Journal Identification = MTP Article Identification = 0440 Date: October 10, 2012 Time: 10:31 am
La démarche d’évaluation : champs et outils
parfois l’apparition de troubles du sommeil ou de
l’alimentation. À l’âge de trois ans, les symptômes autis-
tiques sont déjà bien ancrés, et se répartissent dans trois
domaines distincts :
–celui des interactions sociales : l’enfant n’établit pas
ou peu de contact du regard, son visage est peu expressif, il
n’utilise pas de gestes symboliques pour se faire compren-
dre ou pour attirer l’attention d’autrui, tel que le pointage
proto-déclaratif vers un sujet ou un objet qui l’intéresse,
dans une attention conjointe avec l’autre. En revanche,
il peut tirer ses parents par la main et utiliser celle-ci
comme un prolongement de lui-même, pour obtenir ce
qu’il souhaite, s’il ne parvient pas à se le procurer seul. En
classe, l’enfant ignore les autres ou repousse activement
leur approche, préférant s’isoler ;
–celui de la communication verbale et non verbale :
l’enfant n’a souvent aucun langage verbal, et n’utilise
pas non plus de gestes ou de mimiques pour se faire
comprendre ; il semble indifférent lorsqu’on s’adresse à
lui. Parfois, il peut développer un jargon qui n’est pas
adressé à l’autre. Le langage se développe le plus souvent
de manière anarchique, certaines phrases pouvant être
répétées de manière parfaitement bien articulée en écho-
lalie immédiate ou différée, en dehors de toute volonté
d’échange. L’utilisation des pronoms est tardive et sou-
vent caractérisée par une inversion pronominale, l’enfant
dit «tu »,«lui »ou utilise son prénom lorsqu’il parle de lui-
même. Enfin, l’enfant ne développe pas de jeu d’imitation
ou de faire semblant, seul ou avec l’autre, traduisant la
faillite de l’accès au symbolique ;
–celui des comportements et des activités, qui appa-
raissent comme répétitifs et stéréotypés ; ils peuvent être
présents d’emblée ou se développer secondairement : il
peut s’agir par exemple de la manipulation répétée d’une
ficelle ou des roues des petites voitures, ou d’un intérêt
exclusif pour les lettres et les chiffres. Ces comportements
peuvent difficilement être interrompus sans déclencher
une crise d’angoisse ou de colère, si bien que les parents
peuvent renoncer à intervenir. Les enfants tendent à rituali-
ser le quotidien, et à refuser tout changement, générateur
d’angoisse : ils insistent ainsi pour emprunter le même
trajet lorsqu’ils sortent, pour manger les mêmes aliments,
utiliser les mêmes objets, figeant le temps dans une forme
d’immuabilité. On peut noter également une manière par-
ticulière d’explorer l’environnement en privilégiant un
sens : l’enfant sent ou caresse les objets et les personnes,
recherche des sensations visuelles particulières en jouant
avec la lumière ou en s’approchant très près des objets
avec un regard latéral. Enfin, sur le plan moteur, ils peuvent
présenter des maniérismes moteurs et stéréotypies, en par-
ticulier dans des moments d’excitation, d’angoisse, ou
de désœuvrement. Il peut s’agir de mouvements en ailes
de papillons, de mouvement des doigts ou des mains,
mais également de mouvements engageant l’ensemble du
corps, en particulier des mouvements de rotation.
Face à cette symptomatologie, il est important dans un
premier temps de reconnaître qu’il existe un problème,
qui dépasse de simples manifestations caractérielles, et
d’expliquer aux parents l’importance d’un avis spécia-
lisé. Celui-ci peut être pris auprès de centres spécialisés
tels que les Centres d’action médicosociales précoces
(CAMPS) qui prennent en charge les enfants présen-
tant des pathologies sources de handicap jusqu’à l’âge
de trois ans, les Centres médicopsychologiques (CMP)
dépendants du secteur infanto-juvénile, ou les Centres
médico-psychopédagogiques (CMPP) dépendants des
municipalités. Alternativement, en l’absence de struc-
ture proche ou de délais de consultation trop longs,
l’enfant peut être adressé dans le privé à un(e) ortho-
phoniste ou un(e) psychomotricien(ne). Parallèlement à
cette démarche, à l’initiative de la structure de soin ou du
médecin traitant, l’enfant et sa famille peuvent être dirigés
vers un Centre ressource autisme (CRA) pour une éva-
luation diagnostique. De tels centres sont présents dans
chacune des régions de France et sont à la disposition
des professionnels et des familles pour les informer et les
orienter ; ils disposent, en outre, d’une ou plusieurs unités
d’évaluation. Les objectifs de l’évaluation sont d’établir un
diagnostic nosographique, fonctionnel et, si possible, étio-
logique, et d’envisager les meilleures stratégies de prise
en charge et modalités de scolarisation. Des recomman-
dations ont été publiées par la Haute Autorité en santé
concernant les modalités de ce triple diagnostic [1].
Le diagnostic nosographique
et fonctionnel
Il repose sur un bilan pluridisciplinaire, habituelle-
ment effectué sur plusieurs jours, selon des modalités
qui diffèrent d’un centre à l’autre. Ce bilan implique
une équipe composée de pédopsychiatre(s), psychomo-
tricien(ne)s, orthophoniste(s), psychologue(s), éducateur(s)
ou éducatrice(s) de jeunes enfants et enseignant(es) spé-
cialisé(es).
L’évaluation permet de différencier des troubles du
développement parfois proches sur le plan symptoma-
tique, ou intriqués, tel que le retard mental et les troubles
d’acquisition du langage oral, et de préciser de quel
trouble envahissant du développement il s’agit : autisme
typique ou atypique, trouble envahissant du développe-
ment non spécifié ou, plus rarement, trouble désintégratif
de l’enfance et syndrome de Rett. Elle permet également
de préciser quelles sont les compétences et les difficultés
de l’enfant dans différents domaines de développement,
quelles sont les modalités d’interactions qu’il privilégie sur
lesquelles appuyer le projet thérapeutique.
Un certain nombre d’outils diagnostiques ont été
développés dans le champ de l’autisme, permettant
220 mt pédiatrie, vol. 15, n◦3, juillet-août-septembre 2012
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