Formes génétiques des cancers digestifs Cours Intensif de la Fédération Francophone de Cancérologie Digestive (FFCD). Paris, Mais 2014 Dr Bruno BUECHER, Institut Curie, Paris Les formes héréditaires des cancers digestifs ▪ Affections rares: 5% de l’ensemble des cancers ? ▪ Risques tumoraux majeurs (mais pénétrance variable) ▪ Nécessité d’une prise en charge spécifique d’efficacité démontrée ▪ Possibilité de dépistage chez les apparentés indemnes à risque 1 - FH des cancers colorectaux ▪ Formes polyposiques ▪ Formes non polyposiques 2 - FH des cancers gastriques ▪ De type « intestinal » ▪ A cellules indépendantes (mutation du gène CDH1) 3 - FH des cancers pancréatiques ▪ Adénocarcinomes excréto-pancréatiques ▪ Tumeurs endocrines (NEM 1 ; NF1; VHL) 4 - FH de tumeurs stromales gastrointestinales (GIST) (mutation gène c-Kit ou PDGFR) Les formes héréditaires des cancers colorectaux Les formes « polyposiques » Les formes « non polyposiques » ▪ Polyposes adénomateuses ++ ▪ Syndrome de Lynch ++ ▪ Polyposes hamartomateuses ▪ Autres Les polyposes colorectales … une indication de consultation de génétique oncologique DIAGNOSTIC DE NATURE 1 - Type histologique des polypes 2 - Manifestations phénotypiques associées 3 - Mode d’agrégation familiale (TAD ou TAR) P. Hyperplasique et P. festonnée P. adénomateuse Maladie de Cowden & Ganglioneuromatoses S de Peutz-Jeghers Polypose juvénile Polyposes hamartomateuses Les polyposes adénomateuses colorectales ▪ « Polypose adénomateuse familiale », liée à APC APC Familial Adenomatous Polyposis (FAP) Forme « classique » et forme « atténuée » ▪ « Polypose associée à MUTYH » MUTYH MYH Associated Polyposis (MAP) La polypose adénomateuse associée à APC « polypose adénomateuse familiale » Génétique moléculaire ▪ Mutation du gène APC ▪ Transmission autosomique dominante Phénotype La polypose colorectale, profuse ou « atténuée » La polypose duodénale / adénoK duodénal Manifestations extradigestives ▪ Tumeurs desmoïdes ▪ Ostéomes, Anomalies dentaires ▪ Lipomes, kystes épidermoïdes ▪ Hypertrophie de l’épithélium pigmentaire de la rétine ▪ Hépatoblastomes, adénoK pancréatiques, cholangiocarcinomes, carcinomes thyroïdiens … La polypose adénomateuse associée à MUTYH Génétique moléculaire ▪ Transmission autosomique récessive ▪ Mutation bi-allélique du gène MYUYH Prévalence ▪ 30% des PA « APC négatives » Phénotype La polypose colorectale ▪ Le plus souvent de type « atténuée » ▪ Fréquence des formes dégénérées au diagnostic La polypose duodénale ▪ Prévalence ? ▪ Carcinomes duodénaux et péri-ampullaires rapportés Autres manifestations phénotypiques ? ▪ Adénomes sébacés, sébacéomes, carcinomes sébacés ▪ Autres ? Cas apparemment sporadique ou agrégation évocatrice T.A.R Les polyposes adénomateuses: APC ou MUTYH ? Situation clinique n°1 Polypose atténuée, et Agrégation évocatrice TAR, et Pas de manifestation extra-digestive ETUDE MUTYH Situation clinique n°2 Polypose classique ou profuse, et/ou Agrégation « trans-générationnelle », et/ou Pas d’indication (hors recherche) si n<15 Manifestations extra-digestives ETUDE APC La polypose adénomateuse associée à MUTYH Pas d’indication (hors recherche) si n<15 http://www.e-cancer.fr Hepato-Gastro 2011; 18: 241-247 Les polyposes hamartomateuses ▪ Transmission autosomique dominante ▪ Incidence: 10 fois inférieure à celle de la PAF / APC ▪ Diagnostic basé sur type histologique des polypes & manifestations phénotypiques associées P juvénile ▪ La polypose de Peutz-Jeghers, gène STK11/LKB1 ▪ La polypose juvénile, gène SMAD4 ou BMPRA1 ▪ La Maladie de Cowden, gène PTEN ▪ Les ganglioneuromatoses digestives P de Peutz-Jeghers Mécanisme de la carcinogenèse associée aux PH ? Hamartome: malformation pseudo-tumorale caractérisée par une quantité excessive ou une disposition anormale, dans un tissu ou un organe de cellules qui y existent normalement Ganglioneurome Le syndrome de Lynch DEFINITION « MOLECULAIRE » (« ex HNPCC ») Phénotype tumoral particulier « dMMR » Mutation germinale d’un des gènes du système MMR MLH1, MSH2 +++ MSH6, PMS2 Ac anti-MLH1 MSI-H Défaut expression protéique IHC Constant mais non spécifique ▪ Inactivation constitutionnelle d’un allèle ▪ Inactivation somatique secondaire du 2ème allèle Transmission autosomique dominante Risques tumoraux associés au syndrome de Lynch Risques cumulés en fonction de l’âge pour les différentes tumeurs du spectre Etude ERISCAM (Estimation des RISque de Cancer chez les porteurs de mutation des gènes MMR) ▪ 537 familles avec mut. MMR (MLH1: n=248; MSH2: n=256; MSH6: n=33) ▪ 40 centres français de cs d’oncogénétique JAMA 2001; 305: 2304-2310 Localisation Incidence cumulée (20-70 ans) % (IC95%) Cancer colorectal ▪ Hommes ▪ Femmes 38% (25-59) 31% (19-50) Cancer de l’endomètre 33% (16-57) Cancer de l’ovaire 09% (04-31) Cancer des voies excrétrices urinaires 1,9% (0,3-5,3) Cancer de l’intestin grêle 0,6% (0,1-1,3) Cancer de l’estomac 0,7% (0,08-4,4) Cancer des voies biliaires 0,6% (0,07-2,5) Tout cancer du spectre ▪ Hommes ▪ Femmes 45% (32-59) 54% (41-70) Corrélations phénotype / génotype dans le syndrome de Lynch ▪ Risque de cancer colorectal (pénétrance) moindre pour les mutations des gènes MSH6 et PMS2, que pour celles des gènes MLH1 et MSH2 Ages aux diagnostics plus tardifs ▪ Risque de carcinome urothélial plus élevé pour les mutations du gène MSH2 ▪ Risque d’adénocarcinome de l’endomètre moindre pour les délétions de EPCAM/TACSTD1 Impact du type de mutation (ponctuelle - tronquante ou non - ou RGT) ou de sa localisation pour un gène donné sur les risques tumoraux ? Le syndrome de Lynch: Quand faut-il l’évoquer ? • Tout cancer du spectre diagnostiqué à un âge < 60 (70?) ans • ≥ 2 cancers du spectre diagnostiqués chez un même individu ou chez 2 individus apparentés au 1er degré, quelque soient les âges au diagnostic Le syndrome de Lynch: étude somatique Étape clé dans la stratégie diagnostique Immunohistochimie Phénotype MSS (pMMR) Biologie moléculaire Phénotype « compatible » (MSI, dMMR) Prélèvement sanguin Diagnostic exclu Diagnostic possible Pas d’indication de recherche de mutation Indication de recherche de mutation Groupe de Majorque 35 experts européens / 13 pays Gut 2013; 62: 812-823 Syndrome de Lynch: Le dépistage du cancer colorectal Coloscopie avec coloration à l’indigo-carmin Non polypoid colorectal neoplams: a challenge in endoscopic surveillance of patients with Lynch syndrome Rondagh EJA, et al. Endoscopy 2013: 45: 257-264. ▪ 103 coloscopies / 59 patients avec syndrome de Lynch ▪ 620 coloscopies / 590 sujets « hors Lynch » Proportion des adénomes de type « non polypoïdes » Lynch Hors « Lynch » OR, IC95% Tous adénomes 43,3% 16,9% 3,60 (1,90-6,83) p<0,001 Adénomes côlon proximal 58,1% 16,3% 6,93 (2,92-16,4) p<0,001 Syndrome de Lynch: La surveillance gynécologique Annuelle à partir de l’âge de 30-35 ans ▪ Examen clinique pelvien ▪ Echographie endovaginale ▪ Biopsie endométriale à la pipelle, lorsqu’elle est possible ▪ Consultation médicale rapide en cas de méno-métrorragies +++ Hystérectomie + annexectomie bilatérale prophylactique Alternative possible à la surveillance clinique et échographique ▪ A l’occasion d’une chirurgie pour cancer colique ▪ Après accomplissement du projet parental et, à partir de l’âge de 40 / 45 ans Privilégier la voie cœlioscopique Exploration complète de la cavité péritonéale Cytologie péritonéale systématique. Examen anatomopathologique soigneux Syndrome de Lynch: Chimio-prévention par aspirine Etude CAPP2 937 patients avec syndrome de Lynch / 43 centres Mutation MMR causale identifiée dans 80% des cas Etude randomisée avec plan factoriel: Aspirine 600mg/j et AR 30g/j Durée intervention 2 ans; prolongation pour 2 années supplémentaires Réduction de l’incidence; ▪ des cancers colorectaux (18 versus 30): HR=0,41 (IC95%: 0,19-0,86); p=0,02 ▪ des cancers du spectre: HR=0,45 (IC95%: 0,26-0,79); p=0,005 (cancers de l’endomètre incidents: 5 versus 13) Le syndrome X: de quoi s’agit-il ? ▪ Agrégation familiale de cancers colorectaux sans polypose ▪ Non liée à une altération du système MMR (phénotype tumoral MSS) ▪ Entité vraisemblablement hétérogène ▪ Déterminisme génétique inconnu ▪ Possible responsabilité d’une combinatoire de facteurs génétiques « mineurs » de prédisposition (déterminisme poly- ou oligo-génique) Identification de nouveaux gènes de prédisposition aux polypes et cancers colorectaux Identification de nouveaux gènes de prédisposition Les ADN polymérase e et d ▪ Identification d’une mutation constitutionnelle de POLE (c.1270C>G; p.Leu424Val=L424V) dans 13 familles (1 + 12) POLD1 (c.1433G>A; p.Ser478Asn=S478N) dans 3 familles (2 + 1) ▪ Phénotype variable ▪ Transmission autosomique dominante avec pénétrance élevée ▪ Risque additionnel de cancer de l’endomètre et de tumeurs cérébrales en cas de mutation de POLD1 ? ▪ Modèle Gène Suppresseur de Tumeur (GST) incertain. Effet dose ? ▪ Phénotype tumoral « mutateur » pas d’instabilité des microsatellites Palles et al. Nature Genet 2013; 45: 136-144 Les formes héréditaires / familiales des adénocarcinomes gastriques Adénocarcinome de type intestinal Adénocarcinome à cellules indépendantes Les agrégations de cancers gastriques de type intestinal Familial Intestinal Gastric Cancer (FIGC) Formes syndromiques (syndromes héréditaires avec cancers gastriques) ▪ Syndrome de Lynch (MLH1; MSH2; MSH6; PMS2) ▪ PAF classique et atténuée (APC & MUTYH) ▪ Polypose juvénile (BMPR1A & SMAD4++) ▪ Polypose de Peutz-Jeghers (STK11/LKB1) ▪ Syndrome de Li-Fraumeni (TP53) ▪ Ataxie télangiectasique (ATM) Formes non syndromiques (pas de gène identifié) Déterminisme génétique inconnu Possible interaction entre plusieurs facteurs mineurs en de prédisposition Gène(s) cause ?? génétique et des facteurs d’environnement (facteurs alimentaires et infection à Helicobacter Pylori) Les agrégations de cancers gastriques de type diffus Hereditary Diffuse Gastric Cancer (HDGC) Associées à une mutation germinale du gène CDH1 qui code pour la protéine d’adhésion E-Cadhérine dans 40% des cas environ Risque majeur de cancer gastrique +++ Majoration également du risque de cancers: ▪ du sein (carcinome lobulaire infiltrant ou mixte) ▪ du côlon à cellules indépendantes (linites) Indication théorique de gastrectomie totale prophylactique chez les apparentés porteurs Les formes héréditaires / familiales des cancers du pancréas Adénocarcinomes excréto-pancréatiques Tumeurs neuroendocrines Les agrégations d’adénocarcinomes excréto-pancréatiques Formes syndromiques (syndromes héréditaires avec cancers pancréatiques) ▪ Pancréatite chronique héréditaire (PRSS1; SPINK) ▪ Formes familiales sein/ovaires (BRCA2) ▪ Syndrome des mélanomes familiaux (CDKN2A) ▪ PAF classique et atténuée (APC) ▪ Syndrome de Lynch (MLH1; MSH2; MSH6; PMS2) ▪ Polypose de Peutz-Jeghers (STK11/LKB1) Formes non syndromiques (pas de gène identifié) Gène(s) en cause ?? Déterminisme génétique inconnu Les formes familiales / héréditaires des tumeurs neuroendocrines duodéno-pancréatiques Parfois, diagnostic dans le cadre d’un syndrome de prédisposition connu ▪ Néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (gène NEM1) ▪ Neurofibromatose de type 1 (gène NF1) ▪ Maladie de Von Hipple Lindau (gène VHL) Ailleurs, pas de syndrome de prédisposition connu mais ▪ Agrégation familiale de TNE duodéno-pancréatiques: ≥ 1 apparenté au 1er ou au 2nd degré atteint, ou ▪ lésions multiples et/ou âge < 50 ans et/ou gastrinome (syndrome de ZE) Indication de consultation d’oncogénétique et d’étude constitutionnelle du gène MEN1 Les formes héréditaires des Tumeurs Stromales Gastro-intestinales (GIST) Formes non syndromiques Mutation constitutionnelle des gènes c-kit ou PDGFRA ▪ Lésions pigmentées: Lentigines; tâches café au lait; naevi Hyperpigmentation cutanée (péri-buccale ++) ▪ Lésions urticariennes ▪ Troubles de la motricité digestive dysphagie, constipation Formes syndromiques (syndromes héréditaires avec GIST) ▪ Neurofibromatose de type 1 (gène NF1) ▪ Formes héréditaires de phéochromocytomes/ paragangliomes (gènes SDH) La tylose ou syndrome de Howell-Evans Une forme héréditaire exceptionnelle de carcinome de l’œsophage Quelques familles rapportées Génétique ▪ Transmission autosomique dominante ▪ Mutation constitutionnelle inactivatrice du gène RHBDF2 (Rhomboid 5 homolog 2) ▪ Pénétrance élevée Phénotype et risque tumoral ▪ Hyperkératose palmo-plantaire ▪ Leucoplasie, parfois ▪ Cancer de l’œsophage Les formes héréditaires des cancers digestifs Comment les reconnaître ? Rarement, phénotype caractéristique: Les polyposes Sinon: ▪ Agrégation familiale dans une même branche parentale ▪ Précocité des âges aux diagnostics ▪ Atteintes multiples, synchrones ou métachrones ▪ Associations tumorales évocatrices (« spectre tumoral ») ▪ Parfois, manifestations phénotypiques /syndrome malformatif associé Actualités / nouveautés ▪ POLE et POLD1 = nouveaux gènes de prédisposition aux polypes / CCR ▪ Evoluion des techniques d’analyse moléculaire Etudes pangénomiques / Etude systématique de panels de gènes de susceptibilité ▪ Mise en place de réseaux de prise en charge des personnes prédisposées héréditairement aux cancers digestifs