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DÉPISTAGE VIH ET CONSEIL
EN
AFRIQUE
toute personne apprenant sa séropositivité avec, en plus, un fort
sentiment d'injustice vis-à-vis du milieu médical qui lui aura caché
pendant une
si
longue période cette information essentielle sur son
état de santé. Sentiment prégnant, aussi, d'un retard important pris
dans des initiatives thérapeutiques qu'il aurait engagées, estime-t-il,
s'il avait connu plus tôt son statut sérologique. Dans le cas
où
cette
annonce tardive ne fait que confirmer une séropositivité déjà intégrée
dans la représentation de l'affection, elle doit alors s'insérer dans
l'ensemble des "diagnostics" émanant de l'entourage.
Concrètement, se posent
à
la personne séropositive
les
questions
suivantes
:
-
Quelle information partager avec les proches qui le disaient
"malade du sida" et prenaient leurs distances avec lui
?
-
Que dire
à
ceux qui étaient inquiets au début de la dégradation
de son état de santé et que les effets bénéfiques du traitement anti-
tuberculeux avaient rassurés
?
-
Comment mettre en œuvre des mesures de prévention, doréna-
vant clairement corrélées au risque de transmettre le VIH ou de se
réinfecter, vis-à-vis d'un partenaire avec lequel ces mêmes recom-
mandations avaient
été
délaissées lors de la guérison de la tubercu-
lose
?
Espace et durée de l'annonce
Ces éléments essentiels
à
la compréhension des réactions
à
l'an-
nonce (multiplicité des 'cannonces7'
et
annonce médicale décalée
par
rapport au test) réintroduisent donc les trois constats énumérés
au
début de mon propos.
En premier lieu, parmi les recommandations que l'on peut
sou-
mettre
à
l'appréciation des personnes ayant la charge de la mise
en
œuvre de l'annonce de la séropositivité, apparaît clairement la
nécessité pour
le
personnel de santé de ne jamais occulter
le
fait que
le
patient
a
entendu et assimilé des informations d'origines et de
contenus variés sur la nature de son affection. De même qu'il ne
limite pas sa recherche de soins
à
l'offre d'une structure sanitaire
précise, il n'attend pas la révélation de son statut sérologique pour
recevoir et interpréter des informations sur sa maladie.
Cela m'amène au second point évoqué
:
la cohérence du proces-
sus
de conseil, incluant l'annonce proprement dite. Par cohérence,
j'entends ici, notamment, la mise
en
œuvre d'un pré-test qui ne se
L'ANNONCE
AUX
MALADES
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contente pas de délivrer des informations sur le sida et
le
test
à
venir
mais qui, de plus, donne l'opportunité
au
patient de parler de son
affection (dans le cas
oÙ
le
test intervient lors de la survenue d'un
problème de santé)
ou,
plus généralement, de
sa
perception du
risque de s'être exposé au
VIH.
Cela revient en somme
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écouter ce
que la personne accepte de dire sur son état de santé et sur le sida.
En fournissant des informations sur
le
type de "diagnostics" enten-
dus, ces précisions faciliteront l'intervention du conseiller lors
du
pré-test qui, en plus d'être complète sur les modes de transmission
et la prévention du VIH ainsi que sur les conséquences de la séro-
positivité
ou
dela séronégativité, tentera, autant que faire se peut
compte-tenu d'évidentes contraintes de temps, de prendre en consi-
dération la perception individuelle du sida.
Une telle personnalisation de l'échange lors du pré-test se révé-
lera par la suite utile lors d'une annonce qui pourra
se
fonder sur
la
compréhension que le patient développe de son état de santé et qu'il
a acceptée de partager lors de ce pré-test
:
ces éléments compléteront
alors ceux relatifs au '"profil psychologique" du patient (permettant,
par exemple, d'évaluer la possibilité d'une réaction violente ou de
vengeance
à
l'annonce..
.),
sur
lequel le personnel de santé souhaite
fréquemment avoir des informations.
Troisième constat que l'écart de temps important entre le test et
son rendu vient confirmer, l'abandon des mesures de prévention re-
latives au
VIH
impose une répétition et une actualisation des conseils
délivrés lors de l'annonce et du post-test. Cette pratique d'une
an-
nonce décalée s'ajoutant
à
un diagnostic de guérison de la tubercu-
lose favorise indéniablement un délaissement de la prévention du
VIH
:
pour autant, recommander que soient régulièrement reformu-
lées les mesures de protection contre
le
VIH ne me paraît nullement
superflu ou devant être réservé
à
ce seul type de patients (tubercu-
leux infectés par le
VIH).
~
Ceci pour deux raisons
:
D'une part, au-delà de leur double expérience de la tuberculose et
du sida, ces patients organisent peu
à
peu leur existence autour de
leur infection par le VIH
:
ils reviennent en consultation pour des
problèmes de santé découlant de leur séropositivité, bien après leur
guérison de la tuberculose.
En
d'autres termes, ils développent
des
rcponses tant au niveau de la recherche de sens que de soins, exem-
plaires de l'ensemble de celles apportées par les personnes iiafectécs
par le VIH.