La démarche d`évaluation : champs et outils

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Dossier
mt pédiatrie 2012 ; 15 (3) : 219-23
La démarche d’évaluation :
champs et outils
Diagnosis and evaluation of autism and pervasive developmental disorders
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Laurence Robel
Hôpital Necker-Enfants Malades,
service de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent,
149-161, rue de Sèvres,
75015 Paris,
France
<[email protected]>
Résumé. Bien que les parents identifient fréquemment des difficultés chez leur enfant dès
l’âge de 18 mois, le diagnostic est rarement porté avant l’âge de trois ans. Celui-ci comporte
un repérage symptomatique, un bilan fonctionnel des compétences de l’enfant sur le plan
cognitif, orthophonique et psychomoteur, et un diagnostic étiologique reposant sur les explorations neurogénétiques. Ce bilan, qui est généralement effectué au sein des Centres ressources
autisme (CRA), n’est pas un préalable à la prise en charge mais doit permettre de mieux ajuster
les orientations thérapeutiques.
Mots clés : autisme, diagnostic, évaluation, traitement
Abstract. Although symptoms of autism are often recognised by parents from the age of 18
months, diagnosis is rarely conducted before the age of three. This includes identification of
symptoms, a functional diagnosis of the child’s cognitive, language and psychomotor abilities,
and an aetiological diagnosis based on neurogenetic investigations. Although treatment can
start before this evaluation, this three-fold diagnosis, which is often made in centres dedicated
to autism (Centres ressources autisme [CRA]), is important to adjust therapeutic decisions.
Key words: autism, diagnosis, evaluation, treatment
doi:10.1684/mtp.2012.0440
S
mtp
Tirés à part : L. Robel
i les parents observent souvent
dès 18 mois des difficultés évocatrices d’un trouble envahissant du
développement, c’est souvent la scolarisation de l’enfant en maternelle
qui sert de révélateur à ces difficultés. En effet, les comportements
de retrait, l’absence fréquente de
langage, voire la présence de manifestations d’angoisse ou d’activités
répétitives, sont autant d’obstacles
à l’intégration scolaire de l’enfant,
qui vont amener l’enseignant à
interpeller ses parents. Le premier
interlocuteur médical de ces parents
désemparés est alors généralement le
pédiatre ou le médecin de famille.
Son rôle est déterminant, non pas
pour poser un diagnostic, mais pour
reconnaître la réalité des difficultés
présentées par l’enfant et l’orienter
vers des structures adaptées, pour
l’évaluation diagnostique et pour la
prise en charge. Il est important en
effet de ne pas chercher à tout prix
à banaliser ou dédramatiser la situation, ce qui risquerait de retarder
l’accès au diagnostic et aux soins, et
laisserait les parents seuls face à leur
désarroi. On peut reconnaître généralement deux types de situations
différentes : dans la première, les
parents décrivent un bébé calme dès
la première année, semblant indifférent à la présence de ses parents,
heureux d’être seul, n’initiant pas
d’interaction par le regard ou par les
vocalisations, ne répondant pas à son
nom et n’utilisant pas de gestes symboliques comme le pointage ou le
fait de tendre les bras vers l’autre
pour être porté. Cette tendance à
l’isolement devient plus marquée
la deuxième et la troisième année,
mais les parents ont pu s’adapter à
ce déficit relationnel sans prendre
conscience de son caractère pathologique. Dans la seconde, les parents
décrivent un changement vers l’âge
de 18 mois, avec l’apparition de
comportements de retrait, l’arrêt du
babillage ou des premières verbalisations, l’absence de développement
de jeux d’imitation et d’imagination,
Pour citer cet article : Robel L. La démarche d’évaluation : champs et outils. mt pédiatrie 2012 ; 15(3) : 219-23 doi:10.1684/mtp.2012.0440
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parfois l’apparition de troubles du sommeil ou de
l’alimentation. À l’âge de trois ans, les symptômes autistiques sont déjà bien ancrés, et se répartissent dans trois
domaines distincts :
– celui des interactions sociales : l’enfant n’établit pas
ou peu de contact du regard, son visage est peu expressif, il
n’utilise pas de gestes symboliques pour se faire comprendre ou pour attirer l’attention d’autrui, tel que le pointage
proto-déclaratif vers un sujet ou un objet qui l’intéresse,
dans une attention conjointe avec l’autre. En revanche,
il peut tirer ses parents par la main et utiliser celle-ci
comme un prolongement de lui-même, pour obtenir ce
qu’il souhaite, s’il ne parvient pas à se le procurer seul. En
classe, l’enfant ignore les autres ou repousse activement
leur approche, préférant s’isoler ;
– celui de la communication verbale et non verbale :
l’enfant n’a souvent aucun langage verbal, et n’utilise
pas non plus de gestes ou de mimiques pour se faire
comprendre ; il semble indifférent lorsqu’on s’adresse à
lui. Parfois, il peut développer un jargon qui n’est pas
adressé à l’autre. Le langage se développe le plus souvent
de manière anarchique, certaines phrases pouvant être
répétées de manière parfaitement bien articulée en écholalie immédiate ou différée, en dehors de toute volonté
d’échange. L’utilisation des pronoms est tardive et souvent caractérisée par une inversion pronominale, l’enfant
dit « tu », « lui » ou utilise son prénom lorsqu’il parle de luimême. Enfin, l’enfant ne développe pas de jeu d’imitation
ou de faire semblant, seul ou avec l’autre, traduisant la
faillite de l’accès au symbolique ;
– celui des comportements et des activités, qui apparaissent comme répétitifs et stéréotypés ; ils peuvent être
présents d’emblée ou se développer secondairement : il
peut s’agir par exemple de la manipulation répétée d’une
ficelle ou des roues des petites voitures, ou d’un intérêt
exclusif pour les lettres et les chiffres. Ces comportements
peuvent difficilement être interrompus sans déclencher
une crise d’angoisse ou de colère, si bien que les parents
peuvent renoncer à intervenir. Les enfants tendent à ritualiser le quotidien, et à refuser tout changement, générateur
d’angoisse : ils insistent ainsi pour emprunter le même
trajet lorsqu’ils sortent, pour manger les mêmes aliments,
utiliser les mêmes objets, figeant le temps dans une forme
d’immuabilité. On peut noter également une manière particulière d’explorer l’environnement en privilégiant un
sens : l’enfant sent ou caresse les objets et les personnes,
recherche des sensations visuelles particulières en jouant
avec la lumière ou en s’approchant très près des objets
avec un regard latéral. Enfin, sur le plan moteur, ils peuvent
présenter des maniérismes moteurs et stéréotypies, en particulier dans des moments d’excitation, d’angoisse, ou
de désœuvrement. Il peut s’agir de mouvements en ailes
de papillons, de mouvement des doigts ou des mains,
mais également de mouvements engageant l’ensemble du
corps, en particulier des mouvements de rotation.
Face à cette symptomatologie, il est important dans un
premier temps de reconnaître qu’il existe un problème,
qui dépasse de simples manifestations caractérielles, et
d’expliquer aux parents l’importance d’un avis spécialisé. Celui-ci peut être pris auprès de centres spécialisés
tels que les Centres d’action médicosociales précoces
(CAMPS) qui prennent en charge les enfants présentant des pathologies sources de handicap jusqu’à l’âge
de trois ans, les Centres médicopsychologiques (CMP)
dépendants du secteur infanto-juvénile, ou les Centres
médico-psychopédagogiques (CMPP) dépendants des
municipalités. Alternativement, en l’absence de structure proche ou de délais de consultation trop longs,
l’enfant peut être adressé dans le privé à un(e) orthophoniste ou un(e) psychomotricien(ne). Parallèlement à
cette démarche, à l’initiative de la structure de soin ou du
médecin traitant, l’enfant et sa famille peuvent être dirigés
vers un Centre ressource autisme (CRA) pour une évaluation diagnostique. De tels centres sont présents dans
chacune des régions de France et sont à la disposition
des professionnels et des familles pour les informer et les
orienter ; ils disposent, en outre, d’une ou plusieurs unités
d’évaluation. Les objectifs de l’évaluation sont d’établir un
diagnostic nosographique, fonctionnel et, si possible, étiologique, et d’envisager les meilleures stratégies de prise
en charge et modalités de scolarisation. Des recommandations ont été publiées par la Haute Autorité en santé
concernant les modalités de ce triple diagnostic [1].
Le diagnostic nosographique
et fonctionnel
Il repose sur un bilan pluridisciplinaire, habituellement effectué sur plusieurs jours, selon des modalités
qui diffèrent d’un centre à l’autre. Ce bilan implique
une équipe composée de pédopsychiatre(s), psychomotricien(ne)s, orthophoniste(s), psychologue(s), éducateur(s)
ou éducatrice(s) de jeunes enfants et enseignant(es) spécialisé(es).
L’évaluation permet de différencier des troubles du
développement parfois proches sur le plan symptomatique, ou intriqués, tel que le retard mental et les troubles
d’acquisition du langage oral, et de préciser de quel
trouble envahissant du développement il s’agit : autisme
typique ou atypique, trouble envahissant du développement non spécifié ou, plus rarement, trouble désintégratif
de l’enfance et syndrome de Rett. Elle permet également
de préciser quelles sont les compétences et les difficultés
de l’enfant dans différents domaines de développement,
quelles sont les modalités d’interactions qu’il privilégie sur
lesquelles appuyer le projet thérapeutique.
Un certain nombre d’outils diagnostiques ont été
développés dans le champ de l’autisme, permettant
mt pédiatrie, vol. 15, n◦ 3, juillet-août-septembre 2012
d’objectiver de manière précise la symptomatologie autistique ainsi que le profil de développement de l’enfant dans
chaque domaine.
Le recueil symptomatique
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L’Autism Diagnostic Interview-Revised (ADI-R) [2]
Il s’agit d’un entretien semi-structuré qui a été initialement développé pour la recherche par C. Lord afin de
recueillir de manière standardisée les données concernant
le développement de l’enfant et la présence des symptômes caractéristiques de l’autisme. Les questions ouvertes
posées aux parents appellent des descriptions des comportements de l’enfant, et donnent lieu à une cotation selon
la présence et l’importance des symptômes décrits. Un
algorithme permet de déterminer si les scores obtenus par
l’enfant sont supérieurs au seuil de significativité dans les
trois domaines reconnus comme déviants dans l’autisme,
dans la période actuelle et entre quatre et cinq ans, permettant ainsi d’établir un diagnostic rétrospectif pour les
enfants plus âgés.
L’Autism Diagnosis Observation Schedule (ADOS-G) [3]
Il s’agit d’une échelle d’observation semi-structurée
développée par C. Lord et al., qui comporte quatre
modules correspondant à quatre niveaux langagiers, choisis en fonction de l’âge chronologique et du niveau
de langage réceptif de l’enfant. Les activités proposées permettent d’évaluer l’enfant dans des conditions
d’interactions sociales standardisées. Les réponses sont
cotées de 0 à 3 en fonction du degré de déviance. Un
algorithme permet de calculer les scores dans les trois
domaines déviants de l’autisme, significatifs s’ils sont
supérieurs au seuil.
La Child Autism Rating Scale (CARS) [4]
Il s’agit d’une grille d’observation qui permet de coter
de 1 à 4 la présence et l’intensité des symptômes autistiques dans 14 domaines de fonctionnement distincts :
relations sociales, imitation, réponses émotionnelles,
utilisation du corps, utilisation des objets, adaptation
au changement, réponses visuelles, réponses auditives,
goût-odorat-toucher (réponses et modes d’exploration),
peur-anxiété, communication verbale, communication
non verbale, niveau d’activité, niveau intellectuel et
homogénéité du fonctionnement et impression générale.
Un score global est obtenu en additionnant l’ensemble
des sous-scores, reflétant le niveau de sévérité de la symptomatologie autistique de l’enfant, de non autistique à
sévèrement autistique.
L’Échelle des comportements autistiques-révisée
(ÉCAR-T) [5]
Il s’agit d’une échelle de cotation de la symptomatologie autistique qui a été développée par C. Barthélémy
et G. Lelord à Tours. Les cotations de 0 à 4 des
29 items répartis en quatre sous-échelles (communica-
tion, motricité, perception et imitation) dépendent de la
fréquence d’observation des comportements autistiques et
définissent deux dimensions appelées insuffisance modulatrice, d’une part, et insuffisance relationnelle, d’autre
part. Un score global est également calculé, qui reflète
l’intensité des troubles.
Le diagnostic fonctionnel
Il repose sur l’évaluation des différentes fonctions cognitives, langagières et psychomotrices, mais également
sur les observations non standardisées qui permettent
d’appréhender le mode relationnel de l’enfant.
Les évaluations psychologiques
Nous ne décrirons pas tous les outils d’évaluation qui
peuvent être utilisés par les psychologues (en particulier
les échelles de Wechsler), mais seulement quelques-unes
des outils plus spécifiques à l’évaluation des enfants
autistes. La présence fréquente d’un retard mental, le
caractère hétérogène du fonctionnement cognitif des
enfants présentant un trouble envahissant du développement, ainsi que leurs difficultés à comprendre et à réaliser
des consignes nécessitent en effet l’utilisation d’un matériel de test adapté par des psychologues expérimentées.
Psycho-Educative Profile (PEP-R et PEP 3) [6]
Il s’agit de décrire les anomalies qualitatives de la relation
et le profil de développement de l’enfant dans différents
domaines (imitation, perception, coordination oculomanuelle, motricité globale, motricité fine, performances
cognitives et cognition verbale), à partir de la réalisation
de consignes utilisant un matériel concret et la possibilité
de réaliser des démonstrations. Les réussites, les échecs,
mais également les émergences, qui correspondent à des
épreuves partiellement réalisées, définissent le profil de
développement de l’enfant et permettent si nécessaire
d’établir un projet psychoéducatif personnalisé. La dernière version du PEP, le PEP 3, propose un regroupement
différent des différents scores, se rapprochant des autres
échelles psychométriques.
La BECS [7]
Il s’agit d’une batterie d’évaluation du développement
sociocognitif du jeune enfant. Elle permet d’évaluer, au
travers de plusieurs séquences de jeux et d’interactions
avec l’enfant, les constituantes des domaines cognitif
et socioémotionnel qui se développent entre quatre et
24 mois. L’évaluation détermine le niveau de développement pour chacune des 16 échelles, le niveau
moyen global, le niveau moyen du domaine cognitif,
le niveau moyen du domaine socioémotionnel et les
indices d’hétérogénéité du développement global, cognitif
et socioémotionnel.
mt pédiatrie, vol. 15, n◦ 3, juillet-août-septembre 2012
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La démarche d’évaluation : champs et outils
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Le domaine cognitif est évalué au travers de sept
échelles : permanence de l’objet, relations spatiales,
moyens pour atteindre un but, causalité opérationnelle,
qualité d’organisation des schèmes, jeu symbolique et
image de soi.
Le domaine socioémotionnel est examiné en neuf
échelles : régulation du comportement, interactions
sociales, attention conjointe, langage expressif, langage
compréhensif, imitation vocale, imitation gestuelle, relation affective et expression émotionnelle. Cet outil permet
de mesurer l’évolution des enfants et d’élaborer un programme de remédiation.
Les Échelles différentielles d’efficience intellectuelle-forme
révisée (EDEI-R) [8]
Cette batterie a été construite autour de la notion
d’intelligence catégorielle, et est particulièrement adaptée
à l’évaluation des enfants âgés de trois à neuf ans présentant une hétérogénéité de leur fonctionnement cognitif.
Elle comporte sept épreuves indépendantes et complémentaires : vocabulaire, connaissances, compréhension
sociale, conceptualisation, classification, analyse catégorielle et adaptation pratique. Pour chaque épreuve, on
obtient une note standard semblable à un indice de développement.
L’échelle de Vineland ou échelle des comportements
adaptatifs [9]
Cette échelle s’appuie sur un entretien semi-structuré réalisé avec les parents ou un référent de l’enfant. Elle permet
d’évaluer le comportement adaptatif dans les domaines
de la socialisation, de la communication, de l’autonomie,
de la vie quotidienne et de la motricité. Les questions
dépendent de l’âge de l’enfant et sont cotées de 0 à
2 en fonction des réponses obtenues. Les scores permettent d’obtenir des âges équivalents de développement
dans chaque domaine et donnent ainsi une estimation des
compétences et du profil adaptatif de l’enfant, en particulier pour ceux qui ne peuvent pas accéder à des situations
de tests.
Le bilan orthophonique [10]
Il vise à évaluer de manière précise les compétences
de l’enfant dans le domaine de la communication verbale et non verbale. Lorsque l’enfant n’a aucun langage
verbal, l’orthophoniste évaluera ses capacités à communiquer par le regard, les gestes symboliques, à établir une
attention conjointe autour d’objets ou d’images. Lorsqu’un
langage verbal est présent, les fonctions habituelles du langage seront évaluées de manières structurées si possible,
c’est-à-dire la phonologie spontanée et en répétition, le
lexique en compréhension et en expression, la syntaxe en
expression et en compréhension, la prosodie et la pragma-
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tique. L’orthophoniste établira ainsi quelle est l’approche
la plus adaptée à l’enfant, par exemple l’utilisation de
pictogrammes pour un enfant sans langage, ou un travail
axé sur la compréhension et l’utilisation pragmatique du
langage pour un enfant verbal.
Le bilan psychomoteur
Il comporte deux aspects :
– l’examen des différentes compétences psychomotrices en fonction des possibilités, dans le domaine du
tonus, de la motricité globale, de la motricité fine, des
praxies, des gnosies, de l’équilibre, de la connaissance
du schéma corporel, du repérage dans le temps et dans
l’espace ;
– le bilan sensori-moteur [11], qui permet de repérer
comment l’enfant utilise ses différentes modalités sensorielles pour organiser sa motricité et son rapport au monde.
L’ensemble de ces éléments sont discutés en équipe
et permettent d’appréhender le diagnostic exprimé selon
la classification internationale de l’OMS (CIM 10) [12]
et éventuellement selon d’autres classifications, comme
la classification française (CTFMEA) [13] ou américaine
(DSM IV) [14]. Le bilan fonctionnel, quant à lui, apporte
des indications sur les stratégies de prise en charge
qui semblent les plus à même de mobiliser l’enfant.
Idéalement, ces préconisations sont discutées avec les
soignants déjà en place, afin qu’un projet commun soit
élaboré, en fonction des possibilités locales. L’ensemble
des données recueillies lors du bilan pluridisciplinaire
est expliqué aux parents lors d’un entretien approfondi, leur permettant de confronter leurs observations
à celle de l’équipe, de mieux appréhender le fonctionnement de leur enfant, la pathologie qu’il présente et la
manière de le faire progresser, selon un projet individuel
personnalisé.
Le diagnostic étiologique
et la recherche de pathologies associées
Parallèlement au diagnostic nosographique et fonctionnel, l’enfant doit bénéficier d’un examen clinique
somatique et de certaines explorations complémentaires
[1, 15].
Les examens sensoriels
L’examen de l’audition et de la vue doit être systématiquement réalisé, afin d’écarter ou de prendre en
charge une éventuelle déficience sensorielle sous-jacente
aux troubles du comportement et du développement
de l’enfant. Celui-ci peut utiliser des méthodes classiques lorsque la collaboration de l’enfant est possible
(audiogramme, examen clinique de la vision), ou des
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explorations neurophysiologiques sous anesthésie générale (potentiels évoqués auditifs et visuels) afin de vérifier
l’intégrité du système neurosensoriel.
La consultation neuropédiatrique
Elle permet d’explorer les différentes fonctions neurologiques et de rechercher des manifestations cliniques en
faveur d’une épilepsie généralisée ou partielle, associée
à l’autisme dans 30 % des cas. Un examen des téguments est également réalisé à la recherche de tâches de
dépigmentation évocatrices de certaines étiologies (sclérose tubéreuse de Bourneville). Elle est habituellement
complétée par des examens complémentaires, électroencéphalogramme de veille et de sommeil, scanner cérébral
ou IRM cérébrale avec spectroscopie, sous prémédication ou sous anesthésie générale en fonction du poids
et de l’âge de l’enfant. Ces examens, normaux dans une
majorité de cas, peuvent néanmoins révéler des anomalies
symptomatiques d’une étiologie (par exemple, un déficit
en créatine sur la spectroscopie, certaines malformations
cérébrales, des séquelles de prématurité) ou des anomalies
cérébrales mineures.
La consultation génétique
La consultation génétique permet d’identifier un
éventuel phénotype caractéristique d’une pathologie
génétique déjà identifiée, à partir de critères morphologiques et développementaux, et d’explorer d’éventuels
antécédents généalogiques familiaux. Ces données cliniques permettront de guider les explorations génétiques
complémentaires. Certaines sont systématiques, comme la
recherche d’un syndrome de l’X fragile, la réalisation d’un
caryotype standard ou, plus récemment, d’une CGH array,
la réalisation d’un bilan métabolique sanguin et urinaire,
d’autres sont guidées par le diagnostic clinique ou les anomalies morphologiques associées (FISH 22q11, 22q13,
15q, etc.).
En conclusion, la démarche d’évaluation repose sur la
complémentarité des approches cliniques et somatiques.
Elle permet l’objectivation d’un diagnostic nosographique
et fonctionnel, et la recherche d’une étiologie associée.
Elle doit être facilitée par le déploiement des CRA sur
toute la France, mais ne passe pas impérativement par leur
intermédiaire. L’évaluation doit faciliter l’accès à des soins
adaptés, mais ne doit pas être un préalable obligatoire à
leur mise en place, sous peine de les retarder. Enfin, le
temps du diagnostic nosographique et celui du diagnostic
étiologique peuvent être dissociés dans le temps selon
la demande des familles et les moyens d’investigation
propres à chaque région.
Conflits d’intérêts : aucun.
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