La Résolution de problème : à la découverte de la flexibilité cognitive Evelyne CLEMENT Armand Colin, Psychologie Collection U, 2009 235 pages Impressions d’Eunika Mercier-Laurent (IAE, Lyon 3) Ce livre est composé de deux parties : la résolution de problème et la résolution de problème : un paradigme pour l’étude de flexibilité cognitive et de relations entre cognition et émotion. La première partie trace l’historique des recherches et des approches à la résolution de problème du point de vue de psychologie et présente les processus cognitifs mis en œuvre dans cette activité. Cette revue est certainement intéressante pour un étudiant en psychologie, mais dommage qu’elle se limite aux références connues en psychologie seulement. L’auteur cite l’approche behavioriste d’essais-erreurs, celle basée sur l’exploitation d’expérience par analogie ainsi que celle de l’intelligence pratique, caractérisées par une certaine rigidité mentale, dont les causes sont peu expliquées. Le passage sur l’approche du traitement de l’information est relativement pauvre par rapport aux nombreuses publications dans ce domaine. Seuls les travaux anciens sont cités. La bibliographie manque de références aux auteurs qui ont précisément développé ce sujet, comme Jean-Louis Lauriere : Intelligence artificielle, résolution de problèmes par l’homme et la machine, Eyrolles, 1987, Jacques Pitrat, Ryszard S. Michalski : Machine Learning ou Yves Kodratoff : Apprentissage automatique, http://contraintes.inria.fr/JFPC07/ ou autre sur la résolution des problèmes à contraintes, Roger Shank, Janet Kolodner, Michel Manago et autres sur le raisonnement par cas et résolution de problèmes par analogie. Il est bien dommage que l’auteur n’ait pas approfondi l’influence de Newell sur le raisonnement au niveau conceptuel implémenté dans la méthode KADS (projet Esprit), qui permet également de construire une représentation bien plus riche que les règles de production. La construction des connaissances sous forme de règles de production s’applique dans peu de domaines, les expériences en construction des systèmes experts le prouvent. Les routines d’exécution font penser aux scénarii de Roger Shank. Les approches utilisées en robotique ne sont pas mentionnées. L’auteur n’aborde pas le sujet du point de vue des ingénieurs et des médecins. Pour introduire la notion de changement du point de vue, l’auteur explique l’influence du contexte et d’interprétation de la situation – la compréhension du problème dans son contexte est vitale pour sa résolution (Mercier-Laurent : Rôle de l’ordinateur dans le processus de l’innovation globale à partir de connaissances, 2007). Le changement de représentation est illustré par le trop classique « out of box thinking » ; cette ouverture cognitive et capacité de penser « autrement » sont extrêmement importantes pour la flexibilité mentale. La seconde partie du livre poursuit ces réflexions sur le changement du point de vue et présente les travaux ayant pour objectif de tester la capacité de résolution par des différents acteurs, notamment en situation d’impasse. L’effet de l’âge dans la résolution de problème est également étudié et a pour objectif de voir l’influence du vieillissement cérébral sur la flexibilité. Sujet très intéressant, dommage que les tests utilisés soient encore les très classiques « tour de Hanoi à trois étages seulement » ou « les anneaux chinois » qui ne motivent pas forcément les participants… Il est possible que la vitesse du traitement de l’information diminue avec l’âge, mais elle dépend de beaucoup de facteurs que l’auteur ne cite pas. Un passage prometteur est celui sur les pistes pour le développement d’aides au changement du point de vue, mais le lecteur reste sur sa faim. La dernière partie aborde le lien entre cognition et émotion et présente les études utilisant les jeux vidéo interactifs, qui confirment que la confiance en ses capacités de résolution peut baisser face à l’accroissement de la difficulté. Comment faire pour surmonter cela ? Attirée par le sujet de la flexibilité cognitive, indispensable pour innover dans l’économie de la connaissance, j’ai lu ce livre en espérant y trouver des nouvelles « recettes » pour impulser cette flexibilité. Illustré par des exemples jouets, trop classiques et pas forcément motivants pour les participants, ce livre démontre un décalage entre ce qui se passe sur le terrain notamment dans le domaine de la résolution de problèmes complexes utilisant les approches et les techniques de l’intelligence artificielle, précédemment cités, celles de systèmes multi-agents et de la découverte de connaissances ou de Multi-strategy machine learning. L’approche essaiserreurs et celle basée sur l’expérience peut s’avérer intéressante si amplifiée par l’ordinateur capable de donner l’accès à aux expériences collectives, or l’ordinateur est pratiquement absent dans ces expériences. L’utilisation de jeux vidéo est intéressante mais leur exploitation pourrait être étendue afin d’étudier les différentes facettes d’influence de l’imaginaire sur le processus de résolution de problème, comme la réalité virtuelle ou les jeux sérieux. La problématique de perte de vitesse chez les personnes âgées est trop simplifiée, car aujourd’hui il y a des personnes âgées capables de raisonner plus vite que certains jeunes nourris par la télévision, elles peuvent trouver des solutions plus pertinentes grâce à leurs expériences et connaissances, à condition d’être stimulées en permanence, avoir une ouverture d’esprit et être curieux. Une collaboration des trois âges pourrait faire l’objet d’une prochain étude. La flexibilité mentale en résolution de problèmes, la capacité d’utiliser ses connaissances et celles d’autres grâce aux TIC, reste un sujet très important face aux problématiques du 21eme siècle. Elle pourrait être stimulée, développée et enseignée par actions adaptées. NB Un excellent livre sur le sujet reste celui d’Andrzej Goralski, dommage qu’il ne soit pas traduit - Tworcze rozwiazywanie zadan (résolution créative de problèmes), Biblioteka Problemow, 1980. Il existe également les travaux des scientifiques russes sur le sujet.