Lyon le 23 novembre 2012 Génétique et cancers digestifs : qui envoyer à une consultation d’oncogénétique et pour rechercher quoi ? Thierry Lecomte Service d’Hépatogastroentérologie et de Cancérologie digestive CHU de Tours Université François Rabelais Les facteurs de prédisposition génétique aux cancers ? Les facteurs majeurs : Déterminisme Syndromes Affections monogénique (mutation délétère) de prédisposition héréditaire rares / Risques tumoraux très élevés Les facteurs mineurs : Déterminisme oligo-(poly)-génique (polymorphismes fonctionnels) Risque Effet associé à chaque facteur modéré ou très modéré additif de plusieurs polymorphismes Interactions avec des facteurs d’environnement X X X X X pancréas grêle X X X X X X X X X TNE GIST NEM1 estomac X NF1 SPINK1 PRSS X CDH1 X BRCA2 MYH X p16 APC colon SMAD4 BMPR1 A STK11 (LKB1) Gènes MMR Principaux gènes des syndromes de prédisposition aux cancers digestifs X X Caractéristiques générales Affections rares 5 % des cancers du côlon Risque majeur de cancer(s) Syndrome de Lynch : incidence cumulé de cancer du côlon à 70 ans ≈ 40-50 % Prise en charge spécifique stratégie de dépistage et de prise en charge Possibilité d’un diagnostic génétique prédictif chez les apparentés sains Deux types de stratégie diagnostique génétique Cas index - phénotype « évocateur » …. encore faut-il l’évoquer stratégie diagnostique à la recherche d’une altération génétique « constitutionnelle » Apparenté d’un cas index - histoire familiale : diagnostic génétique connu : diagnostic génétique à proposer diagnostic génétique non connu : retour vers le cas index pour définir la stratégie diagnostique Eléments phénotypiques à préciser devant un cas index Phénotype « carcinologique » digestif (CR anapath) ATCDs personnels et familiaux de cancers (cancers extra-digestifs) – arbre généalogique Phénotype endoscopique : Polypose ou non Polypose atténuée (<100) ou « classique » (> 100) Nature des polypes (adénomateux, hyperplasiques, mixtes hamartomateux ….) Atteinte digestive extra-colique (polypose gastrique glandulo-kystique, polypose duodénale) Manifestation extra-digestive (tumeur desmoïde …) Résultat du statut MSI (demandé en RCP) Exemple de cas index Un phénotype évocateur chez un cas index Clinique : cancer du côlon à 42 ans Endoscopique : pas de polypose Moléculaire : cancer colique MSI+ consultation d’oncogénétique BIEN CARACTERISER LE PHENOTYPE Polyposes colorectales Adénomateuses Polypose « floride » pas de problème d’identification problème des formes de novo (retard diagnostique) Polypose atténuée définition discutée (5 ou 10 adénomes, fct de l’âge ?, synchrones ?) plus tardive, plus hétérogène (familiale, sporadique) diagnostic plus complexe Hamartomateuses Hyperplasique, mixte Diagnostic génétique des polyposes PAF « classique » (> 100) : 80 % APC (75 %) autosomique dominant MYH (5 %) PAF atténuée (hétérogénéité) (< 100) : 20 % MYH (10 %) autosomique récessif APC (10 %) « Grover, JAMA 2012 sporadique » ??? Syndrome de Peutz-Jeghers : 60 % Polypose juvénile : 40-60 % Polypose mixte, hyperplasique (?) Polypose adénomateuse familiale « classique » liée à APC Autosomique dominant Hautement reconnaissable au moyen d’une coloscopie 100 à 1000 polypes adénomateux Polypose duodénale, polypose glandulo-kystique …. Début de la surveillance endoscopique à partir de 12 ans Polypose atténuée liée à des mutations du gène APC • • • • Adénome : 40 ans (12-80) Cancer : 55 ans (30-80) Atteinte du côlon proximal Diagnostic de cancer à un âge plus avancé que dans la PAF « classique » • Manifestations extra-coliques et extra-digestives Polypose atténuée liée au gène MYH Transmission autosomique récessive Polypose colorectale atténuée Mutations germinales biallèliques du gène MYH Rare manifestation extradigestive, extra-colique (≠ APC) > 50 % compliquée de cancer Polyposes hamartomateuses Deux types principaux : Syndrome Polypes hamartomateux de l’ensemble du tube digestif Lentiginose péri-orificielle Polypose de Peutz-Jeghers, gène STK11/LKB1 juvénile, gène SMAD4 ou BMPRA1 Polypes hamartomateux coliques (≥ 5) Transmission autosomique dominante Incidence : 10 fois < à celle de la PAF/APC Diagnostic basé sur le type histologique des polypes Prédispositions aux cancers digestifs : côlon estomac, pancréas … et extra-digestifs Syndrome de Lynch Le plus fréquent des syndromes de prédisposition au CCR Forme non polyposique de syndrome de prédisposition Problèmes d’identification – pas de phénotype endoscopique caractéristique A évoquer en RCP Interrogatoire Tests moléculaires sur la tumeur Méconnaissance – retard diagnostique Définition clinique du syndrome de Lynch : les critères d’Amsterdam Critères cliniques : -3 apparentés atteints -1 apparenté au 1er degré aux 2 autres -1 cas diagnostiqué à un âge < à 50 ans Bonne spécificité mais sensibilité très insuffisante Recrutement des familles sur la base de ces critères surestimation des risques tumoraux Obsolètes Définition génétique du syndrome de Lynch Altération d’un gène MMR défaut de réparation des mésappariements de l’ADN Gènes impliqués : MSH2 MLH1 MSH6 PMS2 PMS1, MSH3, EXO1 Inconnu 40 % 20 % 10 % 1% <1 % 30 % Caractéristiques des CCR associés au syndrome de Lynch Sujets jeunes Localisés en amont de l’angle colique gauche Développés à partir d’adénome (concept d’adénome agressif) Caractéristiques histologiques faible degré de différenciation contingent colloïde muqueux réaction lymphocytaire dense Crohn-like du stroma Autres éléments évocateurs : ATCDs personnels de cancers du spectre Cancers synchrones Notion de spectre « large » et « étroit » Autres cancers associés au syndrome de Lynch Spectre étroit : RR > 8 Endomètre Grêle Voies urinaires excrétrices Spectre large : 2 < RR < 8 Cancer de l’ovaire Cancer gastrique Cancer des voies biliaires Phénotype moléculaire des CCR associés au syndrome de Lynch Phénotype MSI (RER, dMMR) Analyse en BM de marqueurs moléculaires (microsatellites) ADN extrait de la tumeur (adénome) : blocs fixés en paraffine (biopsies, cancer opéré) Accessibilité du test +++ (Plateformes de génétique des tumeurs ; Inca) Perte d’expression immunohistochimique d’une protéine MMR Phénotype MSI 100 % des CCR liés à un syndrome de Lynch 15 % des CCR « sporadiques » Sujets âgés Cancer du côlon proximal Hyperméthylation promoteur MLH1 Voie de carcinogenèse (adénome festonné) BRAF muté (V600E) Polypose atténuée ou syndrome de Lynch ? Pas toujours évident à différencier Le phénotype moléculaire (statut MSI) du cancer (voir d’un adénome) est primordial Transmettre les CR anatomopathologiques et endoscopiques Recommandations pour la recherche d’un syndrome de Lynch Tumeur du spectre diagnostiquée à un âge inférieur à 60 ans Atteintes multiples chez un même individu ou chez deux apparentés au premier degré quels que soient les âges au diagnostic Penser à un syndrome de Lynch Demander une recherche d’une instabilité des microsatellites (en BM; plateformes de génétique des cancers) Cancer gastrique héréditaire Forme familiale liée à CDH1 : forme diffuse de cancer gastrique Syndrome de Lynch (plus rare) Quand demander une consultation (CDH1): 2 cancers gastriques avec un lien de parenté au 1er degré dont un cancer diffus à un âge < à 50 ans 3 cancer gastriques diffus quelque soit l’âge 1 cancer diffus à un âge < à 40 ans cancer lobulaire du sein et cancer gastrique diffus dont un à un âge inférieur à < 50 ans Consensus International. J Med Genet 2010, 47(7):436-444 Fiche GENMAD 2012 Adénocarcinome du pancréas Agrégation familiale (environ 5 % des cas de cancer du pancréas) Pas de recommandation consensuelle concernant les critères justifiant une consultation d’oncogénétique Gènes / syndromes (20 % des cas) : p16/Cdnk2 BRCA2 : Mélanome familial : Cancer sein-ovaire Peutz-Jeghers Pancréatite chronique héréditaire Tumeur neuroendocrine duodéno-pancréatique Exploration à la recherche d’une NEM1 : Situations à risque élevé de NEM 1 : âge < 50 ans, syndrome de Zollinger-Elison, TNE multiples, histoire familiale évocatrice, hyperparathyroïdie … Explorations +/- poussées selon l’âge et le contexte : Calcémie basale et PTH basale Avec l’aide d’un endocrinologue, recherche d’adénome hypophysaire, de tumeur surrénalienne, de tumeur endocrine bronchique ou thymique Mutations constitutionnelles du gène de la ménine Réseau RENATEN Qui envoyer en consultation d’oncogénétique ? Situations types (1) Liées au cas index Agrégation familiale d’un même type de cancers ou de cancers « génétiquement associés » Cancers synchrones ou métachrones chez un individu donné Age jeune au diagnostic Polyposes (> 10-15 adénomes; voir 5 si < 40 ans) Cancer du côlon < 60 ans et MSI + (IHC MMR) Qui envoyer en consultation d’oncogénétique ? Situations types (2) Apparenté qui appartient à une famille : atteinte d’un syndrome de prédisposition génétique au cancer identifié suspecte de syndrome de prédisposition génétique au cancer Stratégie de prise en charge fonction du caractère informatif ou non de la famille Eléments à renseigner et à transmettre en vue d’un diagnostic génétique Du phénotype … Phénotype « familial » Phénotype clinique digestif et extra-digestif Phénotype endoscopique (polypose familiale) Phénotype anatomopathologique Phénotype moléculaire +++ (syndrome de Lynch) ….. au génotype Merci de votre attention