BIEN MANGER «Rien en biologie n’a de sens, si ce n’est à la lumière de l’évolution» Théodore Dobjanski De la même manière, la médecine et la nutrition se lisent à la lumière de l’évolution. Comme le montre le schéma cidessous, nos organismes n’ont pas eu le temps d’être sélectionnés de manière à être adaptés à un mode de vie moderne, caractérisé par une vie urbaine, une réduction de l’activité physique et une alimentation industrielle. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, le manque d’activité physique, l’excès calorique et le tabagisme sont les principaux facteurs des maladies de civilisation. L’alimentation industrielle se caractérise par une disponibilité constante des aliments, des graisses de mauvaise qualité, une insuffisance de fibres, de phytonutriments, un excès de sucres et de farines raffinées, la présence d’additifs alimentaires et de pesticides. Ces caractéristiques, ainsi que le fait que nous ayons survécu aux périodes de disette car nous sommes capables de stocker des graisses, expliquent en grande partie l’épidémie actuelle d’obésité. La possibilité récente d’analyser les bactéries intestinales , a mis en lumière le rôle essentiel de la flore intestinale (microbiote), laquelle est également très appauvrie par les modes de vie modernes, dont l’alimentation. CE QU’ON MANGE: Manger nous apporte l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’organisme et à ses déplacements. On mesure cette énergie par les calories. La nourriture nous apporte également des aliments dits essentiels car l’organisme ne peut pas les fabriquer. Ce sont les vitamines, les minéraux, certains acides aminés (l’élément de base des protéines) et certaines graisses. Elle se compose de macronutriments et de micronutriments. Les macronutriments sont les protéines, les hydrates de carbones -également appelés glucideset les graisses. Les protéines représentent 4 calories par gramme, les hydrates de carbone également, les graisses représentent 9 cal par gramme. Les micronutriments sont les minéraux, les vitamines, les phytonutriments tels les polyphénols… LES MACRONUTRIMENTS -les protéines constituées par l’assemblage de petites unités: les acides aminés On les trouve un peu partout mais en quantités plus importantes dans les produits animaux, et les graines des végétaux. Les acides aminés essentiels sont tous présents dans les produits animaux, cependant que les légumineuses sont pauvres en méthionine et que les céréales sont pauvres en lysine. Elles constituent l’armature du corps (les muscles, le collagène, la kératine…) mais également ses messagers (les hormones, les neurotransmetteurs sont faits de protéines, l’hémoglobine est une protéine…) et ses auxiliaires de synthèse que sont les enzymes. Si les apports sont insuffisants, l’organisme va puiser dans les tissus (les muscles, le cœur, le cerveau...)pour pouvoir en synthétiser. -les glucides ou hydrates de carbone sont constitués par des sucres simples, doubles ou peu nombreux (dits mono, di ou poly -saccharides) ou par des chaînes beaucoup plus longues comme l’amidon. Les produits céréaliers (riz, blé, maïs, orge, avoine…), les graines (légumineuses, quinoa, sarrasin) et les tubercules (pommes de terre, carotte, betterave… ) en sont riches. Le processus de raffinage des céréales consiste à éliminer le germe (pour des motifs de conservation) et l’enveloppe du grain -le son- (pour des motifs gustatifs). Le processus de digestion aboutit à séparer les glucides en leur unité de base, laquelle est le plus souvent le glucose. Plus un aliment comporte de fibres, plus la digestion sera longue et n’entraînera pas un afflux rapide et élevé de sucre, responsable d’une sécrétion importante d’insuline. C’est par l’intermédiaire de cette hormone que se fait la transformation des sucres en graisses. Si l’apport en glucides est insuffisant, le corps peut fabriquer du glucose, à partir des protéines. -les graisses sont également des éléments de structure du corps car elles forment les membranes cellulaires, composent 60 % du cerveau et sont à l’origine des hormones dites stéroïdiennes (le cortisol, les hormones sexuelles). On les trouve dans les produits végétaux et animaux. L’organisme peut synthétiser la plupart des graisses, à l’exception des graisses oméga 6 et oméga 3. C’est la raison pour laquelle ces graisses sont dites essentielles. Les «précurseurs» de chacune de ces familles sont de courtes chaînes d’origine végétale, auxquelles les poissons et les ruminants vont ajouter d’autres atomes de carbone afin de les «allonger». Nous effectuons moins bien cette synthèse. Ces longues chaînes vont ensuite donner naissance à d’autres composés dont il faut surtout retenir le rôle dans les processus inflammatoire. Les oméga 6 favorisent les voies de l’inflammation, à l’inverse des oméga 3. LES MICRONUTRIMENTS Les minéraux, les vitamines participent à tous les processus de l’organisme. Les phytonutriments sont au nombre de plusieurs milliers, ils ont des actions antiinflammatoires et anti-oxydantes. Ces actions s'exercent probablement par le phénomène de l'hormèse: les toxines contenues dans les plantes induisent une réponse de stress dans l'organisme, ce qui entraîne la production de substances «réparatrices», très souvent anti-oxydantes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormèse QU’EST-CE QU’IL EST ESSENTIEL DE SAVOIR POUR BIEN MANGER? QUE LES MICRONUTRIMENTS DOIVENT ETRE EN QUANTITÉ SUFFISANTE Les apports caloriques sont en général amplement suffisants, le problème est d’apporter suffisamment de nutriments. Un aliment nutritionnellement dense apportera beaucoup de vitamines, de minéraux par rapport aux calories qu’il contient. Ces aliments sont en général des végétaux contenant peu de calories, c’est le cas des légumes «aériens», à l’opposé des légumes racines. Il est donc important que l’assiette soit constituée d’environ moitié de ces aliments. Plus il y a de variétés et de couleurs différentes dans les légumes dans les apports végétaux, plus les phytonutriments seront nombreux et variés. Les légumineuses sont également une excellente source de nutriments, de même que les céréales complètes et les grains. Les protéines animales contiennent tous les acides aminés essentiels, ce qui n’est pas le cas des protéines végétales qui doivent se compléter en associant légumineuses et céréales. L’apport minimal conseillé en protéines est de 0,8 à 1 g de protéines par kg de poids. Il est difficile de réaliser cet apport sous forme uniquement végétale, sans augmenter de façon importante l’apport calorique. QUE MIEUX VAUT UNE ALIMENTATION QUI FAIT SECRÉTER PEU D’INSULINE Lorsqu’on mange du sucre, qu’il soit simple ou complexe ou lent, on va déclencher une sécrétion d’insuline. L’insuline est une hormone qui favorise la croissance et le stockage des graisses. Elle empêche de brûler les graisses qui sont mises en réserve. Cela signifie que plus on a des taux élevés d’insuline, plus il sera difficile de perdre du poids. Voici pourquoi on peut avoir des taux trop élevés d’insuline: L’insuline est une hormone qui est sécrétée par le foie et qui est nécessaire pour que le sucre (glucose) puisse entrer dans les cellules. C’est la liaison de l’insuline sur son récepteur qui permet au sucre de rentrer. Ce récepteur est endommagé par des quantités importantes et répétées d’insuline, couplées avec une accumulation de graisse. C’est alors un cercle vicieux qui s’enclenche: le sucre sanguin ne doit pas être en excès dans le sang et le pancréas veille à cette régulation en produisant davantage d’insuline. En faisant cela, il augmente le stockage des graisses et l’importance de celles-ci contribue à le rendre de moins en moins efficace. Ceci entraîne davantage de sécrétion d’insuline. Si le cercle vicieux perdure -et c’est le plus souvent le cas car cet état donne faim, le diabète est au bout du chemin car la graisse accumulée dans le pancréas va peu à peu le rendre inapte à la production d’insuline. Il faudra alors y suppléer par des injections d’insuline. Comment prévenir: Cela est assez logique pour l’essentiel: il s’agit de ne pas faire sécréter trop d’insuline et de diminuer l’inflammation -en diminuant la consommation des sucres. On connaît maintenant l’indice glycémique des aliments, il existe des tables en ligne, des livres et des recettes. -En augmentant la quantité des nutriments contenus dans l’alimentation -En perdant de la graisse C’est en faisant de l’exercice physique ou en marchant les 10 000 pas recommandés qu’on y arrivera -En diminuant l’inflammation.: Les légumes sont porteurs de beaucoup de nutriments anti-inflammatoires, de plus ils ne font pas monter l’insuline. On verra plus bas tout l’intérêt que représente leurs apports de fibres. Certaines graisses sont pro-inflammatoires -les oméga 6- alors que d’autres - les oméga 3- ont des effets anti-inflammatoires En réalité, il est souvent très difficile de maigrir. Les régimes hypocaloriques traditionnels ont négligé le rôle de l’insuline et les régimes faibles en hydrates de carbone («Le Nouveau régime Atkins») se montrent plus efficaces, à condition d’être poursuivis. QUE CERTAINES GRAISSES SONT NOCIVES, QUE LA PLUPART SONT BONNES, ET QUE CERTAINES SONT INDISPENSABLES ET VERTUEUSES Les nocives: Les graisses trans artificielles sont obtenues par chauffage -elles deviennent hydrogénées. L’industrie fabrique ces graisses car elles vont permettre aux aliments de se conserver longtemps. Le chauffage des huiles végétales, à la maison, produit également ces graisses trans. Il y a un consensus pour bannir ces graisses de l’alimentation. Les bonnes: Les graisses animales d’autant plus qu’elles sont biologiques (les toxines se stockent dans les graisses) sont des graisses saturées, qui ont l’avantage de supporter la cuisson, d’être beaucoup plus satiétogènes que les sucres. Les études actuelles tentent à montrer qu’elles sont moins responsables des problèmes de santé que ne l’est le sucre. C’est ainsi que des analyses montrent que hormis les graisses trans, les graisses ne sont pas responsables des maladies cardio-vasculaires (1), cependant que d’autres analyses montrent qu’il y a une corrélation entre la consommation de sucre et ces maladies (2). Les indispensables et les plus vertueuses: Les graisses essentielles (on ne peut pas les synthétiser) sont les Oméga 3 et 6. Pour simplifier, on peut dire que les précurseurs des oméga 3 sont présents dans les herbes et les algues, alors que les oméga 6 se trouvent majoritairement dans les graines –le lin est cependant une graine riche en oméga 3. La part des aliments herbacés dans l’alimentation animale a beaucoup diminué après la guerre avec l’importation des tourteaux de maïs et de soja, riche en Oméga 6. Ces aliments, en raison de leur richesse calorique et protéique, ainsi que de leur richesse en graisses Oméga 6, favorisent la prise de poids des animaux. Ils favoriseront également, en bout de chaîne, notre propre prise de poids, car en favorisant les voies de l’inflammation, ils rendent le récepteur à l’insuline de moins en moins sensible. Les oméga 3 sont devenues moins présents dans l’alimentation et il est important de les augmenter, tout en diminuant les apports d’oméga 6. Les poissons sauvages sont dans une chaîne alimentaire naturelle, ils mangent des algues, des herbes, du phyto-plancton ou d’autres poissons qui ont mangé les aliments précédents. Ils sont plus riches en Oméga 3 qu’en Oméga 6, ce qui les désigne clairement comme des aliments de grande qualité. De plus, les poissons gras sont très riches en Oméga 3 (maquereaux, sardines, harengs, flétans, saumon). Ces parce que les oméga 3 sont beaucoup moins inflammatoires que les oméga 6, qu’elles peuvent signaler à l’organisme de résoudre le processus inflammatoire, qu’elles ont tant d’effets bénéfiques sur la santé. BIEN MANGER Ce sont quatre mots à retenir, ils forment le joli acronyme DIEM: Dense: nourriture dense en aliments « essentiels » -que le corps ne peut fabriquer Insuline: ne pas en faire trop Equilibre: celui des graisses oméga 6/oméga 3 Microbes: mangez pour eux et non pour vous DENSE L’organisme a besoin de minéraux, de vitamines ainsi que d’acides aminés (les constituants des protéines) et de graisses qu’il ne peut synthétiser. Les acides aminés et les graisses non synthétisables par l’organisme sont dits «essentiels». Il a également besoin de nombre de molécules d’origine végétale, appelés phytonutriments, dont font partie les polyphénols. INSULINE Le pancréas secrète l’insuline, laquelle est une hormone qui permet au sucre d’entrer dans les cellules. Le sucre fait mieux «grassir» que les graisses. L’abondance des sucres dans l’alimentation actuelle, que ce soit des sucres simples -dans les sodas, les bonbons- ou des sucres complexes -l’amidon des céréales, des tubercules ou le lactose du lait- conduit à des sécrétions trop importante de cette hormone. Cela entraîne un mauvais fonctionnement du récepteur au niveau de la cellule musculaire, alors qu’il continue d’être fonctionnel au niveau des cellules graisseuses, les adipocytes. L’insuline envoie aux cellules un signal de stockage des graisses; la graisse s’accumule, ce qui contribue encore davantage au mauvais fonctionnement de ce récepteur. La graisse blanche, qui est celle de la cavité abdominale est pro-inflammatoire et cela est toxique pour le récepteur de l’insuline. EQUILIBRE OMEGA 6/OMEGA 3 Ces deux familles ont chacune un chef de file, appelé précurseur (respectivement LA et ALA), à partir duquel sont synthétisés d’autres acides gras de la même famille. Les premiers sont des chaînes courtes, d’origine végétale, les deuxièmes des chaînes longues d’origine animale. Les précurseurs des omégas 3 sont très présents dans les herbes et les algues. Le gibier et les poissons mangent beaucoup d’oméga 3, à l’inverse des animaux d’élevage qui sont nourris de grains ou de tourteaux riches en oméga 6. L’engraissement des animaux d’élevage se fait grâce aux céréales riches en oméga 6. La chaîne alimentaire est maintenant la suivante: les animaux sont nourris des résidus de l’extraction des huiles végétales telles que le maïs, le soja, les arachides, le tournesol. Ces huiles sont utilisées par nous et par l’industrie agro-alimentaire. Nous mangeons également beaucoup de blé, dont la farine raffinée présente un rapport OM6/OM3 de 20. Les oméga 6 ont une action pro-inflammatoire qui favorise la résistance à l’insuline, ce qui, à notre tour nous engraisse… «Un petit village résiste encore en Bretagne» et a donné naissance à la filière Bleu Blanc Cœur… En donnant des graines de lin aux animaux, le rapport oméga 6/oméga 3 est de 4, ce pour un surcoût qui ne dépasse pas 5%. Ces animaux sont en meilleure santé et nécessite moins d’antibiotiques… MICROBES Les bactéries intestinales forment notre microbiote digestif, lequel joue un rôle majeur dans notre santé. On sait qu’il module le système immunitaire, dont l’emballement est à l’origine de beaucoup des pathologies actuelles. Il s’est beaucoup appauvri ces dernières décennies en raison de notre alimentation, des antibiotiques, du mode de vie urbain, de la sédentarité… On aurait ainsi perdu beaucoup de nos «vieux amis» dont la conversation avec les cellules de l’immunité était essentielle et dont la diversité des espèces s’est appauvrie. Les fibres, essentiellement présentes chez les végétaux, sont la meilleure manière de le nourrir. En effet, nous manquons d’enzymes pour digérer certaines fibres, dont se repaissent alors les bactéries, qui produisent à partir d’elles toutes sortes d’acides gras à chaînes courtes, dont nous bénéficions et qui de plus signalent au cerveau qu’il n’a pas faim… En mangeant des fibres, nous mangeons également des polyphénols, lesquels non seulement ont une action anti-oxydante mais sont aussi des prébiotiques. Les prébiotiques des polyphénols et des fibres nourrissent nos «bons» microbes. Ils occupent ainsi le terrain et empêchent les «opportunistes» de prendre place. En résumé, il est préférable de réduire les sucres et les farines, d’augmenter les quantités et les variétés de légumes, de manger du poisson et de prendre les produits animaux en filière bleublanc-cœur. Les apports en graisse sont souvent insuffisants, ce qui est dommage car les sucres remplacent alors ce vide et commencent à dérégler le récepteur à l’insuline, ce qui entraînera à la longue, la prise de poids et/ou de nombreuses pathologies. REFERENCES: Ann Intern Med. 2014 Mar 18; 160(6):398-406. Association of dietary, circulating, and supplement fatty acids with coronary risk: a systematic review and meta-analysis. Chowdhury R JAMA Intern Med. 2014 Apr; 174(4):516-24. Added sugar intake and cardiovascular diseases mortality among US adults. Yang Q1,