La flexibilité, une solution au chômage ? Introduction La crise économique actuelle provoque un retour sous le feu des projecteurs de concepts économiques forts sur les questions de l’emploi et du chômage, en France notamment où ces enjeux restent des sujets d’importance aux yeux des Français, si ce n’est le premier. Le taux de chômage conséquent que connaît le pays depuis les années 1970 corrobore l’existence de défaillances structurelles et conjoncturelles claires que connaît le marché de l’emploi national. Si le chômage est souvent considéré comme la résultante d’un manque de croissance, il faut aussi noter la présence de facteurs de chômage indépendants du niveau de la croissance. Les entreprises demeurent confrontées à une demande de plus en plus variable. En situation de crise économique, ce phénomène gagne en intensité et le marché de l’emploi se retrouve fortement perturbé. Certains courants de pensée économique d’inspiration néo-classique proposent l’idée d’une adaptation de l’outil productif rapide et efficace pour contrer les répercussions sur l’activité productive. Afin d'atteindre cette efficacité, les entreprises peuvent tendre vers la flexibilité, c'est à dire vers un mode de gestion de la main d'œuvre destiné à adapter rapidement la production, et l'emploi correspondant, aux fluctuations de la demande. Ce concept économique serait d’après certains la principale clé à la résorption du chômage. Mais, dans un même temps, cette flexibilité est sous le feu des critiques car elle apporterait notamment une précarité du travail accrue, là où les salariés réclament précisément sécurité et stabilité de l'emploi: il y a donc là un paradoxe. Pour l’analyser, après avoir présenté les différents types de flexibilité existants, nous expliciterons le débat portant sur les liens entre flexibilité et emploi et les problèmes qu'il soulève. Le compromis adopté en Europe du Nord, la flexicurité, peut-il être une solution satisfaisante à ces problèmes ? Plan I. Différents types de flexibilité 1. Les quatre types de flexibilité a. Quantitative interne b. Quantitative externe c. Qualitative interne d. Qualitative externe 2. La flexibilité salariale 3. Comment mesurer la flexibilité d'une entreprise ? II. Le débat sur la flexibilité et l'emploi 1. La thèse libérale (ou néo-classique) : la flexibilité, bénéfique pour l'emploi Le chômage est un résultat des limites imposées par l'État aux entreprises. La flexibilité libre de contraintes est donc une solution au problème du chômage. Cit. : « Contraignez le marché du travail, il se venge en sécrétant le chômage. » 2. Les problèmes soulevés par la recherche de flexibilité Précarité de l'emploi → précarité sociale Des salariés contraints à une mobilité géographique et sectorielle La division des salariés en « stables » et « précaires » : un groupe actif coupé en deux. III.Vers la flexicurité ? 1. La flexicurité : le modèle venant d'Europe du Nord a. L'apparition du concept aux Pays-Bas b. Le modèle danois de la flexicurité 2. L'application de la flexicurité en France a. Les accords du 11 janvier 2008 sur la modernisation du travail b. Le rapport Lemoine-Wesner de 2010 3. Le modèle pourra-t-il être appliqué ? a. Une différence importante entre les économies danoise et française – d'échelle et de nature b. Des traditions syndicalistes éloignées c. Un modèle inapplicable en l'état I. Différents types de flexibilité Flexibilité se décline en quatre types principaux, qui recoupent deux aspects majeurs : qualitatif/quantitatif et interne/externe. Externe = recours au marché du travail. Interne = changement dans les limites de l'entreprise. Qualitatif/quantitatif = explicite, changements en qualité ou quantité. 1. Les quatre types de flexibilité a. Quantitative interne L'entreprise fait varier la durée de travail de ses salariés et leur activité en fonction de la demande. – Modification des horaires – utilisation de temps partiels – annualisation du temps de travail b. Quantitative externe L'entreprise fait varier ses effectifs par le recours aux contrats à durée déterminée (CDD, parfois précaires) et/ou aux licenciements. Recours au marché du travail. c. Qualitative interne Ou « flexibilité fonctionnelle ». Demande de polyvalence des salariés (pour les locaux et machines). d. Qualitative externe Remplacement des contrats de travail par des contrats commerciaux Intérim et externalisation des tâches externes. Recours au marché du travail. 2. La flexibilité salariale L'entreprise modifie la répartition de ses ressources en jouant sur les salaires. Pas de changement d'effectif ou d'horaire, ni de mode de travail, mais rémunération différente. NOTE : souvent les 4 types de flexibilité et la flexibilité salariale se recoupent lors de restructuration de l'entreprise. Exemple : changement d'effectif → re-répartition des rôles et des charges de travail. 3. Comment mesurer la flexibilité d'une entreprise ? Pas d'indicateur statistique de la flexibilité dans une entreprise. Indicateurs indirects : taux d'emploi à temps partiel ou intérimaire, nombre de licenciements, adaptation des salaires aux périodes de l'année, externalisations des tâches annexes... Rigidité du marché du L Coût du L trop important 1. La these liberale (ou neo-classique) : la flexibilite, benefique pour l'emploi a) Déstabilisation de l’emploi : segmentation et précarisation Le manque de flexibilité est un reproche traditionnellement adressé par l’OCDE à la France. Il ne s’agirait pas seulement de la flexibilité salariale, mais aussi de toutes les autres formes de flexibilité, fonctionnelle, quantitative interne et externe ou l’externalisation. Il est vrai que malgré l’effritement de la société salariale de Robert Castel, le marché demeure segmenté et réglementé. Face à ce constat, le courant néo-classique critique ouvertement la rigidité du système. En effet, on dénonce la hausse du coût relatif du travail et l’accélération de la substitution capital/travail qu’elle induit. La mise en cause des avantages acquis, notamment du secteur public, permettrait de créer des emplois en masse. La société n’oppose plus bourgeoisie et prolétariat, mais plutôt les « inclus » aux « exclus ». L’axe de solution libéral est de flexibiliser le marché du travail par des mesures de déréglementations. b) La flexibilité, au cœur de la théorie néo-classique D’après les libéraux, le chômage classique est provoqué par un coût du travail excessif qui, en limitant la rentabilité des entreprises, réduit l’embauche. Dès lors, libérer le marché de toute entrave permettrait de le résorber. La flexibilité encouragerait la lutte contre le chômage avec un assouplissement des conditions d’utilisation de la main d’oeuvre ainsi que des facilités juridiques, financières et administratives destinées à accroître l’embauche, politique monétaire moins stricte. Dans les années 1980, période de libéralisation et de faiblesse syndicale, la flexibilité devient un concept économique d’importance. Les modèles sont à cet instant-là la Grande-Bretagne de Tatcher et les USA de Reagan. En complément des 5 sortes de flexibilité avancées par Bernard Bruhnes, 4 types de flexibilité sont visibles : 1) flexibilité économique : s’adapter au marché 2) flexibilité technique : changer rapidement produits et cadence de production 3) flexibilité sociale : adapter effectif, horaires, tâches et salaires 4) flexibilité organisationnelle : diminuer la taille des structures La tendance à la flexibilisation est spectaculaire : 20% de nouveaux emplois de 1998 se font sur CDI, 70% des 3 millions de chômeurs de mars 1998 le sont à la suite d’un licenciement (28%) ou d’un contrat précaire (39%). La Suède et l’Allemagne pratiquent la rigidité externe et obtiennent en contrepartie une flexibilité fonctionnelle et de la motivation, les effectifs sont un coût fixe élevé rentabilisé par l’efficacité. La France et surtout le Royaume-Uni déstabilisent l’emploi par la flexibilité externe. On peut aussi noter que: La flexibilité permet aux entreprises de sélectionner les salariés avant de les embaucher définitivement. Les savoirs-faire évoluent et deviennent vite obsolètes. Les entreprises doivent adopter la flexibilité fonctionnelle car elle repose sur la polyvalence des salariés et sur les nouvelles qualifications, nécessaires pour l’avenir. La flexibilité permet aux entreprises de suivre l’évolution rapide des techniques avec les ateliers flexibles. Elle permet en outre aux entrepreneurs de réduire les coûts de l’entreprise et de doper la productivité de l’entreprise. La flexibilité peut de plus favoriser en partie les salariés : les emplois aidés ainsi que ceux qui ont une employabilité faible (= probabilité de trouver un emploi) se retrouvent aidés. Les jeunes actifs peuvent aussi bénéficier de la multiplication de leurs expériences professionnelles (passage souvent obligé). Les salariés employés en CDD veulent aboutir à un CDI et cherchent à avoir la productivité maximale. Exposé éco flexibilité. Partie 2B -désavantages flexibilité La flexibilité : Remise en cause de la stabilité du travail. Définition Petit Alter : Initialement la capacité d'une entreprise à s'adapter aux variations du marché, s'est traduite par une remise en cause de l'organisation du travail néfaste aux salariés. Indissociable du capitalisme libéral désormais, se manifeste dans le toyotisme ou ohnisme et sa production à flux tendus. Pour les libéraux, tout les maux viennent de la rigidité ; ils préconisent une plus grande flexibilité, càd capacité d'adaptation, qui s'applique au temps de travail, aux salaires, au statut du salarié. Volonté manifeste de s'attaquer aux régulations du capitalisme : Salaires minimums, conventions collectives, durée légale du temps de travail... volonté de pouvoir embaucher et licencier sans contraintes, en réduisant les allocs chomage. Insécurité de l'emploi → Création d'une couche de travailleurs pauvres, emplois et contrats précaires. 13,5 : Taux de pauvreté 2009 9,5 Taux chomage au sens du bit 2009 (source insee) → existence d'une couche de travailleurs pauvres. Taux emploi tps partiel/ emploi total dans plusieurs pays d'Europe en 2010 (source : eurostat) Pays Bas 48,9 France 17,8 Allemagne 26,2 Pologne 8,3 Suède 26,4 Royaume-Uni 26,9 UE à 27 19,2 Montre l'importance du temps partiel dans les pays d'europe ou il existe peu de régulations. Flexibilité et Précarité « Situation sociale d'une personne dont les conditions de vie (revenus, logement, situation familiale...) et d'emploi à venir sont marquées par une forte incertitude. » Source : Dictionnaire en ligne alter eco. Revenus précaires → emploi précaires. « La précarité résulte de trois attitudes complémentaires des entreprises face a l'emploi : un comportement d'internalisation de l'emploi et de la précarité par le recours à l'intérim et soustraitance, un comportement d'externalisation par recours a l'utilisation des CDD, un comportement d'institutionnalisation par la sollicitation de contrats de qualification et d'apprentissage, avec la bénédiction de l'Etat qui a légiféré en ce sens» (source : L'économie française : elements fondamentaux ; Abdelmalki/Sandretto/Dufourt) → Lien entre les différentes formes de flexibilité et le développement de la précarité. Institutionnalisation : Allongement des périodes d'essai, etc. soutien de l'etat a la flexibilité libérale. Le salarié en CDD/Intérim n'a pas toujours les mêmes droits que celui en CDI, en matière de protection sociale, etc. (à mettre ensuite en rapport avec la flexicurité censée gommer ce genre de problèmes) II. Vers la flexicurité ? 1. La flexicurité : le modèle venant d'Europe du Nord Notion d'Europe du nord datant de la fin des années 1990, quand on a commencé à voir le paradoxe entre demande croissante de flexibilité et aussi de sécurité de l'emploi. a. L'apparition du concept aux Pays-Bas Origine en 1995 aux Pays-Bas (rapport du ministre du travail : Melkert). Loi de 1999 sur « la flexibilité et la sécurité » du travail : – réduction de l'insécurité du travail dans les milieux d'emploi très flexible – même droits sociaux pour tous les types de contrat – restrictions pour les entreprises d'intérim/emploi très court b. Le modèle danois de la flexicurité Terme de « flexicurité » apparaît en 1999 au Danemark dans un contexte de marasme économique. Bien que d'origine néerlandaise la notion aura pour modèle l'application danoise : le « triangle d'or ». • grande flexibilité du marché du travail • indemnisations généreuses pour les travailleurs • politiques d'emploi actives « Piliers » du modèle danois de flexicurité : – fusion des ministères de l'emploi et des aides sociales – peu d'interventions de l'Etat : code du travail allégé – licenciement facile pour les entreprises (peu de restrictions) – dialogue social dense entre patronat et syndicats – prise en charge des salariés au chômage par l'Etat de façon généreuse – forte incitation à la recherche de l'emploi : formations obligatoires, aides dégressives... 2. L'application de la flexicurité en France a. Les accords du 11 janvier 2008 sur la modernisation du travail Recherche de la flexicurité en France = plus tardive que dans les pays d'Europe du nord. 11 janvier 2008 : accords sur la modernisation du travail en France à l'initiative d'Eric BESSON ratifié par 4 des grandes organisations syndicales (toutes sauf CGT). = tentative de faire évoluer la législation en France vers la flexicurité, sans calquer exactement le modèle danois cependant (différences structurelles trop importantes) : – période d'essai allongée à deux mois (ouvrier) / quatre mois (cadre) – indemnités en cas de licenciement un peu augmentées – faciliter les passerelles entre CDI et CDD – formation professionnelle (= reconversion possible) encouragée b. Le rapport Lemoine-Wesner de 2010 Nuance apportée par ce rapport publié en 2010 : – nécessité d'avoir des emplois de qualité et une mobilité choisie – volonté de réduire le développement inégalitaire de la flexibilité – volonté de développer une mobilité du travail qui ne soit pas néfaste aux salariés – constat de mobilité faible pour une forte flexibilité. 3. Le modèle pourra-t-il être appliqué ? a. Une différence importante entre les économies danoise et française – d'échelle et de nature Différence de taille : population, étendue du territoire bien plus élevées en France. Différence de rapport à l'économie mondiale : pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède...) bien plus ouverts sur l'économie mondiale que la France. Différence de répartition des salariés : Danemark, 30% des salariés sont dans le secteur public. Danemark = taux de prélèvements obligatoires plus élevé (impôts) qui peut financer les indemnisations liées à la flexicurité. b. Des traditions syndicalistes éloignées Danemark = 80% des travailleurs sont syndiqués, France = inférieur a 10% depuis les années 80. Tradition syndicale très différente : pays du nord = « syndicalisme de service », très important. Un seul syndicat est en situation de monopole au Danemark, intermédiaire privilégié du dialogue entre les partenaires sociaux. c. Un modèle impossible à appliquer en l'état à la France, mais prometteur Le modèle danois brut semble donc impossible à appliquer en France. Lors de la tentative réalisée par Dominique de Villepin en 2006 (CPE), forte contestation sociale. Si l'on veut développer la flexicurité en France, il faudra savoir faire évoluer les traditions syndicales et les mentalités des travailleurs, qui demandent une stabilité du travail encore en grande majorité.