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Cette tripartition est pertinente à bien des égards, car les trois dialogues
visent des objectifs qui sont différents, ils sont gouvernés par des normes
qui ne sont pas de même origine, ils sont confrontés à des contraintes qui
ne sont pas de même nature, et ils requièrent donc, chacun, des facultés,
des compétences, des performances particulières. Ils entretiennent des
rapports différents avec le temps et avec la production du sens. Au sein
du cerveau, ils correspondent -schématiquement - à des niveaux
d'intégration et d'organisation distincts qui traitent, de manière
différenciée, des informations qui leur sont propres. Bien évidemment, il y
a des interactions complexes entre ces trois dialogues et entre les
processus cérébraux qui les sous-tendent. L'unification et la cohérence
sont assurées, en particulier, par les processus affectifs, car ces derniers
interviennent dans la médiation de chacun des dialogues, comme
éléments de signification et de motivation ; et les systèmes neuronaux qui
en constituent le substrat matériel, sont distribués à travers les différents
étages fonctionnels de l'entité dynamique qu'est le cerveau.
S'ils ont en commun une qualité essentielle, sur laquelle on reviendra, les
processus affectifs se laissent néanmoins distinguer sur la base de leur
intensité et de leur durée. Il peut s'agir d'un simple signal qui vient
s'intégrer, de façon transitoire et sous la forme d'un attribut d'ordre
affectif, à une sensation extéroceptive ou intéroceptive et qui lui confère
ainsi une connotation affective. Il peut aussi y avoir induction d'un état
affectif plus durable qui va colorer d'une façon plus globale la perception
du monde extérieur comme celle du monde intérieur. En fonction de la
signification, innée ou acquise, qu'il revêt pour l'individu, un objet ou un
événement peut même mobiliser l'être tout entier dans l'ébranlement
d'une émotion qui se manifeste par un comportement et par des
modifications viscéro-motrices et humorales qui lui sont propres.
Quelles qu'en soient l'origine et la forme, chacun de ces processus
s'accompagne d'une expérience subjective qui est universellement
ressentie comme étant "agréable, plaisante, gratifiante" ou, au contraire,
"désagréable, déplaisante, frustrante". Cette qualité particulière de
l'expérience vécue (qu'elle soit induite de l'extérieur, ou évoquée, ou
imaginée) détermine l'une ou l'autre des deux attitudes fondamentales
face à tout objet ou événement : une attitude d'appétence et d'approche
(aller vers…) ou, au contraire, une attitude d'aversion et de retrait (éviter,
fuir…). Dans tous les cas, la fonction du processus affectif est de signaler,
de signifier quelque chose, d'orienter l'attention et l'action, et d'optimiser
ainsi les chances qu'a l'individu de s'engager dans des interactions qui
soient adaptées et adaptatives, dans le sens de la satisfaction de ses
besoins et/ou de la réalisation de ses dés