LEÇON N˚ 16 :
Construction du corps Cdes complexes.
Propriétés.
Pré-requis :
Notions d’anneaux, de corps;
Résolution des équations du second degré;
– (Théorème de Liouville).
16.1 Introduction historique
Bien que les nombres complexes soient introduits au lycée immédiatement après la résolution des équations
de la forme ax2+bx +c= 0 (pour tous a6= 0,bet créels), leur invention n’est pas due à cela. Elle vient
en fait d’algébristes du XIesiècle tentant de résoudre les équations du troisième degré. En effet, après avoir
transformé l’équation x3+bx +cx +d= 0 en X3+pX +q= 0 par la translation X=x+b
3, les italiens
déterminent que (formule dite de Cardan)
X=3
sq
2+1
2r4p3+ 27q2
27 +3
sq
21
2r4p3+ 27q2
27
Mais lorsque 4p3+ 27q2<0, l’équation X2+pX +q= 0 admet 3 racines réelles (étudier la fonction
X7−X3+pX +qpour s’en convaincre), ce qui bloquait longtemps les algébristes. Bombelli élucida alors
ce cas en introduisant ce que l’on note aujourd’hui iet i(notation en vigueur depuis Gauss : à l’époque,
ils écrivaient 1et 1.
16.2 Construction de C
Théorème 1 : (R2,+,×), dont les lois sont définies pour tous couples (a, b)et (a, b)de R2par
(a, b) + (a, b) = (a+a, b +b)et (a, b)×(a, b) = (aabb, ab+ba),
est un corps commutatif.
démonstration :Il est immédiat de vérifier que (R2,+,×)est un anneau, d’élément neutre (0,0) et
d’élément unité (1,0). C’est de plus un corps car (a, b)6= (0,0) admet pour inverse
a
a2+b2,b
a2+b2.
La commutativité est elle aussi évidente considérant la loi ci-dessus.
2Construction du corps Cdes complexes. Propriétés.
Proposition 1 : L’application
π:RR
a7−(a, 0)
est un isomorphisme du corps Rsur π(R).
démonstration :La surjectivité est immédiate. Il est de plus évident que a6=b(a, 0) 6= (b, 0),
donc π(a)6=π(b).
Conséquences :
1. Par identification, on notera désormais aà la place (a, 0) pour tout réel a.
2. Pour tous λRet (a, b)R2, on a λ(a, b) = (λ, 0) ·(a, b) = (λa, λb).
3. On remarque que 1 = (1,0) = (0,1) ·(0,1), donc 1est bien un carré dans (R2,+,×).
4. En posant (0,1) = i, on a alors pour tout couple (a, b)R2
(a, b) = (a, 0) + (0, b)2.
=a+b·(0,1) = a+bi.
5. Si C={a+ib, (a, b)R2}, alors l’application
(R2,+,×)C
(x, y)7−x+iy
est un isomorphisme.
démonstration :Par définition de C, la surjectivité est immédiate. Supposons alors x1+iy1=
x2+iy2x1x2+i(y1y2) = 0. Si y1y26= 0, alors i=(x1x2)(y1y2)1R, ce
qui contredit le fait que 1n’est pas un carré dans R, donc y1=y2et x1=x2.
Définition 1 : On pose alors C=C
=(R2,+,×), appelé corps des nombres complexes. Ainsi,
C={a+ib, (a, b)R2},
iest tel que i2=1.
Proposition 2 : Soient x+iy et x+iydeux éléments de C. Alors :
(i) (x+iy =x+iy)(x=xet y=y);
(ii) (x+iy) + (x+iy) = (x+x) + i(y+y);
(iii) (x+iy)×(x+iy) = (xxyy) + i(xy+xy);
(iv) i2=1.
démonstration :Ces propriétés de Cse déduisent de sa construction ci-dessus.
Construction du corps Cdes complexes. Propriétés. 3
16.3 Les nombres complexes
16.3.1 Représentation géométrique et définitions
Soit Pla plan euclidien orienté muni d’un repère orthonormé direct (O, ~u, ~v).
O~u
~v
1
i
M|z
S|z+z
M|z
N|zz
Définition 2 :
M= (x, y)est appelé image du nombre complexe m=
x+iy. On le note M|mou M(m). Réciproquement, mest
appelé affixe du point M.
Pour tous M|zet M|z, le point N|zzest tel que
MM=
ON. On dit que zz(l’affixe de N) est aussi l’affixe de
MM.zest donc également l’affixe de
OM.
Remarque 1 :L’addition dans Cs’interprète comme l’addition
vectorielle.
16.3.2 Définitions et propriétés
On se donne un nombre complexe z=a+ib.
Définition 3 :
aest la partie réelle de z, notée e(z).best la partie imaginaire de z, notée m(z);
Le nombre complexe aib est appelé conjugué de z, noté z(donc en particulier, z=z);
Le réel positif z z est appemodule de z, noté |z|.
Remarques 2 :
1. zz= (a+ib)(aib) = a2+b2>0, donc |z|est bien défini. Notons que le module coïncide avec la valeur
absolue dans R.
2. L’application
CC
z7−z
est un morphisme de corps, d’où
z+z=z+z;z=z;zz=z z;z6= 0 1
z=1
z.
3. Géométriquement, l’application z7−zest la réflexion par rapport à l’axe réel (O, ~u).
Lemme : Si Z=a+ib C, alors l’équation z2=Zadmet deux solutions opposées dans C.
4Construction du corps Cdes complexes. Propriétés.
démonstration :Cherchons s’il existe z=x+iy Ctel que z2=Z. On a les équivalences :
(x+iy)2=a+ibprop 2(i)
x2y2=a
2xy =b
x2y2=a
x2+y2=a2+b2
2xy =b
x=±ra2+b2+a
2
y=±signe(b)ra2+b2+a
2,
avec signe(b) =
1si b > 0
0si b= 0
1si b < 0
. Le résultat s’en déduit alors.
Théorème 2 : Soient (a, b, c)C3(avec a6= 0) et ∆ = b24ac C. Alors l’équation
(E) : az2+bz +c= 0
admet deux solutions dans C, données par :
(i) Si ∆ = 0,z1=z2=b
2a;
(ii) Si 6= 0, alors
z1=b+δ
2aet z2=bδ
2a,
δest tel que δ2= ∆.
démonstration :
(E)a"z+b
2a2
4a2#= 0
a"z+b
2a2
δ
2a2#= 0
azb+δ
2azbδ
2a.
Si ∆ = 0, alors δ= 0 et z1=z2=b
2a. Sinon, le lemme assure que δtel que δ2= existe, et dès lors,
on a :
z1=b+δ
2aet z2=bδ
2a.
Théorème 3 (fondamental de l’algèbre, ou de d’Alembert) : Toute fonction polynôme de C[X]de
degré nNadmet nracines dans C(comptées avec leurs multiplicités).
Construction du corps Cdes complexes. Propriétés. 5
démonstration :On rappelle le théorème de Liouville et le vocabulaire qui va avec :
Théorème de Liouville : Toute fonction f:CCanalytique et bornée est constante.
Analytique :z0C, f(z) = Pak(zz0)k.
Bornée :M > 0| |f(z)|< M (z).
Montrons que tout polynôme PC[X]de degré nNadmet au moins une racine. Supposons pour
cela que Pn’admette aucun racines et considérons la fonction f= 1/P .fest analytique et clairement
bornée car |f(z)|=1
|P(z)|
|z|→∞ 0fest constante. On note alors f(z) = C, ce qui implique
P1
Cabsurde, car deg(P)>1. D’où Padmet au moins une racine z0. Par suite, il existe un
polynôme Qde degré n1tel que P(z) = (zz0)Q(z), et on réitère ce raisonnement au polynôme Q
vérifiant deg(Q) = deg(P)1. Au final, Padmet nracines (avec éventuellement égalités de plusieurs
d’entre elles).
Remarque 3 :Si temps, poursuive avec module et argument, interprétation géométrique (cf. leçon n˚ 17).
Autres constructions possibles :
1. La construction donnée ici est historique, et il en existe d’autres. Par exemple, on considère R[X],P(x) =
x2+ 1 R[X]et I={P Q, Q R[X]}. Alors on a le théorème suivant :
Théorème : R[X]/I est un corps commutatif pour +et ×. On note C=R[X]/I.
Pour justifier la notation, on montre que dimR(R[X]/I) = 2, et x2= (x2+1)·1+(1), donc [x2] = [x]2=1
(où [x]désigne la classe de x), donc [x]se comporte exactement comme i.
2. Les seuls automorphismes ϕde Cdont la restriction à Rsoit IdRsont IdCou la conjuguaison. En effet,
ϕ(i)2=ϕ(i2) = ϕ(1) = 1, donc ϕ(i) = ±i. Soit alors z=a+ib C.
Si ϕ(i) = i,ϕ(a+ib) = ϕ(a) + ϕ(i)ϕ(b) = a+ib ϕIdC;
Si ϕ(i) = i,ϕ(a+ib) = ϕ(a) + ϕ(i)ϕ(b) = aib ϕconjuguaison.
Réciproquement, on vérifie que la conjuguaison et IdCsont des automorphismes de C.
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