Modélisations symboliques du raisonnement causal 293
Intellectica, 2004/1, 38
rapidité actuelle ou prévisible, même à long terme, des dispositifs de
calcul.
Il est donc important de garder en mémoire que seuls de « petits »
fragments d'une logique, quelle qu'elle soit, peuvent convenir à
l'exigence d'efficacité, inséparable du besoin de modélisation du
raisonnement causal.
Raisonnement causal et déduction
Avant d'envisager une modélisation, il importe de cerner le
phénomène à modéliser. Comme on l'a déjà dit, la forme de
raisonnement qui a été la plus étudiée est le raisonnement déductif.
Le raisonnement causal en est-il une forme particulière ?
L'archétype du raisonnement déductif est le modus ponens : « si
(si A alors B) est vrai et si A est vrai, alors B est vrai » que l'on peut
rapprocher de : « si A cause B et que l'on constate A, alors on doit
constater B aussi ». Ce rapprochement autorise-t-il à conclure,
puisque le raisonnement déductif utilise le modus ponens, que tout
raisonnement déductif est causal ?
Évidemment non ! On trouve dans tous les livres de logique la
preuve de a ⊃ a, et on voit bien que ni le raisonnement suivi, ni son
résultat ne correspondent à l'intuition de cause et d'effet.
Réciproquement, le raisonnement causal est-il une forme de
raisonnement déductif ? Si, comme c'est l'usage, on considère qu'une
des caractéristiques essentielles du raisonnement déductif est sa
validité, c'est-à-dire le fait que partant de prémisses vraies, il
aboutisse à des conséquences vraies, une réponse positive placerait la
barre très haut ! En effet, le raisonnement quotidien s'appuie sur des
observations incomplètes, souvent imparfaites, bien éloignées des
canons de la vérité logique.
Ceci n'empêche pas de concevoir une idéalisation du
raisonnement causal, de même qu’on peut idéaliser toute autre forme
de raisonnement. Cette idéalisation mettrait pour ainsi dire entre
parenthèses ces incomplétudes et ces imperfections et reposerait sur
le schéma suivant : en négligeant les différences entre la situation
présente et une situation dans laquelle les prémisses sont vraies, se
borner à des déductions valides garantit que les conclusions sont
vraies à cette approximation près. L'exigence de validité, c'est-à-dire
de préservation de la vérité au cours du raisonnement, pourrait être
remplacée sans trop de dommage par une exigence plus faible : que
l'éventuelle « dégradation » de la vérité commise au cours du
raisonnement reste marginale devant la liberté déjà prise avec la
vérité en supposant les prémisses vraies.