorité des députés à s’enfuir. Seule l’annonce d’un gouvernement provisoire républicain apaise l’émeute.
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3 – Économie et société sous la monarchie de Juillet
3.1 — Économie
— Entre 1830 et 1845, la France connaît une période d’importante expansion économique, qui s’appuie entre
autres sur la croissance démographique et la croissance de la production. Au cours de cette période, le revenu
national augmente de 2,5 % par année en moyenne, soit le double du taux de croissance de la décennie
précédente (1825-1835).
— Les moyens de transport se développent de façon considérable, avec une expansion des chemins
carrossables et surtout l’expansion du système ferroviaire, même si dans un premier temps, jusqu’en 1837, la
population et les milieux financiers ne perçoivent pas l’importance de cette innovation.
— Une loi de juin 1842 règle les conditions de construction des grandes lignes, qui sont concédées à des
compagnies constituées en sociétés anonymes, alors que l’État se charge de l’expropriation des terrains
nécessaires et des travaux d’infrastructure. De sorte que s’il n’y avait en France que 570 km de voies ferrées
au moment de l’adoption de cette loi, le réseau en 1848 compte près de 2 000 kilomètres. La ligne la plus
importante relie Paris à la Belgique, en passant par les bassins houillers du Pas-de-Calais.
— La construction de chemins de fer stimule la métallurgie, qui utilise encore principalement le charbon de
bois comme carburant. Mais le nombre de hauts fourneaux à coke passe de 41 en 1840 à 107 en 1847. Ils
produisent alors 45 % de la fonte française.
— Le développement de l’industrie lourde favorise la concentration de la production entre quelques grands
consortiums, souvent familiaux. De même, des sociétés se constituent pour drainer l’épargne et financer ces
grands travaux, comme la Caisse générale du commerce et de l’industrie
— La progression de la production de charbon est importante (5 millions de tonnes en 1847), mais
insuffisante pour combler les besoins, alors que l’industrie textile se développe très bien, grâce à une
mécanisation accrue, particulièrement dans le nord-est du pays, comme à Rouen et à Lille.
— L’agriculture progresse également au cours de cette période, entre autres grâce à l’amélioration des
transports, qui favorise la commercialisation des produits agricoles et améliore le rendement économique du
secteur agricole.
— La production s’accroît, autant grâce à l’amélioration de la productivité (conséquence de la mécanisation,
comme les machines à battre le grain, mais aussi au recours plus fréquent au fumier), qu’à la mise en valeur
de terres jadis impropres à l’agriculture (par le drainage des zones trop humides).
— Les progrès scientifiques permettent aussi l’amélioration des techniques d’élevage, par la sélection des
races et le développement des prairies artificielles et des plantes fourragères.
— La petite propriété continue de dominer les campagnes, le paysan étant plus soucieux d’acheter de la terre
que d’améliorer celle qu’il possède, mais un capitalisme agricole se développe dans certaines régions comme
en Flandre, en Limagne, en Beauce et en Brie.
— Mais ces transformations sont très inégalement réparties et elles profitent surtout aux régions déjà riches.
Le déséquilibre entre la France du Nord et de l’Est, dynamique et productive, et celle du sud de la Loire, qui,
à l’exception de quelques foyers, prend un retard économique, s’en trouve accentué.
— D’autant qu’à partir de 1846, les choses se gâtent, entre autres à cause de facteurs incontrôlables. La
récolte de 1846 est mauvaise et oblige à recourir à l’importation de blé, de Russie surtout, diminuant les
liquidités sur le marché. De même, l’enchérissement des produits alimentaires provoque une réduction de la
consommation des biens industriels, qui se répercute sur l’emploi et entraîne un chômage important,
particulièrement dans l’industrie textile. Par exemple, au printemps 1847, à Roubaix 8 000 des 13 000
ouvriers du secteur sont en chômage.
— À ces facteurs conjoncturels, il faut ajouter les difficultés d’adaptation des structures financières à une
économie qui s’industrialise. Dans le domaine de la construction ferroviaire, par exemple, fer de lance du
développement économique, l’engouement pour les actions des compagnies et la sous-estimation du coût des
travaux ont fait monter les actions à des cours démesurés. Mais rapidement, dès 1847, le manque de liquidité
de ces entreprises les oblige à faire des appels de fonds qui provoquent l’éclatement d’une bulle spéculative,
entrainant la faillite de nombreuses banques, la suspension de plusieurs compagnies de construction et la
ruine de nombreux épargnants.
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— Ainsi, la crise a ruiné de nombreuses familles bourgeoises qui rejettent la responsabilité de leurs difficultés
sur le gouvernement. Les troubles sociaux qui affectent les campagnes, comme les pillages en Normandie,
provoquent une peur sociale qui est aggravée par l’agitation ouvrière.
— La bourgeoisie, maîtresse politique et économique du pays, ressent le malaise à la fois comme victime et
comme témoin et les manifestations bruyantes des basses classes dans la rue ou sur les chemins des
campagnes menacés par des bandes de mendiants l’inquiètent, entraînant une perte de confiance dans les
institutions, alors que les exclus de la croissance se mobilisent, une fois encore, pour tenter d’obtenir un
nouveau partage du pouvoir politique et des possibilités économiques.
3.2 – Agitation sociale
— Car il va sans dire que les progrès économiques remarquables de la décennie 1835-1845 sont inégalement
répartis entre les groupes sociaux. La bourgeoisie d’affaires, minoritaire parmi les élites dirigeantes, joue un
rôle qui lui assure de plus en plus la domination sur la politique économique. D’autant que la bourgeoisie
foncière et l’aristocratie investissent lentement leurs capitaux dans les affaires industrielles et préfèrent les
placer dans des fonds d’État, encore prisonniers d’une logique essentiellement rentière.
— La population de la France, qui s’élève alors à plus de 35 millions de personnes (1846), demeure encore en
majorité composée de paysans, dont les conditions économiques sont difficiles. Si le nombre de petits
propriétaires augmente, nombreux sont ceux parmi eux qui sont lourdement endettés, l’usure étant l’un des
grands maux de la société rurale.
— Pour leur part, les ouvriers sont encore en majorité des artisans. Des sociétés de secours mutuels, parfois
inspirées par les patrons, parfois servant de façade à des associations ouvrières illégales, apparaissent et
constituent une première forme d’organisation ouvrière.
— Les ouvriers des manufactures sont minoritaires, mais leurs conditions demeurent très pénibles et
s’illustrent entre autres par l’emploi d’enfants très jeunes et de jeunes filles. Plusieurs études mettent en
lumière la dureté de leur existence, que prélats et sympathisants légitimistes s’emploient à dénoncer dans des
textes qui tiennent sans doute moins à leur sympathie pour ces déclassés qu’à leur hostilité à l’endroit de la
bourgeoisie orléaniste, jugée responsable de la situation.
— Surtout, s’inscrivant dans un courant déjà ancien, les premiers théoriciens socialistes, alertés par la
situation ouvrière, commencent à réclamer une organisation rationnelle de la société, par opposition au
libéralisme, qui constitue l’idéologie officielle de la bourgeoisie orléaniste. Utopistes issus de milieux
généralement aisés, ils sont cependant très peu en contact avec les ouvriers et s’intéressent beaucoup plus aux
aspects idéologiques de l’organisation sociale qu’aux problèmes concrets auxquels est confrontée la
population ouvrière.
— Le saint-simonisme, qui a éclaté en plusieurs directions après la dispersion de la communauté de
Ménilmontant au début des années 30 et qui avait dégénéré selon certains en une sorte de secte religieuse, a
néanmoins lancé l’idée d’organisation et d’association, qui sera reprise par un autre grand nom du socialisme
utopique français, Charles Fourier.
— Les idées de Fourier furent à leur tour reprises et vulgarisées par Victor Considérant, utilisant son journal
La Démocratie pacifique pour promouvoir les thèmes principaux du socialisme de l’époque, dont le droit au
travail et l’idéologie coopérative. Le fait que le premier gouvernement de la seconde république ait dans un
premier temps envisagé l’inclusion du droit au travail dans la constitution témoigne par ailleurs de la grande
influence de ces premiers socialistes, au moins dans une partie de la population.
— Les années 40 verront la grande implication de Pierre-Joseph Proudhon, l’un des rares théoriciens
socialistes d’origine populaire. Son ouvrage Qu’est-ce que la propriété?, publié en 1840, est considéré par
certains théoriciens de l’anarchisme comme le premier du genre.
— Proudhon, qui demeura sceptique devant la révolution de 1848 et ses suites, voyant clairement le manque
d’intérêt des meneurs politiques pour une réforme socio-économique qu’il considère comme étant plus
importante que les réformes politiques, fut le premier à se définir anarchiste. S’opposant cependant à la
violence, il participera aux débats parlementaires, étant élu à l’Assemblée nationale en juin, avant de passer
trois ans en prison pour « offense au président de la République », pris à parti fréquemment dans ses écrits.
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— Outre ses activités parlementaires, il s’implique dans le mouvement coopératif, en fondant par exemple la
Banque du Peuple en 1849, mais à cause de sa condamnation et de son long séjour en prison, le projet ne
fonctionnera pas longtemps.
— Le socialisme démocratique est bien représenté par Philippe Buchez, dont le socialisme chrétien est
davantage fondé sur l’idée de coopération que sur l’abolition de la propriété et surtout par Louis Blanc, qui
publie en 1839 L’Organisation du travail, dans lequel il réclame pour l’État une implication économique
importante, passant par l’organisation de l’activité économique et la création d’ateliers nationaux. Ce courant
se distingue des autres formes de socialisme par la priorité qu’il accorde aux transformations politiques,
comme en fait foi sa revendication du suffrage universel. Cette orientation permet par exemple à la fin de la
monarchie de Juillet une alliance étroite entre socialistes démocrates et républicains radicaux comme LedruRollin, qui collaborent à la rédaction du journal La Réforme.
— Le communisme fait aussi son apparition dans les années 1840, avant d’être popularisé par Marx et son
Manifeste du parti communiste. Visant à un partage des biens, le communisme inspire des théoriciens rêvant
d’un communisme humanitaire (Constantin Pecqueur), des communistes égalitaires (Étienne Cabet) (auteur
d’un Voyage en Icarie en 1840), héritiers de la pensée du XVIIIe siècle, qui influent sur la partie la plus
avancée de la classe ouvrière à Paris, et des communistes matérialistes se rattachant à la tradition de Gracchus
Babeuf. Le plus influent d’entre eux est Auguste Blanqui, moins théoricien que tacticien de l’insurrection et
des sociétés secrètes.
3.3 – Évolution artistique
— La période voit d’abord le triomphe artistique du romantisme, qui avait déjà, avant 1830, vu s’affirmer, à
côté du courant initial catholique et ultra-royaliste (représenté encore après 1830 par Alfred de Vigny, héritier
de Chateaubriand), un courant non conformiste, plus révolutionnaire et rejetant la société établie et la culture
classique.
— Le romantisme anime tous les domaines de la vie intellectuelle et artistique et continue à inspirer la poésie
lyrique qui donne une expression littéraire au désarroi moral, plutôt que social, d’une jeunesse bourgeoise
étrangère par son mode de vie à la misère populaire (Hugo, Musset et Lamartine, par exemple).
— Ce romantisme est aussi à la base des travaux des grands historiens de l’époque, qui cherchent davantage à
faire revivre le passé qu’à l’analyser véritablement, comme Augustin Thierry et surtout Michelet. Par ailleurs,
dans le domaine de l’analyse sociale et politique, la période voit la publication de l’important texte d’Alexis
de Tocqueville La Démocratie en Amérique (1835-1839), qui présente une sociologie anticipée de la société
nouvelle.
— Mais le romantisme s’essouffle à partir des années 40, avec la détérioration de la situation économique,
mais aussi l’arrivée à maturité de certains auteurs romantiques, dont le regard sur le monde change en faveur
d’une analyse plus matérialiste qui annonce le réalisme. L’échec des Burgraves de Victor Hugo en 1843 est
généralement considéré comme l’un des moments forts de ce changement, alors qu’en opposition avec ce qui
est présenté comme la mode de l’engagement des écrivains dans les questions actuelles, un Théophile Gautier
formule sa doctrine de « l’art pour l’art ».
— De nombreux écrivains dépassent le romantisme par un souci de plus en plus poussé de la description du
réel. Sainte-Beuve fonde la critique littéraire moderne en France et si Stendhal se soucie surtout d’analyse
psychologique, son œuvre contient une forte analyse sociale sous-jacente.
— Cependant, la lourdeur sociale des textes des années 1840 n’est pas du goût de tous, car le public se porte
beaucoup vers les romans-feuilletons d’Alexandre Dumas ou d’Eugène Sue, vers le mélodrame, popularisé
par l’acteur Frédérick Lemaître, et aussi vers le vaudeville.
— L’art romantique s’inspire aussi de la vie contemporaine et la lithographie, qui diffuse la nouvelle
sensibilité, influe sur le goût artistique et vulgarise toute l’œuvre satirique de Daumier, ainsi que la légende
napoléonienne, illustrée notamment par Nicolas Charlet et Denis Raffet.
— La peinture romantique est dominée par Delacroix (1798-1863). Déjà célèbre en 1830, il renouvelle son
inspiration par un voyage en Algérie et au Maroc. D’autres courants inspirent la peinture française : Ingres
continue une carrière académique qui le conduit à la direction de la villa Médicis à Rome et à la décoration de
châteaux royaux. Son art du portrait fait revivre les personnages de son temps, qu’il s’agisse de la Malibran
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dont la voix d’or avait enthousiasmé l’Europe, ou de Bertin l’Aîné, propriétaire et directeur du célèbre
Journal des débats.
4 – La Seconde république (1848-1852)
4.1 – Le républicanisme à l’épreuve des faits
— La révolution de février 1848 a triomphé sans grande difficulté d’une monarchie de Juillet qui s’est
effondrée sans se défendre et l’abdication du roi a provoqué le ralliement de l’ensemble des catégories
dirigeantes à la République, qui à la différence de 1830, n’avait pas de compétiteur idéologique. L’idée
monarchique semble alors complètement épuisée.
— L’opportunisme de certains députés, qui se découvrent alors une passion républicaine d’un côté, et le
radicalisme d’une minorité active, pour qui république rime avec 1793, expliquent la confusion des premiers
mois et portent aussi le germe du retour de balancier qui surviendra quelques années à peine après ce nouvel
élan d’enthousiasme républicain.
— Après l’abdication du roi et l’arrivée de manifestants à la Chambre des députés, plusieurs parmi ces
derniers annoncent l’établissement d’un gouvernement provisoire composé surtout de libéraux, mais aussi de
quelques radicaux, comme Louis Blanc, qui s’installe à l’Hôtel de Ville, d’où est proclamée la république.
— Tout en s’efforçant d’apaiser les insurgés, le gouvernement provisoire prend rapidement de nombreuses
décisions : ouverture à tous les citoyens de 21 à 55 ans de la garde nationale, convocation d’une constituante
au suffrage universel, garantie de la liberté de presse et de réunion, abolition de la peine de mort pour raisons
politiques, etc. Sur le plan symbolique, le gouvernement provisoire refuse la demande des radicaux d’adopter
le drapeau rouge comme emblème national.
— Mais la présence de Blanc et de certains radicaux de gauche au sein du gouvernement se fait sentir par
l’adoption de mesures à caractère social : suppression de l’esclavage dans les colonies, proclamation du droit
au travail, même si la définition en reste confuse et qui devra être précisé par une commission d’ouvriers et de
patrons et réduction de la durée de la journée de travail à 10 heures à Paris et 11 heures en région.
— Le changement de régime provoque dans l’immédiat un rebond de la crise économique, d’autant que les
nouveaux journaux et les clubs révolutionnaires terrorisent la bourgeoisie par leurs proclamations, même si
elles demeurent généralement sans suite.
— Afin de résorber une partie du chômage, dont le maintien menace la stabilité politique, le gouvernement
ouvre des ateliers nationaux, alors que la précaire situation des finances publiques l’oblige à augmenter les
impôts de près de 50 %, suscitant la colère de la province et des paysans.
— Ce dernier point, allié au renouvellement de l’administration des départements, où des commissaires
remplacent les préfets, contribue à établir un décalage entre la province et Paris. Dans la capitale, les forces
populaires restent maîtresses de la rue et réclament des mesures sociales, alors qu’en province, on se méfie
des décisions et de l’influence parisiennes.
— Les élections à la constituante du 23 avril sont favorables aux républicains modérés. La population a
participé en masse (84 % des électeurs inscrits ont voté) à ces élections au suffrage universel. Les 900 élus
comptent un peu moins de 500 républicains modérés, près de 130 légitimistes ou catholiques, 170 anciens
orléanistes et environ une centaine de radicaux et de socialistes.
— Malgré des émeutes à Limoges et Rouen, la transition s’opère dans le calme et l’Assemblée constituante,
réunie le 4 mai, désigne une Commission de cinq membres, qui succède au gouvernement provisoire et de
laquelle les socialistes sont exclus.
— C’est pourquoi ces deniers tentent de passer en force le 15 mai en organisant des manifestations
importantes auxquelles la majorité refuse de s’associer. Les meneurs du mouvement sont arrêtés, mais la
tentative a donné des munitions aux conservateurs républicains et entraîne l’abandon des mesures les plus
radicales qui avait d’abord été proposé, dont la nationalisation des chemins de fer et la mise en place d’un
impôt progressif.
— Alors que les élections complémentaires de juin renforcent le camp conservateur et mettent en évidence la
popularité de Louis Napoléon Bonaparte, les difficultés financières du gouvernement entraînent la
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suppression des ateliers nationaux de Paris, provoquant une grave insurrection à Paris à la fin de juin. En
réponse, l’Assemblée supprime la Commission exécutive et la remplace par un chef du pouvoir exécutif,
consacrant la fin de l’idéalisme révolutionnaire.
4.2 – La république conservatrice (1848-1851)
— Le général Cavaignac, chef de l’exécutif, met alors en place un gouvernement composé de républicains
conservateurs, alors que la répression s’abat sur les meneurs des journées de juin. 3 000 insurgés sont
emprisonnés ou déportés en Algérie, alors que des lois limitent la liberté des clubs et de la presse.
— Les élections municipales et des conseils généraux de l’été donnent aux conservateurs une majorité
importante, d’autant que légitimistes et orléanistes se sont unis contre les radicaux, pour la défense de l’ordre
social, donnant naissance au « parti de l’Ordre ».
— Cette configuration pèse sur l’élaboration de la constitution, adoptée le 4 novembre 1848 par 733 voix
contre 42, qui donne le pouvoir exécutif à un président de la République, élu au suffrage universel pour
quatre ans, et le pouvoir législatif à une assemblée unique élue pour trois ans. Le remplacement du droit au
travail par un droit à l’assistance donne une bonne idée du glissement vers la droite.
— L’élection présidentielle de décembre, fait ressortir la division entre républicains conservateurs
(Cavaignac obtient 20 %) et radicaux (Ledru-Rollin obtient 5 %), pendant que les socialistes peinent à
rassembler 1 %.
— Le courant populaire est exploité par des éléments conservateurs (le parti de l’Ordre ne désignant pas de
candidat) en faveur de Louis Napoléon Bonaparte, qui triomphe avec près de 75 % des suffrages exprimés, ce
qui lui confère l’aura d’un élu du peuple.
— Cette victoire de Bonaparte constitue un désaveu clair de la politique menée depuis février, confirmé
partiellement par les élections de 13 mai 1849, qui voient le parti de l’ordre (légitimistes, orléanistes,
bonapartistes et républicains modérés) remporter 55 % des voix et obtenir un peu moins de 500 députés, alors
que les démocrates socialistes, menés par Ledru-Rollin, obtiennent 35 % des voix et 180 élus, surtout dans les
régions industrielles. Les quelque 70 députés restants allèrent à une autre tendance républicaine. À Paris, les
sièges sont partagés par les deux camps, avec entre autres Victor Hugo pour les conservateurs et Ledru-Rollin
pour les démocrates.
— Les conservateurs sont inquiets du succès relatif des démocrates et prendront prétexte des manifestations
organisées par la Montagne en juin qui dégénèrent en insurrection pour liquider cette opposition
démocratique : menacé d’arrestation, Ledru-Rollin s’enfuit à Londres, pendant que d’autres députés sont
poursuivis et emprisonnés. L’état de siège fut proclamé à Paris et à Lyon et six journaux radicaux furent
suspendus.
— Ayant éliminé les radicaux et les socialistes, le parti de l’Ordre profite de sa situation pour prendre un
tournant conservateur en faisant voter diverses lois, l’une assurant la « liberté d’enseignement », mais qui
profitera surtout à l’enseignement catholique, une autre établissant une surveillance étroite des instituteurs
suspects de propagande socialiste
— Surtout, après les élections de mars 1850, qui sont plus favorables aux démocrates, l’assemblée modifie la
loi électorale en réduisant le suffrage universel : pour être électeur, il faut payer la taxe personnelle depuis
trois ans dans la commune, ce qui permet d’éliminer les tiers des électeurs. Enfin, une loi du 16 juillet 1850
réduit la liberté de la presse.
— Fort de son appui populaire, le président mène une politique personnelle, multipliant les voyages en
province et réunissant peu à peu un groupe comprenant, outre ses fidèles, des libéraux restés à l’écart du parti
de l’Ordre et des représentants du milieu des d’affaires, pendant que le prestige de son nom et diverses
mesures favorisent les relations entre l’armée et celui qu’on commence à appeler le « prince Louis
Napoléon ». La Société du 10 Décembre apparaît comme le noyau d’un grand parti napoléonien comptant à
Paris boutiquiers, petits rentiers et ouvriers, auquel se joignent des modérés du parti de l’Ordre, déçu par le
tournant conservateur.
— Celui-ci se trouve alors de plus en plus dominé par les éléments favorables à une autre restauration
monarchique et est à la recherche d’un candidat, après la mort de Louis-Philipe. Mais orléanistes et
légitimistes continuent à s’opposer, favorisant la consolidation du parti napoléonien.
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— La situation était compliquée par la loi constitutionnelle, qui ne permettait pas à Louis Napoléon de voir
son mandat renouvelé en 1852. Du côté démocrate, on craint le pouvoir grandissant du « prince-président » et
divers événements accentuent la pression révolutionnaire des radicaux tout au long de l’année 1851, suscitant
bien sûr le retour d’une peur révolutionnaire.
4.3 – Vers le Second Empire
— Le président canalise à son profit cette peur de la révolution et il entreprend une grande campagne de
propagande en vue d’obtenir une révision de la Constitution qui lui permettrait d’être rééligible. Une
campagne de pétitions menée dans tout le pays permet de réunir un million de signatures, qui sont déposées à
l’Assemblée.
— Bien que la révision de la Constitution fût acceptée par une grande partie des légitimistes et des
orléanistes, il n’y eut que 446 députés pour accepter la révision contre 270, le 19 juillet. Ainsi, la majorité des
trois quarts des voix (543), requise par la Constitution ne fut pas atteinte et l’article 45 interdisant la
rééligibilité fut maintenu.
— Pour rallier l’opposition démocrate et déconsidérer les conservateurs qui s’opposent à lui, Louis Napoléon
demande l’abolition de la loi électorale de 1850 qui avait amputé le suffrage universel. L’Assemblée s’y
refusa, à sept voix de majorité seulement, permettant au président de se présenter comme un grand
démocrate, dans l’espoir de rallier ainsi une majorité de modérés conservateurs et de modérés républicains.
— Devant le regain d’agitation des socialistes et des radicaux, Louis Napoléon, qui peut compter sur le
soutien indéfectible des forces armées, fixe la date de son coup d’État au 2 décembre, anniversaire
d’Austerlitz.
— Des affiches, imprimées dans la nuit du 1 er au 2 décembre, reproduisent un « appel au peuple et aux
soldats » ainsi que deux décrets : l’un dissout l’Assemblée nationale, rétablit le suffrage universel et décrète
l’état de siège, pendant que l’autre appelle les Français à un plébiscite pour reconnaître l’autorité de Louis
Napoléon.
— Au matin, les députés républicains sont arrêtés, alors que des députés monarchistes tentent de résister,
mais ils sont rapidement arrêtés à leur tour. Un Comité de résistance républicain où entre Victor Hugo tente
de soulever le peuple parisien et des barricades sont dressées, avant d’être rapidement démantelées sans
grande résistance. À Paris, il n’y eut pas de soulèvement populaire.
— La résistance violente fut surtout le fait de paysans et s’étendit du 3 au 8 décembre, un peu au nord du
pays et dans quelques régions du sud-ouest, mais la principale résistance se manifesta dans le sud-est. Mais
l’opposition fut vite réduite : 32 départements furent mis en état de siège et 27 000 personnes furent arrêtées,
dont 10 000 furent condamnées à la déportation et 259 envoyés aux travaux forcés.
— Le mouvement républicain sortit de l’opération décapité et affaiblit pour longtemps, pendant que la
propagande gouvernementale présenta les actions de Bonaparte comme une nécessité face à la subversion
socialiste, ce qui permit de rallier les conservateurs et le clergé.
— Un nouveau ministère est constitué le 4 décembre, alors que le plébiscite de la fin de décembre, qui
demandait des pouvoirs constitutionnels pour Louis Napoléon, rassembla l’approbation de 7,5 millions de
personnes, le non réunissant 650 000 votants. À Paris, le vote fut plus serré, avec 132 000 « oui » contre
80 000 « non ».
— Dès le 14 janvier 1852, une Constitution, qui reprenait les grandes lignes de la constitution napoléonienne
de l’an VIII fut proclamée. Le prince-président obtenait le gouvernement de la République française pour
10 ans et disposait de l’initiative de la promulgation des lois.
— La répression toucha durement la presse et la plupart des journaux républicains disparurent. De nouveaux
décrets en février et mars 1852 retirèrent toute liberté à la presse, placée sous le contrôle d’un ministère de la
Police, rétabli le 22 janvier 1852.
— Une grande campagne de propagande fut menée pour le rétablissement de l’Empire : Louis Napoléon
voyageant à travers la France à l’automne 1852 est accueilli par les cris, pas toujours spontanés, de « Vive
l’Empereur! ». Afin de rassurer les puissances étrangères, dont l’inquiétude est compréhensible, il déclare
« L’Empire, c’est la paix. » Puis un décret approuvé par plébiscite les 21 et 22 novembre 1852 rétablit la
dignité impériale. L’Empire est officiellement restauré.
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5 – Politique étrangère (1830-1848)
— Les Trois glorieuses ont provoqué une grande inquiétude chez les partenaires européens, qui craignent le
revanchisme du courant républicain. Cela étant, outre le fait que le républicanisme est minoritaire à ce
moment, la France en 1830 n’est de toute façon pas en mesure de partir en guerre en Europe, d’autant qu’elle
est déjà impliquée en Algérie.
— De sorte que, passé ce premier moment de frayeur, les puissances européennes se rallieront au
renversement de Charles X, qui fait place par ailleurs à un monarque constitutionnel posé et réfléchi qui, de
toute évidence, ne partage pas la rancœur de la frange républicaine. De 1830 à 1831, les gouvernements
européens se rallient donc au choix des Français et reconnaissent la légitimité de Louis-Philippe.
— Dans l’ensemble, la monarchie de juillet pourra poursuivre en Europe la politique de bonne entente du
précédent régime. La révolution belge de 1830 constitue d’ailleurs le premier test pour le nouveau
gouvernement français.
— Alors qu’une part significative de l’opinion belge, et bien sûr de l’opinion française, se montre favorable à
un rattachement de la Belgique à la France, il n’est pas question pour le roi de chercher à récupérer la
Belgique, ce qui serait perçu comme un acte hostile par le Royaume-Uni.
— C’est pourquoi il va favoriser l’indépendance, mais aussi la neutralité de la Belgique, en refusant pour luimême la couronne qui lui est proposée et en participant avec les autres puissances européennes à un intense
ballet diplomatique qui aboutira à l’indépendance du pays sous la conduite d’un monarque constitutionnel
proposé par les Anglais, mais de souche allemande, Léopold de Saxe et en juin 1831, le congrès national
belge porte ce dernier sur le trône à une forte majorité.
— En faisant ainsi montre de son pacifisme, autant au moment de la proclamation de l’indépendance belge
que lors de la guerre d’indépendance qui suivra et qui opposera la Belgique aux Pays-Bas, la France de
Louis-Philipe parviendra à s’imposer comme une puissance neutre et raisonnable, favorable au maintien de la
paix en Europe.
— Cette politique de neutralité bienveillante à l’endroit de certains mouvements insurrectionnel sera aussi à
la base de la diplomatie française en ce qui concerne la Pologne, longtemps alliée de la France et qui en 1830
se soulève contre l’occupation de son territoire, mais principalement contre la Russie de Nicolas 1 er. À la
différence du cas belge, cependant, la distance géographique de la Pologne fera en sorte que, en dépit de
violentes critiques formulées par la gauche en chambre, le gouvernement ne s’impliquera pas dans le
règlement de la crise, qui se solde par l’écrasement des insurgés.
— Il en sera de même avec les troubles en Italie du début des années 1830, alors que Paris laissera les
Autrichiens régler le problème par la force. De sorte que partout en Europe, la France de Louis-Philippe s’en
tient à la diplomatie de la Restauration, qui prônait l’entente entre les grandes puissances.
— La période voit aussi un rapprochement avec le Royaume-Uni, alors qu’apparaît pour la première fois
l’expression d’Entente cordiale entre les deux grands rivaux, avec cependant des résultats mitigés, les
relations oscillant continuellement au cours des deux décennies de la monarchie de juillet, pas tant à cause
des problèmes européens que d’intérêts souvent contradictoires ailleurs dans le monde, problème illustré par
la question d’Orient, c’est-à-dire le sort de l’Homme malade de l’Europe, l’Empire ottoman.
— L’évolution de l’Alliance, d’abord triple (Royaume-Uni, Portugal et Espagne), devenant quadruple avec
l’ajout de la France, témoigne de ces différentes phases des relations diplomatiques franco-britanniques.
— Si la France demeure passablement en retrait en Europe, c’est qu’elle est avant tout occupée à reconstituer
un espace colonial, d’où les conflits avec Londres. Dès avant la chute de Charles X, l’opération visant à
s’implanter de l’autre côté de la méditerranée avait été lancée et en juin 1830, Alger était tombé aux mains de
l’Armée française.
— Pendant dix-sept années, les efforts des Français pour s’implanter sur le territoire de l’actuelle Algérie se
heurtent à la résistance des populations locales, menées par Abd el-Kader, dont la politique à l’endroit de la
France oscille entre collaboration et franche hostilité, et ce n’est que la reddition des forces de celui-ci en
1847 qui permettra le début d’une pacification du territoire, première base d’expansion de la France en
Afrique.
— Mais avant même la fin de la lutte d’el-Kader, Paris commence à se projeter ailleurs sur le continent, par
exemple en multipliant les implantations commerciales et militaires dans la région du golfe de Guinée à la fin
des années 1830.
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— Toujours en Afrique, mais cette fois en direction de l’Asie, la France s’installe à Madagascar et à Mayotte,
dans les Comores, qui devient un protectorat français en1841. Et encore plus loin dans l’est, la mise en place
d’un protectorat sur Tahiti en 1843 constituera la base de développement de l’empire français en Asie et dans
le Pacifique.
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