LA MÉDICATION DE LA DOULEUR CHRONIQUE Dre Aline

LA MÉDICATION DE LA DOULEUR CHRONIQUE
Dre Aline Boulanger MD, FRCPC, MPH
Anesthésiologiste
Professeure agrégée de clinique, Département d’anesthésiologie,
Faculté de médecine, Université de Montréal
Directrice de la Clinique Anti-Douleur, Hôtel-Dieu du CHUM
Directrice de la Clinique de la douleur, Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
1ère Vice-présidente de l’Association québécoise de la douleur chronique (AQDC)
Présidente de la Société québécoise de la douleur
La médication analgésique
1. Les opioïdes
Les opioïdes sont des molécules qui sont des dérivés naturels de l’opium ou des
composés chimiques qui s’y apparentent. Ils forment une grande famille de
médicaments qui sont couramment utilisés pour le soulagement de la douleur aiguë,
suite à une opération ou à un accident, ou pour traiter la douleur cancéreuse. Les
patients souffrant de douleur chronique peuvent bénéficier de l’usage des opioïdes à
long terme, lorsque indiqué.
Lorsque l’on pense à opioïde, on pense aussi à dépendance. Il est essentiel ici de
distinguer la « dépendance physique » et la « dépendance psychologique » puisqu’il
s’agit de deux phénomènes différents.
Les signes de dépendance physique se produisent lorsqu'on cesse brusquement
d’administrer un opioïde. Il se produit alors une réaction de sevrage qui se manifeste
généralement par des tremblements, des sensations alternées de chaud et de froid, de
l'anxiété et des nausées. Ces symptômes peuvent être évités en diminuant
graduellement les doses du médicament. C’est une réaction normale de l’organisme et
ce n’est pas de la toxicomanie.
La dépendance psychologique se caractérise par un fort désir à prendre le médicament
(ou une drogue) de façon continue ou périodique, afin de retrouver ses effets
euphorisants et parfois d'éviter le sevrage. C’est la toxicomanie. On ne connaît pas le
risque réel de développer une dépendance psychologique lorsque les opioïdes sont
administrés à des patients qui souffrent, mais il semble que ce risque est faible.
Est-vous inquiet de la tolérance? La tolérance est une réaction normale et
occasionnelle de l’organisme qui fait en sorte que l’on nécessite des doses de plus en
plus élevées pour avoir le même degré de soulagement. Ce n’est pas un signe de
toxicomanie. Si elle survient, la tolérance peut généralement être contournée en
changeant de médicament ou en faisant des combinaisons médicamenteuses.
Plusieurs opioïdes sont disponibles : codéine, oxycodone, morphine, hydromorphone,
fentanyl et méthadone.
La codéine, l’oxycodone, la morphine et l’hydromorphone sont disponibles sous la
forme de comprimés à action rapide (début de soulagement en 30-45 minutes et une
durée de 3-4 heures) et de comprimés à libération contrôlée (durée d’action de 12
heures).
Peut-on couper ou croquer des comprimés à libération contrôlée? Comme règle
générale on ne doit pas les couper ou les croquer puisqu’ils perdent alors leur effet à
longue action et risque de provoquer une toxicité sévère.
Le fentanyl est disponible sous la forme d’un timbre cutané que le patient change à
tous les 3 jours. La méthadone est un opide qui se libère naturellement de façon lente
dans l’organisme.
Les opioïdes sont utilisés pour des douleurs dont l’intensité est généralement modérée
à sévère. Il n’y a pas vraiment de doses maximales aux opioïdes, car ce sont souvent
les effets secondaires qui limitent l’augmentation des doses. Les opioïdes produisent
leur effet analgésique en se liant à un récepteur situé entre autres au niveau du
cerveau : le récepteur µ (mû)
2. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
L’acétaminophène et les anti-inflammatoires sont utiles pour différents problèmes
douloureux associés par exemple à un accident, à une chirurgie, à de l’arthrite ou à un
cancer. Les AINS sont particulièrement intéressants lorsque la maladie implique une
composante inflammatoire. Ils sont habituellement utilisés lorsque la douleur est
d’intensité légère à modérée.
Saviez-vous que :
1. Les AINS ne produisent pas de dépendance physique ou psychologique,
2. Les AINS diminuent la fièvre,
3. Le mode d’action des AINS se produit via la diminution de production des
prostaglandines, responsables de la réaction inflammatoire.
Mais que toutefois :
1. Les AINS ont des doses maximales qu’il ne faut pas dépasser sinon on
s’expose à des complications sévères,
2. Pour certains patients, les AINS à des doses normales peuvent causer des
dommages aux reins et à l’estomac,
3. Les AINS peuvent nuire à la coagulation du sang.
Les AINS traditionnels (Naprosen, Motrin, Voltaren) diminuent la production des
prostaglandines en bloquant 2 enzymes :
1. La cyclooxygénase 1 (COX 1) responsable de l’équilibre de plusieurs organes
(l’estomac, le rein et les plaquettes),
2. La cyclooxygénase 2 (COX 2) responsable de la réaction inflammatoire.
En agissant sur la COX 2, les AINS traditionnels bloquent la réaction inflammatoire,
mais puisqu’ils inhibent aussi la COX 1 ils perturbent des mécanismes protecteurs pour
l’organisme, exemple :
¾ En bloquant la COX 1, les AINS traditionnels peuvent provoquer des
ulcères d'estomac puisqu’ils diminuent la protection naturelle que nous
avons au niveau de l’estomac contre l’acidité.
¾ En bloquant la COX 1, les AINS traditionnels provoquent des saignements
plus facilement puisqu’ils bloquent le fonctionnement normal des
plaquettes, 1re étape dans la coagulation du sang.
C’est pourquoi l’industrie pharmaceutique a développé des molécules bloquant de
façon particulière la COX 2 (Célébrex, Vioxx) et épargnant la COX 1. Ces molécules
sont nettement mieux tolérées au niveau de l’estomac. Toutefois, l’usage à long terme
de ces médicaments nous a appris que des problèmes cardiaques pouvaient survenir.
Dans ce contexte 2 des 3 inhibiteurs spécifiques de la COX 2 ont été retirés du marché
(le Vioxx et le Bextra). Il est possible que le Vioxx soit réintroduit sur le marché
canadien.
3. Les co-analgésiques
Des antiépileptiques et des antidépresseurs contre la douleur? Eh oui!
Les co-analgésiques sont des médicaments qui ont été développés initialement pour
d’autres raisons que le traitement la douleur. Leurs effets analgésiques peuvent être
significatifs et il ne faut pas avoir peur d’en faire l’usage lorsqu’ils sont recommandés
par le médecin.
Les antidépresseurs sont régulièrement utilisés pour leurs propriétés analgésiques. Ce
sont les anciennes molécules qui semblent offrir le plus d’avantages (Élavil, Aventyl,
Sinéquan). Elles sont généralement prescrites en petites doses le soir au coucher.
Les anticonvulsivants sont aussi très populaires. Le Neurontin est celui qui est le plus
régulièrement prescrit. D’autres anticonvulsivants, tels que le Topamax, le Tégrétol,
l’ Épival ou le Trileptal, peuvent offrir des avantages aux patients qui n’ont pas répondu
au Neurontin. Un nouvel agent, le Lyrica, rendu récemment disponible sur le marché,
offre une nouvelle option pour les patients présentant des douleurs rebelles.
Les cannabinoïdes provoquent la curiosité de bien des patients. Contrairement aux
autres co-analgésiques qui habituellement soulagent que les douleurs neuropathiques,
les cannabinoïdes peuvent être utilisés pour les douleurs neuropathiques et
nociceptives.
Bien d’autres médicaments peuvent être utilisés comme co-analgésiques tels un
antiarythmique (Mexiletine), un hypotenseur (Catapress) et un sirop contre la toux
(dextrométhorphan).
Conclusion
Sous-traitée, la douleur peut conduire à des effets physiologiques, psychologique et
immunologique néfastes pour la santé. La douleur peut diminuer la capacité à respirer
adéquatement, ralentir la fonction gastro-intestinale, et augmenter la tension artérielle.
La douleur peut causer de l’anxiété, diminuer l’appétit, provoquer de la dépression et des
troubles du sommeil.
Le sous-traitement de la douleur est un problème sérieux qui peut conduire à de la
souffrance inutile, à une augmentation des coûts de santé, à de l’absentéisme au travail et
à la diminution de la qualité de vie. Le traitement adéquat de la douleur est encouragé.
Si vous présentez des problèmes de douleur, il est recommandé que vous consultiez votre
médecin. Celui-ci procédera à un questionnaire, à un examen et par le biais de différents
tests, il tentera de faire un diagnostic précis. Il vous suggérera un plan de traitement et si
indiqué, il vous donnera une médication appropriée à votre situation.
Il est aussi important de ne pas demeurer isolé face à la douleur. L’Association
québécoise de la douleur chronique (AQDC) a pour mission d’améliorer la condition
des personnes souffrant de douleur chronique au Québec.
Ses objectifs sont entre autres de représenter les intérêts des patients souffrant de douleur
chronique auprès de diverses instances décisionnelles, de sensibiliser le public à la
maladie de la douleur chronique, et de sensibiliser les autorités gouvernementales au
manque de ressources face aux traitements de la douleur chronique.
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