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LES MARCHÉS PUBLICS GROUPÉS
Cet article vous propose de faire le tour de cette thématique générale que sont les marchés
publics groupés. Il s’agit de possibilités au sein desquelles les pouvoirs adjudicateurs se
mettent ensemble afin de répondre à des besoins à tout le moins partiellement communs.
Le regroupement de pouvoirs adjudicateurs a des conséquences bénéfiques immédiates:
d’abord, celle de la simplification administrative puisqu’un seul marché est passé au lieu de
deux (voire plus) ; ensuite, celle d’une rationalisation des besoins puisqu’ils sont pensés
autrement en vue de réaliser ce marché groupé; enfin, celle d’une économie d’échelle
puisque commandant plus, le prix baisse.
C’est donc là tout l’intérêt des marchés publics groupés qui recouvrent d’une part, le procédé
du marché conjoint (chapitre 1er) et d’autre part, celui de centrale de marchés ou de centrale
d'achats (chapitre 2nd). Un bref rappel de la réglementation des marchés publics en guise
d’introduction s’impose préalablement.
INTRODUCTION À LA RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS PUBLICS
Les pouvoirs publics ne peuvent pas faire librement appel - comme le font les particuliers ou
les sociétés privées – à un opérateur économique quand ils contractent avec lui pour la
réalisation de travaux, la fourniture de produits, ou l'accomplissement de certaines
prestations.
Ils doivent en effet, en tant que pouvoirs adjudicateurs, respecter la réglementation relative
aux marchés publics.
1. RÉGLEMENTATION APPLICABLE
Dans l'état actuel, cette réglementation est principalement constituée par:
- la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux,
de fournitures et de services;
- l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de
services et aux concessions de travaux publics (dans les secteurs classiques);
- l'arrêté royal du 26 septembre 1996 établissant les règles générales d'exécution des
marchés publics et des concessions de travaux publics (dont l'annexe constitue le cahier
général des charges);
- certaines dispositions – principalement celles relatives aux centrales d’achats et de
marchés – de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de
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travaux, de fournitures et de services déjà entrées en vigueur (la majorité des dispositions
n’étant toujours pas en vigueur à l’heure de la rédaction de ce vade-mecum)1.
2. AUTORITÉS PUBLIQUES SOUMISES À LA RÉGLEMENTATION DES MARCHÉS
PUBLICS
L’article 4 de la loi du 24 décembre 19932 définit les autorités considérées comme pouvoirs
adjudicateurs au sens de la réglementation des marchés publics et notamment:
- l’Etat, les Communautés, les Régions, les provinces, les communes et les
associations formées par un ou plusieurs de ceux-ci;
- les organismes d’intérêt public;
- les associations de droit public;
- les centres publics d’aide sociale;
- les administrations chargées de la gestion du temporel des cultes reconnus et aux
établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des
communautés philosophiques non confessionnelles reconnues;
- les personnes qui, à la date de la décision de lancer un marché:
- ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général
ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, et;
- sont dotées d’une personnalité juridique, et;
- dont
- soit l’activité est financée majoritairement par les autorités ou
organismes mentionnés au par. 1er et au par. 2, 1° à 8°;
- soit la gestion est soumise à un contrôle de ces autorités ou
organismes;
- soit plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de
direction ou de surveillance sont désignés par ces autorités ou
organismes.
3. RELATIONS CONTRACTUELLES SOUMISES À LA RÉGLEMENTATION DES
MARCHÉS PUBLICS
Le marché public est généralement défini comme tout contrat, passé à titre onéreux, conclu
entre un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et un ou plusieurs opérateurs économiques
(privés ou publics) et portant sur des travaux, services ou fournitures tels que définis par la
réglementation des marchés publics3.
L’article 5 de la loi relative aux marchés publics4 définit les notions de travaux, services et
fournitures comme suit:
- un marché public de travaux a pour objet:
* soit l'exécution, soit conjointement l'exécution et la conception de travaux relatifs à
une des activités visées à l'annexe 1 de la loi ou d'un ouvrage;
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1 Nous attirons votre attention sur la récente publication des nouvelles dispositions légales et
réglementaires destinées à entrer en vigueur au printemps 2012: L. 15.6.2006 relative aux marchés
publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services telle que modifiée par la loi du
5.8.11 et A.R. 15.07.11 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques,
devant remplacer respectivement la loi du 24.12.1993 et l’arrêté royal du 8.1.1996.
2 Voyez L. 15.6.06, art. 2.
3 Définition de la notion de marché public à l’article 3, 1° de la loi du 15.6.06.
4 Voyez l’article 3, 2° à 4° dans la loi du 15.6.06.
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* soit de faire réaliser par quelque moyen que ce soit un ouvrage répondant aux
besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.
L'ouvrage est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil
destinés à remplir par lui-même une fonction économique ou technique;
- un marché public de fournitures a pour objet l'acquisition, par contrat d'achat ou
d'entreprise, la location, la location-vente ou le crédit-bail, avec ou sans option d'achat, de
produits. Ce contrat peut comporter à titre accessoire des travaux de pose et d'installation;
- un marché public de services a, lui, pour objet les services visés dans l'annexe 2 de la loi.
Sont notamment visés, les services de transport, des services d'hôtel, mais également les
services d'architecture, les services juridiques, etc.
4. PRINCIPES GÉNÉRAUX DES MARCHÉS PUBLICS
Les pouvoirs adjudicateurs, lorsqu'ils lancent une procédure de passation de marché public,
doivent traiter les entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services dans le respect du
principe d'égalité, de manière non discriminatoire et doivent en outre agir avec transparence.
Les marchés publics sont par ailleurs passés avec concurrence et à forfait (cf. article 1 de la
loi du 24 décembre 19935).
A. Principe de concurrence
Ce principe contraint le pouvoir adjudicateur à mettre en concours plusieurs cocontractants
potentiels au moyen d'une publicité adéquate ou d’une consultation.
Pour ce faire, la réglementation offre trois modes de passation de marché public, les deux
premiers étant généraux et le troisième exceptionnel (dans les secteurs classiques).
L'adjudication (publique ou restreinte) consiste à attribuer le marché au soumissionnaire
qui a remis l'offre régulière la "moins distante", soit la moins chère (cf. article 15 de la loi du
24 décembre 19936). Le prix constitue le seul critère d'attribution du marché sans aucune
exception possible.
L'appel d'offres (général ou restreint) implique l'attribution du marché au soumissionnaire
qui a remis l'offre régulière la "mieux-disante", soit la plus intéressante au vu des critères
d'attribution définis par le pouvoir adjudicateur (cf. article 16 de la loi du 24 décembre 19937).
Le caractère intéressant de l'offre ne dépend donc pas seulement de son prix, même si celui-
ci peut figurer parmi les critères d'attribution mais aussi d’autres critères.
Le troisième mode de passation, qui est exceptionnel8, est la procédure négociée. Dans
ce mode, le pouvoir adjudicateur négocie avec plusieurs entrepreneurs, fournisseurs ou
prestataires de services de son choix les conditions de marché.
Son caractère exceptionnel provient de ce que son recours n’est légalement possible que
dans les cas strictement énumérés par la loi.
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5 L. 15.6.06, art. 6, par. 1er.
6 L 15.6.06, art. 24.
7 L. 15.6.06, art. 25.
8 Dans les secteurs classiques en tout cas.
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Contrairement aux modes généraux, la procédure négociée ne fait pas nécessairement
l’objet d’une publicité. Il convient en effet de distinguer la procédure négociée sans
publicité et celle avec publicité. Seule l’identification des hypothèses légales permet de
déterminer si la procédure négociée se fait avec ou sans publicité.
Attention, l’absence de publicité n’implique pas automatiquement l’absence de mise en
concurrence.
Parmi les onze hypothèses de procédure négociée sans publicité, seules quatre ne font pas
l’objet d’une mise en concurrence et permettent de s’adresser à un contractant déterminé
moyennant le respect de conditions strictes (exclusivité, répétition, services, travaux
complémentaires ou répétés et fournitures complémentaires). Dans les sept hypothèses
restantes, une mise en concurrence s’impose et la consultation d’au moins trois
soumissionnaires est de rigueur (sauf motivation particulière).
Les modes généraux sont l’adjudication et l’appel d’offres, qui impliquent nécessairement
une publicité, au(x) niveau(x) belge voire européen (en fonction de certains seuils).
L’adjudication et l’appel d’offres se déclinent en deux modalités: ils revêtent un caractère soit
ouvert soit restreint. Ce caractère ne se confond pas avec la présence ou l’absence de
publicité. En effet, il y a nécessairement publicité dans les deux cas.
Le caractère ouvert ou restreint d’un mode de passation dépend d’un libre choix opéré par le
pouvoir adjudicateur, celui de formaliser une première phase distincte appelée phase de
sélection qualitative.
Ainsi, en procédure restreinte (en ce compris la procédure négociée avec publicité),
cette première phase permet au pouvoir adjudicateur de "sélectionner", en fonction de leur
aptitude propre à effectuer le marché envisagé, les candidats qui seront admis à déposer
leur offre, dans le cours de la seconde phase du marché, appelée phase d’attribution.
En procédure ouverte, l’opération de sélection qualitative est présente mais est effectuée
en même temps que l’analyse des offres déposées.
En procédure négociée sans publicité, la sélection qualitative n’est pas nécessairement
présente puisque le pouvoir adjudicateur consulte les soumissionnaires de son choix, dont il
est présumé connaître les capacités.
Ce qu’il faut retenir
Marché public
Avec publicité Sans publicité
(nécessairement avec mise en concurrence) Procédure négociée sans
publicité
Adjudication Appel d’offre Procédure négociée
avec publicité
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Avec mise en concurrence Sans mise en concurrence
(7 hypothèses) (4 hypothèses)
Mode Ouvert (1 phase) Restreint (2 phases)
Adjudication Adjudication publique Adjudication restreinte
Appel d’offres Appel d’offres général Appel d’offres restreint
Procédure négociée avec
publicité Non Oui9
Procédure négociée sans
publicité La phase de sélection qualitative peut être formalisée par
le pouvoir adjudicateur
B. Principe du forfait
Il s'agit d'un mode de détermination des prix qui implique que l'adjudicataire, c'est-à-dire le
cocontractant du pouvoir adjudicateur, doit effectuer la totalité de ses prestations à un prix
normalement définitif.
Il existe toutefois des tempéraments à ce principe : la clause de révision des prix en fonction
de certains paramètres, le droit dans certaines hypothèses pour l'adjudicataire de réclamer
une augmentation du prix de sa prestation suite à un préjudice très important subi, …
CHAPITRE 1ER. MARCHÉS PUBLICS CONJOINTS
1. NOTION
A. Contours juridiques
Le marché public conjoint peut être défini comme un marché public regroupant deux ou
plusieurs pouvoirs adjudicateurs, dont la passation et l’exécution leur sont donc communes
et qui est dirigé par un seul pouvoir adjudicateur désigné pilote et ce, en vue de répondre à
des besoins communs (article 19 de la loi du 24 décembre 1993).
L’article 38 de la loi du 15 juin 2006, non encore en vigueur actuellement, ouvre la possibilité
aux particuliers de participer aux marchés publics conjoints alors que la législation actuelle
n’admet que les pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article 4 de la loi du 24 décembre 1993.
B. Avantages et inconvénients
Le marché conjoint présente de nombreux avantages: simplification administrative,
efficience, économies d’échelle, gestion d’un domaine spécifique par un autre pouvoir
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9 Notez que la nouvelle réglementation introduit un nouveau mode hybride: la procédure négociée
directe avec publicité qui permettra à la fois de faire de la publicité, de négocier et de régler la
sélection qualitative en même temps que l’analyse des offres.
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