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repères repères
Neuro-Pédiatrie
L’électromyographie
chez l’enfant
F. Renault*
Hypotonie-retard
moteur
du nourrisson
E
n pédiatrie, l’électromyographie (EMG) est utile
au diagnostic et à l'évaluation pronostique
de pathologies spécifiques du tout petit : hypotonie-retard
moteur du nouveau-né et du nourrisson, syndromes
malformatifs, troubles de succion-déglutition... Les progrès
techniques permettent de réaliser une EMG dès la période
néonatale dans de bonnes conditions de confort et d’en
retirer des informations sur le muscle lui-même,
la transmission neuromusculaire, les voies nerveuses
motrices et sensitives et les relais réflexes (tableau).
L’EMG avec mesure des
vitesses de conduction nerveuse (VCN) occupe une
place de choix pour éliminer ou démontrer une pathologie neuromusculaire et
déterminer la stratégie des
autres explorations (1-4).
Des signes nets et diffus de
dénervation (figure 1) sont
en faveur du diagnostic d’amyotrophie spinale chez un enfant ayant une hypotonie progressive, avec déficit de la force musculaire
et abolition des réflexes. On demandera une
étude de l’ADN. Devant un retard moteur
avec déficit de force musculaire et abolition
des réflexes, l’altération importante des VCN
oriente vers une neuropathie sensitivomotrice
héréditaire. L’altération des VCN dans un
contexte de régression neurologique avec
réflexes vifs fera rechercher une affection
dégénérative (leucodystrophie, neurolipidoses…). Des signes myogènes (figure 2)
orientent vers une myopathie congénitale
structurale ou métabolique mais peuvent
aussi correspondre à des modifications
secondaires du tissu musculaire : dénutrition,
carence, maladie du collagène, hypomobilité.
La biopsie précisera la nature de la pathologie musculaire. L’EMG permet une approche
plus précise du type de myopathie, lorsqu’elle met en évidence chez l’enfant ou chez sa
mère les salves myotoniques de la dystrophie
* Unité de neurophysiologie clinique,
hôpital d’enfants Armand-Trousseau, Paris.
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 5, octobre 2000
myotonique de Steinert, qui sera confirmée
par la biologie moléculaire. Des signes de
bloc neuromusculaire ne sont qu’exceptionnellement mis en évidence chez le tout petit ;
les syndromes myasthéniques congénitaux
sont très rares.
Une EMG-VCN normale permet d’écarter les
diagnostics d’amyotrophie spinale, de neuropathie et de myopathie sévère, et d’évoquer
une encéphalopathie que l’on recherchera par
imagerie cérébrale, EEG et potentiels évoqués, examens ophtalmologique et auditif,
caryotype. Une EMG normale peut aussi
amener au diagnostic de simple retard du
tonus, retenu a posteriori devant l’absence
d’anomalie clinique, en particulier de retard
mental, une force musculaire conservée, une
biopsie musculaire normale (certaines myopathies congénitales ne donnent pas d’anomalie caractérisée à l’EMG) et une évolution
favorable avant l’âge de 2 ans (figure 3) .
Déficit moteur chronique
de l’enfant
Chez un enfant ayant des troubles de la
marche, des chutes trop fréquentes, des myalgies, une fatigabilité, l’examen clinique peut
178
noter un déficit de force
musculaire, une amyotrophie, une aréflexie. L’EMG
recherche des signes neurogènes (atteinte de la corne
antérieure ou axonale) ou
myopathiques (dystrophie
musculaire, polymyosite)
une altération des VCN
(neuropathies), un bloc neuromusculaire (myasthénie) (5).
L’EMG et les VCN apportent les mêmes informations
lorsqu’il s’agit de rechercher une pathologie neuromusculaire périphérique chez un tout petit
ayant des malformations, une arthrogrypose
ou des signes d’encéphalopathie.
Déformation des pieds
Les déformations progressives des pieds en
varus, équin ou valgus résultent d’un déséquilibre de forces musculaires antagonistes
dans le pied lui-même et/ou à l’étage jambier,
du fait de paralysies partielles ou de disparités du tonus. L’EMG-VCN est l’examen de
choix pour le diagnostic d’une neuropathie
sensitivomotrice héréditaire, de la maladie de
Friedreich, d’une paralysie sciatique… (6).
De même, l’EMG-VCN contribue au bilan
d’un pied varus équin congénital en recherchant une atteinte de la corne antérieure, une
neuropathie ou une myopathie.
Déficit moteur aigu de l’enfant
Chez un enfant qui semble gêné pour marcher et se plaint de douleurs, les anomalies de
l’EMG-VCN constituent un critère nécessaire au diagnostic des polyradiculonévrites.
Les anomalies typiques de la maladie de
Guillain-Barré sont présentes dès les premiers signes cliniques. De plus, l’étude des
nerfs phréniques aide à prévoir une évolution
sévère avec détresse respiratoire. La présence
de signes EMG myogènes transitoires
conforte le diagnostic de myosite aiguë. Un
résultat normal de l’EMG-VCN réoriente
l’enquête vers une pathologie neurologique
centrale, rhumatologique ou psychologique.
Figure 1. EMG de détection : tracé de contraction
musculaire. Activité pauvre
faite de potentiels monomorphes amples lents rythmiques chez un enfant de
6 mois atteint d’une amyotrophie spinale infantile.
Souffrance des racines,
plexus et troncs nerveux
Les situations les plus fréquentes sont les paralysies obstétricales du plexus brachial et les
paralysies faciales a frigore ou virales. Un
traumatisme avec fracture peut léser un ou plusieurs troncs nerveux (par exemple, fracture
supracondylienne de l’humérus). Des voies
nerveuses peuvent souffrir de façon chronique
(compression sous un plâtre, par une tumeur...)
ou aiguë par traumatisme direct (plaie d’un
nerf, paralysie sciatique par injection intramusculaire) ou simple pression posturale.
Dans tous les cas, l’EMG précise le siège et la
sévérité de l’atteinte nerveuse, apporte une
information diagnostique et pronostique. La
dégénérescence axonale ne débute que vers le
3e jour après le traumatisme et atteint son
maximum entre les 8e et 12e jour, si bien
qu’une EMG trop précoce risque de sous-estimer la lésion. L’absence d’activité spontanée,
la persistance d’une excitabilité et d’une
conduction sensiblement normales au-dessus
et au-dessous de la lésion font conclure à une
atteinte surtout myélinique (neurapraxie) : un
bloc de conduction total ou partiel existe au
niveau de la lésion. La récupération spontanée
peut être pronostiquée. La présence de fibrillation spontanée ou provoquée, puis de potentiels lents, l’altération de l’excitabilité, des
réponses motrices et des VCN en aval de la
lésion témoignent de l’atteinte axonale. Une
nouvelle EMG, 3 à 6 mois plus tard, différenciera une lésion avec signes de régénération
nerveuse (axonotmésis) d’une lésion axonale
massive (neurotmésis) faisant discuter l’indication d’une réparation microchirurgicale.
Figure 2. EMG de stimulodétection : réponses
motrices et réflexe d’un
muscle plantaire
à la stimulation électrique
brève du nerf tibial postérieur. Aspect déchiqueté
des réponses chez un
enfant de 40 jours atteint
d’une dystrophie musculaire
myotonique congénitale.
Hypotonie
EMG-VCN
Neurogène
corne
anrtérieure
VCN
effondrée
Signes
myogènes
Amyotrophie Neuropathie
Pathologie
spinale
démyélinisante musculaire
Biopsie muscle
Biologie
moléculaire
Pathologie
centrale
Normal
Maladie
du collagène
Retard
simple tonus
EEG, PE Biopsie de peau Diagnostic
CPK
Biopsie nerf
Bilan SNC EMG de la mère Imagerie Bilans spécifiques d'élimination
cérébrale
Biopsie muscle
Biologie
Bilan cardio OPH, ORL, QI
moléculaire
Caryotope
Bilan
métabolique Bilan métabolique
Biologie
moléculaire
179
Figure 3. Stratégie des
explorations complémentaires selon les résultats
de l’EMG-VCN dans les
hypotonies et retards
moteurs du nourrisson.
F O R M E R
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Neuro-Pédiatrie
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Neuro-Pédiatrie
Paralysies faciales congénitales
L’EMG faciale et sa confrontation aux données cliniques permettent de différencier les
étiologies des paralysies faciales congénitales et d’en approcher la pathogénie et le
pronostic (7). En cas de souffrance prénatale
ou périnatale du VII, l’EMG en évalue la
sévérité afin de définir l’attitude thérapeutique. C’est l’EMG qui fait le diagnostic
d’hypoplasie du muscle triangulaire des
lèvres, conduisant à rechercher une malformation viscérale associée, en particulier cardiaque ou urinaire. L’atteinte du VII dans le
contexte d’une malformation hémifaciale
peut révéler une atteinte associée du cerveau.
Dans le syndrome de Mœbius, l’EMG permet d’en approcher la physiopathologie.
Enfin, l’EMG est normale dans les asymétries mandibulofaciales posturales et les
diplégies faciales apraxiques.
Tableau. Les principales indications de l’EMG chez l’enfant.
◆
– hypotonie néonatale sévère
– asymétrie faciale congénitale
– malformations buccofaciales
– paralysie obstétricale du plexus brachial
– paralysie phrénique, éventration diaphragmatique
– pied bot varus équin, main botte, arthrogrypose
– trouble de succion-déglutition, fausses routes, malaises graves
◆
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 5, octobre 2000
Nourrisson
– hypotonie-retard moteur
– aréflexie
– régression motrice
– encéphalopathie
– carence nutritionnelle
◆
Enfant
– déficit moteur aigu
– déficit moteur chronique, amyotrophie
– myotonie
– ptôsis, fatigabilité
– déformation des pieds
– scoliose évolutive
– traumatisme des racines, plexus et troncs nerveux
Troubles de succion-déglutition
La recherche d’un trouble de succion-déglutition est une étape de l’enquête étiologique
des difficultés respiratoires et des pneumopathies précoces, des malformations buccofaciales, des malaises graves du nouveau-né.
L’étude neurophysiologique fait appel à plusieurs techniques (8). L’EMG des muscles de
la face, de la langue et du voile du palais étudie le fonctionnement d’unités motrices des
territoires du VII, du plexus pharyngé (IX-X)
et du XII. Le réflexe de clignement implique
des fibres et les noyaux du V, des relais polysynaptiques du tronc cérébral, le noyau
moteur du VII et ses fibres temporofaciales.
L’EMG dynamique, qui explore le générateur bulbaire de l’automatisme de succiondéglutition, consiste à enregistrer simultanément un muscle témoin du temps buccal, le
génioglosse, et un muscle témoin du temps
pharyngien, le thyro-hyoïdien, pendant la
prise d’un biberon. L’analyse de l’activité de
chaque muscle et de la chronologie de leur
mise en jeu permet d’objectiver le trouble
d’organisation motrice et d’en apprécier la
Nouveau-né
sévérité, guidant le choix des modalités
d’alimentation et de nursing. L’ensemble des
résultats montre si ce trouble de déglutition
est isolé ou associé à des signes de lésion
bulbaire ou suprabulbaire.
Références
1.
Raimbault J. Explorations neurophysiologiques en pédiatrie. Encycl Med Chir,
Pédiatrie, Paris, 2-1984, 4090 A 60.
2. Dubowitz V. The floppy infant. 2nd ed. Clinics
in Developmental Medicine, n° 76.
Cambridge : Cambridge University Press,
1980.
3. Renault F, Persenaire B, Harpey JP.
Diagnostic des hypotonies néonatales : apport
de l’EMG fait avant le 30e jour de vie. Journées
180
parisiennes de pédiatrie. Paris : Flammarion
Médecine-Sciences 1994 : 285-91.
4. Arthuis M, Pinsard N, Ponsot G et al.
Neurologie pédiatrique, 2e édition. Paris :
Flammarion Medecine-Sciences, 1998.
5. Barois A. Maladies neuromusculaires.
Progrès en pédiatrie (3). Paris : Doin Éditeurs, 1998.
6. Renault F. Le pied creux neurologique chez
l’enfant. Médecine et chirurgie du pied
1995 ; 11 : 20-4.
7. Renault F, Garabédian EN, Harpey JP.
Diagnostic des paralysies et asymétries
faciales congénitales. Journées parisiennes
de pédiatrie. Paris : Flammarion MédecineSciences 1993 : 155-61.
8. Renault F, Raimbault J. Électromyographie
faciale, linguale et pharyngée chez l’enfant :
une méthode d’étude des troubles de succiondéglutition et de leur physiopathologie.
Neurophysiol Clin 1992 ; 22 : 249-60.
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