Nouvelles règles en Europe
S
trasbourg, 23 octobre 2002. A
une large majorité (494 voix
Le 2 octobre dernier, les textes
et ces amendements ont fait
l’objet d’un vote en commission
restreinte. «J’ai participé à ce vote
au sein de la Commission Environ-
nement, Santé publique et Protec-
tion des consommateurs, dit-il.
Chaque texte aurait été adopté
s’il avait fait l’unanimité ou si moins
de 10 % des membres de cette Com-
mission parlementaire ne s’y étaient
opposé. » Les avis étant partagés
sur de nombreux points, ce ne
fut pas le cas. Un scrutin en
séance plénière était nécessaire.
Le Parlement européen a voté le
23 octobre dernier. Les résultats
peuvent être présentés sous
forme de questions concrètes.
Question 1 :
Faut-il une seule procédure d’at-
tribution de l’AMM pour toute
l’Europe ? Au contraire, une
AMM obtenue dans un pays de
l’Union européenne doit-elle suf-
fire pour s’imposer à tous les
autres ?
Des laboratoires pharmaceu-
tiques ont pu souhaiter qu’une
Autorisation nationale de mise
sur le marché d’un médicament,
acquise dans n’importe quel pays
de l’Union européenne, soit né-
cessaire mais suffisante pour
s’imposer à tous les autres pays.
En revanche, le Collectif Europe
et Médicament préconisait une
procédure européenne centrali-
sée, donc plus stricte. Cet amen-
dement a été adopté lors de la
séance plénière du 23 octobre,
alors qu’il avait été rejeté, un
mois plus tôt, en commission
restreinte.
Quant au commissaire européen
en charge des entreprises, Erkki
Liikanen, il souhaitait que l’in-
dustrie pharmaceutique euro-
péenne devienne plus compéti-
tive. Il préconisait de centraliser
certaines procédures d’AMM des
médicaments afin d’en garantir
la rapidité. Cette Agence euro-
péenne du médicament devien-
drait alors seule compétente
pour homologuer les nouvelles
substances actives, c’est-à-dire
les médicaments très innovants.
Françoise Grossette, auteur d’un
rapport parlementaire sur ce dos-
sier, s’est dite favorable à cette
proposition, dans l’intérêt des en-
treprises et des patients. Elle a
souligné que cela permettrait
«d’autoriser un médicament dans
tous les pays de l’Union en même
temps ». Ainsi, les malades «n’au-
ront plus à attendre qu’un médica-
ment soit autorisé chez eux pour en
bénéficier ».
Les députés se sont prononcés.
Tout médicament contenant une
nouvelle molécule devra obtenir
son AMM auprès de l’Agence eu-
ropéenne du médicament afin
de pouvoir être commercialisé
dans un pays européen. Cette
disposition s’appliquera, en cas
d’élargissement de l’Union eu-
ropéenne, à tout nouveau pays.
Question 2 :
De quel système d’homologation
des médicaments et de maîtrise
de leurs éventuels effets secon-
daires l’Europe doit-elle se doter ?
Une procédure d’expertise eu-
ropéenne doit devenir obliga-
toire pour toute nouvelle molé-
cule. Elle reposera sur plusieurs
critères :
le rapport bénéfice-risque ;
l’obligation d’études spéci-
fiques chez les enfants pour toute
extension à ceux-ci de l’usage
d’un médicament existant pour
adultes ;
l’obligation d’études à long
terme pour les traitements pres-
crits au long cours ;
Notre façon de soigner en dépend ! Le contrôle de l’innocuité des
traitements et leur autorisation de mise en vente aussi. Par leur
vote, les députés européens ont, le 23 octobre dernier, défini la
politique du médicament dans les pays de l’Union européenne.
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Médicaments
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No42 - décembre 2002
contre 42), les députés européens
refusent que les médicaments
vendus sur ordonnance puissent
faire l’objet de messages publici-
taires. La décision fait la une des
journaux. Mais, bien plus large-
ment, il s’agit de déterminer un
dispositif de contrôle et d’homo-
logation des médicaments. Cette
séance plénière du Parlement eu-
ropéen doit arrêter, en première
lecture, deux directives sur l’Au-
torisation de mise sur le marché
(AMM) des médicaments, ainsi
qu’un règlement sur le rôle de
l’Agence européenne d’évaluation
des médicaments.
L’élaboration
des textes européens
«A l’origine, le Conseil des ministres
de la Santé des pays de l’Union eu-
ropéenne a réclamé des directives
pour la politique européenne du mé-
dicament, explique le Dr Didier-
Claude Rod, député européen
(Vert) et membre de la Commis-
sion parlementaire Environne-
ment, Santé publique et Protection
des consommateurs. Il revenait
alors aux membres de l’administra-
tion de Bruxelles, de préparer ces pro-
jets de texte. Ce qu’ils ont fait ».
Ces projets de texte devaient
être amendés et votés par les
députés européens. «Pour notre
part, nous avons travaillé avec le
Collectif Europe et Médicament, qui
regroupe de nombreuses associations
de consommateurs et de patients,
confie le Dr Rod. Puis nous avons
proposé près de deux cents amende-
ments. » Toutes tendances poli-
tiques confondues, les députés
européens en ont présenté près
de mille.
l’analyse comparative entre la
nouvelle substance et celles qui
sont déjà utilisées, lors des essais
sur l’homme ;
la prise en compte des rejets
(déchets médicaux proprement
dits, mais aussi selles et urines des
humains ou animaux traités) en
termes de conséquences sur l’en-
vironnement.
Des amendements proposaient
de retenir un autre critère : l’éva-
luation de la valeur thérapeu-
tique. «Celle-ci permet de déter-
miner ce qu’apporte le nouveau
médicament par rapport à ceux
qui existent déjà », explique le
Dr Rod. Ce critère n’a pas été re-
tenu lors du vote.
Question 3 :
Faut-il raccourcir les procédures
avant l’attribution d’une AMM ?
Il est possible de raccourcir les
délais administratifs. «En re-
vanche, le raccourcissement des dé-
lais d’expertise est refusé, souligne
le Dr Rod. L’analyse du dossier
d’un médicament, en particulier ses
effets et ses risques, ne pourra se
réaliser en moins de 80 jours ».
Question 4 :
Faut-il supprimer le contrôle des
risques d’un médicament à tra-
vers le renouvellement de son
AMM au bout de cinq ans ?
Jusqu’alors, un renouvellement
d’AMM, devenu une simple for-
malité administrative, interve-
nait cinq ans après sa première
attribution. «Le projet de texte de
l’administration européenne envi-
sageait de supprimer ce renouvel-
lement, poursuit-il. L’AMM serait
alors devenue une autorisation dé-
finitive, sauf difficulté mise en évi-
dence par le système de pharma-
covigilance. »
Les députés européens ont exigé
une réévaluation de chaque mé-
dicament 5 ans après l’obtention
de son AMM. Cette réévaluation
devra :
tenir compte des effets liés à
leur utilisation ;
–introduire une comparaison
avec les traitements équivalents ;
–produire l’analyse des données
scientifiques nouvelles dans ce
domaine.
Question 5 :
Doit-on, pour “mieux informer”
les patients, autoriser la publi-
cité pour les médicaments réa-
lisée par les laboratoires les
fabricant ?
«L’administration de Bruxelles
proposait d’autoriser la publicité,
explique le Dr Rod, en commen-
çant par une expérimentation avec
les traitements contre l’asthme, le
diabète et le sida. » Cette propo-
sition s’est heurtée, notamment,
à l’opposition des associations de
patients et de consommateurs,
des organisations de médecins et
de soignants, ainsi que des mu-
tuelles, du Collectif Europe et
Médicament. Les députés euro-
péens ont refusé, le 23 octobre
dernier, que les médicaments
vendus sur ordonnance puis-
sent, à l’avenir, faire l’objet
de messages publicitaires (par
494 voix contre 42, et 7 absten-
tions). Ils ont considéré que,
même présentée sous forme
d’information, la publicité, four-
nie par le laboratoire pharma-
ceutique commercialisant un
médicament, pourrait souligner
de manière insuffisante les effets
secondaires d’un médicament.
En outre, les députés européens
ont craint que la publicité n’in-
fluence la prescription des mé-
decins, face à des patients ten-
tés de réclamer le traitement “vu
à la télé”.
Question 6 :
Faut-il développer, pour les soi-
gnants et les patients, l’accès à
une information fiable ?
Patients et soignants devraient
être mieux informés grâce à la
mise en place d’un registre pu-
blic d’information sur l’AMM. Ce
registre précisera les raisons de
refus d’AMM. Il devrait indiquer
les résultats des études négatives
sur un médicament, même si
elles sont financées par l’indus-
trie pharmaceutique.
Question 7 :
Peut-on privilégier la représen-
tation des associations de pa-
tients et des mutualités au conseil
d’administration de l’Agence eu-
ropéenne du médicament ?
Si le vote du 23 octobre n’est
pas invalidé, lors d’une étape ul-
térieure, un représentant des
consommateurs de soins siégera
au Conseil d’administration de
l’Agence européenne du médica-
ment. Les experts de l’Agence se-
ront soumis à l’obligation de “dé-
claration d’intention et d’intérêt”.
Ils y préciseront s’ils travaillent
pour un laboratoire pharmaceu-
tique. Ces indications pourront
être publiées.
En revanche, une majorité de dé-
putés n’ont pas soutenu des
amendements visant à assurer
une plus grande indépendance de
l’Agence, notamment ceux favo-
risant la participation des groupes
ou fédérations de patients à ses
décisions.
Des règles
presque définitives
Les textes votés le 23 octobre
seront présentés au Conseil
des ministres de la Santé des
pays de l’Union européenne.
«S’ils les acceptent en l’état,
ces textes deviendront définitifs,
conclut le député européen. Si-
non, ce Conseil des ministres de la
Santé “renverra la copie” aux dé-
putés, accompagnée de remarques
et d’amendements. Enrichi de nou-
velles considérations et propo-
sitions, les nouveaux projets de
textes seront votés à nouveau, en
“deuxième lecture”, par les députés
européens. » Cela permettra
d’aboutir, dans un cas comme
dans l’autre, à un texte définitif
établissant les règles de l’Europe
du médicament.
Marc Blin
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Médicaments
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No42 - décembre 2002
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